La nouvelle classification des maladies parodontales

Dossier spécial : Les innovations en parodontologie ; aménageons la gencive - AONews #29 (Oct.2019)

 Introduction

 

Les maladies parodontales sont des affections d’origine microbienne qui atteignent aussi bien le parodonte superficiel (gencive) que le parodonte profond (cément, ligament parodontal et os alvéolaire). L’American Academy of Periodontology a établi en 1999 une classification internationale décrivant toutes les pathologies et anomalies des tissus gingivaux et muqueux de la cavité buccale (1). Ainsi face aux données acquises de la science en constante évolution, une conférence mondiale organisée par L’Académie Américaine de Parodontologie et la Fédération Européenne de Parodontologie s’est tenue pour donner naissance à une nouvelle classification des conditions saines et pathologiques en parodontologie et implantologie. Parmi les différences les plus importantes de cette nouvelle classification on note :

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1. La nouvelle classification des maladi
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- l’introduction de la notion de santé parodontale ;

- la fin de la distinction entre parodontite chronique et agressive aboutissant à un modèle reposant sur la sévérité et la complexité de la maladie ;

- une définition des conditions saines et pathologiques parodontales et péri-implantaires.

Cette réunion historique a de ce fait abouti à une classification des maladies parodontales et péri-implantaires qui guide la planification du traitement et permet une approche personnalisée des soins aux patients.

 

Santé parodontale et maladies gingivales

 

La notion majeure introduite par la nouvelle classification de 2018 est celle de santé parodontale. La santé parodontale est définie comme un état exempt de maladie parodontale inflammatoire qui permet à un individu de fonctionner normalement et de ne subir aucune conséquence (mentale ou physique) résultant d’une maladie antérieure. (2)

Sur un parodonte sain (Fig. 1), on constatera une absence de perte d’attache, d’inflammation et d’alvéolyse radiographique. La santé parodontale est également possible sur un parodonte réduit, malgré la présence de perte d’attache et d’alvéolyse radiographique, si l’inflammation atteint moins de 10% des sites.

Le parodonte réduit peut être de deux types :

· sans antécédents de parodontite présentant par exemple une récession parodontale ou une élongation coronaire (Fig. 2)

· avec antécédents de parodontite traitée et stabilisée. (Fig. 3)

Ainsi quelle que soit la situation clinique, sur un parodonte sain ou ayant un antécédent de parodontite on peut avoir un état de santé parodontal. De même, si on a une reprise de l’inflammation, avec la présence d’un saignement au sondage sur plus de 10 % des sites, on parlera de gingivite aussi bien sur un parodonte sain que sur un parodonte réduit.


 

Maladies gingivales

 

Les maladies gingivales sont scindées en deux grandes familles : les maladies gingivales induites par la plaque et les maladies gingivales non induites par la plaque.

Selon l’ancienne classification les maladies gingivales comptaient un grand nombre de catégories qui ont été regroupée par le consensus en 3 grandes familles (3) :

1. Gingivite associée au biofilm uniquement (Fig. 4)

2. Gingivite modifiée par des conditions systémiques et facteurs oraux tel que les hormones stéroïdes, la puberté, le tabac, le diabète… (Fig. 5)

3. Elargissements gingivaux modifié par les médicaments (Fig. 6)


La classification des maladies gingivales non induites par la plaque reste très similaire à celle de 1999. (4). Ces maladies gingivales peuvent avoir plusieurs étiologies :

· bactérienne spécifique comme la syphilis ou des streptocoques,

· génétique comme la fibromatose gingivale héréditaire (Fig. 7),

· systémique comme le lichen plan ou le lupus érythémateux,

· virale comme l’herpès ou le zona,

· fongiques comme le Candida Albicans,

· lésions traumatiques d’origine thermique, physique ou chimique.

 

 

Parodontopathies

 

La parodontite se définit par une altération de l’ensemble des tissus parodontaux. Ses principales caractéristiques comprennent :

  • la perte de support tissulaire parodontal, qui se manifeste par une perte d'attache clinique et une perte osseuse radiographique
  • la présence de poches parodontales
  • un saignement gingival.

Selon le système de classification internationalement accepté (Armitage 1999) jusqu’au consensus de 2018, la parodontite se subdivisait comme suit :

  • la parodontite chronique, représentant les formes de maladies parodontales destructives généralement caractérisées par une progression lente
  • la parodontite agressive, un groupe diversifié de formes de parodontite très destructrices affectant principalement les jeunes, y compris les affections autrefois classées comme « parodontite d'apparition précoce » et « parodontite à évolution rapide » ;
  • la parodontite en tant que manifestation d'une maladie systémique, un groupe hétérogène d'affections pathologiques systémiques incluant la parodontite en tant que manifestation ;
  • les maladies parodontales nécrosantes, groupe d'affections qui partagent un phénotype caractéristique dans lequel la nécrose des tissus gingivaux ou parodontaux est une caractéristique prédominante ;
  • les abcès parodontaux, une entité clinique avec des caractéristiques de diagnostic et des exigences de traitement distinctes.

