les Aligneurs, avis d'expert #2

Dossier Les Aligneurs orthodontiques

AoNews #42 - Juin 2021

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2. Aligneurs Avis d experts #2 - AO 42 J
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L’apparition sur le marché d’un nouvel appareil orthodontique est toujours la source de polémiques, et de batailles entre les anciens et les modernes. Les anciens attachés à leur technique, qu’ils possèdent bien et leur donne satisfaction, n’ont pas confiance dans les nouveaux appareils et souvent les discréditent.

La première méthode de traitement par gouttières ou aligneurs, intégrant le set-up numérique et la modélisation 3D du traitement, proposée par Invisalign®, est apparue aux Etats-Unis, puis en France avec le 21ème siècle, en l’an 2000.

Elle a déjà plus de 20 ans d’existence mais est encore la cible de nombreuses critiques : méthode commerciale…, qui ne permet pas de traiter toutes les malocclusions…, etc.

Depuis d’autres fabricants sont apparus : Orthocaps®, Clear Aligner®, Air Nivol® Smilers®, SurSmile®, etc…

Ces techniques de traitement par aligneurs sont issues des progrès de toutes les nouvelles technologies et permettent d’effectuer des traitements discrets, efficaces, moins délétères pour le parodonte, qui évitent souvent de sacrifier des dents, et provoquent très peu de gêne pour le patient et confort de travail pour le praticien.

Alors pourquoi tant de critiques ?

Comme tout appareil orthodontique, les aligneurs présentent des avantages et des inconvénients.

 

Quels sont les avantages pour le patient et le praticien ?

 

Avantages pour le patient

· C’est une technique qui permet de traiter les adultes et les adolescents de façon très discrète.

· Les gouttières ou aligneurs sont presque invisibles et amovibles.

· Le patient peut les ôter temporairement, peu de temps (quelques heures) pour un évènement important, ce qui est très déterminant dans sa décision d’adhérer au traitement.

· Il les enlève également pour les repas ce qui lui permet de ne pas avoir à éliminer de son alimentation les aliments durs ou collants, comme cela est nécessaire avec le port des appareils multi-attaches.

· Les gouttières sont beaucoup moins délétères pour le parodonte.

 

En effet, on sait que l’introduction d’un appareil orthodontique en bouche induit un changement de la flore bactérienne et favorise la prolifération des bactéries responsables de la maladie parodontale. Le patient enlève les gouttières pour se brosser les dents ce qui est un avantage considérable sur les techniques multi-attaches.

Par ailleurs, le risque de carie est très fortement diminué par rapport aux traitements multi-attaches qui favorisent la rétention de plaque et rendent laborieux le brossage.

Pas de leucomes pré carieux avec les gouttières !

 

 Avantages pour le praticien

 · C’est une méthode qui prend beaucoup de temps au praticien en amont, qui doit travailler sur le set up en 3D (clin-check), pour adapter le traitement proposé par le fabricant, à son patient, mais qui prend beaucoup moins de temps et d’efforts au fauteuil.

· Les traitements sont généralement plus rapides, en partie en raison de la désocclusion provoquée par les gouttières, les dents ne rencontrent pas d’obstacle occlusal et se déplacent plus facilement.

· Les gouttières sont un bon moyen d’ancrage, accompagnées d’élastiques intermaxillaires pour distaler les molaires.

· Elles sont beaucoup moins inconfortables qu’un pendulum ou qu’une force extra-buccale ou FEB (appareil peu apprécié des adultes et parfois dangereux pour les enfants, de moins en moins utilisé en raison de son inconfort).

· Le praticien a beaucoup moins d’urgences à gérer, pas d’attaches décollées à recoller sans tarder, pas d’arcs qui dépassent, pas de blessures, pas de gingivites. Parfois il est confronté à une gouttière au bord gingival mal adapté, ou à un taquet décollé, mais il n’existe pas d’urgence grave prenant beaucoup de temps au fauteuil.

 

Quels sont les inconvénients pour le patient et le praticien ?

 

Inconvénients pour le patient

· Un temps d’adaptation est nécessaire, mais bien moindre qu’avec des attaches linguales, en particulier concernant l’élocution.

· Le succès est directement lié au port régulier des gouttières 20 à 22 heures sur 24, donc à la coopération du patient, mais il en est de même avec un patient traité en multi-attaches ou fonctionnel. Quel praticien peut arriver à mener à bien un traitement sans la coopération du patient quelle que soit la technique utilisée ?

 

Inconvénients pour le praticien

· Il ne semble pas que la technique de traitement par aligneurs présente des inconvénients pour le praticien : il peut utiliser les dispositifs accessoires (mini-vis, tractions élastiques inter-maxillaires) et envisager un traitement orthodontico-chirurgical, comme avec un appareil multi-attaches.

 

Y a-t-il une limite aux traitements par gouttières ?

 

Qu’en est-il des traitements avec extraction ?

Les méthodes de traitement par aligneurs ont le mérite de favoriser les traitements avec réduction amélaire inter-proximale (RIP). Dans la mesure où cette réduction amélaire est réalisée avec les précautions et le doigté nécessaires et non pas de façon intempestive comme on le voit parfois, les traitements avec diminution de la largeur des dents ou RIP sont souvent préférables chez l’adulte à ceux impliquant l’avulsion des dents, d’une part parce qu’ils sont moins longs et d’autre part parce que les déplacements des dents sont moins importants donc moins risqués pour l’intégrité des racines.

