Troubles temporo-mandibulaires

une approche codifiée, rapide et efficace

AONews # 20 - Dossier spécial Appréhender les troubles temporo-mandibulaires (sept 2018)

Wacyl Mesnay, Paris

La bonne nouvelle, d’après les études cliniques validées, est que 80% des patients présentant des troubles de l’ATM sont gérables facilement par des traitements simples à la portée de tous les odontologistes. La moins bonne nouvelle est que ces mêmes praticiens manquent d’une méthode efficace pour aborder ces cas.

Alors que les Troubles Temporo-Mandibulaires (TTM), représentent un ensemble de signes et symptômes - connus sous les termes de SADAM (syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur) ou d’ADAM (algies et dysfonctionnement de l’appareil manducateur) ou encore de DTM (dysfonction temporo-mandibulaires) - ils sont notamment caractérisés, de façon concomitante ou non, par :

- des douleurs au niveau des régions pré-auriculaire, auriculaire, jugale et/ou temporale,

- une amplitude limitée des mouvements mandibulaires,

- des bruits articulaires de façon non systématique, au cours de la fonction.

Les TTMs sont la traduction de « Temporo-Mandibular Disorders » (TMD). Ils désignent une approche « fondée sur la preuve », sur des résultats thérapeutiques évalués et validés. Les conclusions ont fait l’objet d’un consensus international depuis 1996 (1).

 

Depuis ces 20 dernières années, la compréhension des troubles temporo-mandibulaires a connu une évolution remarquable. Les études scientifiques, l’apparition de nouvelles connaissances sur les mécanismes physiopathologiques responsables de l’origine et du maintien de la douleur, une meilleure compréhension des modifications tissulaires et les résultats des études et de recherches cliniques ont considérablement fait évoluer les traitements et la gestion de ces troubles handicapants et douloureux.

 

Les troubles temporo-mandibulaires sont une pathologie fréquente.

On considère classiquement que si 45 à 70% de la population générale présentent des signes, (2) 30% en ont conscience et 3 à 12 % seulement demandent un traitement avec une variabilité entre les hommes (0 à 10%) et les femmes (2 à 18%). (3,4) Selon Drangsholt et LeResche (5), les troubles temporo-mandibulaires sont rares dans l’enfance tandis que la prévalence augmente au cours de l’adolescence. Ils sont le plus fréquents à l’âge adulte (18 à 45 ans). Au cours de la sénescence, les troubles musculaires ont tendance à diminuer alors que la fréquence des troubles articulaires tend à se stabiliser. Enfin, la répartition des troubles temporo-mandibulaires selon le sexe varie en fonction des études (6,7), d’un rapport de 1 homme pour 2 femmes à 1 homme pour 10 femmes.

 

L’impact financier des troubles temporo-mandibulaires

a été évalué aux Etats-Unis d’Amérique au cours de l’année 2000 par Drangsholt et Le Resche (5). Pour ces auteurs, environ 5 millions d’américains suivent des séances de soins pour le traitement d’un trouble temporo-mandibulaire : pour un coût moyen de 400 dollars américains, plus de 2 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour le traitement des TTM. Aujourd’hui la NIH (1) estime que le coût s’est élevé à 4 milliards de Dollars. Par extrapolation, en considérant la population française comparable à la population américaine (demande de soins, sex-ratio, âge moyen de la population, PIB, ...), on peut évaluer approximativement les dépenses effectuées pour les troubles temporo-mandibulaires en France à plus de 600 millions d’euros par an.

 

L’étiologie des TTMs est souvent présentée comme multifactorielle.

Les troubles articulaires sont attribués à une surcharge de l’ATM. Le traumatisme peut être dû à un choc violent de la mâchoire (17,18). Dans d’autres cas il s’agit d’étirements ligamentaires provoqués durant la mastication, le bâillement, ou une ouverture forcée. (19). Le plus souvent il s’agit de microtraumatisme répété lors des épisodes de bruxisme ou de serrements dentaires. Les altérations des structures se traduisent secondairement par des bruits articulaires plus ou moins importants.

Lorsque la plainte principale est une douleur musculaire, les facteurs psycho-sociaux doivent être pris en compte. Les troubles musculaires ont une origine similaire à l’ensemble des troubles musculo-squelettiques généraux (TMS) telles que les cervicalgies ou les lombalgies. (20,21). Les facteurs émotionnels jouent un rôle important dans la plupart des cas (22,23). L’intensité douloureuse est très fluctuante dans le temps. Lorsque les facteurs psychologiques sont majorés, la douleur apparaît sous forme de crise, sans rapport avec la fonction (24,25).

Les états de stress, d’anxiété, de dépression sont alors à prendre en compte dans la gestion du trouble.

 

Les facteurs occlusaux ont longtemps été considérés comme un facteur principal, deviennent secondaires.

Dans une revue systématique de la littérature retenant 22 études contrôlées, Gesch et Col, (28) ne trouvent pas de corrélations avec tout type d’occlusion, excepté une faible corrélation pour l’articulé croisé postérieur. Une autre revue de littérature menée par Mohlin et coll., sur l’ensemble des études de 1966 à 2005, arrive aux mêmes résultats. Le rôle de l’occlusion est minime, la seule corrélation (légère) serait les cas présentant un articulé croisé postérieur avec une latérodéviation. Malgré les résultats des études cliniques, nombreuses et convergentes sur ce sujet. Il ne semble toujours pas y avoir un consensus entre les différents auteurs, tenants ou non de l’étiologie occlusale dans l’apparition des TTM. (30). Il est vraisemblable que l’explication se trouve dans les définitions étiopathogéniques et du diagnostic différentiel. Les troubles aigus, purement organiques et des troubles chroniques, dont l’intensité et la persistance sont soutenues par des facteurs psycho-sociaux, sont souvent confondus.

