Une joie féroce de Sorj Chalandon

Une Joie féroce de Sorj Chalandon aux Editions Grasset

 

Les raisons de la colère…..

 

« C'est l'histoire de trois femmes. Elles se sont aventurées au plus loin. Jusqu'au plus obscur, au plus dangereux, au plus dément. Ensemble, elles ont détruit le pavillon des cancéreuses pour élever une joyeuse citadelle. »

 

Sorj Chalandon, journaliste et écrivain, a été confronté lui-même au cancer, le sien et celui de sa femme. Il se glisse avec une infinie sensibilité dans la peau de Jeanne pour nous faire partager le combat contre ce cancer du sein si particulier tant il touche, bien au-delà du physique, à l’intime et à la symbolique de la féminité. Jeanne la pudique jusqu’à la transparence est magnifique par sa simplicité, son empathie, elle écoute, parle peu, s’excuse de tout et tout le monde l’aime à la librairie dont elle s’occupe. Tout le monde l’aime sauf Matt son mari qui vit à coté plutôt qu’avec elle depuis la perte d’un enfant quelques années auparavant. Jeanne est brusquement frappée par la maladie. Le radiologue en analysant ses examens trouve « un petit quelque chose » dérisoire sentence pour ne pas nommer l’implacable verdict. Tout s’écroule autour d’elle, son mari s’éloigne lâchement. Il ne peut supporter les relents médicamenteux que la peau de sa femme exprime. Elle rencontre alors Brigitte dans l’antichambre de la chimiothérapie. Brigitte lui propose de venir habiter chez elle avec deux autres compagnes d’infortune : Assia, l’écorchée vive et la mystérieuse Melody. Jeanne la pudique, la résignée entre en résistance, s’éprend de liberté et devient une combattante qui gueule, griffe et s’embarque dans un hold-up improbable à l’initiative de Brigitte. Dans cette première partie du roman Sorj Chalandon s’est glissé dans la peau de Jeanne de façon si intime et si sensible qu’on pourrait croire ce roman écrit par une femme. Il nous fait ressentir tout le désarroi de cette femme brisée par la maladie et l’abandon de son mari. L’écriture est douce, empathique et subtile, Sorj Chalandon a l’art d’alléger son propos de touches d’humour parfaitement ciselées. Certes cette première partie du roman est assez dure mais tellement touchante, on aurait envie de prendre Jeanne par l’épaule pour la soulager dans sa maladie.

 

La deuxième partie du roman bascule avec nos quatre héroïnes dans un polar assez improbable mais néanmoins prenant car il s’agit grâce au butin du hold-up place Vendôme de sauver l’enfant de Melody. Même si l’on ni croit pas vraiment on se prend au jeu et le suspense vous tient jusqu’au dénouement. C’est surtout un cri d’inconscience et de liberté de ces femmes et un but, peut être ultime, pour surmonter la maladie. La fin du roman est très inattendue, par la subtilité des sentiments c’est la partie qui m’a le plus enthousiasmé.

 

C’est la joie féroce de l’insoumission, de la colère contre l’injustice de la maladie et de la renaissance par la transgression. C’est un livre de femmes écrit par un homme c’est en cela assez rare pour être primé.

 

Retour au MagRetour à l'accueil