Prothèse combinée supra-implantaire: illustration à travers un cas clinique

Dossier spécial Carte Blanche à Olivier Fromentin - AoNews #38 - Nov 2020

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Introduction

Dans de nombreuses situations d’édentement partiel, le patient ne peut pas être réhabilité par de la prothèse fixée supra-implantaire. En effet, l’hygiène bucco-dentaire du patient n’est parfois pas compatible avec de telles reconstructions. Le coût et la complexité de ces réhabilitations freinent aussi leur réalisation. L’âge avancé du patient limite également les possibilités de traitement.

Ainsi, la prothèse partielle amovible à châssis s’avère encore d’actualité en 2020, mais de nombreuses solutions permettent d’améliorer une réalisation « classique » (1). Parmi celles-ci, des implants spécifiquement planifiés peuvent être associés à des attaches de précision (2) ou utilisés pour supporter une prothèse fixée fraisée dans le cadre d’une prothèse combinée, fixe et amovible partielle. Les dispositifs d’attachements supra implantaires ont déjà fait leur preuve pour la prothèse amovible complète (3,4).

Par extension, ils ont aussi été utilisés en prothèse partielle amovible à châssis (5) car ils donnent satisfaction au patient (6) en améliorant différentes caractéristiques de ces dispositifs prothétiques amovibles (7).

 

Amélioration de la fonction

Les systèmes d’attaches sont avant tout des compléments de rétention de la prothèse. En l’a stabilisant lors des mouvements physiologiques, ils la rendent plus confortable et améliorent l’efficacité masticatoire.

 

Amélioration de l’esthétique

Lorsque des dents antérieures nécessitent d’être couronnées et qu’une prothèse à châssis est nécessaire pour remplacer les dents postérieures, l’alternative classique aux crochets était jusqu’alors des systèmes de glissières ou d’attaches de précision distales inclues dans une armature qui solidarisait les dents à restaurer. L’architecture de la prothèse fixée ainsi conçue permettait d’assurer en grande partie l’équilibre de la prothèse amovible qui y était agrégée sans utiliser de crochets inesthétiques dans le secteur antérieur.

Toutefois, ces assemblages pouvaient générer des forces néfastes sur les dents supports ou imposer un surcontour prothétique lié à l’incorporation des glissières dans l’armature. L’utilisation d’attaches supra implantaires permet de s’affranchir de ces inconvénients tout en améliorant l’esthétique dans les secteurs visibles.

 

Amélioration du comportement biomécanique

Grâce à ces dispositifs d’attaches supra implantaires, les forces occlusales sont déplacées des dents supports vers les implants (8). Cette répartition des contraintes présente un intérêt particulier lorsque les dents restantes sont fragiles ou présentent un support parodontal affaibli.

Lorsqu’une prothèse amovible est convenablement réalisée, la mobilité modérée de ses selles prothétiques préserve les structures osseuses sous-jacentes (loi de Jores). Parfois, la mobilité devient excessive (défaut de stabilisation par les dents supports, mauvais ajustement de la prothèse sur sa surface d’appui) et la crête osseuse se résorbe. En stabilisant la prothèse amovible partielle, les attaches évitent l’apparition de ce type de dommage.

 

Amélioration de la prophylaxie prothétique

Ces systèmes d’attaches utilisés en prothèse amovible partielle supra implantaire émergent légèrement de la gencive, ce qui les rend facilement nettoyables au quotidien, notamment chez les personnes présentant des difficultés (handicap, déficience physique, âge avancé …).

 

Particularités des attaches supra implantaires utilisées en prothèse combinée

 

Situation implantaire

Pour un édentement distal (molaires et prémolaires absentes), un implant peut être fréquemment positionné dans la partie mésiale de l’édentement. Il peut être également placé plus distalement si les conditions anatomiques et l’accès à l’hygiène le permettent (9,10). Pour les édentements antérieurs, un implant peut être placé symétriquement de part et d’autre de l’édentement.

Au-delà de la situation du ou des implants planifié dans ces traitements de prothèse combinée, il faut souligner l’intérêt du parallélisme entre l’axe d’insertion prothétique sur les dents naturelles, les éléments de prothèse fixées supra dentaires éventuels et sur le système d’attache supra implantaire. Ceci implique une planification et une mise en place implantaire pertinente afin d’éviter des compromis en termes de conception prothétique ou l’apparition rapides de complications.

