Empreinte optique et flux numérique : la maturité technologique au service de l’efficience clinique

Dossier Nos acteurs du numérique

Ao News #54 - Novembre 2022


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Introduction

 

Le numérique est considéré comme la quatrième révolution industrielle. C’est une convergence technologique qui efface les limites du physique, du digital et du biologique (Fig. 1, Sommet de Davos, 2017)

Cette explosion numérique affecte tous les domaines de notre quotidien et notre exercice est directement impacté. Comme le disait le Professeur François Duret, inventeur de l’empreinte optique : Le numérique est un train qui entre en gare, ceux qui ne montent pas à bord de suite risque de rester à jamais sur le quai. Cette métaphore prend aujourd’hui tout son sens tellement les progrès ont été colossaux ces dernières années tant en termes d’évolution sur le matériel que sur le logiciel.

Aujourd’hui, s’équiper en numérique n’est donc plus une option, c’est une question de survie. Dans un contexte où la liberté tarifaire est mise à mal, il est essentiel de trouver des parades pour maintenir l’activité économique de nos structures sans baisser la qualité des soins. C’est en cela que le numérique prend tout son sens, car ces outils permettent un gain de temps notaire en diminuant le nombre de rendez-vous nécessaires pour un même acte, mais aussi en réduisant leur durée. C’est ce que nous appelons chez WorkFlows l’efficience digitale.

La caméra de prise d’empreinte optique est aujourd’hui la norme, mais elle n’est plus qu’un outil parmi l’ensemble que composent la chaîne numérique.

Pour rappel, le flux numérique se compose de trois maillons indissociables (Fig. 2).

La première étape dite d’acquisition, elle-même composée de trois sous-ensembles regroupant les éléments de capture en 2D, 3D et 4D maintenant grâce au Jaw Motion et au Motion Capture*.

La seconde consiste en l’assemblage des éléments préalablement capturés pour aboutir à la création de l'avatar virtuel ou clone digital* du patient

Enfin, la dernière est l'aboutissement du dessin numérique, c’est l’étape de production des éléments conçus : soit par un procédé additif c’est l’impression 3D ou le frittage laser; soit par un procédé soustractif : c’est l’usinage.


 

Acquisition numérique 

 

L'acquisition numérique est le premier maillon qui composent la chaîne digitale au cabinet dentaire. C’est notre rôle quotidien que de collecter l'ensemble des données nécessaires au diagnostic, à la planification et à la mise en œuvre du plan de traitement.

Exactement comme le ferait un architecte, tout part de l'esquisse de ce que l'on souhaite obtenir et l’on élabore les plans pour atteindre notre objectif.

 

Capture des données 2D 

 

L’appareil photo réflex est un outil essentiel. Couplé aux outils de Smile Design, il permet de dessiner le futur sourire et de générer à la volée les bibliothèques de dents en 3D qui permettront au laboratoire de prothèse de réaliser le wax-up. De nombreuses techniques et logiciels ont été développés ces dix dernières années. On retrouve parmi eux le concept du DSD® développé par Christian Coachman, des outils de simulation de sourire inclus dans les suites logicielles des caméras de prise d’empreinte optique comme MEDIT ou 3Shape (Fig. 3) mais l’outil le plus pertinent à ce jour est le logiciel en ligne Smile Cloud® (Fig. 4) développé par notre confrère roumain Florin Cofar. C’est un outil basé sur l’intelligence artificielle, qui permet en définissant un espace de reconstruction et des plans de référence sur une photographie de choisir et générer des bibliothèques de dents uniques pour chaque patient. Le rendu photoréaliste est bluffant et permet en un clic de télécharger la bibliothèque de dents en 3D utilisable directement dans le logiciel de laboratoire comme Exocad® Smile Creator (Fig. 5) pour concevoir le wax up et essayer sur le patient.

 

Capture des données 3D 

 

C’est un des items les plus fournis car on y retrouve la caméra de prise d’empreinte optique, les systèmes de mesure photogrammétrique sur implant, les scanners faciaux et les CBCT.

 

La caméra de prise d’empreinte optique

C’est une invention dont les premiers concepts remontent aux années 1970, avec la thèse d'exercice de François Duret (Fig. 6). Depuis, de nombreux développements ont permis d’arriver aujourd’hui à des technologies matures qui permettent des résultats satisfaisants avec une courbe d’apprentissage relativement simple. On retrouve aujourd’hui une offre prolifique, avec une compétition importante entre les acteurs. On retiendra que les critères de choix ne reposent plus uniquement sur la qualité intrinsèque du capteur optique mais sur la manière dont les données capturées sont traitées. 

