Diplomates et espions français,héros oubliés, Balkans 1940-1945

René Arav, en collaboration avec Jeanne Montagnon

Préface d’Alain Pierret • Éditions Les Impliqués

 

Expropriations, humiliations, privations, spoliations, travail forcé, tortures, fusillades massives, trains de la mort, sous-alimentation dans les camps de concentration, et dans les chambres à gaz des camps d’extermination, fours crématoires, tel fut le triste sort de 6 millions de Juifs d’Europe au cours de la Seconde guerre mondiale. Sobibor, Treblinka, Maidaneck, Auschwitz-Birkenau, Dachau, Mauthausen, résonnent encore dans nos oreilles comme la pire insulte commise à l’égard de l’humanité toute entière et à la dignité humaine. Certains pays, pour ne citer que la Pologne, l’Ukraine, la Biéolorussie, joueront un rôle majeur et décisif, dans l’élaboration macabre de la Shoah, d’autres se montreront plus discrets … Certains pays, comme la Bulgarie par exemple, tenteront de s’opposer à cette sourde infamie. C’est d’ailleurs le 1er mars 1941, sous la pression de l’Allemagne qui souhaite consolider sa position dans les Balkans après l’échec de Mussolini dans la guerre contre la Grèce, que la Bulgarie rejoint les puissances de l’Axe. Elle signe le Pacte tripartite, et déclare la guerre au Royaume-Uni et aux Etat-Unis, mais étrangement pas à l’URSS, et ne participera d’ailleurs pas à son invasion aux côtés du Troisième Reich. Un choix qui s’avérera judicieux par la suite.

 

Après la capitulation, de la Grèce et de la Yougoslavie, l’armée bulgare pénètre dans les territoires conquis par l’armée allemande en annexant du même coup la Macédoine et la Thrace occidentale. Environ 8 000 soldats bulgares seront tués ou blessés dans les combats de la Yougoslavie, et de la Grèce, et 32 000 tués ou blessés dans les combats contre l’Axe. De juin 1941 à la fin de 1943, les partisans bulgares exécutent environ 2200 actes de sabotage. Les forces armées et la police bulgare engagent des milliers d’actions en essayant de détruire les mouvements résistants par de nombreuses opérations militaires et actions de pacification. Lourd bilan …

 

Les Juifs de Bulgarie ne subiront pas tous le même sort !

 

De son côté le roi Boris III, refuse de livrer ses sujets juifs au Troisième Reich, une décision non sans risque cependant, afin de mettre lui-même en application sa propre solution à la question juive. Aussi refuse t-il de persécuter les juifs citoyens de son pays. Seuls les juifs macédoniens ex-yougoslaves et grecs des territoires annexés par la Bulgarie furent livrés aux allemands. Un choix sélectif qui n’est évidemment pas sans conséquences sur le plan diplomatique et qui prête politiquement et humainement à caution. Alors que les pressions exercées par les nazis sur le roi Boris III sont quotidiennes, et bien que le Parlement bulgare ait adopté une législation antisémite dès décembre 1940, loi de protection de la nation, conçue selon le modèle nazi de la loi protection du sang et de l’honneur allemands. Ces dispositions privent les juifs bulgares de droits civils, économiques et politiques. Le 4 mars 1943, la quasi-totalité des juifs de la Thrace occidentale sont arrêtés et envoyés aux camps de détention provisoire de Gorna Djoumaya (Blagoevgrad) et Doupnitsa en Bulgarie du Sud-Ouest. Les 18 et 19 mars ils sont acheminés par train dans les camps d’extermination en Pologne, où périrent 4021 d’entre eux. Ce sont moins d’une centaine de déportés qui survivront à l’horreur… Le 11 mars, les juifs de la Macédoine du Vardar sont arrêtés à leur tour, regroupés massivement et sans aucun ménagement à Skopje pour être déportés à Treblinka, quelques jours plus tard. Ainsi presque tous les juifs macédoniens, environ 7500, ont trouvé la mort dans les chambres à gaz. Au total, ce sont plus de 11343 juifs des nouveaux territoires qui ont été sacrifiés par le gouvernement bulgare pensant ainsi avoir payé de cette façon, sa dette envers le régime nazi.

