La cavité d’accès endodontique

Dossier spécial Les Ultrasons, notre quotidien - Oct 2020

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Introduction

L’utilisation des instruments sonores et ultrasonores appliquée à la dentisterie remonte aux années 1950 (). Ceux-ci ont d’abord été développés pour l’éviction carieuse, mais le processus n’a pas été retenu car trop chronophage. Dans les années 80, les instruments ultrasonores ont révolutionné les techniques de débridement parodontal et c’est d’ailleurs dans ce domaine qu’ils sont, encore aujourd’hui, le plus employés (). En endodontie, les chercheurs ont d’abord essayé d’utiliser cette technologie pour créer des instruments de mise en forme endodontique. Cette expérience s’est avérée être un échec. Néanmoins, comme nous le verrons par la suite, l’instrumentation sonore et ultrasonore a de nombreuses applications durant le traitement endodontique et d’autant plus depuis l’avènement du microscope optique et de la dentisterie minimale invasive.  Tout d’abord, nous allons procéder à quelques rappels génériques.

Les sons possèdent une fréquence comprise entre 16 et 20 kHz, les ultrasons entre 20 kHz et 1 gHz.

Les ultrasons sont des ondes mécaniques sinusoïdales qui se propagent dans la même direction que la vibration. L’onde ultrasonore est une variation de pression qui se propage dans un milieu élastique. Sa propagation nécessite d’être dans un milieu matériel, à la différence de l’onde électromagnétique qui peut se propager dans le vide. Le milieu de propagation de l’onde ultrasonore est soumis à une succession de surpressions et de dépressions. Les particules constitutives du milieu sont alors animées d’un mouvement de va-et-vient dans l’axe de déplacement des ultrasons. Les ondes ultrasonores vont avoir trois effets biologiques principaux dans le milieu sur lequel elles sont appliquées : la cavitation, la production de chaleur et enfin la création de micro-courants.

 

La cavitation

Elle ne peut apparaitre que dans un liquide. Ce phénomène permet la création de bulles de gaz qui éclateront au contact d’une paroi. Pour obtenir un effet de cavitation optimal, il faut s’assurer de la fréquence de vibration et de la présence constante d’un milieu liquide à l’extrémité de l’insert. Au sein du liquide, les ondes créent des zones de haute pression et des zones de basse pression.

Dans ces régions de basse pression, l’eau se transforme en vapeur, formant ainsi de petites bulles. Au fil des nouvelles dépressions créées par les ultrasons, ces bulles grossissent, à tel point qu'elles deviennent instables. Elles vont alors imploser de manière extrêmement violente : à l’endroit de l’implosion, la pression locale peut atteindre quelques centaines de milliers de bars, et la température des milliers de degrés. Ainsi les surfaces dentaires exposées à ces forces mécaniques, thermiques et électrophysiques subissent un phénomène d’érosion. Ces variations, physiques et thermiques peuvent rompre les parois cellulaires des bactéries (Van der Weijden 2007).

 

L’augmentation de température

C’est un phénomène physique qui est produit par l’énergie cinétique du déplacement de l’extrémité de l’insert. Les vibrations se déplacent dans les tissus et matériaux, où l’énergie des ondes est en partie transformée en énergie thermique entraînant une augmentation de la température. L’effet thermique dépend de plusieurs facteurs modulables (temps d’utilisation, système de refroidissement, usure de l’instrument, pression exercée) mais aussi de facteurs propres à chaque tissu (densité et coefficient d’absorption). L’étape endodontique particulièrement concernée par les effets thermiques est la dépose des obstacles intracanalaires. Pour éviter une surchauffe des tissus dentaires et éviter des dommages péri-radiculaires, l’utilisation d’une irrigation abondante et continue est nécessaire. Cependant, la dépose d’obstacles intracanalaires demande une utilisation prolongée des ultrasons, nécessitant une irrigation intermittente afin d’avoir un champ de vision optimal sur la zone de travail et d’éviter toute action iatrogène. Il est donc conseillé d’effectuer une utilisation ultrasonore discontinue et d’irriguer abondamment la zone de travail lorsque l’insert est inactif.

Certains générateurs sont équipés de la fonction Air Active comme le P-Max Newtron XS™® (Satelec). Cette fonction permet d’envoyer un flux d’air sur la zone où l’insert travaille. Lorsque l’utilisation des ultrasons nécessite un champ sec, cette fonction est une bonne alternative pour refroidir la surface tout en utilisant de manière prolongée les ultrasons. Lors du retraitement endodontique, cette élévation de température sera utile pour ramollir la gutta-percha.

