Gestion du stress oxydatif en implantologie : la solution pour les péri-implantites et fontes osseuses ? Sans aucun doute...

Dr Joseph CHOUKROUN, Médecin Anesthésiste, et Dr Elisa CHOUKROUN, Chirurgien Dentiste

JEUDI 20 JUIN 2019 à l'Intercontinental Marceau, Paris 8e.

 

Le Bureau AO Paris remercie chaleureusement

Joseph et Elisa Choukroun

pour leur intervention et leur disponibilité.

 

 

 

de gauche à droite : Serge Zagury, Franck Sebban, Stéphane Abitbol, Hervé Roos, Joseph Choukroun, André Saadoun, André Sebbag et Elisa Choukroun

 

Compte-rendu de la soirée par Patrick Chelala et Cyril Licha

Encore une belle soirée pour AO Paris avec un duo de conférenciers père / fille sur un sujet original.

La péri-implantite ainsi que la résorption osseuse après greffe sont des complications rencontrées quotidiennement dans nos cabinets. Elles sont parfois rencontrées plusieurs années après mise en charge des implants, alors que tout allait bien jusque-là. La littérature scientifique montre que le facteur déclencheur de la péri-implantite n’est pas uniquement bactérien ; elle est l’œuvre de facteurs combinés.

Le remodelage osseux est permanent, en fonction des contraintes mécaniques. Si l’os est trop ou trop peu stimulé, on a un déséquilibre entre destruction et formation osseuse : la balance est négative, on observe une résorption.

L’angiogenèse dépend de la vascularisation de la matrice. Il ne faut pas de tension sur les tissus mous pour ne pas perdre la vascularisation périostée en créant une ischémie. La perte de cette vascularisation en cas de tension crée un stress oxydatif, car elle entraîne une accumulation d’oxydants, aussi appelés radicaux libres. L’ADN cellulaire est endommagé, entraînant la mort cellulaire et la perte osseuse.

 

Pour bien comprendre, revenons à la biologie !

 

On distingue deux facteurs de risque qui sont trop peu considérés en cabinet : le cholestérol et la vitamine D. Le cholestérol est délétère pour la santé osseuse. Il en existe deux types : le HDL (« bon cholestérol » car antioxydant » et le LDL (« mauvais cholestérol » car oxydant). Un taux élevé de LDL entraîne une apoptose des ostéoblastes, créant ainsi un os gras, au métabolisme ralenti. En pré-opératoire, Élisa Choukroun recommande un taux de LDL inférieur à 1,4g/L.

 

80% des patients sont déficitaires en vitamine D. Cela s’explique car nous ne voyons pas suffisamment le soleil. La vitamine D agit à la fois sur le métabolisme osseux, possède une action sur l’immunité, joue sur la cicatrisation et est anti-inflammatoire. Il faut donc prescrire un dosage de la vitamine D et du cholestérol avant chaque pose d’implant pour tous les patients en demandant le cholestérol total, le LDL, et la 25 OH D2+D3. En cas de déséquilibre, il faut alors adresser au médecin traitant pour gérer les déséquilibres du bilan biologique.

 

Chez les patients fumeurs ou diabétiques, les complications sont plus fréquentes car ils subissent un stress oxydatif chronique. Chez le diabétique, ce stress est causé par l’hyperglycémie, tandis que chez les fumeurs, c’est la fumée qui est en cause (et non pas la nicotine). La fumée de cigarette inhibe la synthèse de la vitamine D, d’où l’intérêt de demander si les patients fument et fréquentent des fumeurs. Les patients fumeurs et diabétiques sont donc très à risque au niveau de la vitamine D.

 

D’autres profils de patients sont à risque : les plus de 65 ans, les fumeurs, les personnes à la peau foncée (car la mélanine et la vitamine D entrent en compétition pour l’absorption des UVB), les patients dépressifs, les patients obèses et les patients allergiques aux pénicillines. Ces derniers présentent quatre fois plus d’échecs que les autres. En effet, cette allergie est intimement liée à la déficience en vitamine D.

 

La vitamine D augmente donc la production d’antioxydants. Le taux normal de 30 ng/mL est insuffisant car elle va être consommée lors de la chirurgie. On préfère ainsi être entre 50 et 70 ng/mL pour rester dans des valeurs normales après l’intervention. Il faut tester tous nos patients, même ceux qui ne sont pas à risque.

 

La prescription sera de 2000 UI d’emblée et en fonction des résultats du bilan sanguin, elle pourra être adaptée jusqu’à 8000 UI par jours. Une supplémentation 2-3 semaines en pré opératoire est considérée comme suffisante, en accord avec les délais de programmation implantaire.

 

Ils seront ensuite tous supplémentés pendant 3 à 6 mois sur la même dose puis à vie à 2000 UI. La toxicité de la vitamine D est très rare, et apparaît à partir de 100-110 ng/mL : nous sommes donc très loin de ces valeurs !

 

À la fin d’une chirurgie, nous avons tendance à vouloir fermer le site opératoire avec des lambeaux. Sans s’en rendre compte, à vouloir fermer hermétiquement, on crée des tensions sur le site opératoire.