 

Diplomates et espions français, héros oubliés !

 

C’est dans ce contexte d’une rare complexité, et finalement quelque peu rocambolesque dans les faits, que René Arav né en 1928 (avec la collaboration de Jeanne Montagnon), rescapé de cette triste période, nous livre un témoignage particulièrement inédit et émouvant. Accompagné d’une préface éloquente de l’Ambassadeur honoraire Alain Pierret, R. Arav rétablit en quelque sorte la vérité sur ce sujet, dans un langage concis et sans travestissement aucun, se voulant plutôt comme un récit auto-biographique, mais intégrant scrupuleusement les schèmes de l’histoire au quotidien, vécue au jour le jour, avec parfois des anecdotes cinglantes et réalistes qui invitent au respect.

 

J’ai poursuivi toutes mes études, de la maternelle au bac, au collège catholique appartenant aux Frères des écoles chrétiennes disséminées dans le monde entier. Les familles devaient avoir les moyens financiers suffisants pour faire face à une scolarité onéreuse. La journée commençait avec la prière et se terminait avec une seconde prière avant le retour à la maison. Parmi les souvenirs très variés qui me reviennent, j’ai appris dans cet établissement, la solidarité, le respect des règles de la démocratie, de la tolérance. La pratique de la religion se faisait dans la discrétion et, heureusement pour moi Français, j’ai toujours bénéficié de la protection directe et chaleureuse des enseignants bulgares et français. Un rappel qui n’est pas anodin, et qui va vraisemblablement permettre au jeune Arav de comprendre les méandres de la guerre et certainement et plus habilement, apprendre à survivre face à la menace permanente de la déportation. Nos amis chrétiens ont montré de la solidarité pas seulement à la fin de la guerre quand tout était perdu pour l’Allemagne nazie, je me dois de le souligner, mais dès le début des persécutions nous concernant. Seuls quelques lâches, psychopathes et autres malveillants en profitaient pour nous insulter, essayaient de nous bousculer en toute impunité. Avec un attachement très marqué à la France de l’époque : La culture française dominait dans cette partie du monde. Les différents messages transmis grâce à la Révolution française s’étaient propagés dans le monde entier et en particulier en Europe et dans les Balkans. C’est la France avec la Révolution française qui a transmis son message de liberté, de tolérance et de fraternité. Sa culture humaniste a rayonné. Quant à l’Allemagne nazie, son ambition était de détruire cette influence. Et pour cause ! L’hégémonie Allemande nazie n’a pas pour creuset naturel le sens de la liberté et de la fraternité entre les hommes, elle emploie au contraire un message de haine pour diviser l’humanité. Frères contre Frères en somme ! De cela René Arav est bien conscient dès les premières heures du conflit mondial et il choisira rapidement son camp, au moins pour sauver l’honneur de toute une communauté martyrisée jusqu’au dernier souffle de vie. Tout a commencé à se dégrader à partir de la défaite de la France en juin 1940.

 

Un récit donc qui se veut à la hauteur de salutaires convictions et s’acharnant à vaincre la duplicité des hommes, en faveur d’une conscience plus souterraine d’une liberté durement acquise au cours des siècles, et sans jamais remettre en cause son lumineux message d’espoir. Et en dépit des apparences, le présent ouvrage ne s’établit pas en insondable réquisitoire, où la revanche serait de mise. René Arav a préféré contourné habilement cet écueil comme une ultime sagesse, en privilégiant plus adroitement le devoir de mémoire. Merci à lui !

 

Avec l’aimable autorisation de Jean-Luc Favre Reymond, secrétaire général des AIAM et collaborateur à la Fondation Charles De Gaulle.

 

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