Encadrements des dispositifs médicaux

Dossier spécial Focus sur le DU d'expertise médico-légale, Paris 7 - AONews #28 - Sept 2019

Les dispositifs médicaux composent un marché très large, hétérogène avec un caractère innovant très prononcé. Malgré les risques sanitaires que peuvent engendrer certains de ces dispositifs médicaux, un encadrement au niveau européen n’a été que récemment mis en place, à partir des années 90 par des directives européennes. Certaines catégories de ces dispositifs médicaux faisaient jusqu’alors en France l’objet de dispositifs règlementaires partiels aboutissant à leurs homologations ().

Télécharger
6. Encadrement des dispositifs médicaux
Document Adobe Acrobat 1.9 MB

 Il s’agit donc de directives européennes : des textes réglementaires rédigés par le conseil de l’Union Européenne qui définissent des objectifs communs pour les états membres. Ces états, comme la France, transcrivent ces exigences dans leur droit national. La première directive européenne définissant et encadrant les dispositifs médicaux, et plus précisément les dispositifs médicaux implantables actifs a été la directive 90/385/CEE. La directive 93/42/CEE qui concerne les dispositifs médicaux au sens large s’en est largement inspirée.

Initialement publiée en 1993, cette dernière a été modifiée en 1998, 2000, 2001, 2003 et finalement par la directive 2007/47/CE de 2007. La dernière mise à jour est « la version M5 »: la 93/42/CEE modifiée par les publications ultérieures.

La finalité du texte est de garantir les performances et la sécurité des produits mis sur le marché européen tout en proposant un socle commun en adéquation avec la libre circulation des marchandises. Le respect des exigences de la directive est matérialisé par le marquage CE, valable pour les dispositifs fabriqués en Europe et partout ailleurs dans le monde.

 

Définition

 

Est considéré comme dispositif médical () : tout instrument, appareil, équipement, logiciel, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, y compris le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostique et/ou thérapeutique, et nécessaire au bon fonctionnement de celui-ci.

Le dispositif médical est destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins de :

- diagnostic, prévention, contrôle, traitement ou d'atténuation d'une maladie,

- diagnostic, contrôle, traitement, d'atténuation ou de compensation d'une blessure ou d'un handicap,

- d'étude ou de remplacement ou modification de l'anatomie ou d'un processus physiologique,

- maîtrise de la conception, et dont l'action principale voulue dans ou sur le corps humain n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens.

Un dispositif médical actif () est défini comme : tout dispositif médical dépendant pour son fonctionnement d'une source d'énergie électrique ou de toute autre source d'énergie que celle générée directement par le corps humain ou la pesanteur.

Un dispositif médical implantable actif () est défini comme : tout dispositif médical actif qui est conçu pour être implanté en totalité ou en partie, par une intervention chirurgicale ou médicale, dans le corps humain ou, par une intervention médicale, dans un orifice naturel et qui est destiné à rester après l'intervention.

Les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro constituent un sous-ensemble de dispositifs médicaux. Ils ont été définis et réglementés secondairement en 1998 lors de la première modification de la directive 93/42/CEE.

Un dispositif médical de diagnostic in vitro () est défini comme: tout dispositif médical qui consiste en un réactif, un produit réactif, un matériau d'étalonnage, un matériau de contrôle, une trousse, un instrument, un appareil, un équipement ou un système, utilisé seul ou en combinaison, destiné par le fabricant à être utilisé in vitro dans l'examen d'échantillons provenant du corps humain, y compris les dons de sang et de tissus, uniquement ou principalement dans le but de fournir une information :

- concernant un état physiologique ou pathologique ou

- concernant une anomalie congénitale ou

- permettant de déterminer la sécurité et la compatibilité avec des receveurs potentiels ou

- permettant de contrôler des mesures thérapeutiques.

 

Les récipients pour échantillons sont considérés comme des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. On entend par « récipients pour échantillons » des dispositifs, qu'ils soient sous vides ou non, spécifiquement destinés par leur fabricant à recevoir directement l'échantillon provenant du corps humain et à le conserver en vue d'un examen de diagnostic in vitro.