Pour reprendre une phrase de Julien Philippe dans la conclusion de son livre, Histoire de l’Orthodontie*: L’extraction garde dans son principe quelque chose de barbare. Lorsque les autres parties du corps sont excédentaires ou inesthétiques elles subissent des plasties plus souvent que des ablations.

Cependant, quand cela est nécessaire, en utilisant des accessoires, un praticien compétent peut réaliser un traitement avec des extractions.

Dans les mains d’un praticien orthodontiste qualifié, ayant suivi une solide formation comme en propose Invisalign®, avec journées de formation et study group, il y a peu de limites aux traitements par gouttières.

 

Alors pourquoi tant de polémiques ?

Les traitements par aligneurs sont présentés par les sociétés qui les commercialisent comme des traitements simples prêts à poser. Or il serait illusoire de penser qu’un traitement avec aligneurs est un traitement facile, à la portée de tous !

 

Cet outil performant et sophistiqué, qui paraît simple d’utilisation, peut provoquer des dégâts dans des mains inexpérimentées.

 

Pour mener à bien un traitement par aligneurs, il faut non seulement connaître les procédés qui permettent de programmer les modifications nécessaires sur la modélisation 3D, mais il faut également avoir toutes les connaissances orthodontiques concernant les mécanismes des déplacements dentaires.

 

Les traitements sont élaborés par des techniciens qui, aussi compétents qu’ils soient, ne sont pas orthodontistes. Le praticien doit être capable de modifier la proposition de traitement du technicien et pour cela il doit faire un apprentissage sérieux et continu car cet outil ne cesse d’évoluer.

L’étude des plans de traitement proposés par le fabricant est indispensable et doit être réalisée avec beaucoup d’attention. La situation et la quantité de stripping doivent être calculées avec minutie, le choix des taquets analysé en fonction de la mécanique souhaitée, le choix de l’ancrage étudié en fonction de la dysmorphose. Une connaissance approfondie du système peut permettre de diminuer le nombre de gouttières prévues par le technicien, d’améliorer la position des dents et leur intercuspidation ou d’éviter de réaliser un RIP trop important.

 

Un chirurgien- dentiste non qualifié en orthodontie peut-il, sans risque, réaliser des traitements orthodontiques au moyen de gouttières ?

Poser un appareil d’orthodontie qu’il soit composé d’aligneurs ou d’attaches collées, signifie soigner un patient.

Soigner un patient ne signifie pas aligner les dents coûte que coûte en sacrifiant la santé du parodonte ou en mettant au ban les principes de l’occlusion.

Soigner un patient c’est réaliser un diagnostic correctement, établir un plan de traitement adapté et lui proposer le traitement qui convient à sa dysmorphose.

Que ce soit au moyen de gouttières, d’appareils multi-attaches ou fonctionnels un praticien non spécialiste en orthodontie peut effectuer des traitements orthodontiques à condition d’avoir des connaissances approfondies en la matière. Les gouttières sont des outils de traitement, et, comme tout outil, leur emploi nécessite un apprentissage et une solide formation sous peine de rencontrer de sévères difficultés.

Que dire des fabricants qui proposent aux chirurgiens- dentistes non qualifiés en orthodontie, après seulement une journée de formation, des traitements clés en main, de cas jugés simples, sans possibilité de modification des plans de traitements proposés.

 

Le praticien est à la merci du fabricant, que se passera-t-il en cas de problème, qui sera responsable ? Le praticien, la firme ou les deux ? Et qui souffrira d’un traitement mal mené aux conséquences dramatiques ? Les plaintes de patients concernant les traitements avec aligneurs sont nombreuses aux Etats- Unis, et leur nombre n’est pas négligeable en France. Les praticiens non qualifiés en orthodontie sont impliqués dans les deux tiers des litiges.

 

Les exemples de litiges sont nombreux :

  • le praticien n’a pas su fermer l’espace résiduel suite à une extraction de prémolaire, il n’a pas utilisé d’élastiques intermaxillaires et le patient doit maintenant subir un implant pour la remplacer ;
  • un patient a porté des gouttières pendant quatre années et perdu toute occlusion… ;
  • la malocclusion d’une patiente a récidivé parce qu’une couronne a été réalisée pendant le traitement rendant les gouttières immettables ;
  • un patient a porté 30 gouttières supplémentaires (15 mois de traitement) et inutiles parce que le praticien n’a pas su modifier le plan de traitement proposé.

Tous ces litiges ne sont pas la conséquence de l’emploi d’une technique ou d’un outil en particulier, mais du manque de formation des praticiens qui les utilisent.

De la même façon qu’il a fallu à nos prédécesseurs, apprendre à poser et à régler, les appareils multi-bagues apparus il y a un siècle, appareils qui se sont au fil des ans perfectionnés, puis sont devenus un outil indispensable à nos traitements, les aligneurs, immanquablement, feront partie demain de l’arsenal thérapeutique de tous les praticiens, à ceux-ci d’apprendre à les utiliser.

 

* Histoire de l’Orthodontie, Julien Philippe, Ed. Sid

 

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