Une méthode pour le traitement des troubles de l'ATM

Dossier spécial "Appréhender les troubles temporo-mandibulaires" - AONews #20 Sept 2018

Wacyl MESNAY, Paris

Les troubles temporo-mandibulaires (TTM) sont des troubles polymorphes dont les principaux symptômes sont les douleurs, les blocages ou limitations de mouvements et des bruits articulaires. Pour le traitement initial de ces troubles, il est recommandé une approche médicale. Il faut d’abord soulager le patient et surtout ne pas nuire. La nécessité d’un traitement occlusal, orthodontique ou autres traitements dits « invasifs» est à considérer seulement après la résolution des symptômes initiaux par des moyens « non invasifs ».

 

La méthode préconisée est dite « METHODE-GUIDE ». Elle se constitue sur deux axes.

- Une plateforme Web : on y trouve une aide au diagnostic et au traitement ainsi qu’un support de communication pour le patient.

- Un dispositif « TM-JIG » : une BOA (Butée Occlusale Antérieure) qui accompagne le patient dans les différentes phases successives de son traitement, dans un temps limité et sous le contrôle du praticien.

Cette méthode et les préconisations qui l’accompagnent sont particulièrement adaptées à tous les praticiens non expérimentés dans la gestion des Troubles Temporo-mandibulaires pour une gestion simple et efficace, tout en prévenant et évitant les principaux écueils fréquemment rencontrés en pratique clinique dans ce domaine.

 

Les objectifs et les moyens de traitement

 

Le site ATM-GUIDE répond aux préconisations de la NIH (National Institut of Health) Institut National de la Santé aux USA.

Les Associations telles que L’AAOP (American Association of Orofacial Pain) ou l’EACD (European Academy of Craniomandibular Disorders) reprennent ces mêmes préconisations. Elles représentent les dernières acquisitions scientifiques dans ce domaine, sur la base d’études cliniques « basées sur des preuves ».

 

Les objectifs de traitement initial sont des objectifs fonctionnels :

- contrôler la douleur,

- obtenir une ouverture buccale satisfaisante,

- pouvoir mastiquer toutes sortes d’aliments,

- maintenir une stabilité anatomique,

- donner les moyens au patient pour éviter la récidive.

 

Les moyens de traitements sont des moyens « non invasifs »

Les traitements « non-invasifs » ne modifient pas les structures anatomiques ; ils sont réversibles et se compose de trois grands axes :

- soulager le symptôme par la pharmacothérapie, les orthèses,

- rééduquer le patient : par l’ergothérapie et la gymnothérapie,

- modifier le comportement : par de l’information et les thérapies comportementales.

 

La plateforme ATM-guide

Le site propose d’accompagner le praticien avec approche originale basée sur :

- un arbre décisionnel un formulaire informatisé pour la décision thérapeutique,

- une thérapeutique progressive pour guider pas à pas le praticien et le patient,

- une page patient pour l’information et l’accompagnement du patient

 

On y trouve une « aide à la décision thérapeutique » : un arbre décisionnel basé sur les symptômes du patient. Les trois symptômes initiaux sont, pour un TTM : la douleur, la limitation d’ouverture buccale, les bruits articulaires.

Le praticien suit le questionnaire informatisé sur les données exprimées par le patient. L’examen clinique est basé uniquement sur l’observation des mouvements mandibulaires et sur la plainte du patient, sans aucune nécessité de palpation ou d’auscultation.

Par exemple : le patient se présente à la consultation avec une douleur et une limitation d’ouverture. Le questionnaire posera des questions sur la forme douloureuse : douleur provoquée lors du mouvement, douleur spontanée dans la journée, douleur continue...etc. ;), puis viennent les questions sur la limitation d’ouverture : la limitation est-elle intermittente ou permanente, les mouvements de latéralités sont ils possibles... etc

 

Un diagnostic « différentié »

L’approche « généraliste » proposée par le logiciel ATM-GUIDE se fonde sur un diagnostic « différentié ». Il s’agit de mettre en évidence le trouble musculo-articulaire en procédant par élimination successive des « faux positifs » par différentes questions clés et une radiographie panoramique. Puis le questionnaire détermine l’origine articulaire et/ou musculaire.

 

Diagnostic différentiel et « faux positifs »

Les « faux positifs » représentent l’ensemble des pathologies présentant les mêmes symptômes qu’un TTM : c’est à dire les douleurs oro-faciales, les limitations d’ouvertures et les bruits articulaires, de façon concomitantes ou non.

