ENDO vs IMPLANTO

Partageons quelques dilemmes du quotidien"!

Une conférence AO Paris le 13 décembre 2018 animée par les Drs Bertrand et Philippe KHAYAT

Compte-rendu de Cyril Licha et Patrick Chelala.

Très grand succès le 13 décembre pour la dernière soirée AO Paris de l’année avec les frères Khayat ! Plus de 120 praticiens sont venus écouter ce duo de choc qui a abordé une question que chaque praticien se pose au quotidien : conserver ou implanter ?

Philippe Khayat, implantologiste, et son frère Bertrand, endodontiste, ont animé avec passion cette soirée en partageant leur analyse de différents cas relatifs à leur spécialité et à leur expérience.

La conférence commence par l’analyse de clichés radiographiques. D’emblée, le CBCT s’impose comme un examen pré-opératoire indispensable à la prise de décision.  L’absence de parois osseuses autour d’une lésion apicale indique d’emblée la chirurgie endodontique ; une cicatrisation après un traitement orthograde étant impossible. La présence d’une fracture invisible sur un cliché 2D mais identifiable au CBCT indique l’extraction.

La présentation s’anime par des allers-retours entre les deux frères qui discutent et argumentent. Finalement, on se rend compte que l’implantologiste se montre très conservateur, contrairement à ce que l’on aurait pu penser !

Les cas s’enchainent, et Bertrand Khayat nous présente un échec. Le patient revient quelques années pour des douleurs sur cette même dent, après une chirurgie endodontique. Cette dent présente alors une fracture, mais sur la racine non traitée ! Il n’existe pas de fractures ou fêlures types : on peut les retrouver au niveau du plancher pulpaire, au niveau de l’apex, ou encore en plein milieu de la racine. C’est pour cela que parfois, il est nécessaire de s’adapter pendant la chirurgie, quitte à réséquer plus de tissu dentaire.

Des études montrent que la réalisation d’une chirurgie endodontique n’est pas directement responsable de fractures post-opératoires. Les fêlures et fractures arrivent, et parfois au mauvais moment ! La résistance mécanique d’une dent n’est pas réellement dans la longueur de la racine mais dans la résistance mécanique coronaire et cervicale.

Les pratiques actuelles nous incitent à conserver de plus en plus, mais après fracture on se dit qu’une thérapeutique implantaire aurait été plus adaptée (et c’est alors à Philippe de faire un petit geste commercial !)

Une question se pose : est-ce que l’endo, ça marche ? Une première étude présentée donne un taux de survie à 8 ans de 97% sans symptômes pour les traitements endodontiques orthogrades ; une autre présente un taux de 83% pour les traitements endodontiques orthogrades et 80% pour les reprises de traitements

Une troisième étude montre que les techniques de microchirurgie endodontiques donnent 94% de succès.

A cela il faut comprendre que parfois, le traitement endodontique classique ne suffit pas parce que l’anatomie canalaire n’est pas régulière (présence d’isthmes, de canaux ovalaires, etc…).

Dans ces cas, la chirurgie endodontique est le seul moyen de mettre en forme l’apex et d’obturer de façon étanche. Il faut pour cela du matériel adapté : des aides optiques (microscope), des moyens hémostatiques, etc… Une résection bien menée doit être biseautée, pour permettre une bonne visibilité et pour libérer un passage pour les instruments. Bertrand Khayat a d’ailleurs développé en partenariat avec Actéon un kit d’instruments US « Endo Success » qui a permis d’améliorer la mise en forme canalaire (au-delà de 6 mm de préparation à rétro) et donc d’augmenter les taux de succès de la chirurgie à retro.

Lorsque la conservation est impossible, la solution de choix est la thérapeutique implantaire. Elle présente cependant des contraintes et des complications, la plus connue étant la péri-implantite. Philippe Khayat la présente comme la maladie du siècle. Toutes les marques d’implants et tous les designs sont concernés : cône morse, plateforme switching, surfaces rugueuses ou lisses. La rugosité des implants permet de maintenir l’os autour du col implantaire. Cependant, les surfaces rugueuses retiennent plus de plaque dentaire. La question est de savoir si les implants lisses sont moins sujets à la péri-implantite. L’étude de Raes 2018 montre que les implants à surface usinée lisse développent 4 fois moins de peri-implantites que les implants rugueux.

Pour poser le diagnostic de péri-implantite, il faut mettre en évidence une évolution, une perte osseuse, une suppuration, ou une inflammation. La perte osseuse seule ne suffit pas.

La conduite à tenir lorsque les spires sont exposées dans un cas de péri-implantite est de réaliser une implantoplastie sans comblement pour éliminer les rugosités. Il faudrait idéalement avoir des implants à la fois lisses et rugueux. Philippe explique qu’il utilise des implants hybrides : lisses au niveau du col et rugueux sur la partie apicale de l’implant. (Legacy®, Implant Direct)

En résumé, les critères de décision entre chirurgie endodontique et implantation sont nombreux. Certains contre-indiquent la réalisation de la chirurgie endodontique comme les obstacles anatomiques en fonction de la localisation de la dent (le sinus ou nerf alvéolaire inférieur) ou encore des racines trop courtes. A l’inverse, la conservation sera préférée en cas de pilier de bridge présentant une lésion apicale (quand la prothèse est adaptée), ou en cas d’instrument cassé. Comme le dit Bertrand Khayat : « ce n’est pas vous qui regardez l’instrument, c’est lui qui vous regarde ! ».De plus, les aprioris du patient sont à prendre en compte : certains patients sont réfractaires à la pose d’implants, la chirurgie endodontique peut alors être indiquée.

La conférence se termine par un cas peu conventionnel : une patiente présente une incisive maxillaire non conservable avec perte de la table osseuse vestibulaire. La problématique est la gestion esthétique des tissus mous du secteur antérieur. Philippe a indiqué une extraction et implantation immédiate avec reconstruction de table osseuse vestibulaire par un prélèvement tubérositaire conjonctif et osseux. Il faut cependant garder à l’esprit que la fracture d’implant est possible. Aucune thérapeutique n’est parfaite, et la réflexion pluridisciplinaire en concertation avec le patient est nécessaire pour identifier la meilleure option thérapeutique.

 

Cette soirée fut aussi l’occasion pour Ilana Amor de passer le flambeau de la présidence à Franck Sebban après 3 ans de bons et loyaux services ! Mazeltov à notre nouveau président et bravo Ilana !!

1. plus de 140 personnes venues écouter les Drs Bertrand et Philippe Khatat (espace Buffet / partenaires)

2. les lauréats du Prix Jacques Breillat 2018 avec de gauche à droite : André Sebbag (Bureau AO paris), Adrien Deschamps (lauréat), Léo Roos (lauréat), Maureen Nkamgueu Simo (lauréate), Laura Jausseau (lauréaté) et Grégory Scialom de LABOCAST, sponsor du Prix Jacques Breillat.

1. Passation de pouvoir : Le Dr Franck Sebban, nouveau Président AO Paris remercie Ilana Amor, qui quitte cette fonction.

2. Nos conférenciers avec de gauche à droite Michèle Albou Temam, Bertrand Khayat, Ilana Amor, Philippe Khayat, Franck Sebban et André Sebbag



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