Impact du bruxisme sur nos choix quotidiens

Daniel Brocard et Olivier Étienne - Responsable scientifique : Mickaël Cotelle

Dossier ADF 2022 : morceaux choisis par la team AONews – AO News #56 – Février 2023


Traitements prothétiques chez les patients bruxomanes : l’épreuve du temps,

Daniel Brocard

 

Daniel Brocard a commencé cette conférence par quelques rappels sur le bruxisme et le patient bruxiste. Les causes étiologiques sont multifactorielles, et les répercussions sur la santé sont nombreuses.

On distingue le bruxisme qui n'est pas un facteur de risque ou de protection (alors un comportement anodin), le bruxisme comme un facteur de risque (qui a un ou plusieurs effets négatifs sur la santé), et le bruxisme comme un facteur de protection (qui a un ou plusieurs effets positifs sur la santé). Ainsi, le bruxisme peut parfois augmenter la salivation, ou à l’inverse être associé à l’apnée du sommeil (sans relation de cause à effet).

On distingue aussi le bruxisme d’éveil et le bruxisme du sommeil. Ces bruxismes peuvent être un bruxisme possible, qui est basé uniquement sur une auto-déclaration positive, un bruxisme probable qui est basé sur une inspection clinique positive, avec ou sans auto-évaluation positive, et enfin le bruxisme certain qui est basé sur une évaluation instrumentale positive, avec ou sans une auto-évaluation positive et/ou une inspection clinique positive.

Ces nombreuses catégories montrent à quel point il est primordial et complexe de réaliser d’abord et avant tout le bon diagnostic du bruxisme sur notre patient.

Quid de la prise en charge ? Comment traiter le patient dans ces cas-là ?

Nous avons pour le moment que peu d’actions efficaces. En effet, on recherche à modifier des comportements qui sont la plupart du temps inconscient chez nos patient. Pour le moment, nous traitons les conséquences de ce bruxisme. D’où l’importance de l’information et de la prévention chez nos patients le plus tôt possible. On remarquera par exemple des facettes d’usures lisses et brillantes chez nos patients atteints de bruxisme. En général, une gouttière nocturne est réalisée pour protéger les dents, et au bout d’un certain temps le bruxisme aura le même effet sur la gouttière que sur les dents. Le dispositif ne fait ici que protéger les dents.

L’intervenant nous a présenté une série de cas cliniques, où il montrait toute l’importance, comme vu auparavant, du bon diagnostic de bruxisme afin de choisir les meilleures thérapeutiques. Il est primordial, lors de la réalisation de prothèse, de régler les contacts occlusaux d’abord statiques, puis centrifuges et centripètes avec des papiers articulés de 10 microns d’épaisseur de deux à trois couleurs différentes. Sur certains des cas cliniques présentés, on remarque que les contacts occlusaux 13 ans plus tard sont complètement différents de ceux de l’état initial, bien que les restaurations n’aient pas été changées. En effet, il est très important de réaliser un contrôle d’occlusion régulier lors des rendez-vous de contrôle de nos patients afin de prévenir d’éventuelles casses à la suite d’un changement d’occlusion. Toujours dans d’autres cas cliniques, les contacts occlusaux en OIM sont différents 23 ans après la pose des prothèses. D. Brocard nous a montré par le biais de ses cas cliniques que les patients bruxistes usent mêmes les couronnes céramo-céramiques.

 

Quid des restaurations implanto-portées ?

 

Le bruxisme est un facteur de risque pour les implants. On retrouve des complications mécaniques, telles que des usures, fractures, mais aussi des dévissages de vis, voire des fractures de vis. On retrouve aussi des complications biologiques, par risque de perte osseuse (à cause de surcharge occlusale), cependant les résultats des études sur les complications biologiques sont assez incohérents pour la simple raison qu’il est délicat et difficile de définir le bruxisme (un bruxisme d’éveil ? de sommeil ? etc, …) puis les causes de la perte osseuse (surcharge occlusale ? bactéries ? etc, …). Cependant, les études montrent quand même que l’os réagit bien à une pression progressivement importante, mais trop de contraintes peuvent finir par évoluer en résorption.