On y distingue également des dispositifs destinés à l’autodiagnostic, à savoir tout dispositif destiné par le fabricant à pouvoir être utilisé par des profanes dans un environnement domestique.

 

Classement des dispositifs médicaux

 

Les dispositifs médicaux sont répertoriés en quatre classes selon leur niveau de dangerosité ().

- Classe I (ex : gants d’examen, seringues sans aiguille, lèves personne…)

- Classe IIa (ex : aiguilles pour seringue, tensiomètres, thermomètres…)

- Classe IIb (ex : implant dentaire, oxymètres, moniteurs de signes vitaux...)

- Classe III (ex : Bio-oss, prothèses de hanche, stents…)

 

La classe I distingue les dispositifs intégrant une fonction de mesurage Im ainsi que les dispositifs stériles Is.

Les aspects regardés du dispositif médical à classer sont sa finalité (dispositif thérapeutique, de diagnostic, chirurgical), le caractère invasif, le caractère actif, la durée d’utilisation, les parties du corps concernées. Autant d’aspects qui caractérisent la dangerosité potentielle du dispositif médical. Ce classement est utilisé par les états membres de l’Union Européenne pour définir les exigences réglementaires uniformes applicables à un dispositif médical et aux activités du fabricant en fonction de sa dangerosité. En fonction de la classe et de la procédure choisie, tout ou partie de ces activités seront contrôlées par un organisme notifié.

 

En France, le LNE/G-MED est l’organisme notifié habilité par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), pour effectuer toutes les opérations d’évaluations visées par les directives européennes relatives aux dispositifs médicaux. Les fabricants ont le libre choix de leur organisme notifié avec lequel ils passeront un contrat de prestation sans lien avec le lieu où se trouve leur siège social. Les organismes notifiés sont donc en concurrence. Ils sont environ 80.

 

Présentation des procédures d’évaluation de la conformité des dispositifs médicaux

 

Ces procédures permettent aux fabricants de démontrer le respect des exigences de la directive, matérialisé par le marquage CE du dispositif et la déclaration CE de conformité faite par le fabricant.

Les procédures d’évaluation distinguent trois activités :

- phase de recherche et développement,

- phase de production,

- contrôle final

Indépendamment de la procédure choisie, le fabricant devra :

- gérer une documentation technique, appelé aussi dossier de conformité, contenant une description du dispositif, les moyens mis en œuvre pour répondre aux exigences de la directive, des détails sur la conception, l’analyse des risques, les rapports d’essais, l’évaluation clinique.

- mettre en place des processus obligatoires pour garantir que les dispositifs mis sur le marché seront suivis et qu’en cas de problème, des actions adaptées seront mises en œuvre.


 

Dispositifs implantables actifs

Les dispositifs implantables actifs régis par la directive de 1990 correspondent en fait à la classe III définie en 1993.

 

Dispositifs médicaux à diagnostic in vitro

Pour les dispositifs médicaux à diagnostic in vitro, il n’existe pas de règles de classification, et seuls les dispositifs correspondant à des paramètres biologiques listés en annexe II de la directive 98/79/CE sont soumis à des procédures de certification spécifique. Pour les autres, la procédure d’évaluation de la conformité se déroule sous la seule responsabilité du fabricant. Le nouveau règlement en préparation devrait introduire une telle classification.

 

Normes harmonisées

Le fabricant doit in fine avoir démontré que les risques résiduels sont acceptables au regard des bénéfices attendus pour le patient. Certaines évaluations (par exemple la biocompatibilité) et certaines catégories de dispositifs médicaux, sont décrites dans des normes européennes harmonisées (EN), qui sont de plus en plus souvent à caractère international (EN et ISO) :

La conformité à ces normes vaut présomption de conformité aux exigences essentielles qu’elles couvrent. Cependant, le recours par le fabricant à un référentiel alternatif est possible en justifiant qu’il est équivalent ou supérieur. Ces normes sont élaborées par les organismes européens de normalisation le Comité Européen de Normalisation (CEN) et le Comité Européen de Normalisation Electrotechnique (CENELEC), et la liste des normes européennes harmonisées est publiée par la Commission européenne.

