Bernard Schlink, vous le connaissez forcement, c’est l’auteur de l’inoubliable Le Liseur publié en 1999. Michael en rentrant du lycée rencontre Hanna une femme de 20 ans son aînée et dont il deviendra l’amant. Il la rejoint chez elle tous les jours pendant plusieurs mois et en préliminaire de leurs ébats amoureux, il lui fait des lectures à haute voix. Hanna, mystérieuse et imprévisible, disparaît du jour au lendemain. Il la retrouve sept ans plus tard par le hasard de ses études de droit dans un tribunal où elle est jugée avec d’autres coaccusées pour avoir été gardienne dans un camp de concentration. Elle semble aussi étrangère à son procès que le Meursault de Camus et sera condamnée à la perpétuité. Le conflit intérieur de Michael, entre l’amour de son adolescence et la détestation de ce qu’elle a fait pendant la guerre, sera magnifiquement rendu au cinéma par Stephen Daldry. Les deux acteurs principaux Kate Winslet et Ralph Fiennes y sont remarquables, c’est, pour moi, une des rares adaptations cinématographiques à la hauteur du livre.

Olga, l’héroïne de ce dernier roman, est née en Silésie, après la mort de ses parents, et est envoyée dans l’Est de la Prusse du XIXème siècle. Orpheline, elle vit chez sa grand-mère dans un village coupé de toute modernité. Cette grand-mère, incapable du moindre amour, fait d’Olga une rebelle (elle refuse la germanisation de son prénom en Helga). Malgré la solitude, elle est curieuse et avide de lecture, elle rêve de devenir enseignante. Herbert est le fils d’un riche industriel et habite la maison de maître. Tandis qu’elle se bat pour un poste d’institutrice (dissuadée en cela par sa grand-mère, le pasteur et l’instituteur, en ce temps-là Monsieur …..), lui fasciné par Bismark et l’expansionnisme de la grande Allemagne, rêve d’aventures et d’exploits pour la patrie. Amis d’enfance, puis amants, ils vivent leur idylle malgré l’opposition de la famille de Herbert et ses voyages lointains en Afrique. Abandonnée pendant des mois par l’égoïste amant qui ne lui accorde que des bribes d’amour, Olga se réfugie dans l’écriture de longues lettres. Malgré l’injonction de ses parents à se marier avec une femme de son rang et à reprendre la succession de la riche exploitation familiale, Herbert restera fidèle à Olga. Il entreprend néanmoins une expédition très dangereuse en Arctique dont elle n’aura pas de nouvelles pendant des mois. Elle se lie d’amitiés avec un jeune garçon, Eik, qu’elle considère un peu comme son fils et à qui elle confie les secrets de sa triste vie. Olga traverse ainsi les deux guerres mondiales, Eik devient un nazi fervent (les fantômes de Schlink planent toujours !!) elle décide de ne plus le revoir. A la suite d’une mauvaise grippe, elle devient sourde et obligée d’abandonner son poste d’institutrice, elle est prise comme couturière dans une famille bourgeoise.

La construction du roman devient assez déroutante à ce moment-là, car on est seulement au tiers du livre et on voit poindre la fin prochaine de la vie d’Olga. Tout comme dans un film, malgré le suspense, on se dit que le héros ne peut mourir dès le début. En, fait Olga se lie d’amitiés avec Ferdinand, le fils de cette famille d’adoption, et c’est lui, qui à la mort d’Olga, reprend le récit dans cette deuxième partie, part à la recherche des nombreuses lettres de celle-ci à son bien aimé. Elle y raconte son quotidien, ses reproches, ses déceptions mais au final son amour reste intact. On découvrira ainsi dans ces dernières lettres le secret d’Olga.

Avec ce récit dense et foisonnant, on traverse l’histoire de l’Allemagne, du séisme de la dernière guerre avec cette femme, discrète presque effacée mais admirable dans l’adversité de sa vie, qui reste amoureuse jusqu’au dernier souffle. Bernard Schlink avec un style épuré et poétique nous peint un émouvant et magnifique portrait de femme. Certains passages m’ont évoqué le non moins magnifique Lettre d’une inconnue de Stefan Zweig qui reste quoiqu’il arrive sur les premières marches de mon Panthéon littéraire.

 

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