Best of Implantology 2022

Compte-rendu de Léonard Sebbag pour AO News # 50 - Juin 2022


160 chirurgiens-dentistes passionnés, 18 orateurs impliqués, 20 partenaires motivés, 1 lieu prestigieux couplé à 1 traiteur de qualité, 1 application interactive, 1 équipe logistique et technique professionnelle, tels sont les ingrédients d’un cocktail réussi le jeudi 24 mars dernier à La Maison de l’Artisanat. Le mix des jeunes pousses et des intervenants expérimentés ont permis de faire le point sur l’actualité en implantologie, en France et dans le Monde, avec l’interview exceptionnelle de Ueli Grunder.

Pour la 3ème édition de Best of Implantology, Patrick Missika, Patrick Limbour, Patrice Margossian et Philippe Russe nous ont en effet proposé un programme passionnant avec les intervenants qui avaient chacun carte blanche pendant 15 minutes, en format TED’s conférences. Voici quelques extraits choisis par la rédaction.


Il ne peut y avoir d’esthétique du sourire sans une harmonie du rose et du blanc. La gestion du rose est déjà à risques : récession gingivale, limite prothétique visible, perte de papilles, etc. Cependant, celle-ci est encore plus difficile autour des implants. A J0 tout est beau mais qu’en est-il à 3, 5, 10 ans ? Il ne peut y avoir de pérennité de l’esthétique du secteur antérieur sans une stabilité des tissus mous péri-implantaires. Anticiper avec un bon volume osseux, puis gingival, permettra alors un succès prothétique. L’aménagement des tissus mous peut avoir lieu en pré, per et post opératoire, mais in fine on cherchera à obtenir 3 mm d’épaisseur de gencive en vestibulaire de l’implant et 4 à 5 mm dans le sens de la hauteur. En per opératoire, on différencie le parodonte épais du parodonte fin de cette manière. Sur le parodonte épais, le punch de gencive sera récupéré puis replacé sous le provisoire alors que sur un parodonte fin on préfèrera un greffon de conjonctif prélevé au palais par une technique conventionnelle de Zuccheli plutôt que par une technique de prélèvement enveloppe. En effet, le Zuccheli permet un prélèvement de tissu de meilleure qualité où la 1ère incision est superficielle, et la 2nde est parallèle à la dent. La temporisation au palais se fera alors par une plaque palatine portée 3 à 4 jours en plus d’un pansement de collagène. Une protection par un Coe Pak ou une résine composite est aussi envisageable. La temporisation prothétique sera quant à elle fixe.

En post opératoire, le praticien peut intervenir au stade deux chirurgical, à distance avec un épaississement parodontal ou lors du traitement d’une peri-implantite.

Il est essentiel de garder à l’esprit que l’on peut créer de la gencive de rien auprès des implants alors qu’il est beaucoup plus difficile de recréer de l’os quand celui-ci n’est plus présent.

Le Pink Esthetic Score restera alors le meilleur indice pour quantifier le succès parodontal et prothétique dans la région antérieure.

 

L’implantologie ne se contente plus de l’ostéointégration : elle exige des résultats fonctionnels et esthétiques stables dans le temps, ce qui nécessite bien souvent d’avoir recours à des techniques d’augmentation tissulaire.

 Régénération osseuse guidée (ROG), greffe osseuse d’apposition (GOA), ostéotomie segmentaire (OS) et clivage ont un même objectif : une régénération avec un recrutement et une apposition cellulaire dans le but de créer biomimétisme cellulaire.

Chacune de ses techniques présentent des taux de complications dépendants du gain osseux espéré :

47% pour une OS avec un gain moyen de 8mm,

23% pour GOA avec un gain moyen de 3,46mm,

12% pour ROG avec un gain moyen de 4mm.

La régénération osseuse guidée est la technique la plus documentée dans la littérature, la plus largement répandue, la moins risquée, avec des résultats efficaces et reproductibles.

Lors d’une ROG, on a recours à l’utilisation de biomatériaux : 50% de xénogreffe et 50% d’allogreffe.

Les caractéristiques du biomatériau idéales sont celles de l’os autologue car celui-ci permet une ostéo conduction, induction, voire une ostéogénèse (?) ; ce qui en fait un gold standard. Cependant, le 15ème European Workshop de Parodontie de 2019 conclu qu’il n’existe pas de biomatériau supérieur.

Il est intéressant de rappeler qu’entre le simple moment du prélèvement et celui de son ostéosynthèse, il existe une perte cellulaire. C’est la cohésion et la stabilité qui sont deux des paramètres clés du succès d’une greffe osseuse. En effet, on ne peut pas parler de ROG sans parler de membrane car c’est celle-ci qui donne une stabilité.

