Gestion de la E-réputation par le chirurgien-dentiste

Dossier spécial Focus sur le DU d'expertise médico-légale, Paris 7 -  AONews #28 - Sept 2019

Introduction

La grande question souvent entendue est : « Est-ce que tu as un bon dentiste ? »

Mais finalement, qu’est-ce qu’un bon dentiste ? Est-ce un dentiste qui ne fait pas mal ? Est-ce un dentiste qui réalise de belles prothèses ? Est-ce un gentil dentiste ? Est-ce un dentiste bien placé, avec un parking, à l’heure et avec une belle assistante ? Où est-ce tout à la fois ?

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En réalité, quand un patient issu de la génération X avait besoin d’un dentiste, il allait se le faire conseiller par ses proches ou ses amis. Aujourd’hui, le comportement de la génération Y est complètement différent. Le patient va regarder sur Internet et évaluer l’opinion publique pour sélectionner son praticien. De plus, selon certains sociologues, la confiance numérique dépend principalement du niveau de sociabilité des acteurs concernés (1). Un utilisateur fera confiance à un service en ligne dont le nombre d’utilisateurs est élevé. Et ce d’autant plus que les avis et les discussions sont réactifs et cohérents. Il en va de même pour un particulier, à qui on fera d’autant plus confiance que sa connectivité est forte au sein du réseau social. Cette connectivité aura pour valeur d’autorité en cas de conflit par rapport à un individu isolé dans un réseau social.

 

Etant conscient de cette évolution sociologique, certains praticiens vont utiliser Internet pour capter de la patientèle. Cela va poser en outre un problème déontologique.

 

En d’autres termes, concernant le cas précis de la chirurgie dentaire, le crédit qui va être donné aux avis d’Internet va dépendre du niveau d’éducation de la personne, du niveau de son réseau personnel, du niveau de conscience que la personne va avoir concernant la fiabilité de l’information. Cependant, dans la majeure partie des cas, l’avis d’Internet sera déterminant dans le choix du consommateur.

 

Actuellement, par l’intermédiaire du Conseil de l’Ordre, le code de déontologie est là pour protéger et encadrer la profession. L’objectif étant de considérer la profession comme une entité unique et que tous les praticiens se valent en compétence et dans les prestations qu’ils proposent. Avec l’avènement de nouvelles technologies, de nouveaux procédés de marketing vont rentrer en conflit avec le code de déontologie.

Nous allons voir ce qu’est réellement l’E-réputation, quels sont les éléments Internet à la disposition des chirurgiens-dentistes pour se créer cette réputation, s’il y a des conflits avec le code de déontologie et/ou un vide juridique. Nous verrons également quelle stratégie adopter pour le praticien qui se fait attaquer.

Pour conclure, nous verrons quelles modifications apporter au code de déontologie afin de protéger plus largement l’ensemble des praticiens et assurer la prospérité de la profession.

 

Définition

 

L'E-réputation, parfois appelée web-réputation, cyber-réputation, réputation-numérique, sur le web, sur Internet ou en ligne, est la réputation, l’opinion commune (informations, avis, échanges, commentaires, rumeurs…) sur le web d'une entité (marque), personne morale (entreprise) ou physique (particulier), réelle (représentée par un nom ou un pseudonyme) ou imaginaire. Elle correspond à l’identité de cette marque ou de cette personne associée à la perception que les internautes s'en font.

Cette notoriété numérique, qui peut constituer un facteur de différenciation et présenter un avantage concurrentiel dans le cas des marques, se façonne par la mise en place d'éléments positifs et la surveillance des éléments négatifs. L'E-réputation peut aussi désigner sa gestion, via une stratégie globale et grâce à des outils spécifiques (activité à l’origine de nouveaux métiers) pour la pérennité de l’identité numérique.

Le terme E-réputation est apparu en 2000 dans l'une des nombreuses études suisses-allemandes et américaines consacrées aux relations entre réputation du vendeur et performances des ventes sur les sites d'enchères en ligne (2). En 2001, le terme E-réputation apparaît plus franchement sur un article titré « E-réputation et le management des marques » (3). La même année, Susan Block-Lieb, professeur de droit, s'intéresse à la construction de la confiance en matière de commerce électronique dans un article titré « E-Réputation : Building Trust in Electronic Commerce » (4).

