Belle plume…
Isabelle Duquesnois fut pour moi une révélation dès ses premiers livres L’Embaumeur, La Chambre des Diablesses, dont je t’ai proposé, cher lecteur, les critiques dans ces colonnes. Si tu ne m’as pas suivi à l’époque, précipite-toi, sans oublier La Pâqueline. Une des meilleures écrivaines actuelles, avec une culture des xviie et xviiie siècle impressionnante mais surtout un style inimitable, parfois rabelaisien, qui vous transporte à cette époque comme si vous regardiez l’intrigue à travers le trou de la serrure. En ces temps moroses, une évasion.
Liselotte est orpheline, ses parents décédés récemment, sont des petits-bourgeois de province qui n’ont laissé que des dettes pour héritage. Son frère, Jacques, récupère leur vieille bâtisse, les femmes en ce temps-là étaient peu de chose et les fils passaient avant pour les héritages. L’odieux Jacques propose à sa jeune et ravissante sœur, sans le sou, le couvent ou le bordel. Pour échapper à ce triste avenir, il pousse Liselotte dans les bras d’un riche et vieux barbon, nobliau de province, le baron Casimir Cadet de Beaupré. Ce vieux baron, rustre et grincheux s’est entiché d’un énorme perroquet agressif, qui peut sectionner de son bec, le doigt de quiconque approche son maître, particulièrement si c’est une femme. Un mariage, en grande pompe, est rapidement organisé, il faut étaler sa richesse aux yeux des autres nobliaux provinciaux. Mais le baron est avant tout préoccupé de s’assurer un héritier, il impose à la jolie roturière ses assauts lubriques, tout en l’initiant aux usages de la noblesse et à l’élevage de ses chers oiseaux, répartis dans différents enclos et volières de son vaste domaine. Liselotte se soumet de bonne grâce et devient ainsi la baronne de Beaupré.
Bientôt victime de ce qu’on appelait alors une crise d’apoplexie, Casimir de Beaupré, cloué à son lit et aphasique, laisse son domaine à l’abandon et sa femme sans ressources. Néanmoins, le baron étant décédé sans descendance, Liselotte hérite du domaine de Beaupré. Une amie de feu son mari, la marquise Sophie d’Aubigny, qui a ses entrées à la cour, se prend d’affection pour Liselotte et lui conseille de développer la production des plus belles plumes de son élevage d’oiseaux. La Reine, Marie-Antoinette, s’entichera bientôt des plumes de Liselotte et décide de lui en passer commande. La baronne entreprend alors de repeupler son domaine d’espèces exotiques et précieuses, autruche, perdrix rouge, cygne noir, perroquet géant, avec le soutien de Narong, un mystérieux étranger venu du Siam. Mais la colère du peuple gronde, bientôt 1789…
Isabelle Duquesnoy ne se contente pas de nous entraîner dans le romanesque, beaucoup plus romantique que dans ses ouvrages précédents, elle nous livre aussi une véritable étude sociologique, sur la condition des femmes aux XVIIe et XVIIIe siècle, sur les mœurs de cette époque, sur les meubles, les coutumes vestimentaires et la hiérarchie très stricte au sein de la noblesse. Une baronne, le dernier rang de la noblesse ne peut être reçue à une fête ou une cérémonie, dans la demeure d’une marquise.
Une hiérarchie identique régnait pour le personnel de maison, les cuisinières, par exemple, n’avaient pas accès aux étages nobles réservés aux valets et femmes de chambre. Isabelle Duquesnois nous prend sous son aile et d’une plume légère nous envole vers le tome 2, attendu avec impatience.
J’ai relevé une expression délicieuse : Le baiser Lamourette, celui-ci consiste à se réconcilier sans aucune sincérité. Nos politiques ne s’en donnent-ils pas des milliers avant les élections ?