Bien que cette dernière ait fourni un cadre exploitable qui ait été largement utilisé au cours des 17 dernières années, le système souffre de certaines limites. C’est pourquoi un nouveau système de classification de la parodontite a été adopté (5) :

  • Les formes de la maladie précédemment reconnues comme « chronique » ou « agressif » sont désormais regroupées sous une seule catégorie « parodontite » aux côtés des maladies parodontales nécrotiques et des parodontites manifestations d’une maladie systémique.
  • Les parodontites sont désormais classées en différents stades et grades. Le stade (Fig. 8) dépend largement de la sévérité de la maladie et de la complexité de son traitement.

Le grade donne des informations supplémentaires sur les aspects biologiques, la progression passée et future, le pronostic du traitement et le risque que la maladie ou son traitement affecte la santé du patient. Une nouveauté sur l’étendue de la maladie a été apportée : on parle de parodontite localisée quand moins de 30 % des dents (et non des sites) sont atteintes et de parodontite généralisée quand plus de 30 % des dents sont atteintes.


 

Les maladies parodontales nécrotiques

 

La nouvelle classification fait une place à part à la maladie parodontale nécrotique dans la catégorie des parodontites.

Dans la classification de 1999, le terrain immunitaire du patient constituait un critère diagnostique. Aujourd’hui il s’agit d’un critère de classification, à savoir si le patient est chroniquement / sévèrement compromis comme dans le cas d’un VIH ou d’une immunodépression sévère Ou si le patient est temporairement et OU Modérément compromis. (Fig. 10)

 

Qu’appelle-t-on les maladies parodontales nécrotiques ? (6)

« La gingivite nécrotique est une atteinte inflammatoire aigue des tissus gingivaux caractérisée par la présence de nécroses ou d’ulcères dans la papille interdentaire, un saignement gingival et une douleur, sans atteinte osseuse. D’autres symptômes sont associés comme la mauvaise haleine, des pseudomembranes, une lymphoadenopathie régionale, de la fièvre et chez l’enfant une sialorrhée. (Fig. 11)

La parodontite nécrotique est une atteinte inflammatoire du parodonte caractérisée par la présence de nécroses ou d’ulcères dans la papille interdentaire, de saignement gingival, de mauvaise haleine, de douleur et de perte osseuse rapide. D’autres symptômes sont associés comme la formation de pseudo membrane, une lymphoadenopathie et de la fièvre.

La stomatite nécrotique est une atteinte inflammatoire sévère du parodonte et de la cavité buccale dans laquelle la nécrose s’étend au-delà de la gencive. La dénudation de l’os peut apparaître à travers la muqueuse alvéolaire avec de larges zones d’ostéite et la formation de séquestre osseux. Elle apparaît typiquement chez des patients sévèrement compromis sur le plan général ».


 

Les autres pathologies affectant le parodonte

 

Enfin le consensus met en place une troisième grande catégorie regroupant les autres pathologies affectant le parodonte :

Autres pathologies affectant le parodonte (2018) :

Maladies systémiques affectant les tissus parodontaux :

  • Abcès parodontal et lésions endo parodontales
  • Altérations mucogingivales
  • Forces Traumatiques occlusales
  • Facteurs liés aux dents et à la prothèse

 

Maladies systémiques affectant les tissus parodontaux

 

On définit la maladie systémique comme une maladie qui affecte plusieurs organes ou tissus ou qui affecte le corps dans son ensemble. Les maladies systémiques vont être de trois types :

- maladies ayant un impact majeur sur la perte des tissus parodontaux en influant sur l’inflammation parodontal : ce sont les maladies rares ;

- consommations et maladies ayant un impact variable sur la pathogénie des maladies parodontales comme le diabète, l’ostéoporose, arthropathies, stress, troubles dépressifs, tabac... ;

- maladies pouvant entraîner la perte des tissus parodontaux en l’absence de parodontite.

 

Abcès parodontal

 

L'abcès parodontal peut être spécifiquement défini comme une accumulation localisée de pus située dans la paroi gingivale d’une poche parodontale, associé à une destruction tissulaire, survenant pendant une période limitée et présentant des symptômes cliniques facilement détectables (Fig. 13). Dans la nouvelle classification de 2018, on classifiera l’abcès parodontal en fonction de son étiologie selon que le patient présente ou non une parodontite. (7)

Lésions endo-parodontales

 

Les lésions endo-parodontales (LEP) impliquent à la fois la pulpe et les tissus parodontaux et peuvent être sous formes aiguës ou chroniques. Lorsqu'elles sont associées à un événement traumatique ou iatrogène récent (par exemple, une fracture ou une perforation de la racine), la manifestation la plus commune est un abcès accompagné de douleur. Toutefois, chez les patients atteints de parodontite, la LEP présente normalement une progression lente et chronique sans symptômes évidents.

La classification des lésions endo parodontales, se fait selon qu’il y a ou non un dommage radiculaire. Un système de grade a été mis en place pour rendre cette classification plus précise et ainsi diriger au mieux le traitement.