 

C’est dans les années 1990 que Howard Rheingold, (spécialisé dans l'étude des implications sociales, culturelles et politiques des rapports que l'Homme entretient avec les nouvelles technologies de l'information et de la communication) commence à parler d’E-réputation en évoquant la « digital social life » : vivre une vie parallèle grâce aux nouvelles technologies (5). L'E-réputation apparaît donc progressivement par l’apprentissage de la nouvelle technologie qu'est l’accès au web. Les débats publics, notamment les controverses, amènent à la prise de conscience de l’importance de la réputation Online autant pour les individus que pour les entreprises, les partis politiques, les associations, etc.

Progressivement, on voit donc apparaître des outils de gestion de l'E- réputation : eBay imagine le concept de la réputation du vendeur en demandant à l’acheteur de le « noter ». Amazon crée « l’avis du lecteur » avec des notes et des commentaires pour les livres. Actuellement, ce genre de « notation » est en place sur beaucoup de produits : téléphone, ordinateur, films (6)…

 

Vecteurs d’E-réputation dans le domaine dentaire (8)

 

L’E-réputation d'une entreprise ou d'une personne se forge plus ou moins durablement, selon plusieurs sources distinctes (7). Les principaux vecteurs de l’E-réputation communément admis sont : les consommateurs, les sites institutionnels, les sites des grands médias, les forums, les blogs, les réseaux sociaux, les agrégateurs d’actualités, les commentaires libres sur les sites communautaires, les plates-formes de vidéos ou de photos, les wikis….

Dans le cas précis du chirurgien-dentiste, nous allons aborder, par ordre d’importance chacun des vecteurs de E-réputation dont vont bénéficier les chirurgiens-dentistes. Et quels pourront être les conflits avec le code de déontologie. En effet, des sociétés proposent des services de E-référencement et la problématique est simple, ceux qui utilisent la E-réputation ont un avantage considérable.

A la suite d’une recherche sur Google, il faut savoir que 50 à 60% des consommateurs se font un avis sur les deux premières réponses données par le moteur de recherche et que moins de 1% des gens visionnent la deuxième page de réponses. Ces chiffres sont édifiants et celui qui saura en prendre parti aura un avantage commercial considérable. Par exemple, si l’on suit le cas du Dr T. dans les Yvelines, zone de densité importante en praticiens, le fait qu’elle soit référencée première par Google lui permet d’avoir 20% des internautes qui vont visiter son site web.

Le référencement Internet va de fait mettre le praticien qui sait l’utiliser dans une position très avantageuse. Nous pouvons nous poser la question de la déontologie d’une telle pratique.

Ces chiffres sont des indicateurs mais qui sont tout de même le reflet d’une certaine réalité.

De plus, il ne faut pas oublier que l’objectif de Google est de satisfaire la demande de ses clients ; à savoir, répondre le plus justement à sa demande et l’orienter vers le service le plus approprié et le site Internet le plus performant.

 

Les éléments utilisés par Google pour référencer les praticiens sont :

- l’ancienneté du praticien,

- la présence d’un site Internet avec une évaluation qualitative du site,

- la situation géographique du praticien,

- les avis de la communauté.

Ce ne sont que des « guidelines » mais elles ne garantissent rien. Le référencement Google reste quelque chose d’assez obscur.

 

Les leviers utilisés par les praticiens pour améliorer le référencement sont les suivants :

- avoir un site web : jouer sur la qualité du site web, en y incluant un maximum de mots-clés reconnus par Google, en y incluant un maximum de pages, et un site qui répond à la charte de qualité Google permettant une ouverture de page rapide ;

- avoir des avis nombreux : il ne faut avoir que de très bonnes notes (5/5) et que les avis positifs soient les plus nombreux possibles (au moins 15).

C’est donc à ces deux niveaux que les fraudes vont être relevées. En effet, très peu de sites suivent précisément le cahier des charges édicté par le Conseil de l’Ordre. De plus, de nombreux praticiens ou centres dentaires payent Google pour se faire référencer. D’autres praticiens plus sournois vont jusqu’à payer des sociétés étrangères pour donner des avis positifs. Pour son référencement, Google donne une telle importance aux « avis », que pour augmenter la pertinence d’une recherche, il proposera de mettre des filtres. Par exemple, il ne fera ressortir que les praticiens bien notés.

