Le prix

Cyril Gely

Rubrique A lire - Novembre 2020 / AOnews # 38


en lui permettant de fuir. La vérité est comme souvent protéiforme. Par certains aspects ce dialogue, réquisitoire réciproque, me rappelle celui qui aurait pu exister entre Hannah Arendt qui fut l’étudiante de 18 ans follement amoureuse avant la guerre, de Martin Heidegger pourtant fasciné par l’idéologie nazie. Fut-elle aveuglée par l’amour qu’elle vouait à Heidegger ? En tous les cas ce fut certainement l’origine de sa réflexion sur la banalité du mal. Joute verbale imaginaire également entre Richard Strauss et Stephan Zweig qui collaborèrent sur l’opéra « La femme silencieuse » (superbe pièce de Ronald Harwood, Collaboration). Stephan Zweig fuira l’Allemagne pour se suicider au Brésil en 42 tandis que Strauss assumera ses ambiguïtés, sa belle-fille et donc ses petits étant juifs. Il se montra d’ailleurs complaisant avec le régime nazi, qui utilisa largement sa renommée, mais il exigera néanmoins en 1935 que le nom de Zweig figure sur l’affiche lors de la création de cet opéra, ce qui faillit lui couter très cher.

Collaboration, double sens et lourd de sens ? Travailler ensemble ou collaboration-compromission ? On rejoint par cette digression l’argument d’Otto Hahn qui justifie la publication de l’article sur la fission nucléaire en solitaire par le fait qu’associer son nom pour un allemand avec celui d’un juif était passible des pires sanctions.

Les dialogues de ce roman sont ciselés magistralement, point de cri, point d’éclats de voix mais des arguments affutés de part et d’autre comme des lames qui blessent à tous les coups. J’ai imaginé au fil de la lecture de ce roman la pièce de théâtre qui, à coup sûr, en sera tirée. J’ose suggérer à l’auteur les deux comédiens qui pourraient incarner Lise et Otto, à savoir Niels Arestrup et Fanny Ardant. J’ai hâte que cette fission théâtrale devienne réalité.

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