 

On retiendra comme critères de choix d’un scanner intra-oral :

  • qualité du capteur,
  • vitesse de numérisation,
  • taille,
  • poids,
  • présence de câble ou sans fil,
  • ouverture du logiciel, simplicité, 

 mais aussi efficacité de l’algorithme de calcul de l’assemblage des images (stitching) et intelligence artificielle associée. Par exemple, le système de numérisation de 3Shape permet aujourd’hui avec la TRIOS 5 (Fig. 7) de proposer une caméra compacte, légère, rapide et sans fil, associée à une IA 2.0 permettant une numérisation sans artéfacts (langue, joue etc…) et sans obligation de suivi d’un chemin de scannage (ScanAssist), le tout dans une interface logicielle conviviale, simple et efficiente. A contrario, certaines compagnies low-cost asiatique, proposent des scanners à beaucoup plus bas prix, mais dont la vitesse de numérisation est inférieure, avec fil, sans IA pour aider à la numérisation et dont l’algorithme corrige moins bien les déformations.


 

La photogrammétrie (Fig. 8a et 8c)

L'écueil actuel de l’empreinte optique est la reproductibilité en prothèse complète implanto-portée. Il a été démontré que la réussite de telles empreinte est possible, mais est non seulement non reproductible à 100% mais surtout extrêmement dépendante de l’opérateur qui la réalise, du système implantaire et des scanmarkers associés, mais aussi de l’arcade concernée et de la présence en masse ou non de gencive kératinisée. Cela cause de nombreux facteurs aléatoires et difficiles à maîtriser. Aussi voilà pourquoi il y a plus de 12 ans, un ingénieur Espagnol, Adrian Hernandez a eu l’idée de transposer la métrologie industrielle à l’implantologie orale. C’est ainsi qu’est née PiC Dental. L’idée était de supprimer de l'équation la variable humaine liée à l'utilisateur. Pour ce faire, on utilise deux caméras infra-rouge (Fig. 8b) qui mesurent les écarts entre les implants. De nombreuses études ont prouvées la redoutable efficacité du système, qui assure aujourd’hui une empreinte précise à 4 microns en seulement 1 seconde d'enregistrement et ce quel que soit l’opérateur.


Le scanner facial

C’est une des révolutions du flux numérique. Il permet enfin de transmettre au laboratoire de prothèse une vision plus globale du cas clinique. Définir des positions de bords libres au sourire, un soutien de lèvre ou des plans de référence devient un jeu d’enfant. Des applications sur téléphone portable ont existé mais ne sont plus d’actualité. De nombreux systèmes existent sur le marché. Aujourd’hui l’offre la plus pertinente et offrant le moins de déformation sont les scanners dérivés de l’industrie type Artec Spider ou Thunk 3D (Fig. 9). Ces systèmes permettent une numérisation précise du visage, des lèvres et des dents, puis un matching 3D/3D précis, à la différence des outils comme Bellus3D qui donnaient des résultats plus inconstants.

 

Le CBCT (Fig. 10) 

C’est aujourd’hui un outil incontournable au quotidien. On l’utilise comme outil de communication avec le patient, notamment grâce aux superbes rendus 3D que l’on peut obtenir sur certains systèmes. On l'utilise aussi comme outil de numérisation, notamment pour les prothèses complètes, les fichiers DICOM étant aujourd’hui simplement transformables en fichiers 3D STL universels. Des plateformes online permettent aujourd’hui une segmentation des bases osseuses de manière très simple et automatique.


 

Capture des données 4D : la révolution du motion capture (Fig. 11)

 

Une fois n’est pas coutume, c’est à Maxime Jaisson, un confrère français que l’on doit une fois de plus le développement de cette technologie qui bouleverse l’ordre établi. Jusqu’à présent, les prothèses étaient conçues au laboratoire à l'aide soit d'occlusions, soit à l’aide d'articulateurs. Ces outils tentaient de simuler la réalité manducatrice des patients, sans totalement réussir à la reproduire. Avec le Jaw Motion et notamment le système ModJaw, c’est chose faite. Nous sommes aujourd’hui dans la capacité de retranscrire à la fois précisément la position du modèle maxillaire, mais aussi la position de la mandibule du patient au cours de mouvements volontaires ou suggérés. C’est une révolution car l'adaptation des morphologies dentaires lors de la conception numérique ne se fait plus par simulation mais par lecture des mouvements réels du système manducateur du patient. C’est un énorme gain de temps dans les étapes d'équilibration au fauteuil.

