Une femme, rabbin, intellectuelle progressiste… L’exception juive
Cet essai de Delphine Horvilleur m’a remémoré inévitablement une lecture de ma jeunesse, la fameuse Réflexion sur la question juive de J.-P. Sartre, livre écrit peu après la guerre dont la lecture à l’époque m’avait laissé perplexe avec une certaine amertume. En effet J.-P. Sartre, grand idéologue de gauche, qui malgré tout pendant la guerre, avait fait rentrer Simone de Beauvoir au journal très collabo « Je suis partout », journal qui avait consacré le philosophe… écrivain de l’année !! La gauche a parfois des amitiés particulières, il paraîtrait même qu’un certain président aurait été décoré de la Francisque par Pétain (le label « de gauche » lave finalement toutes les taches du passé). Avec cet essai de D. Horvilleur j’ai enfin la réponse à ce malaise, tout est en fait synthétisé dans les titres respectifs de ces deux ouvrages, en effet Sartre qui n’avait ni la culture de l’histoire juive ni la connaissance effective du peuple juif, conclue que le juif est le simple produit de l’antisémitisme, on n’est pas très loin de la caricature « supprimez les juifs, il n’y aura plus d’antisémitisme ». La solution Sartrienne pour supprimer l’antisémitisme, était de bâtir une société sans classe (la vieille lune qu’a traîné, et traine encore, la gauche) comme si les juifs appartenaient de fait à une classe supérieure. Pour Sartre le juif se voit dans le miroir de l’antisémite, cette interprétation est tout simplement la négation de l’identité juive, il pensait que « ce n’était ni leur passé, ni leur religion, ni leur sol qui unissaient les fils d’Israël, et que bien que le juif fût parfaitement assimilable, il se définissait comme celui que les nations ne voulaient pas assimiler » On ne peut être plus « à côté de la plaque » car c’est précisément leur passé, leur religion et leur aspiration à un sol commun qui définit leur l’identité. De mon point de vue les juifs sont des porteurs d’histoire bien au-delà de leur racine religieuse. La vision de Delphine Horvilleur est radicalement différente de celle de Sartre, le problème ce n’est pas les juifs mais toujours et d’abord les antisémites, et dès le titre de l’ouvrage la question est beaucoup plus subtile : Qu’est-ce qu’un antisémite ? « Le démocrate n’est pas fou. Il se fait l’avocat du Juif parce qu’il voit en lui un membre de l’humanité ; or, l’humanité a d’autres membres qu’il faut pareillement défendre, le démocrate a fort à faire : il s’occupe du Juif quand il en a le loisir ; l’antisémite n’a qu’un seul ennemi, il peut y penser tout le temps ; c’est lui qui donne le ton. Vigoureusement attaqué, faiblement défendu, le Juif se sent en danger dans une société dont l’antisémitisme est la tentation perpétuelle. Voilà ce qu’il faut examiner de plus près. »