 

Lever un lambeau à des avantages : stimulation du périoste, amélioration de l’angiogenèse. Cependant, la mobilité de ce lambeau après la chirurgie n’est pas souhaitée. En effet, quand les patients parlent, mangent, vivent, cela entraîne une mobilité de ce lambeau. Il faut 30 jours pour avoir 70% de ré-attachement du périoste et 45 jours pour une attache complète. On peut utiliser le « soft-brushing » pour remplacer les incisions périostées qui sont traumatisantes. Dans tous les cas, l’allongement du lambeau doit être généreux pour obtenir cette laxité supplémentaire.

 

La solution : la réalisation d’un point matelassier horizontal à 1,5 cm des berges permet de reporter la tension à distance. Il est un indicateur pour le patient en post-opératoire : si le patient sent une tension sur les sutures, c’est qu’il fait un mauvais mouvement. Ces sutures doivent être maintenues pendant 4 semaines. Le monofilament résorbable est ainsi indiqué. Elisa utilise le « Glycolon by resorba ». Tant que le périoste n’est pas rattaché, la vascularisation n’est pas optimale. Il faut toujours essayer de fermer sans tension, et tirer sur les lèvres et joues pour vérifier en fin d’intervention. La tension provoque une ischémie de la corticale et frotte les éventuelles greffes.

 

La vestibuloplastie est une solution prévenant la péri-implantite car elle élimine les tensions. Elle est réalisée par une injection de PRF liquide dans les tissus au préalable, puis une incision en épaisseur partielle dans le vestibule. Le tissu conjonctif exposé est ensuite recouvert par une membrane de PRF suturé. On obtient alors une cicatrisation de seconde intention qui tend vers la première intention, car ce n’est pas de la gencive, mais le PRF qui assure la fermeture. Le choix du biomatériau est essentiel. L’origine tissulaire la plus acceptée est l’humain. On trouve ensuite, dans l’ordre, le porcin, l’équin et enfin le bovin. Ce dernier est l’origine la plus utilisée, mais également la moins compatible avec l’organisme. Quand on greffe un os humain, il perd du volume. Il y a une oxydation du collagène qui compose l’os, ce qui entraîne une perte de volume. On peut rajouter de la xénogreffe pour garder ce volume (conseillé pour les grosses reconstructions).

 

En cas d’excès de tension exercée par la gencive, le remodelage osseux est perturbé. C’est ce qu’il se passe après extraction. Il faut maintenir la gencive à distance, et l’os se reforme dans l’espace disponible.

 

La technique SSA développée par Gary Finelle permet de maintenir la gencive à distance des berges, et d’éviter ce phénomène de compression de l’os qui entraîne une résorption. Il ne faut pas fermer les lambeaux si cela implique la création de tension. Il vaut mieux laisser ouvert, ou suturer en apical pour éloigner la tension des berges.

 

Quand on pose un implant, il exerce une pression permanente sur l’os. La nature de cet os a alors un rôle très important :

- l’os spongieux est élastique et se laisse faire en compression, même avec un torque élevé,

- l’os cortical est indéformable, l’implant comprime en force. C’est un acte agressif.

 

C’est la raison pour laquelle la péri-implantite arrive plus à la mandibule : l’os est plus corticalisé. Le support bi-cortical est donc à proscrire. Quand on a un os dense corticalisé, il ne faut pas visser et dévisser plusieurs fois, tarauder, ou poser avec un torque élevé, car toutes ces actions créent un stress énorme. Il faut toujours surforer l’os dense pour prévenir la résorption.

 

Une autre astuce consiste à poser l’implant en sous crestal, pour éloigner l’implant de l’os cortical.

 

De plus, Les implants coniques sont plus compressifs que les implants cylindriques au niveau cortical.

Avec de l’os humain greffé, l’os néoformé pousse au contact du biomatériaux. Le phénomène est le même, peu importe la provenance du biomatériau (bovin, synthétique, autogène). Plus on a de « couches » différentes, plus l’os est rigide. Un os greffé comporte plusieurs couches, il est donc plus rigide et a un comportement cortical. Il faut donc surforer, ne pas torquer l’implant, et toujours penser au surforage crestal. L’os formé n’a aucune raison de se résorber sauf si on cause la résorption avec une contrainte.

 

Former un os physiologique est un défi : ce n’est qu’avec l’aide du sang ou du PRF que l’on pourra l’obtenir une régénération. L’utilité du PRF est multiple. Il permet :

- la fermeture sans tension des sites opératoires (en laissant ouvert sans exposer le site),

- le comblement d’une alvéole,

- la maîtrise de la consistance du matériau de greffe (S-PRF et sticky bone),

- la réalisation de grandes membranes,

- un effet antioxydant,

- une angiogenèse facilitée sur le site d’intervention, par l’injection pré-opératoire de PRF liquide après anesthésie locale par exemple,

- certains recouvrements radiculaires sans prélèvement conjonctif.

 

En conclusion, les docteurs Choukroun nous ont offert une très belle conférence et nous ont donné les clefs pour appliquer dès demain au cabinet, leurs visions de la dentisterie.

Ils nous ont montré que pour prévenir un échec, potentialiser une cicatrisation, réussir une greffe, il faut revenir aux basiques : revenir à la biologie !