Je n'ai plus le temps d'attendre

de Jean-Louis FOURNIER

Aux Editions Lattes

Je n’ai plus le temps d’attendre Jean-Louis Fournier • Éditions J.-C. Lattès

Ne jamais attendre pour le plaisir…

Jean-Louis Fournier est un écrivain-humoriste-réalisateur. Il a reçu le prix Femina en 2008 pour son livre Où on va, papa ? Il a été longtemps le complice de Pierre Desproges, notamment sur La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède. Il a souvent l’humour noir et désabusé d’un écorché vif, il faut dire comme il l’avouait très récemment dans une interview en matière d’emmerdes, j’en ai eu de somptueuses. En effet il a eu non pas un mais deux enfants handicapés… Son livre Où on va, papa et une pièce de théâtre témoignent de cette histoire. 

Rassurez-vous ce petit bouquin (160 pages) n’est absolument pas triste. Bien au contraire, c’est un concentré d’humour, d’aphorismes, de mélancolie

des proches disparus, de réflexion sur le rapport au temps, entre l’impatience de l’enfant gâté, tout, tout de suite et l’éloge de l’attente, du désir, le savoureux moment du trajet vers la femme aimée, qu’on va rejoindre. Quand je monte, je monte chez toi… disait la chanson (pour les plus anciens), les heures, les minutes qui précèdent l’amour sont déjà palpitantes. Quelques passages pour vous titiller les papilles : Je ne voulais pas attendre plus longtemps pour vous écrire, vous parler de mon impatience, peut-être pour apprendre à attendre et ne plus être l’enfant gâté qui veut tout, tout de suite. En attendant, j’attends le bonheur et mon plombier. Pour faire un éclair il faut accepter d’être longtemps un nuage… Nietzsche. Une autre citation de Siri Hustvelt qui me parle particulièrement : j’aime la peinture parce que, dans son inaltérable immobilité, elle paraît exister en dehors du temps d’une manière impossible à toute autre forme d’expression. Un tableau crée l’illusion d’un présent éternel, d’un lieu où mes yeux peuvent se reposer comme si le tic-tac de la pendule avait cessé par magie. L’urgentiste a deux filles, des jumelles. Pour gagner du temps, il les a faites en même temps. Il les a appelées Patience
et Urgence. Il s’entend bien avec les deux. Il faut de la patience pour soigner les urgences. Ce petit livre, à la demande de son éditrice, est une respiration salutaire, particulièrement après ces temps de confinement et de restrictions ou l’attente a pris toute son ampleur. C ’est certes un peu court on a l’impression que l’auteur a eu l’impatience du mot fin. Vous pourrez le savourer le temps d’un Paris-Deauville (seulement pour le passager, sinon vous risquez de ne pas attendre pour rejoindre le paradis) ou en une soirée entre deux romans. Il m’a fait penser à cette cuisinière qui vous prépare avec amour pendant des heures une magnifique pâtisserie que vous dégustez en quelques minutes, peu importe le temps, le goût reste gravé, parfois des décennies sur notre palais, telle la madeleine de Proust. Ce petit bouquin ne restera pas gravé dans votre esprit pendant des décennies, juste un agréable moment, ça n’est déjà pas si mal.

Joël ITIC

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