Traitement d’apexification : un cas clinique

Paul Laccourreye – Romain Orlu – Denis Bouter

AONews # 19 - Dossier spécial Focus sur le Service hospitalo-universitaire de Soins, d’Enseignement et de Recherche Dentaire de l’Hôpital Henri Mondor

Dr Paul Laccourreye, Créteil

Télécharger
Traitement d’apexification : un cas clinique - AO # 19
art 1.pdf
Document Adobe Acrobat 858.7 KB

Introduction

 

L'apexification [1]consiste en l'induction de la formation d'une barrière minéralisée à l'apex des racines de la dent permanente immature nécrosée.

 

Historiquement l’utilisation d'hydroxyde de calcium représente la méthode traditionnelle avec un taux de succès allant de 74 à 100%.[2]. L’hydroxyde de calcium permettant d’induire une minéralisation par les odontoblastes résiduels, cette thérapeutique longue et aléatoire entraine la formation d’une dentine anarchique et peu étanche. Cette méthode présente plusieurs inconvénients : la durée de traitement jusqu’à 2 ans[2] avec un renouvellement du matériau fréquent (tous les 3 mois) impliquant une présence régulière du patient au cabinet dentaire et un risque de fragilisation des parois radiculaires[3] de la dent permanente immature par l’utilisation prolongé de l’hydroxyde de calcium.

 

L'apparition des ciments tricalciques, avec le MTA[4] (décrit pour la première fois dans la littérature en 1993[5]) permet désormais de réaliser en un nombre de séances réduit[6] (1 à 3 séances) l'obturation d'apex de gros diamètre par la formation d’un bouchon minéral et étanche. Cette méthode présente un taux de succès de 93,5 % [7] et permet de réduire considérablement la durée du traitement au cabinet dentaire en comparaison au traitement d’apexification à l’hydroxyde de calcium.[8][9]

 

Le cas clinique suivant illustre les différentes étapes du traitement d’apexification au MTA d’une incisive latérale maxillaire droite (12).

Présentation du cas

 

Un patient âgé de 15 ans, en bonne santé générale est adressé à la consultation d'endodontie de l'Hôpital Albert Chenevier (dirigé par Philippe Pirnay) pour le traitement de la 12 (incisive latérale maxillaire droite). A l'examen clinique la couronne dentaire est intacte, néanmoins l’examen des tissus parodontaux met en évidence la présence d'une fistule vestibulaire en regard de cette dent. A l'examen radiographique on note la présence d'une importante lésion péri-apicale ainsi qu'un apex large et ouvert (Fig. 1). Les parois, sont comme souvent, dans ces cas fines et fragiles. Au vu de l'ensemble de ces éléments nous avons décidé de réaliser un bouchon apical au MTA afin d’obtenir l’herméticité et la cicatrisation de la lésion.

 

Premier temps opératoire

 

La cavité d'accès est réalisée sous champ après anesthésie locale. Le canal est ensuite irrigué à l'aide d'hypochlorite de sodium (concentration 2,5%) en faisant attention à ne pas l’injecter dans le péri-apex. La longueur de travail estimée sur la radio préopératoire (23mm) est confirmée par un contrôle radiographique à l'aide d'une lime K de gros diamètre (80/100ème). Dans une irrigation abondante, le nettoyage du canal sera réalisé par l’action de limes ultrasonores. La mise en forme ne peut être réalisée dans un canal de ce diamètre et risquerait de fragiliser encore plus les parois radiculaires. La séance se termine par la mise en place d’hydroxyde de calcium injecté dans le canal. Cela permettant en abaissant le pH de la lésion de favoriser la prise du MTA lors de la seconde séance. La disparition de la fistule permettant de confirmer la bonne désinfection du canal. Les propriétés anti-exsudatives et anti-inflammatoires du Ca(OH)2 sont également à prendre en considération dans ce type de cas.

La cavité d’accès est obturée provisoirement à l’aide de CVI après avoir mis un coton dans la cavité d’accès.

 

Deuxième temps opératoire

 

Une semaine après, la dent est à nouveau ouverte sous champ opératoire après anesthésie locale. Le canal est nettoyé à l'aide d'une lime ultrasonore et d'une irrigation abondante à l'hypochlorite de sodium afin d'éliminer l’'hydroxyde de calcium.

Le fouloir de Machtou (Fig. 2) utilisé pour compacter le MTA jusqu'à l'apex est essayé. Il doit atteindre la longueur de travail déterminée précédemment moins 3 millimètres sans contrainte sur les parois radiculaires et en ayant un diamètre suffisamment large afin de pouvoir fouler l'ensemble du MTA. Un contrôle radiographique fouloir en place est effectué (Fig. 3).