Ainsi, nous comprenons mieux le business qui se cache derrière l’E-réputation et les fraudes qui vont qui s’y rattacher car c’est un enjeu commercial de taille.

 Les français ont l’habitude de consulter l’annuaire des pages jaunes. Cependant, il y a moins d’avis laissés par les utilisateurs et de fait, les résultats de recherche sont moins discriminants envers les praticiens. Cet annuaire possède son propre système de référencement qui est commun à tous les sites issus du groupe Solocal. Cependant, il est possible moyennant finance d’augmenter son référencement via les pages jaunes. Et bon nombre de praticiens ne s’en privent pas.

 Les pages Facebook, par exemple ne doivent pas contenir de publicité. Elles sont à destination du grand public et ne doivent comporter que du contenu éducatif. Par exemple, elles pourront expliquer le cadre de la première consultation pour informer les patients de son déroulement. Cependant, de nombreuses pages sont réalisées dans un but clairement publicitaire. De plus, certaines sociétés commercialisant des systèmes implantaires ou d’orthodontie par aligneurs vont investir massivement dans les réseaux sociaux. La promotion de l’alignement dentaire ou de l’implantologie va inciter le grand public à la consommation. Indirectement, l’image dégagée bénéficiera aux praticiens qui utilisent ces systèmes. Dans ce cas, nous pouvons nous poser la question si de telle pratique sont en adéquation avec la déontologie en chirurgie dentaire.

 

Conflits liés à l’E-réputation (7)

 

Attitude anti-déontologique

 

Stratégie marketing

Il est courant de voir certains dentistes libéraux et certains centres dentaires payer Google pour avoir un meilleur référencement. Par exemple : le libellé « annonce » montre que le cabinet ou le centre dentaire référencé par google a payé le moteur de recherche pour être mieux référencé.

Pour se faire de la publicité, d’autres praticiens/centres dentaires n’hésitent pas à éditer une annexe dans un journal local. Exemple : Intitulé « dental info » en annexe de Nice Matin (mars 2018) (8).

Aujourd’hui, d’autre plates-formes d’E-référencement existe comme : « Doctissimo, mon docteur… ». Sous l’apparence d’un agenda en ligne, où les patients peuvent directement prendre leur rendez-vous par internet en fonction des plages horaires disponibles, ces plates-formes payent Google pour augmenter le référencement de leurs adhérents. C’est d’ailleurs un de leurs arguments pour vendre leurs services.

Tout ceci rentre directement en conflit avec l’article R4127-262 du code de déontologie et ces pratiques sont répréhensibles par le Conseil de l’Ordre.

 

Avis de dénigrement abusif (patient/praticien) / Diffamation

Du fait que n’importe qui puisse laisser un avis, le problème est que cet avis puisse-être diffamatoire, voir insultant et qu’il sera instantanément lu par des dizaines de personnes. Le mal sera fait bien avant que les recours officiels possibles ne soient obtenus.

De plus, certaines personnes pourront laisser de mauvais avis et fermer leur compte après. Ils apparaitront en tant que « google user » mais l’avis restera et rentrera en compte dans l’E-référencement.

De fait, les « avis » Internet pourront être utilisés par le consommateur comme moyen de pression et de chantage vis-à-vis du praticien.

Exemple : cas relevé dans un cabinet d’orthodontie (9)

Suite à une récidive liée à un non-port de la contention, une patiente a laissé un avis insultant dans le but d’avoir une reprise de traitement d’orthodontie gratuite. L’attitude du praticien a été de céder au chantage dans le but d’effacer l’avis du web.

 

Le dénigrement réciproque entre plusieurs praticiens pourra aussi être relevé. Ils s’inscriront en faux par rapport à l’article R 4127-262 du code déontologie.

Exemple : Cas relevé dans le Var. Un orthodontiste a réalisé un blog dans lequel de nombreux praticiens étaient dénigrés.

 

Le problème avec l’Internet, c’est que le mal est fait instantanément et la publication peut être lue pendant un temps court par des dizaines de milliers de personnes. Nous allons voir comment se protéger et quelle attitude avoir pour que le préjudice soit réduit au minimum.