 

Choix du système d’attache

Les attaches axiales en forme de sphère ou de cylindre sont les plus fréquemment utilisées. La partie mâle, en titane, est vissée directement dans l’implant et la partie femelle est située dans l’intrados de la prothèse. Les attaches sphériques sont en général légèrement plus hautes que les attaches cylindriques et nécessitent plus d’espace dans l’intrados prothétique. Elles permettent un léger mouvement de bascule de la prothèse, contrairement aux attaches cylindriques qui la verrouillent. En fonction de l’architecture des systèmes d’attaches, une tolérance de divergence avec l’axe d’insertion prothétique est rapportée mais cliniquement une usure rapide des pièces prothétiques apparait fréquemment dans ces situations (7).

Le mode d’action des attaches repose sur une rétention mécanique par friction de la partie femelle sur la partie mâle. Pour les attaches sphériques, soit la partie femelle est en alliage précieux et s’active à l’aide d’un instrument dédié pour obtenir la rétention, soit elle comporte une cupule (matrice) en titane dans laquelle vient se loger l’insert rétentif (en PEEK ou en polyamide (nylon)). Les parties femelles des attaches cylindriques sont toutes constituées d’une matrice et d’une pièce rétentive (Fig. 2d).

 

Chronologie des étapes de traitement en prothèse amovible partielle supra implantaire

Les critères du plan de traitement global sont les mêmes avec ou sans attaches et passent par un respect des courbes occlusales, le choix d’une dimension verticale et d’une relation occlusale stable (11,12). Un montage directeur permet de valider le projet prothétique et d’établir un tracé de châssis prospectif (13,14). Une fois que le plan de traitement est accepté par le patient, les étapes pré-prothétiques sont initiées : soins parodontaux et conservateurs, puis mise en place des implants. Si de la prothèse fixée est nécessaire, elle est réalisée avant la prothèse amovible comme pour une prothèse combinée conventionnelle (9). Les aménagements coronaires (logements de taquets et de barres corono-cingulaires) sont déjà prévus dans l’armature pour recevoir la prothèse amovible dans un axe d’insertion unique (15) qui doit être également l’axe d’insertion sur les attaches supra implantaires.

L’empreinte secondaire est réalisée à l’aide d’un porte empreinte individuel (PEI). Les éléments de la prothèse fixée peuvent être soit fixés définitivement, soit embarqués dans l’empreinte si le praticien souhaite un ajustage du châssis directement sur la prothèse fixée intégrée dans le maitre modèle (Fig. 1).

L’attache (partie mâle) peut être choisie par le praticien. Ce dernier mesure la hauteur transgingivale depuis le col de l’implant à l’aide d’une sonde parodontale, et visse l’attache la plus appropriée parmi la sélection proposée par le système implantaire avant d’entreprendre l’empreinte secondaire de la prothèse amovible.

Il peut également prendre une empreinte avec un transfert d’implant (Fig. 2). L’attache est alors choisie sur le modèle de travail. La prothèse amovible est ensuite essayée, les rapports occlusaux sont enregistrés, puis le montage des dents est vérifié avant finition. La connexion de l’attache avec le châssis grâce à la mise en place de la partie femelle est effectuée au laboratoire de prothèse (connexion indirecte) ou directement en bouche (connexion directe) (Fig. 3).

 

Connexion directe et indirecte de l’attache femelle ou matrice rétentive

En technique directe, l’attache est vissée sur l’implant, puis torquée en bouche au couple préconisé par le système implantaire, à l’aide d’un tournevis parfois spécifique. La partie femelle des attaches cylindriques, équipée avec un insert rétentif noir de laboratoire, est ensuite placée sur la partie mâle (Fig. 3a). Un anneau souple, souvent fourni avec le dispositif, est positionné autour du col de l’attache afin d’empêcher les fusées de résine lors de la connexion (Fig. 3d). A cet égard, un petit morceau de toile de digue peut être rajouté par-dessus en précaution supplémentaire.

La prothèse amovible est réessayée afin de s’assurer que ces éléments ne gênent pas sa bonne insertion et que l’espacement dans l’intrados de la selle prothétique est suffisant pour la partie femelle ou matrice. Une résine chémopolymérisable est déposée au niveau de cet espacement crée dans l’intrados et la prothèse amovible est immédiatement remise en place en bouche, sous pression occlusale (Fig. 3c).