 

Les pathologies « anatomiques »

Elles concernent les fractures, les tumeurs. Le protocole d’utilisation du logiciel ATM-GUIDE préconise la prescription d’une radiographie panoramique systématique complétée d’une zonographie des ATM bouche ouverte et bouche fermée. Celle-ci est effectuée de préférence par un radiologue qui en fera le compte-rendu. En cas de modifications des contours anatomiques, le diagnostic est fait par le radiologue. Une orientation médicale rhumatologique est alors préconisée.

 

Les douleurs oro-faciales

Les douleurs articulaires ou musculaires ne doivent pas être confondues avec d’autres douleurs oro-faciales. Elles sont identifiées à partir de leur « formes » par le questionnaire informatisé :

- les algies vasculaires sont des douleurs temporales, pulsatiles, qui se présentent en crise régulières ;

- les algies neurogènes ou neuropathiques, se présentent en crises violentes au niveau de la face ou de la mâchoire avec des troubles de la sensibilité ou des zones hypersensibles au contact ;

- les douleurs oro-faciales peuvent être également provenir d’une sinusite, une otite, ou de la région oculaire.

Une orientation médicale est préconisée, de préférence vers un « centre de la douleur ». Le site propose un lien vers l’annuaire des différents centres nationaux.

 

Le « Trouble Douloureux » (Douleur myofasciale)

Le trouble douloureux présente un symptôme amplifié et entretenu par une « détresse psycho-sociale ». Le « trouble douloureux chronique », la forme la plus intense, est ressenti comme un « fond douloureux permanent ». La préconisation sera de diriger le patient vers un centre de la douleur.

Plusieurs degrés de troubles douloureux sont identifiés par le questionnaire. Elles influencent le pronostic et la durée du traitement, mais restent compatibles à un traitement odontologique. Les préconisations seront différentes suivant les cas. Les troubles douloureux chroniques de grande intensité sont repérés par le questionnaire. Il indiquera une orientation vers les « centres de traitement de la douleur ».

La fiche thérapeutique

A l’issu du questionnaire, celui-ci fourni une « fiche thérapeutique ». Le praticien trouvera un complément d’informations utiles, une évaluation diagnostique, et surtout des conseils pour le traitement, son niveau de difficulté et enfin le pronostic. Par exemple, on pourra trouver des phrases telles que « pronostic favorable » ou « risque de traitement long » etc.…

La fiche indique également le niveau de difficulté par un code couleur : vert pour la facilité, orange pour la vigilance et rouge pour la difficulté extrême ; le traitement est déconseillé par un praticien non expérimenté.

Par ailleurs, cette page offre de nombreuses informations pouvant compléter la formation du praticien ou répondre avec plus de détails à certaines interrogations. Cette fiche est imprimable et archivable, elle tient lieu de compte rendu et peut être délivrée au patient.


Un tableau de bord pour la première phase du traitement (Fig 5)

Les premières étapes consistent à établir le diagnostic, envisager le plan de traitement, puis informer le patient pour un consentement éclairé. Dès la première séance des exercices peuvent être prescrits, souvent accompagnés d’une pharmacothérapie. Le « tableau de bord » réuni un ensemble de documents à consulter ou télécharger.

- Des fiches cliniques téléchargeables. La « fiche d’évaluation commentée » est la plus simple d’utilisation pour débuter, elle s’accompagne d’un mode d’emploi. Le lien contient d’autres fiches à utiliser suivant le degré de connaissance du praticien.

- Un livret d’éducation thérapeutique. Il contient une somme d’informations utiles pour le patient, concernant les troubles temporo-mandibulaires. On y trouve également des conseils pour les premiers exercices à effectuer. Il contient également une information sur le « stress » ainsi les différentes orthèses utilisées pour le traitement.

- Un lien pour la gymnothérapie pour des exercices spécifiques articulaires ou musculaires.

- Pharmacothérapie : on y trouve une sélection de différents médicaments antalgiques, anti inflammatoires, myorelaxants et anxiolytiques. Un lien direct avec l’Agence nationale « Base de Données Publiques des Médicaments » pour une mise à jour régulière.

- Diagnostic différentiel : Pour répondre au doutes du diagnostic différentiel devant certaines formes douloureuses complexes ou de grande intensité, ce lien contient un tableau de la sémiologie des différentes douleurs oro-faciales.