Le canal est séché à l’aide de pointe de papier stérile de gros diamètre en prenant soin de ne pas dépasser la limite apicale. Le MTA est préparé selon les recommandations du fabricant (3/1 poudre/liquide). L'utilisation d'un pistolet porte MTA (Fig. 4) permet un apport du matériau dans le canal. Ce dernier est ensuite foulé jusqu’à la limite apicale déterminé

Plusieurs apports successifs de matériaux sont nécessaires afin d'obtenir la formation d'un bouchon de MTA, d’une épaisseur minimale comprise entre 3 et 4 mm. Une radiographie de contrôle permet de vérifier la mise en place du matériau (Fig. 5).

Un coton humide permettant la prise complète du MTA est mis en place dans la cavité d'accès puis une obturation provisoire (CAVIT®) est réalisée.

 

Troisième temps opératoire

 

Après un minimum de quarante-huit heures (temps de prise du MTA) la dent est à nouveau ouverte. La prise du MTA est vérifiée à l'aide d'une sonde ou d’un fouloir. Une obturation à chaud du reste du canal à la gutta percha est ensuite réalisé (thermocompacteur ou pistolet à gutta). La cavité d'accès est ensuite obturée au composite afin d'obtenir une étanchéité coronaire indispensable à la pérennité du traitement. (Fig. 6).

 

Suivi : à 6 mois, le patient est revu en consultation, une radiographie rétro alvéolaire (Fig. 7) permet d’objectiver la cicatrisation péri-apicale.


Conclusion

 

Le MTA permet, en un nombre de séances réduit le traitement de dents permanentes immatures avec un taux de succès élevé[7]. Depuis plusieurs années, une autre thérapeutique peut représenter une alternative à l’apexification : la revitalisation[10]. Contrairement à l’apexification l’objectif est d’obtenir une revascularisation intracanalaire afin de remettre en marche l’édification radiculaire. Néanmoins le recul clinique, la prédictibilité ainsi que le taux de succès de cette méthode reste réduit à ce jour[11][12]. L’apexification par des ciments tricalciques en détrônant les traitements à base de Ca(OH)2 sont devenus aujourd’hui le gold standard.

 

Bibliographie :

 

[1] M. Rafter, « Apexification: a review », Dent. Traumatol. Off. Publ. Int. Assoc. Dent. Traumatol., vol. 21, no 1, p. 1‑8, févr. 2005.

[2] E. C. Sheehy et G. J. Roberts, « Use of calcium hydroxide for apical barrier formation and healing in non-vital immature permanent teeth: a review », Br. Dent. J., vol. 183, no 7, p. 241‑246, oct. 1997.

[3] J. O. Andreasen, B. Farik, et E. C. Munksgaard, « Long-term calcium hydroxide as a root canal dressing may increase risk of root fracture », Dent. Traumatol. Off. Publ. Int. Assoc. Dent. Traumatol., vol. 18, no 3, p. 134‑137, juin 2002.

[4] M. Torabinejad et N. Chivian, « Clinical applications of mineral trioxide aggregate », J. Endod., vol. 25, no 3, p. 197‑205, mars 1999.

[5] S. J. Lee, M. Monsef, et M. Torabinejad, « Sealing ability of a mineral trioxide aggregate for repair of lateral root perforations », J. Endod., vol. 19, no 11, p. 541‑544, nov. 1993.

[6] S. Simon, F. Rilliard, A. Berdal, et P. Machtou, « The use of mineral trioxide aggregate in one-visit apexification treatment: a prospective study », Int. Endod. J., vol. 40, no 3, p. 186‑197, mars 2007.

[7] R. Pace, V. Giuliani, M. Nieri, L. Di Nasso, et G. Pagavino, « Mineral trioxide aggregate as apical plug in teeth with necrotic pulp and immature apices: a 10-year case series », J. Endod., vol. 40, no 8, p. 1250‑1254, août 2014.

[8] M. Torabinejad, T. R. Pitt Ford, D. J. McKendry, H. R. Abedi, D. A. Miller, et S. P. Kariyawasam, « Histologic assessment of mineral trioxide aggregate as a root-end filling in monkeys. 1997 », Int. Endod. J., vol. 42, no 5, p. 408‑411, mai 2009.

[9] J.-C. Lin, J.-X. Lu, Q. Zeng, W. Zhao, W.-Q. Li, et J.-Q. Ling, « Comparison of mineral trioxide aggregate and calcium hydroxide for apexification of immature permanent teeth: A systematic review and meta-analysis », J. Formos. Med. Assoc. Taiwan Yi Zhi, vol. 115, no 7, p. 523‑530, juill. 2016.

[10] F. Banchs et M. Trope, « Revascularization of immature permanent teeth with apical periodontitis: new treatment protocol? », J. Endod., vol. 30, no 4, p. 196‑200, avr. 2004.

[11] P. R. de S. Araújo et al., « Pulp Revascularization: A Literature Review », Open Dent. J., vol. 10, no 1, janv. 2017.

[12] B. Kahler, G. Rossi-Fedele, N. Chugal, et L. M. Lin, « An Evidence-based Review of the Efficacy of Treatment Approaches for Immature Permanent Teeth with Pulp Necrosis », J. Endod., vol. 43, no 7, p. 1052‑1057, juill. 2017.