 

En technique indirecte, cette étape est réalisée sur le modèle de travail au laboratoire.

Dans les deux cas, un évent entre l’intrados et l’extrados peut être également prévu afin d’évacuer les excès de résine (7). Après polymérisation, la prothèse est retirée et les débords de résine sont ébarbés. L’insert de laboratoire est remplacé par un insert de rétention adéquat (Fig. 3f), dont l’efficacité sera choisie en fonction du cas clinique et de l’habilité du patient. Le praticien doit impérativement contrôler que la prothèse s’insère complètement (Fig. 4) et que le patient puisse lui-même l’insérer/désinsérer. Les conseils de brossage de l’attache et de la prothèse sont donnés à cette étape du traitement. Avec le temps et la perte de rétention, l’insert de rétention sera remplacé pour les attaches cylindriques, tandis que la partie femelle sera resserrée pour les attaches sphériques.

 

Conclusion

Les attaches de précision sont des dispositifs relativement simples à mettre en œuvre dans les situations de prothèse supra implantaire combinée. L’implantation est réalisée sur des sites facilement accessibles à l’hygiène bucco-dentaire. Elles apportent de nombreux bénéfices fonctionnels au patient en stabilisant la prothèse amovible partielle, améliorant ainsi son efficacité masticatoire. En s’affranchissant des crochets antérieurs ou des autres dispositifs de rétention, l’esthétique et la pérennité des dents restantes sont améliorées. Un contrôle régulier de l’hygiène, de l’occlusion et de la qualité de la rétention par le praticien permettra d’assurer la pérennité de la prothèse combinée réalisée.



Bibliographie

1. Cheylan, J.-M., Prothèse Amovible Partielle : une kyrielle de solutions. N°164. 2014: Alpha Omega News.

2. Bortolini, S., et al., Implant-retained removable partial dentures: an 8-year retrospective study. J Prosthodont, 2011. 20(3): p. 168-72.

3. Rignon-Bret, C., Attachements et prothèses complètes supra-adiculaires et supra-implantaires. 2008: CdP, coll. guide clinique.

4. The McGill consensus statement on overdentures. Quintessence Int, 2003. 34(1): p. 78-9.

5. Amet, E.M., A unique method of combining teeth and endosseous implants for a stable removable prosthesis. J Oral Implantol, 1993. 19(3): p. 216-20.

6. Bassetti, R.G., M.A. Bassetti, and J. Kuttenberger, Implant-assisted removable partial denture prostheses: a critical review of selected literature. Int J Prosthodont, 2018. 31(3): p. 287-302.

7. Baixe, S., O. Etienne, and C. Taddei-Gross, Prothèse Partielle Amovible Supra-implantaire, in EMC- Médecine Buccale, E. Masson, Editor. 2019. p. 1-12 (article 28-768-A-10).

8. Oh, W.S., T.J. Oh, and J.M. Park, Impact of implant support on mandibular free-end base removable partial denture: theoretical study. Clin Oral Implants Res, 2016. 27(2): p. e87-90.

9. Taddéi, C. and E. Waltmann, Implants et prothèse partielle amovible. 2010, Paris: Quintessence International, coll. Réussir.

10. Bural, C., et al., Distal extension mandibular removable partial denture with implant support. Eur J Dent, 2016. 10(4): p. 566-570.

11. Schittly, J. and E. Schittly, Prothèse amovible Partielle - Cinique et laboratoire. 2012 (2e édition), Rueil-Malmaison: CdP, coll. JPIO.

12. Santoni, P., Maîtriser la prothèse amovible partielle. 2004, Paris: CdP, Coll. JPIO.

13. Begin, M. and I. Fouilloux, La prothèse partielle amovible : Conception et tracés des châssis. 2004, Paris: Quintessence International, coll. Réussir.

14. Borgis, S., Prothèse amovible partielle et implant, in Prothèses supra-implantaires: Données et conceptions actuelles. 2017, Editions CdP, Coll. JPIO: Paris. p. 235-254.

15. Etienne, O., et al., Prothèse amovible partielle fixée à armature zircone. Association en prothèse composite. Les cahiers de prothèse, 2010. 152: p. 61-70.

 

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