Place de l’IA dans ce premier maillon de la chaîne numérique 

 

On retrouve une participation de l’intelligence artificielle à chaque strate de l’acquisition numérique. Dès le 2D et Smile Cloud pour les choix biométriques des morphologies dentaires, puis aux étapes d'acquisition avec les outils d’aide au scannage que l’on retrouve chez les principaux systèmes de prise d’empreinte, dans les outils CBCT de segmentation des tissus et jusque dans la capture et l'analyse des mouvements réels fonctionnels du patient.

 

 

Traitement des données 

 

Les données préalablement capturées sont soit utilisées en clinique pour la planification implantaire, soit transmises au laboratoire de prothèse pour être agrégées et aboutir à la création du clone digital de notre patient. Débute alors l’étape de dessin du projet prothétique, de l’orthèse, de l’épithèse ou de la planification chirurgicale.

De nombreux logiciels CAD destinées aux laboratoires existent. Parmi eux on retrouve la suite logicielle 3Shape Dental System, DWOS de chez Dental Wings et Exocad qui fait office de leader de par son ouverture, sa puissance et son extrême flexibilité.

La planification implantaire n’est pas en reste avec de multiples solutions : SMOP® par Swiss Meda ® et sa variante M-Guide®, 3Shape Implant Studio®, Exoplan® par Exocad®, Simplant®, CoDiagnostiX®, NobelClinician, BlueSky Plan®, RealGuide® et des systèmes qui font office d'outsiders en proposant des solutions plus flexibles comme Blender 4 Dental et ses multiples modules.

Le monde de la 3D est extrêmement vaste, ainsi, les formats de fichiers que nous utilisons en dentaire sont universels avec ceux utilisés dans le monde de l’ingénierie, du cinéma et des effets spéciaux. Aussi n’importe quel logiciel gérant les formats STL, OBJ ou PLY sont exploitables pour des projets ayant trait au dentaire.

 

Production 

 

C’est l'étape ultime du processus de création, avec la transposition du virtuel au réel de l’élément prothétique, du guide ou du modèle par un procédé soit soustractif ; c’est l’usinage, soit additif au moyen d’un imprimante 3D résine ou d’un système de frittage de métaux au laser.

De nombreux systèmes d’usinage sont disponibles sur le marché pour répondre aux besoins des cabinets, petites structures laboratoires ou grands centres d'usinage. On retrouve aujourd’hui des machines compactes et parfaitement dimensionnées pour l’usinage au fauteuil, dit chair-side de petits éléments prothétiques (Rolland, VHF, Dentsply Sirona) (Fig.12). Les systèmes de plus grande envergure sont destinés aux laboratoires de prothèse ou aux centres d’usinage et comportent des machines usinant de la zircone avec des chargeurs de disques (IMES icore 350i Loader) ou sous bain d’huile pour les volumineuses pièces en titane (Willemin Macodel) (Fig.13)

Le domaine de l’impression 3D est lui aussi très fourni, avec des systèmes orientés clinique tel que SprintRay (Fig.14) qui proposent des solutions extrêmement simples à utiliser, propre dans leur utilisation et compatible avec la production d’éléments au fauteuil (guides chirurgicaux, gouttières, dents provisoires, appareils amovibles ou modèles dentaires). Des systèmes de plus grande envergure se destinent eux aussi aux laboratoires et centres de production (prodways ld20).


 

Conclusion

 

On comprend donc ici que le passage au flux numérique n’est pas juste l'acquisition d’un scanner intra oral. C’est simplement un des outils qui compose la chaîne numérique. Le séquençage des traitements doit être repensé entièrement pour tirer la quintessence des outils numériques, et il est illusoire de vouloir réaliser un simple copier / coller des protocoles cliniques traditionnels vers le numérique, au risque de perdre du temps et de ne pas tirer les bénéfices escomptés de tels outils. Plus que jamais, l’accompagnement technique par le revendeur, le service après-vente et la formation sont les clés pour être opérationnel rapidement. L’appui d’un laboratoire de prothèse équipé et connaisseur est essentiel pour tirer les bénéfices de ces outils. Ces technologies doivent être au service du praticien et non pas l’inverse.