 

Stratégie défensive (10)

 

Stratégie préventive

Rester vigilant quant aux avis laissés. Possibilité d’utiliser des logiciels comme « Google Adwords » ou « Google Mybusiness » qui vont donner des statistiques sur les recherches effectuées et également donner des alertes lorsque des avis sont laissés.

Avoir un mauvais avis, c’est perdre en référencement et diminuer en confiance client.

Exemple :

Si un patient lit un avis comme celui-ci : « Je vous déconseille ce cabinet, car j’ai vu un rat dans la salle d’attente ».Il est clair que la réputation du praticien va être détériorée indépendamment de savoir si l’information est vraie ou fausse. De même que si le premier avis est négatif, cela casse très sérieusement la réputation du praticien.

Si l’on fait activement la demande à nos patients de laisser un avis, cette demande est considérée comme de la publicité selon le Code de Déontologie. De plus, sociologiquement, nous savons qu’un patient content de la prestation, ne pensera pas forcément à mettre un avis sur le compte de son praticien alors que quelqu’un de mécontent sera plus enclin à dire son mécontentement. Donc à terme, si l’on ne fait rien, il n’y aura que des avis négatifs.

 

Exemple : Orthodontistes d’une ville en Poitou-Charente. (9). Deux des trois praticiens de la ville n’ont sûrement pas surveillé leur E-réputation sans savoir les avis laissés pourraient leur porter préjudice. Le troisième praticien qui lui, a veillé à ce que ses avis soient tous positifs se retrouve dans une situation privilégiée.

Dans une activité libérale où le praticien est une personne publique, il est aujourd’hui impératif de surveiller sa E-réputation.

La meilleure protection est d’avoir une multitude d’avis positifs. Avoir moins de 15 avis positifs, c’est vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. De plus, si une personne mécontente voit qu’il n’y a que des avis positifs, elle réfléchira avant de mettre un avis négatif et se ravisera peut-être même en se disant que cela ne servira à rien.

Pour un praticien qui entre dans la vie active, il est très important qu’il démarre la gestion de sa E-réputation dès le début de sa vie professionnelle. En effet, la gestion de l’E-réputation est longue et difficile, car elle se capitalise et sur le long terme, c’est très important.

 

En réponse à un avis malveillant

Voie amiable

Première option : porter réclamation auprès de Google pour qu’il retire l’avis. Le problème, c’est que la démarche est longue et il n’est absolument pas certain que l’avis soit retiré. De plus, le cas échéant, ils peuvent demander un justificatif d’ordre judiciaire. De plus, tant que l’avis est écrit, le préjudice opère et il y a de grandes chances pour que cela porte atteinte à l’image du cabinet, car tout le monde peut en profiter.

Deuxième option : réaliser une réponse courtoise qui suggère au patient de reprendre contact avec le cabinet pour tenter de résoudre le problème. Cependant, la mauvaise note rentre toujours en ligne de compte dans le référencement Google. De plus, certaines personnes n’hésitent pas à employer des propos virulent et diffamatoire qui discréditeraient n’importe qui aux yeux du grand public.

Troisième option : recontacter directement le patient et céder à son chantage et ses revendications, et négocier pour que la personne retire son avis

 

Voie judiciaire

Le recours en justice est une voie longue, coûteuse et préjudiciable pour l’image du cabinet. Effectivement, tant que gain de cause n’a pas été obtenu, le dommage opère toujours. De plus, un recours en justice est généralement très mal accueilli par la patientèle

- Dans le cadre d’un conflit déontologique, il faut porter plainte auprès du Conseil départemental de l’Ordre, celui-ci a les ressources légales pour agir. Cependant, il faut savoir que les peines encourues sont minimes par rapport au gain perçu.

- Dans le cadre d’une attaque personnelle, c’est auprès de la gendarmerie (zone rurale) ou de la police (zone urbaine) qu’il faut porter plainte. La protection juridique inclue dans la responsabilité civile professionnelle peut également être une aide précieuse quant à la marche à suivre.

 

Dimensions juridiques au niveau international :

L'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 prévoit une protection de la réputation transposable à la cyber-réputation : « Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

 

Dimensions juridiques en France :

En France, l’E-réputation est encadrée par un ensemble de lois qui visent d'un côté à limiter les aspects négatifs d'Internet à l'encontre des entités concernées (propos diffamatoires notamment) et d’un autre côté à limiter les interventions de ces entités susceptibles d'être assimilées à de la publicité mensongère ou non-désirée.