 

Le micro-courant acoustique

C’est un procédé simple. Dans un liquide, une situation similaire à un tourbillon se créée dans l’espace autour duquel l’insert peut se déplacer. Ces courants provoquent des forces de cisaillements sur les éléments attirés à proximité de l’extrémité de l’insert. Afin de créer ce type d’onde acoustique, deux procédés sont possibles : la magnétostriction et la piézoélectricité. Dans la suite de notre exposé nous n’aborderons que les fréquences ultrasonores ou sonores créées à partir de piézoélectricité. En effet, celle-ci est plus répandue et plus facile à mettre en œuvre dans notre domaine d’activité. Les fréquences créées à travers la piézoélectricité permettent un mouvement de piston très utile lors des traitements endodontiques (dépose d’instruments, élimination de résidus d’obturation). Avec l’évolution technique, il est désormais possible de faire varier l’énergie ultrasonore sans faire évoluer sa fréquence, ce qui augmentera encore une fois le phénomène de cavitation.

Les inserts soniques vibrent à une fréquence inférieure à celle des inserts ultrasoniques mais avec une amplitude plus élevée. Le mouvement est également différent : il est linéaire pour l’insert ultrasonique alors qu’il est elliptique pour l’insert sonique ().

Suite à l’échec de l’utilisation des instruments ultrasonores pour la mise en forme canalaire, les industriels ont changé le design pour leur utilisation en endodontie orthograde et rétrograde.

 

Caractéristiques des inserts

 La pointe : par la nature du mouvement oscillatoire, l’endroit qui va être le plus efficace au niveau de l’insert sera l’extrémité de celui-ci.

On dit que la pointe est active quand elle travaille sur les surfaces avec lesquelles elle est en contact. Une pointe active est donc intéressante pour l’élimination des obstacles intra caméraux (pulpolithes, tenons fibrés…), lorsque la visibilité est bonne et qu’il existe un faible risque iatrogène. Une pointe lisse, et donc inactive, est utile lorsque l’on cherche une action sur le corps de l’instrument donc utile pour l’élimination de surplombs dentinaires ou pour les obstacles intra-canalaires (instruments fracturés, tenons vissés…)

Le revêtement : les inserts peuvent être revêtus (diamantés ou zirconium) ou non. Le revêtement augmente l’efficacité de coupe mais l’inconvénient majeur est son usure rapide, les inserts diamantés sont les plus sensible à cette usure rapide.

La surface : les inserts non revêtus peuvent avoir une surface lisse ou striée. Les inserts striés ont une efficacité de coupe latérale plus importante grâce à leurs microlames.

La composition : les inserts ultrasonores peuvent être en acier inoxydable ou en alliage titane. Le Titane-Niobium permet une amélioration de la transmission des vibrations ultrasonores, et une meilleure résistance mécanique.


 

La cavité d’accès

La cavité d’accès est souvent négligée, et son temps de mise en œuvre est trop souvent accéléré. Pourtant c’est une étape complexe et primordiale pour la poursuite et la réussite du traitement.

La réalisation de la cavité d’accès a comme objectifs : la visualisation des entrées canalaires, l’accès direct et sans interférence aux canaux pour les instruments de mise en forme, et la création d’un réservoir pour la solution d’irrigation. Pour atteindre ces objectifs, il faudra isoler la dent de façon unitaire grâce à la mise en place d’une digue étanche, éliminer la lésion carieuse et les anciennes obturations, puis restaurer de façon provisoire la ou les parois éliminées à l’aide d’un matériau plastique appliqué en technique directe (CVIMAR ou composite), afin de recréer quatre parois étanches qui constitueront une cuvette pour l’hypochlorite.

Le plafond pulpaire est ensuite éliminé, classiquement à l’aide d’une fraise boule diamantée montée sur contre-angle bague rouge ou turbine, afin d’atteindre la chambre pulpaire. L’élimination du plafond pulpaire peut débuter en pré-localisant la forme de la chambre pulpaire au niveau de la surface occlusale de la dent. La suppression complète du plafond et la mise de dépouille de la cavité fournissent alors un accès visuel direct aux orifices. Cela peut se faire à l’aide d’une fraise Zekrya endodontique dont le bout mousse permet la préservation du plancher pulpaire.

Il existe beaucoup de types de fraises sur rotatifs, mais nous allons voir que les ultrasons permettent à la fois d’augmenter le contrôle et la sécurité, tout en maintenant une force de coupe importante (). En effet, ceux-ci utilisés sans irrigation permettent le contrôle précis de leur action de coupe sous microscope. Ce contrôle est également facilité par l’encombrement moindre de la pièce à main ultrasonore dont le design, plus fin que celui d’un contre-angle, permet une meilleure visibilité de la cavité d’accès.

Enfin, la puissance de coupe des instruments ultrasonores est moindre par rapport à celle des fraises montées sur contre-angle, permettant ainsi la levée des contraintes de façon progressive. Cela permet de limiter les lésions iatrogènes, notamment au niveau du plancher pulpaire. Les instruments ultrasonores employés en endodontie sont nombreux et sont spécifiques à leur fonction. L’utilisation du microscope et des inserts ultrasonores assure une sécurité et le succès du traitement ().

La cavité d’accès peut parfois se révéler assez longue, mais elle va déterminer le bon déroulement du traitement endodontique et n’est donc pas à négliger.