 

Quelle attitude avoir devant un patient bruxiste ?

 

Nous nous devons de l’informer et de le prévenir au maximum des pronostics de sa denture. Nous cherchons absolument l’adhésion du patient au plan de traitement et au pronostic. Par la suite, le traitement occlusal se doit d’être rigoureux, et enfin la protection des dents est indispensable (gouttières nocturnes extrêmement importantes).

Cette même gouttière nocturne est en général faite au maxillaire. Cependant, elle pourrait tout à fait être réalisée à la mandibule aussi, bien que les contacts en guidage soient beaucoup plus simples à régler lorsque la gouttière est au maxillaire. Dans certains cas extrêmes, une gouttière de jour peut être proposée.

 

Bruxisme et matériaux de restauration : lesquels choisir ? Olivier Étienne

 

Olivier Étienne a ensuite pris la parole pour choisir quel matériau de restauration prothétique en cas de bruxisme en 2022. Quoi qu’il arrive, les travaux se détériorent avec le temps, rien de ce que nous réalisons n’est éternel. Les cas complexes d’érosion et attrition sont compliqués à prendre en charge. Pour les restaurations postérieures, qui se déclinent en inlays, onlays, overlays et couronnes, les comportements et les choix de nos matériaux vont avoir une implication primordiale dans la pérennité de nos traitements

On retrouve d’abord la vitro-céramique renforcée au disilicate de lithium, comme l’Emax® ou le Lisi®. L’Emax a des cristaux longs et fins, aigus tandis que le LiSi a des cristaux plus petits, plus arrondis et moins abrasifs. Nous devons le prendre en compte en pensant à l’usure de la dent antagoniste tout autant que de notre dent à restaurer. (Fig. 2)

Nous pouvons aussi retrouver les composites non hybrides, polymères tels que les Telio, Vita-cad.

 

Quid des composites directs ? De laboratoire ou usinés ?

(Fig.3)

Bien que les composites de laboratoires vieillissent en général moins bien que les composites usinés, nous avons vu dans les études que les composites usinés ont un taux de conversion proche de 95% alors que les composites de laboratoires et directs ont des taux de conversion autour de 50 à 60%. Nous privilégierons donc les composites usinés. (Fig.3) Les composites hybrides, tels que l’Enamic ® (Vita) sont à prendre aussi en compte. Chaque composite a des équilibres de charge/matrice différents et donc permet plus ou moins de résistance, et donc plus ou moins d’abrasivité.

La résistance de la céramique est cependant plus importante, ainsi qu’à la coloration et à l’usure.

O. Étienne conseille donc de mettre du composite en fond de cavité puis de faire une restauration en céramique afin de réaliser une restauration avec le meilleur mimétisme émail/dentine.

Il s’interroge sur le meilleur matériau de restauration et l’épaisseur de nos restaurations en cas de réhabilitation globale ? En analysant les modèles finis, on remarque que les forces vont en dehors de la dent pour les overlays composites tandis qu’elles vont vers la dent pour les overlays céramique. Pour les overlays composites, on a alors une déformation et une altération des joints entre l’overlay et la dent, ce qui met en péril la pérennité de notre traitement. Enfin, il n’y a pas de différence de comportement entre overlay et table-tops. (Fig. 4)

Si on décide de stratifier, il nous prévient qu’on augmente le risque de chipping en cas de couronne céramo-céramique ou de zircone stratifiée. On peut cependant utiliser de l’Emax qu’on stratifie, mais il devient obligatoire de la coller.

Enfin, les 2 conférenciers s’accordent sur le fait qu’il est primordial de régler les contacts dynamiques qui doivent être enregistrés sur papiers articulés. Il est très important de bien polir nos restaurations afin d’éviter les usures (surtout les zircones, qui usent moins les antagonistes car elles sont plus lisses si bien polies, face à de l’Emax qui peut encore plus user si elle est mal polie). (Fig. 5)