La gestion de l'E-réputation nécessite une réaction rapide pour minimiser l’impact des atteintes à son identité numérique. Selon la législation actuelle, la responsabilité de tous les acteurs peut être engagée : l'auteur du contenu, l’éditeur ou le distributeur de ce contenu, l’hébergeur s’il a eu connaissance du caractère illicite du contenu et qu’il n’a rien fait pour le supprimer ou le modifier.

 

Plusieurs actions en justice sont possibles :

-  l’action en diffamation/injures est sanctionnée comme des abus de liberté d’expression car il y a atteinte à la personne morale. Le délai de prescription de l’action en diffamation publique est de trois mois à compter de la première diffusion ;

- l’action en dénigrement : souvent utilisée par les entreprises (atteinte à leurs produits). Le délai de prescription de l’action en dénigrement est de cinq ans à compter du jour de connaissance de l’atteinte ;

- les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques : fait de traiter, stocker des données personnelles sans le consentement de la personne. (CNIL : droit de rectification, d’accès, de suppression).

 

Le choix du motif retenu pour porter plainte est important puisqu'il conditionne les textes de lois applicables, et surtout celles concernant les délais de prescription, sachant qu'une requalification ne peut être engagée une fois la chose jugée.

 

Selon la qualification retenue, les textes relèveront du Code Civil, du Code Pénal, du Code de la Consommation, ou du Code de la Propriété Intellectuelle. S'appuyant sur les lois traditionnellement applicables à la presse ou au commerce, le corpus applicable a peu à peu été enrichi pour tenir compte de spécificités propres à Internet, telles que la rémanence des propos tenus, la plus grande diffusion et l'anonymat permis par cet outil. Malgré l’évolution de la législation, il faut toujours garder à l’esprit que le recours au droit n'est pas toujours le meilleur moyen pour défendre sa E-réputation.

 

Autre exemple de recours au droit dans le cadre d’atteinte à la E-réputation

L'atteinte au secret professionnel (Article 223-13) s'applique aussi à des diffusions qui auraient été faites via Internet, tout comme l'atteinte au secret des correspondances (Article 226-15) (qu'il s'agisse de mails ou de reproduction de courriers).

Enfin, les atteintes aux droits de la personne résultant des fichiers ou des traitements informatiques (Articles 226-16 à 24) incluant le fait de traiter, stocker des données personnelles ou des condamnations sans le consentement de la personne sont susceptibles d'être utilisées comme voie de recours.

L'article visant à protéger la vie privée permet entre autres de s'opposer à ce qu'un lien soit fait entre un pseudonyme et l'identité réelle d'un tiers représenté par son nom de famille. Même si récemment un blogueur a obtenu gain de cause, et obtenu que son hébergeur retire ses données personnelles du site, les cas d'utilisation sont toutefois peu nombreux, puisqu'au début 2012, seuls deux cas sur ce critère précis auraient été recensés comme aboutissant à un résultat positif, le premier concernant une personne de l'église de scientologie citée sur un blog. En effet, cette procédure présente l'inconvénient d'avoir un effet inverse à celui recherché, le nom du requérant étant alors assez facilement repris dans la presse. Dans ce cas, qui cumulait atteinte à la vie privée et diffamation, c'est l'article relatif à la protection de la vie privée qui a permis au blogueur d'obtenir gain de cause, le cas de diffamation remontant à plus de trois mois étant donc prescrit (11,12).

L'usurpation d'identité peut elle aussi porter gravement atteinte à l'image d'un tiers (13). La notion est quelquefois détournée, et utilisée pour lutter contre la parodie, comme dans un cas de février 2012 où l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy (14,15) a obtenu le retrait de comptes twitter parodiques de Nicolas Sarkozy. À l'inverse, s'agissant de personnes connues de façon notoire par un pseudonyme

Cette loi est quasiment impossible à faire respecter, surtout lorsque les sites relayant ces usurpations sont localisés à l'étranger.

 

Conclusion

 

En chirurgie dentaire, l’E-réputation est gérée quasi systématiquement par l’intermédiaire de : Google, des pages jaunes, des média sociaux..