Qu’en est-il du PRF ? Permet-il une induction de la croissance vasculaire ? Après 15 ans d’utilisation clinique, la littérature est en désaccord notamment lors d’une ROG. Pour la réalisation de sinus lift, il n’existe pas d’effet significatif par rapport à l’utilisation d’un caillot sanguin seul. Il est clair qu’une standardisation des protocoles s’impose.

Cependant, le A PRF (Avancé sous forme de gel) baisse significativement le risque d’exposition alors que le I PRF (Injectable sous forme de liquide) permet une meilleure cohésion du biomatériau.

Pour conclure, une ouverture a été faite sur la grille YXOSS. Celle-ci est une grille titane sur-mesure obtenue par CFAO. Selon une dernière étude de 2022, il existe 25% d’échec liés à des expositions. L’utilisation de ce genre de grille présente une grande courbe d’apprentissage car une relaxation tissulaire importante est nécessaire.

 

Le flux numérique a fondamentalement changé nos protocoles de traitements implantaires et la communication avec les laboratoires de prothèse. Ces outils numériques peuvent-ils et doivent-ils être utilisés à tous les niveaux du traitement de l’édenté complet : de l’empreinte optique, à la réalisation de la prothèse au laboratoire en passant par l’enregistrement de la relation inter-maxillaire ? Il y a encore quelques années, un délai de 9 mois de cicatrisation s’avérait indispensable avec un passage par prothèse amovible complète ce qui décourageait beaucoup de patients. L’immédiateté est donc un grand changement. Dans les années 2000, les fixtures sur 3 implants Branemark étaient le gold standard avant les premières chirurgies guidées dès 2004. Il existe une amélioration conséquente de la planification (qui est permise grâce au flux numérique DICOM/STL) avec notamment la segmentation des dents. Cependant, chez l’édente complet la chirurgie guidée se fait grâce à des guides statiques à appui muqueux/osseux ce qui reste moins précis que sur des guides à appui dentaire. Le guide dynamique à étages est alors une alternative crédible. Le guide à étages présente alors un réel intérêt. Le duplicata de la prothèse amovible, qui est imprimée, permet le bon repositionnement du 1er étage du guide ; celui-ci est alors stabilisé par des clavettes et permettra de clipser sur celui-ci le guide de forage implantaire ainsi que le provisoire évidé pré-fabriqué. Quoiqu’il advienne, la chirurgie guidée reste 2 à 3 fois plus précise qu’une chirurgie manuelle mais il existe une imprécision jusqu'à 1mm qui est alors préjudiciable pour la mise en charge immédiate (MCI). Une MCI requiert une stabilité primaire minimum de 30N.cm des implants, associés à des piliers multi unit transvissées et torqués.

 

En implantologie, la gestion des volumes osseux et l’optimisation de la régénération parodontale sont incontournables. L’utilisation du phosphate de calcium biphasé à durcissement in situ en chirurgie implantaire, immédiate ou différée, ouvre le champ des possibles. Ce biomatériau est 100% synthétique, biocompatible et ostéoconducteur. Il inclue une matrice minérale à 78% lui donnant des capacités optimales de croissance cellulaire ainsi que de bonnes propriétés mécaniques. Ce biomatériau, produit par Sunstar Guidor® est commercialisé en France par Biotech Dental sous le nom d’Easy-graft CRYSTAL/CRYSTAL+. Il se présente sous la forme d’une seringue de granules contenant 60 % hydroxyapatite et 40 % ß-TCP associé à une capsule de biolinker jouant le rôle d’activateur. Il est faiblement résorbable offrent une stabilité dimensionnelle intéressante : le ß-TCP a une résorption de 6 mois alors que l’hydroxyapatite s’intègre progressivement dans l’os néoformé. Les granules adhèrent entre eux grâce au biolinker qui sera extrait du matériau grâce à l’afflux sanguin. Il forme alors au contact du sang un bloc compact en quelques minutes. En maintenant l‘espace pour la régénération des tissus, ce biomatériau ne rend plus nécessaire l’utilisation de membrane. Cela présente donc une réelle simplification de la manipulation clinique, du plateau technique ainsi qu’une diminution de la durée d’intervention. Ce matériau de comblement présente donc un certain intérêt en post-extractionnel en limitant la perte osseuse d’un geste simple.

A ce stade, il reste important de nuancer notre propos car le recul clinique sur ce matériau reste encore faible.

 

L’imagerie, et plus particulièrement l’imagerie 3D des sinus par scanner ou CBCT, est un prérequis indispensable avant d’envisager une chirurgie de sinus lift à visée implantaire. Cette imagerie a pour but principal l’analyse du site opératoire et la recherche de contre-indication (CI) notamment de pathologie sinusienne qui nécessiterait un traitement médical ou chirurgical préalable. Un kyste sous muqueux ou un épaississement muqueux ne sont pas des CI.