 

Les récessions parodontales

 

En 1999, la récession parodontale est définie par l'American Academy of Periodontology comme « une dénudation radiculaire due au déplacement du bord marginal de la gencive par rapport à la jonction email cément» (8).

Une classification moderne de la récession basée sur la mesure de l’attache interdentaire a été proposée par Cairo et al. (9)

 

Classification des récessions parodontales 2018 (9)

*mesurée en interproximal de la JEC au fond du sulcus ou de la poche

**mesurée en vestibulaire de la JEC au fond du sulcus ou de la poche

Cette classification surmonte certaines limitations de la classification de Miller (10) largement utilisée telles que l'utilisation de « perte osseuse ou de tissu mou » comme référence interdentaire pour diagnostiquer une destruction parodontale dans la zone interdentaire. En outre, la classification de Miller a été proposée lorsque les techniques de chirurgie parodontale de recouvrement radiculaire étaient à leur aube et la prévision de recouvrement potentielle dans les quatre classes Miller n’est plus les résultats correspondant aux traitements des techniques chirurgicales les plus avancées. (Fig 17)


 

Conclusion

 

Le consensus s’est donc réuni depuis 2015 pour actualiser, compléter et optimiser la classification de 1999 (Armitage 1999).

Dans un premier temps, la notion de santé parodontale a été introduite sur un parodonte sain mais également sur un parodonte réduit (avec antécédents ou non de parodontite). En effet pour une grande partie de la population, la question de santé parodontale doit être considérée dans le contexte du retour à la santé clinique d’une maladie gingivale ou parodontale : un patient présentant une perte d’attache tissulaire ou osseuse peut être en bonne santé parodontale.

Dans un second temps, les formes de maladies précédemment reconnues comme « chroniques » ou « agressives » sont désormais regroupées sous une seule catégorie « parodontites » au côté des maladies parodontales nécrotiques et des parodontites manifestations d’une maladie systémique. Le diagnostic de la parodontite est désormais caractérisé selon sa sévérité/complexité en 4 stades et selon son risque de progression en 3 grades.

Concernant les associations systémiques et comportementales, il a été défini que certaines maladies génétiques rares ont un effet majeur sur le parodonte tandis que d’autres maladies comme le diabète ou le tabagisme ont des effets variables sur le parodonte.

Enfin d’autres classifications ont vu le jour : classification des lésions endoparodontales, des abcès parodontaux et des récessions gingivales.

Il faut cependant garder à l’esprit que les classifications sont par essence imparfaites car elles sont censées ne reposer que sur des niveaux de preuve solides alors qu’elles embrassent aussi des opinions d’experts. Cette nouvelle classification ne doit donc pas être vécue comme un carcan mais plutôt comme une aide à la décision, au diagnostic et aux traitements des maladies parodontales.

 

Bibliographie :

1 ) G Caton J, Armitage G, Berglundh T, Chapple ILC, Jepsen S, S Kornman K, L Mealey B, Papapanou PN, Sanz  M, S Tonetti M. A new classification scheme for periodontal and peri-implant diseases and conditions - Introduction and key changes from the 1999 classification. J Clin Periodontol. 2018 Jun;45 Suppl 20:S1-S8

2)Lang, N. P., et P. M. Bartold. « Periodontal health ». Journal of periodontology 89, no S1 (2018):

S9-16.

3) Trombelli, L., R. Farina, C. O. Silva, et D. N. Tatakis. « Plaque‐induced gingivitis : case definition and diagnostic considerations ». Journal of clinical periodontology 45, no S20 (2018): S44-67.

4) Holmstrup, P., J. Plemons, et J. Meyle. « Non–plaque‐induced gingival diseases ». Journal of clinical periodontology 45, no S20 (2018): S28-43.

5) Papapanou, P. N., M. Sanz, N. Buduneli, T. Dietrich, M. Feres, D. H. Fine, T. F. Flemmig, et al.« Periodontitis: consensus report of workgroup 2 of the 2017 world workshop on the classification of periodontal and peri‐implant diseases and conditions ». Journal of clinical  periodontology 45, no S20 (2018): S162-70.

6) Herrera, D., S. Roldán, et M. Sanz. « The periodontal abscess: a review ». Journal of clinical periodontology 27, no 6 (2000): 377-86.

7) Herrera, D., B. Retamal‐Valdes, B. Alonso, et M. Feres. « Acute periodontal lesions (periodontal   abscesses and necrotizing periodontal diseases) and endo‐periodontal lesions ». Journal of   clinical periodontology 45, no S20 (2018): S78-94.

8) Armitage, G. C. « Development of a classification system for periodontal diseases and conditions ».   Annals of periodontology 4, no 1 (1999): 1-6.

9) Cairo, F., M. Nieri, S. Cincinelli, J. Mervelt, et U. Pagliaro. « The interproximal clinical attachment level to classify gingival recessions and predict root coverage outcomes: an explorative and reliability study ». Journal of clinical periodontology 38, no 7 (2011): 661-66.

10) Miller, P. D. « A classification of marginal tissue recession ». The international journal of  periodontics & restorative dentistry 5, no 2 (1985): 8-13.

 

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