Le problème à ce niveau, c’est que la fraude n’est pas suffisamment réprimandée. En effet, le gain obtenu étant énorme, l’amende ne sera jamais au niveau de celui-ci. Nous noterons également que suite à un avis malveillant, il sera toujours plus efficace de suivre une voie amiable que de faire un recours en justice.

Le Conseil de l’Ordre défend le postulat que nous sommes tous des chirurgiens-dentistes, égaux et identiques dans les connaissances et les prestations données aux patients. Cependant, nous ne sommes vraiment pas sur le même pied d’égalité avec les tricheurs. Et les failles actuelles du système pénalisent les praticiens consciencieux qui font du bon travail au profit de ceux qui se servent d’outils non autorisés.

 

Les deux seules solutions déontologiques que nous pouvons proposer pour pallier ce problème :

Solution 1 : Google désactive les avis et les systèmes de notation pour les professionnels de santé. Suite à une recherche les praticiens proposés seraient référencés de manière aléatoire sur un rayon de 30 min en transport autour de la zone de recherche. Le problème, c’est que le Conseil de l'Ordre des chirurgiens-dentistes français ne peut rien contre cette multinationale.

Solution 2 : Le Conseil de l’Ordre admet que l’E-réputation fasse partie du système et qu’il autorise au moins que les praticiens fassent de la suggestion active auprès de leurs patients pour qu’ils laissent des avis (positifs) ce qui est aujourd’hui considéré comme de la publicité. Une chasse pourrait également être conduite par le conseil de l’ordre pour dissuader les praticiens à certains comportements anti-déontologique et anti-confraternelle.

 

Références et bibliographie :

France Charest et Christophe Alcantara - E-réputation et influenceurs dans les médias sociaux : Nouveaux enjeux pour les organisations, septembre 2017

Cynthia G. McDonald et V. Carlos Slawson Jr., Reputation in an Internet Auction Market, Social Science Research Network, 21 mars 2000

Rosa Chun et Garry Davies, « E-reputation: The role of mission and vision statements in positioning strategy », The Journal of Brand Management, Palgrave Macmillan « 8 », no 4,‎ 1er mai 2001, p. 315-333 (ISSN 1479-1803, lire en ligne)

Susan Block-Lieb, « e-reputation : Building Trust in Electronic Commerce », Louisiana Law Review « 62 », no 1199,‎ 1er mai 2001 (lire en ligne )

E-réputation, une histoire pas si neuve, Alexandre Villeneuve, 8 septembre 2009.

Guillaume Lacoste Lareymondie - Guide de l’E-réputation : Personal

Guigou Albéric et Mallet Gaël - E-réputation – Méthodes et outils pour les individus et les entreprises, 19 septembre 2012

Recherche Google https://www.google.fr/search?rlz=1C1CHBF_frFR791FR791&biw=1280&bih=615&q=paris+dentiste&npsic=0&rflfq=1&rlha=0&rllag=48852200,2334798,2874&tbm=lcl&ved=0ahUKEwiJxvST56zaAhUMlxQKHZAaAMQQjGoIZw&tbs=lrf:!2m1!1e2!2m1!1e3!3sIAE,lf:1,lf_ui:2&rldoc=1#rlfi=hd:;si:;mv:!1m3!1d26907.32716487746!2d2.3469495!3d48.85620495!2m3!1f0!2f0!3f0!3m2!1i357!2i246!4f13.1;tbs:lrf:!2m1!1e2!2m1!1e3!3sIAE,lf:1,lf_ui:2

Avis Google

https://www.google.fr/maps/search/orthodontiste+niort/@46.3219001,-0.4729473,15z/data=!3m1!4b1

10. Agence web Budafony

11. Des atteintes à la personnalité Code pénal, Légifrance

12. Vie privée sur la Toile : un hébergeur de blogs condamné à supprimer des données personnelles Le Point, 4 janvier 2012

13. Cet article de presse fait explicitement référence à l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 dite « Loi CNIL ». Une partie de cette loi, amendée en 2004, se retrouve intégrée dans les articles du code pénal précédemment cités

14. Twitter : le camp Sarkozy a signalé des comptes pour "usurpation d'identité" Le Monde, 20 février 2012

15. Plusieurs comptes Twitter anti-Sarkozy fermés ces derniers jours, Numérama, 20 février 2012