 

Un guide clinique et thérapeutique

 

Le TM-JIG (ou Temporo-Mandibular-Jig) est un dispositif occlusal guidant les différentes étapes de la thérapeutique, il ne doit pas être confondue avec une simple butée occlusale classique. Devant le coût social généré par les TTM et la difficulté des traitements proposés, nombreux experts se sont penchés sur la question d’une solution simple et économique pour un traitement praticable par tout omnipraticien. Les études cliniques ont montrés que l’utilisation d’une butée occlusale antérieure (BOA) donnait des résultats équivalents aux gouttières occlusales sur des critères fonctionnels. Ces auteurs la préconisent avec utilisation guidée et contrôlée pour l’évitement de ses effets secondaires sur l’occlusion.

Le TM-JIG est une proposition originale d’une solution globale pour le traitement précoce ou initial des TTM, sur la base d’orthèses préfabriquées. Il s’agit d’ « orthèses dynamiques » qui accompagnent les différentes phases de traitement pour le soulagement du symptôme, la rééducation fonctionnelle et la modification du comportement pour éviter la récidive. L’alternance du port des orthèses ainsi qu’une « éducation thérapeutique » soutenue par un livret à télécharger sont une réponse aux préconisations liées à l’utilisation de ces orthèses. La durée moyenne d’un traitement se situe à trois mois. La page « patient » du site informe, soutien et optimise la communication, la compliance et la relation thérapeutique.

Le TM-JIG est utilisé comme « outil transitionnel » ; un lien entre le praticien et le patient. Il objective les différentes étapes de traitements et favorise l’auto prise en charge du patient dans la résolution de son trouble car il intègre la dimension psycho-sociale dans la gestion du comportement.

Les différentes étapes de traitement sont décrites et s’accompagnent de documents thérapeutiques que le praticien peut télécharger.

Des orthèses

 

Lorsque le praticien le désire pour la suite de son traitement, deux types d’orthèses sont préconisés.

- Des GRM (gouttière de reconditionnement musculaire)

Il s’agit d’une gouttière élaborée en résine dure et d’un recouvrement occlusal complet. Son « design » et son utilisation sont largement commentés dans la littérature. Elles sont particulièrement indiquées pour les cas de bruxisme avancés.

- Des GAP (gouttières d’antéposition)

 

Une orthèse guidant la position mandibulaire dans une position avancée. Cette orthèse est particulièrement efficace pour les troubles articulaires, sans pour autant prétendre à une « recapture » du disque. Cliniquement, elle a un effet positif sur les bruits articulaires.

 

Le site préconise une orthèses particulière : l’OCA (orthèse de contention articulaire). Elle se compose de deux gouttières. Des attelles latérales maintiennent une légère propulsion (entre deux et trois mm). Elles sont réglables et ajustables par les tiges filetées bilatérales. Son action permet de contenir la position avancée, en particulier lors de sommeil, pour une véritable décompression des ATM, le temps de la récupération.


 

Conclusion

 

En médecine générale, lors d’une difficulté diagnostic, le praticien procède par « diagnostic différencié ». Après l’examen clinique, en cas de difficulté, les radiographies et une pharmacothérapie de large spectre constituent la première approche, c’est le « test thérapeutique ». Passé cette étape et en cas d’échec, le patient est adressé aux différents spécialistes possibles.

C’est la méthode préconisée par l’ATM-GUIDE : le diagnostic positif s’accompagne d’une série de diagnostics différenciés.

Les butées antérieures sont un outil thérapeutique permettant la réalisation de traitements non invasifs, peu onéreux et facilement abordable par le praticien. 80 % des patients peuvent être traité par cette méthode non invasive adaptée aux traitements initiaux des TTMs. Les études cliniques ont montrés que leur utilisation donnait des résultats équivalents aux gouttières occlusales sur des critères fonctionnels

Le TM-JIG est un outil que le patient utilise dans les différentes phases de traitement. A la différence d’une orthèse classique, ce n’est pas un dispositif destiné à demeurer en place. Il est utilisé de façon particulière suivant les différentes étapes du traitement. Tout d’abord l’orthèse maxillaire, le temps de la résolution du symptôme initial. Puis les deux parties se réunissent pour pratiquer les exercices. Enfin, l’orthèse mandibulaire est portée dans la journée pour contrôler et modifier le comportement.

Le traitement par le TM-JIG peut se suffire à lui–même dans la plupart des cas. Il est compatible avec une intervention ostéopathique ou kinésithérapique. Il prépare également, et dans de bonnes conditions, une réhabilitation dentaire ou orthodontique.

 

Bibliographie

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Management and Treatment of Temporomandibular Disorders: A Clinical Perspective