Trois messages essentiels sont à retenir de cette conférence :

une imagerie 3D petit champ du plancher sinusien n’est pas suffisant ;

L’ensemble du sinus maxillaire jusqu’au niveau de la région du méat moyen doit être visible, si le patient présente une suspicion de pathologie des sinus, alors une imagerie de toutes les cavités naso-sinusienne (tel que les cavités éthmoïdales) devient indispensable. Le trio chirurgien-dentiste, chirurgien ORL et radiologue prend alors tout son sens.

Enfin, afin d’avoir un ordre idée sur les doses reçues par nos patients, voici quelques chiffres : CBCT : 80/100 microSv soit 10 à 15 jours d’irradiation naturelle ou 1 semaine de sport d’hiver ; panoramique : 1 jour d’irradiation naturelle ; retro alvéolaire : 3 heures d’irradiation naturelle…

 

La collaboration ortho-implant existe depuis longtemps. Elle suit l’évolution de la spécialité : hier les attaches vestibulaires, aujourd’hui, les attaches linguales, les mini vis et les aligneurs. Il est essentiel pour le praticien de connaître son degré d’expertise afin de savoir à quel stade il est nécessaire de traiter ou d’adresser.Chaque traitement doit prendre en compte le passé thérapeutique du patient : la qualité du traitement orthodontique initial et prothétique. Par exemple, l’ingression d’une dent est un traitement simple de mise en œuvre. Pour ce faire on utilise quatre mini vis (deux de chaque côté en vestibulaire et palatin) associées à un bracket collé et à un élastique ou simplement à un élastique maintenu en occlusal avec de la colle. Si le bombé proximal est au-dessus du point de contact il sera alors nécessaire de stripper lors de l’ingression.

 

Il va falloir déposer l'implant..., comment annoncer cette mauvaise nouvelle au patient ?

L’échec peut arriver au stade chirurgical avec une exposition de la vis de cicatrisation ou au moment du stade prothétique du stade prothétique avec une légère rotation lors du torque final. Dans tous les cas il faut être à l’écoute du patient, dédramatiser, ne pas couper la communication et éviter certaines phrases : Appelez mon assurance ! Elle est faite pour ça ! Une fois l’échec expliqué se présente à nous plusieurs possibilités :

- Le patient accepte une ré intervention, se met alors en place une phase de retraitement.

- Le patient n’accepte pas et souhaite un remboursement, il est alors impératif de ne pas sortir le chéquier immédiatement. Cela doit passer par un accord transactionnel (article 2044 du code civil) qui couvre le praticien devant le juge car le remboursement n’est alors pas interprété comme une faute du praticien.

 

Enfin, si le patient disparaît il y a alors 3 possibilités :

- une plainte au Conseil de l’ordre,

- une plainte à son assurance ou

- une plainte auprès du juge. Quoiqu’il advienne un lien de causalité direct et certain entre le préjudice et la cause doit être établi pour que le dentiste soit condamné.

Mais que doit comporter le dossier médical du praticien pour exercer de façon sereine l’implantologie et permettre de ne pas être confronté à une contestation du patient, à la mise en cause de son traitement ou même à une assignation devant les tribunaux ? Le dossier médical/implantaire est alors le meilleur outil de défense et peut contenir un ensemble d’éléments : un bilan de santé, devis et plan de traitement, consentement éclairé, plaquette d’information, conseils post-opératoires, planning des rendez-vous, examens radiologiques (panoramique, rétro alvéolaires, Cone Beam), moulage d'étude, projet prothétique, guide chirurgical, prescriptions, courriers aux correspondants, etc.

En cas d’expertise, le dossier doit comporter tous les traitements et tous les rendez-vous, une description chronologique des actes y compris les actes sans cotation, le bilan de santé daté et signé, le devis chirurgical et prothétique avec une chronologie explicative des phases de traitement pour le patient ainsi que le consentement signé.

L’information orale essentiellement appuyée à l’écrit doit contenir quant à elle : le traitement proposé avec avantages et inconvénients, les autres traitements possibles, les risques encourus, les principales complications, le taux de succès estimé et enfin ce qui se passe en cas d'échec en particulier sur l’aspect financier du remplacement des implants. Il peut être intéressant de mutualiser le risque sur l’ensemble des patients afin de couvrir les éventuelles ré interventions. Le devoir d’information est un préjudice autonome.

Devant le succès de ce congrès, le comité scientifique de Best Of Implantology a décidé de prolonger ce partage de connaissances avec le plus grand nombre de confrères en assurant la publication d’un livre qui constituera un point scientifique sur les pratiques implantaires chirurgicales et prothétiques : Consensus de la Pratique Implantaire, 2022 est à commander sur bestofimplantology.eu (95€).

Réservez d’ores et déjà la date du prochain congrès Best Of, fixé au jeudi 23 mars 2023, à la Maison de l’Artisanat. Les inscriptions seront ouvertes à partir de septembre prochain. Le meilleur de l’implantologie vous y attend !

 

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