Le maquillage : dédiaboliser sans démocratiser

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Le débat

 

Sujet complexe et débat périlleux que celui du maquillage de céramique en prothèse dentaire.

Avant de faire un point sur la technique, lançons la réflexion du pourquoi.

 

Défenseure de mon métier et de son art, céramiste depuis bientôt 18 ans, j’ai appris, lu, suivi des cours de stratification de grands noms de la prothèse française et internationale. Par amour du métier, par passion et par envie de reproduire ce que la nature nous offre. Mon but était de connaitre l’histo-anatomie d’une dent, de s’en inspirer et de la reproduire avec nos matériaux et nos outils.

J’ai appris énormément leurs formes, les émergences, la couleur, les micro et macro géographie de surface et les méthodes pour réussir à les imiter.

Mais le constat est là aujourd’hui : l’industrie dentaire a muté. Les matériaux ont changé et l’usinage en cabinet ou laboratoire est devenu courant. L’évolution du monde du dentaire est devenue colossale. C’est d’ailleurs un des marchés qui croit le plus fortement et le plus rapidement.

Ces progrès découlent effectivement du fait que les prothésistes ont dû s’adapter à cette demande croissante et pour gagner du temps, pour faire des prothèses d’une fiabilité reproductibles, ils ont dû industrialiser leur technique.

 

Bonne ou mauvaise chose ?

 

Nous sommes artisans dans un monde qui évolue en ce sens constamment. Plus vite, plus rapide plus fiable …..Comment résister ?

Mais le revers de la médaille n’est-il pas de comment garder cette valeur de notre art et de nos restaurations ?

N’allons-nous pas vers le commerce d’une dentisterie de masse ? Ne vend-on pas son âme au diable dans ce métier si particulier et passionnant ?

Oui cela a évolué vite, très vite et comment y trouvez sa place d’artisan prothésiste dentaire ? Garder ces anciennes mentalités pour ne pas dévaluer un métier au risque de ne pas progresser avec ce que nous offrent les techniques d’aujourd’hui ?

Mais la prothèse 2.0 est en marche ….et il me semble difficile de revenir en arrière en parlant des merveilleuses couronnes à bague que certains connaissent peut-être encore. Alors oui, il est possible de conserver son art et de stratifier des facettes feldspathiques sur feuille de platine ou réfractaire quand on sélectionne la clientèle adaptée et qu’on reste une microstructure. Mais dès qu’un laboratoire étend ses possibilités et ses talents, il doit souvent également multiplier les employés, les investissements et son offre commerciale afin de pouvoir répondre aux besoins des patients, des praticiens et être économiquement viable.

Avec l’usinage en laboratoire et en cabinet, la zircone et le disilicate maquillé ont peu à peu pris de la place. Or, après tout ce que j’ai appris depuis ces 18 années, même si on essaye de s’en rapprocher avec ces nouveaux matériaux, l’illusion est de penser que nous pourrions être capable de recréer ce que la nature fait en 4D avec des monolithiques, simplement en maquillant.

Nous devons cependant réfléchir également à l’entreprise au-delà de l’artisan lui-même et combiner tradition, savoir et savoir-faire avec les nouvelles innovations. Nous devons aller vers une professionnalisation de notre métier et de nos entreprises.

Il y a bien le mot art dans le mot artisan et voilà le litige cérébral auquel doit faire face l’artisan prothésiste : être un artisan-artiste animé par la foi de son métier et la technicité de son savoir et de ses mains uniquement, qui pense que le maquillage de monolithiques tue le métier et la créativité ou devenir un artisan-entrepreneur qui doit panacher son travail et s’ouvrir aux nouveaux protocoles de fabrication qui s’imposent à lui, pour proposer un panel plus largue de restaurations à des tarifs différents ?

La réalité est que cette stratification que l’on chérie tant est-elle aussi rapide, efficace et reproductible que les monolithiques ? Que sont prêt à débourser les patients pour des prothèses en céramique, car c’est eux qui sont au centre du traitement avec le RAC zéro ?

Avec tous les outils, tel que le Modjaw® par exemple, évolution majeure par rapport à nos articulateurs, qui nous aide à proposer une vraie mastication et une fonction bien plus personnalisable, peut-on réellement proposer une solution aussi reproductible avec des entrées et sorties de cycle de mastication en céramiques postérieures stratifiées ?

Les monolithiques sont ce qu’elles sont, certes, simples et efficaces alors pourquoi refuser de faire vivre une entreprise pour faire des protocoles plus lourds de stratification postérieure à des patients qui n’y voient eux aucun intérêt et qui ne voient pas ce petit « effet » que vous pourriez y mettre ?

En dehors du plaisir de céramiste, stratifier 12 poudres pour une molaire n’est-ce pas un peu ridicule surtout lorsque l’on manque de place ? Une full maquillée n’est-elle pas plus logique dans ces cas ? Ne pourrions-nous pas gagner du temps pour les stratifications antérieurs esthétiquement plus importantes, en sacrifiant ces montages de céramique en postérieur ?

Ce que le patient veux, lui, c’est peut-être simplement manger, remplir ce « trou noir » et dépenser le moins possible.

Alors effectivement cela pourrait encore être une réflexion pour les antérieures. Une unitaire à intégrer sera forcément mieux réussie en stratification, c’est indiscutable. Et selon la teinte à obtenir, le maquillage uniquement, sera parfois impossible.

Dans le cas d’une réhabilitation globale, le choix des antérieures stratifiées ou pas, est critiquable.

 

Mais revenons toujours à la demande du patient : a-t-il une demande esthétique forte ou pas ?

Prothésistes ou praticiens doivent réfléchir ensemble, pour chaque cas qui se présente : quelle est la demande du patient et que pouvons-nous lui proposer dans son enveloppe budgétaire tout en conciliant l’économie du cabinet, du laboratoire et le résultat espéré par le patient.

Il y a une place pour tout en dentisterie. Ce qui serait dangereux, c’est que la monolithique maquillée devienne une panacée. Pour ma part, la stratification a encore de beaux jours devant elle en antérieure car la demande esthétique reste très forte.

Une thèse (Renata Camino /Mexico) a d’ailleurs démontré que la stabilité de la couleur et la rétention de glaçure sur la zircone monolithique ne sont pas si longue. L’hygiène ou l’utilisation de certains dentifrices diminuerait leur longévité. Le passage répété de la lèvre ou de la langue, le Ph salivaire, ou la qualité elle-même du matériau choisi entre en compte.

Nous sommes tous patients un jour et à nous de faire des choix raisonnés et raisonnables en matière de consommation ou de santé. Toutes ces méthodes évolutives du métier permettent aux patients de choisir et ils ont tous des critères et un niveau d’exigence différent.

 

La technique

Les restaurations monolithiques usinées ou pressées maquillées sont donc les plus souvent utilisées dans les cas d’unitaires ou petits bridges postérieurs, unitaires antérieures avec schéma de teinte simples ou en cas de réhabilitation complète quand le substrat est homogène.

J’ai choisi de vous présenter plusieurs cas différents : une centrale en disilicate Amber (Hassbio) maquillée avec de la céramique liquide Miyo (Jensen) et une molaire full contour en zircone YML de Katana (Kuraray Noritake ) maquillage 4-4-1 (Kuraray Noritake )et une réhabilitation complète en Empress multi maquillage Ivocolor (Ivoclar Vivadent) sur une imitation de moignon cupule zircone maquillé en céramique liquide miyo à l’aide du système Elab (Sasha Hein) afin de créer un substrat similaire sur toutes les restaurations.