 

Avantage et limite de la législation actuelle

Parmi les points forts principaux, il faut tout d’abord rappeler que l’approche réglementaire choisie a permis en quelques années de réglementer globalement un secteur extrêmement vaste et hétérogène, qui n’avait été réglementé que dans peu de pays, même si cela avait été le cas en France très partiellement avec l’homologation de certains dispositifs médicaux et l’enregistrement des réactifs de biologie médicale. Il faut aussi insister sur le fait que cette législation repose sur des principes convergents au plan international. Par ailleurs, le principe de totale libre circulation des dispositifs médicaux a rendu possible leur réglementation rapidement par le choix d’une approche qui ne mobilisait pas directement des ressources importantes pour les autorités compétentes. Malgré ce contexte, la France a décidé de se doter dès la création de l’Afssaps en 1998 d’une direction spécifique en charge de l’évaluation des dispositifs médicaux. Enfin, il est unanimement reconnu que le système réglementaire s’est avéré très favorable à l’innovation.

 

Par contre, le système souffre d’un manque global de transparence et d’un cloisonnement entre les acteurs que sont, autour du fabricant, l’organisme notifié et l’autorité compétente qui sont en règle générale dans des pays différents. Ceci génère des freins considérables à la gestion des dossiers puisque les informations sur les opérateurs et les produits sont dispersées et accessibles seulement à la demande. Si le manque de transparence est un handicap pour l’efficience de la surveillance du marché, il en est un aussi pour la confiance dans le marquage CE des utilisateurs et des patients. En effet, les dispositifs médicaux ne sont pas accompagnés d’un résumé officiel de leurs caractéristiques et des évaluations notamment cliniques effectuées. La liberté laissée au fabricant dans ces démarches de certification CE peut aboutir à des problèmes de santé publique d’échelle mondiale.

 

Si le système a eu le mérite de pouvoir se déployer sur ce marché très vaste et hétérogène, c’est donc au prix de textes de rédaction très générale qui nécessitent beaucoup d’interprétations. Couplée à une totale déconcentration des procédures d’évaluation, cette législation générale, pose de grands problèmes de lisibilité et d’harmonisation des interprétations par les très nombreux organismes notifiés (environ 80). Il serait nécessaire de compléter les règlements généraux par des textes d’applications ou des guides dédiés à des domaines particuliers (logiciels, implants,...).

 

Mais pour cela, le secteur devrait être doté d’une réelle gouvernance par les autorités compétentes avec la commission européenne, non seulement réglementaire mais aussi technique et scientifique, en interaction plus directe avec les opérateurs de la certification que sont les organismes notifiés. Ceci sous-entend cependant que certains pays consacrent à l’avenir plus de ressources à la régulation de ce secteur important pour la santé publique, comme l’a fait la France lors de la création de l’AFSSAPS puis de l’ANSM. Enfin, si la législation actuelle est favorable à l’innovation, notamment grâce à son caractère adaptable, elle n’est pas adaptée à la nécessaire surveillance de ces nouveaux dispositifs médicaux par les autorités compétentes en charge de la sécurité sanitaire au plan national. Les autorités compétentes ne découvrent aujourd’hui le plus souvent les innovations qu’a posteriori. C’est pour cela que l’Afssaps avait mis en place une démarche spécifique de veille et d’accompagnement de l’innovation afin d’anticiper la gestion de nouveaux risques potentiels.


Nouvelle législation

 

Il s’agit d’apporter des renforcements significatifs des exigences et des contrôles par de nouveaux règlements, applicables sans transposition, qui se substituent aux trois directives historiques couvrant à la fois les dispositifs médicaux mais aussi les dispositifs médicaux à diagnostic in vitro. Ainsi les deux règlements (UE) 2017/45 et 2017/46, publié en 2017 seront applicables en 2020.