Les inserts à ultrasons qui vont intéresser la cavité d’accès sont :

- Dentsply Sirona® : les inserts START-X1, START-X2 et START-X3, disponibles pour pièce à main Satelec® et EMS®. On retrouve ces 3 inserts dans le kit START-X™

- Acteon® : les inserts CAP-1, CAP-2, CAP-3, ET18D, ETBD et ET20 On peut retrouver ces inserts dans des kits : le kit EndoSuccess™ Canal Access Prep, avec les inserts CAP ; et le kit EndoSuccess™, avec les inserts ET

- EMS® : l’insert RT1. On retrouve cet insert dans le kit Endo Plus System EMS (

- Mectron® : les inserts ER2 et ER3 réunis avec d’autres inserts dans le kit : Set Endo Revision

Les inserts ultrasoniques microlames tels que l’insert CAP-1 ou Start-X1 utilisés à forte puissance pourront être utilisés pour la réalisation de la cavité d’accès à la place d’une fraise Zekrya, bien qu’ils laissent les parois irrégulières.

L’insert ET18D ou le RT1, diamantés, ont un rôle semblable à celui de la fraise Zekrya endodontique : plus précis, ils peuvent être utilisés sous aide optique en alternant une utilisation avec et sans irrigation, ce qui permettra une précision plus importante. L’inconvénient majeur est l’usure rapide du revêtement diamanté par rapport à une surface striée. Une fois l’ensemble de la chambre pulpaire éliminée et libérée, la localisation des entrées canalaires peut parfois être complexe.

Dans ce cas l’insert boule diamanté ETBD peut lever les contraintes et peut aider à l’exploration. Lors de l’utilisation de cet insert il faudra être extrêmement vigilant à la perforation car il a un pouvoir de coupe important.

Les inserts CAP-2, Start-X2, ER2 et ER3 peuvent également aider à objectiver l’entrée d’un deuxième canal méso-vestibulaire (MV2), d’un isthme, d’un canal calcifié, d’un canal mésio-central ou de toute autre particularité anatomique camérale, ou du tiers coronaire de la racine.

Dans certains cas, la présence de pulpolithes pourra venir limiter l’accès au réseau canalaire. Les pulpolithes sont des dépôts de tissus minéralisés à l’intérieur de l’espace camérale et canalaire. Ils résultent d’un traumatisme mécanique, inflammatoire, bactérien affectant ou ayant affecté la pulpe dentaire. Le mécanisme de formation des pulpolithes est à ce jour inconnu mais aurait une relation avec l’atteinte du paquet neuro-vasculaire de la pulpe. Les pulpolithes sont extrêmement fréquents, bien que les chiffres varient d’un article à l’autre. Près d’une dent sur deux en présenterait, surtout chez les patients âgés ou les dents ayant subi un traumatisme (mécanique ou occlusal). Les pulpolithes peuvent être libres, retenus, fusionnés à la dentine ().

Dans tous les cas ils sont à retirer, sous aide optique, pour permettre une désinfection complète et un accès facilité au réseau canalaire. Leur objectivation au microscope est aisée car ils présentent une couleur jaunâtre sombre qui diffère de la dentine camérale. Celle-ci peut être compliquée dans les cas de corrosion dentinaire due à la présence d’un amalgame.

La prise en charge peut différer selon leur nature. S’ils sont libres, la vibration d’un insert ultrasonore de détartrage utilisé à basse puissance devrait permettre l’activation d’un phénomène de cavitation, suffisant pour faire remonter les débris et pour lui permettre d’être aspiré ou prélevé à l’aide de precelles endodontiques. Dans le cas des pulpolithes retenus, l’utilisation d’un insert endodontique spécifique à bout travaillant permettra de réduire les parois retenant le pulpolithes et permettre de le libérer. On pourra dès lors le traiter comme un pulpolithe libre. Les pulpolithes fusionnés sont, quant à eux, plus difficiles à prendre en charge. Il faudra réaliser de façon progressive leur élimination à l’aide d’un insert ultrasonore ETBD par pelage progressif. On pourra aussi utiliser un insert Start-X3 ou un insert CAP-3 afin de solliciter progressivement le pulpolithe de façon très douce pour le détacher des parois.

Cette technique limite le risque de perforation liée à l’utilisation de fraises montées sur turbine. Ces inserts peuvent également servir à la progression en profondeur dans le canal. Utilisés à faible puissance et grâce à leur pointe fine, ils permettent d’être précis et économes en tissu. Dans tous les cas, il est de rigueur d’alterner une utilisation sans irrigation des instruments afin d’avoir une visibilité directe, avec une irrigation par la suite, afin d’éliminer les débris et refroidir les tissus. L’utilisation d’instruments ultrasonores pendant la réalisation de la cavité d’accès permet d’augmenter la prédictibilité du traitement, et engendre la réduction globale du temps dédié au traitement endodontique.