L’efficacité des traitements ont également été évalués par des études cliniques. Les traitements « classiques », visant à rétablir des normes occlusales par équilibration ou des moyens prothétiques, orthodontiques ou chirurgicaux ne donnent pas de meilleurs résultats que des traitements dits « réversibles » ou « non invasifs ».

 

Une prise en charge de type « médical ».

A la lumière de ces données récentes, les traitements s’orientent vers méthodes identiques aux traitements articulaires généraux, appliqués en rhumatologie médicale. L’objectif étant de soulager le symptôme, rétablir la fonction et maintenir une stabilité anatomique. Il s’agit de :

- soulager et protéger l’articulation par le moyen d’orthèses et d’une pharmacothérapie,

- rétablir la motilité musculo-articulaire par une rééducation fonctionnelle,

- prévenir la récidive par de l’information et des conseils délivrés aux patients.

Aujourd’hui, la prise en charge initiale de ces troubles s’effectue par des techniques dites « non invasives », simples et à la portée de tous les praticiens.

 

Le dossier « TTM » présente les différents points clés de cette méthode thérapeutique :

- le diagnostic différentiel : essentiel pour discriminer les douleurs d’origines musculo-squelettiques d’autres douleurs oro-faciales.

- la kinésithérapie : des exercices simples autrement nommés « Gymnothérapie » peuvent être pratiqués directement par le patient.

- la gestion du stress : pour le patient, la compréhension du phénomène du stress ainsi que sa gestion sont un facteur important dans la résolution des troubles musculaires.

 

Afin de soutenir cette démarche, un site « ATM-GUIDE » (libre d’accès) propose d’accompagner le praticien et son patient dans toutes les étapes du traitement. La méthode, inédite, simple et accessible, est constituée d’un « arbre décisionnel » pour l’évaluation diagnostique et une « méthode progressive » pour le traitement. Une page « Patient » délivre toutes les informations nécessaires au suivi du traitement. Le praticien l’utilise pour l’information, le patient peut s’y référé à tout moment pour le suivi de son traitement.

 

La méthode thérapeutique proposée est dite « méthode progressive ». Elle permet une stratégie codifiée sur les différentes consultations successives.

Le dossier présent met en exergue les principaux éléments incontournables tels que le diagnostic différentiel de la douleur orofaciale, la reconnaissance des états de stress, la rééducation fonctionnelle. On y trouvera également une description de la méthode de traitement, économique en gain de temps et de moyen. Facilement mise en œuvre sur la base d’une évaluation diagnostique informatisée et d’un dispositif endo-buccal (le TM-JIG) pour accompagner les différentes étapes du traitement.

Une méthode à la fois clinique et pédagogique.

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Bibliographie

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2. Okeson JP (ed). Orofacial Pain: Guidelines for Assessment, Diagnosis, and Management. 1st ed. Chicago: Quintessence Books, 1996.

3.Von Korff M, Dworkin SF, LeResche L, Kruger A. An epidemiologic comparison of pain complaints. Pain. 1988; 32:173-183.

4.Goulet JP, Lavigne GJ, Lund JP. Jaw pain prevalence among french speaking canadians in quebec and related symptoms of temporomandibular disorders. J Dent Res. 1995; 74:1738-1744.

5.Drangsholt M, LeResche L. Temporomandibular Disorders Pain. In: Crombie IK, Croft PR, Linton SJ, LeResche L, Von Korf M (eds). Epidemiology of Pain. 1st ed. Seattle: IASP Press, 2000:203-233.

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7.Koidis PT, Zarifi A, Grigoriadou E, Garefis P. Effect of age and sex on craniomandibular disorders. J Prosthet Dent. 1993; 69:93-101.

8.Mesnay W. Troubles temporo-mandibulaires: Intérêt d'une approche thérapeutique cognitive et comportementale. Mémoire de Diplôme Universitaire en thérapies comportementales et cognitives.[dissertation]. Paris: Université René Descartes, 1998.

9.Ohrbach R, Sherman J. Temporomandibular Disorders. In: Dworkin RH, Breitbart WS (eds). Psychosocial Apects of Pain: A Handbook for Helth Care Providers. 1st ed. Seattle: IASP Press, 2004:405-423.

10.Merskey H, Bogduk N. Classification of Chronic Pain. In: IASP Task Force on Taxonomy. 2nd ed. Seattle: Merskey, H.; Bogduk, N., 1994:209-214.

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13. Lund JP, Widmer CG. Evaluation of the use of surface electromyography in the diagnosis, documentation, and treatment of dental patients. J Craniomandib Disord Fac Oral Pain 1989; 3:125-137.

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18.Skolnick J, Iranpour B, Westesson PL,Adair S.Prepubertal trauma and mandibular asymmetry in orthognathic surgery and orthodontic paients. Am J Orthod Dentofac Orthop 1994; 105:73-7.

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30.Goulet JP, Lavigne G. Mieux Comprendre Et Traiter Les Problèmes Temporomandibulaires. Le Médecin du Québec. 2004; 39(7):37-48.

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