La définition des dispositifs médicaux qui a été modifiées, a un champ d’application encore plus large, inclus donc de nouveaux produits. Les règles de classifications y sont modifiées. Une vingtaine de règles ont été ajoutées ou modifiées. De nombreux dispositifs vont ainsi passer dans la classe supérieure car ces nouvelles règles plus larges et plus strictes sont à prendre en compte pour chacune des classes, la règle la plus élevée l’emportant comme pour les précédentes directives. On note par exemple le passage dans la classe III pour les implants mammaires anciennement IIb.

La documentation technique à tenir par le fabricant est alourdie par une surveillance après commercialisation ou le cas échéant à une surveillance clinique après commercialisation accrue. Le durcissement est donc net pour les fabricants, il l’est tout autant pour les organismes notifiés.

La démarche de certification les concernant est plus sévère et spécifique à leur champ d’action. Cela aboutit à la diminution significative de leur nombre, mais aussi accroit leur niveau de compétence et de fiabilité. La diminution de leur effectif peut cependant avoir une incidence directe sur leur réactivité face à une augmentation croissante du nombre de dispositifs médicaux concernés.

Des audits inopinés systématiques du fabricant en plus des audits initiaux, de surveillance et de renouvellement du cycle de certifications représentent l’avancée la plus nette.

 

Conclusion

 

L’encadrement des dispositifs médicaux par les différentes directives européennes des années 90 a permis de règlementer rapidement un secteur jusque-là quasiment sans contrainte juridique.

Les libertés des fabricants sur le choix des protocoles pour obtenir la conformité CE ainsi que l’autonomie qui leur est laissée dans la gestion des dossiers à fournir a grandement contribué l’innovation et à la compétitivité des fabricants de dispositifs médicaux en Europe.

Mais ces libertés ont laissé entrouvertes la voie à des dérives aux conséquences internationales et qui montrent ainsi les limites de ces directives. La simple obligation pour le fabricant de mettre en place des processus obligatoires pour garantir que les dispositifs mis sur le marché soient suivis et qu’en cas de problèmes des actions soient mises en œuvre, ne garantit malheureusement pas dans les faits que ce soit réalisé. Cela est rendu possible par le manque de transparence et le cloisonnement entre les différents acteurs en jeu, et le manque de communication entre les autorités compétentes des différents États. L’avenir nous dira si les nouveaux règlements européens arriveront à gommer ces défaillances sans toutefois avoir des conséquences sur la compétitivité et la réactivité des fabricants dans un secteur innovant évoluant très vite.

 

Bibliographie :

1. Art. L 665-1 du code de la santé public créé par la loi n° 87-575 du 24 juillet 1987

2. Art.1 de la directive européenne 93/42/CEE

3. Art.1 de la directive européenne 90/385/CEE

4. Art.1 de la directive européenne 90/385/CEE

5. Art.1 de la directive européenne 98/79/CE

6. Annexe IX de la directive européenne 93/42/CEE

7. Point 1 Annexe VII de la directive 93/42/CEE

8. Point 2 Annexe VII de la directive 93/42/CEE

9. Point 3 de l’annexe VII de la directive 93/42/CEE

10. Annexe II de la directive 93/42/CEE

11. Annexe IV de la directive 93/42/CEE

12. Annexe V de la directive 93/42/CEE

13. Annexe VI de la directive 93/42/CEE

14. Point 7 Annexe II de la directive 93/42/CEE

15. Point 1 Annexe II de la directive 93/42/CEE

16. Point 3 Annexe II de la directive 93/42/CEE

17. Point 5.3 Annexe II de la directive 93/42/CEE

18. Annexe VII de la directive 93/42/CEE

19. Annexe V de la directive 93/42/CEE

20. Annexe VI de la directive 93/42/CEE

21. Annexe III de la directive 93/42/CEE

22. Annexe IV de la directive 93/42/CEE

23. Annexe V de la directive 93/42/CEE

24. Annexe VI de la directive 93/42/CEE

25. Point 4.3 Annexe II de la directive 93/42/CEE

26. Article 2 projet règlement européen relatif aux dispositifs médicaux