Responsabilités du praticien face à une demande esthétique

Chantal Delalande

Dossier LES EXPERTS, en collaboration avec le DU d’expertise médicale de Paris Cité - AO News #65


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Définition et nature des traitements exclusivement esthétiques

 

L’esthétique regroupe l’ensemble des traitements d’embellissement du sourire. Ils permettent d’améliorer l’apparence des dents, des gencives et muqueuses en corrigeant certaines imperfections. Dans cette étude ils sont en réponse à une préoccupation personnelle du patient, ont donc un caractère facultatif et non thérapeutique.

C’est une pratique large comprenant différentes interventions après une analyse du visage, comme : redéfinir la ligne du sourire ; améliorer le plan frontal esthétique ; modifier le milieu inter- incisif ;améliorer le soutien des lèvres ; augmenter la dimension verticale ; modifier la proportion centrales/sourire ; améliorer les proportions antérieures/sourire ; améliorer la forme des dents ; améliorer l’état de surface des dents, la teinte, leur alignement ; améliorer l’épaississement gingival ou même de combler des rides et ridules autour de la bouche.

Pour se faire, ces traitements vont comprendre : des blanchiments dentaires, des coronoplasties, des collages composites, des facettes, des couronnes céramiques, des aligneurs transparents, des injections d’acide hyaluronique, des chirurgies parodontales comme l’alignement des collets, des aménagements gingivaux, greffe gingivale.

L’idéalisation du sourire correspond à un besoin de plus en plus présent dans notre société : celui de conserver un sourire impeccable, d’avoir des dents blanches parfaitement alignées, esthétique sans doute influencée par des critères socio-culturels. Un beau sourire s’inscrit aussi dans une démarche de jeunisme.

Il existe actuellement deux principales motivations d’intervention : la création d’un nouveau sourire ou sa restauration après un certain âge. La première correspond à une quête d’identité et de socialisation et la seconde intervient généralement après 40 ans pour maintenir une dentition en bon état.

 

Responsabilités du praticien

 

La responsabilité juridique est l’obligation de répondre de son comportement devant la justice et d’en assumer les conséquences civiles, administratives, pénales et disciplinaires soit envers la justice soit envers la société.

 

Le droit distingue deux responsabilités : la responsabilité civile et la responsabilité pénale. La responsabilité civile a pour but de réparer un dommage subi par la victime, la responsabilité pénale a pour but de pénaliser le coupable. C’est surtout la loi Kouchner du 4 mars 2002 qui a strictement encadré la profession médicale et a renforcé les obligations du praticien envers le patient. Le praticien est tenu de respecter certaines obligations bien définies.

Un ensemble de recommandations de bonnes pratiques professionnelles délivrées par Haute Autorité de Santé (HAS) sont développées pour permettre aux professionnels de faire évoluer leur pratique et d’améliorer la qualité et les résultats des interventions. Elles ne sauraient dispenser les professionnels d'exercer leur discernement dans l'élaboration et le choix des traitements qu'ils estiment le plus approprié en fonction de leur propre diagnostic et des attentes du patients. Pour tout plan de traitement, les responsabilités du praticien sont engagées et il devra donc respecter les règles déontologiques, éthiques et juridiques. Il doit répondre à certaines obligations et le manquement de ces obligations entraîne des fautes professionnelles.

 

Responsabilité d’obligation de compétence

 

En premier lieu le professionnel se doit d'être formé aux dernières avancées tant théoriques que pratiques et devra avoir les compétences appropriées pour réaliser le plan de traitement choisi sinon devra référer son patient à un confrère ayant la compétence requise. Il devra donc reconnaître ses limites et savoir adresser à un praticien plus compétent tout en assurant la maîtrise du plan de traitement. Une mise à jour de ses connaissances à travers des formations continues s'avère indispensable pour soigner conformément aux données acquises de la science. La formation continue est obligatoire et sous le contrôle du conseil de l’Ordre. Le praticien est responsable de sa capacité à entreprendre un traitement qui est très spécialisé dans le domaine esthétique.

 

Responsabilité d’obligation de prise en charge

 

Avant tout traitement, la première consultation est primordiale car au-delà de la connaissance de l’état de santé du patient, le praticien doit être à son écoute. C’est un moment de partage entre le praticien et le patient, une relation de confiance doit s’établir. Le questionnaire médical demeure une étape obligatoire et incontournable avant la réalisation de tout acte de soin dentaires ou prescription même dans le cas où le patient se trouverait dans une situation d’urgence. Il permet d'évaluer l'état de santé du patient et la faisabilité des soins.

 

Le praticien reprendra tout le contenu du questionnaire oralement pour s’assurer de la bonne compréhension des questions par le patient. Ce questionnement permettra au praticien d’approfondir les réponses consignées et de connaitre ensuite l’état psychologique ou d’anxiété dans lequel se trouve le patient. Le document devra être daté et signé par le patient ce qui engage sa responsabilité quant aux informations mentionnées. La responsabilité du praticien est de cerner les demandes du patient, de connaitre son état de santé pour pouvoir prendre en charge les soins nécessaires à la réhabilitation de sa cavité buccale.

Le domaine esthétique est un domaine hautement sensible qui sollicite une appréciation très subjective, propre à chacun et à son vécu et met en jeu toute la complexité des relations humaines. Une prise de conscience de l'importance des enjeux psychologiques et de leurs conséquences doit survenir.

Il faut garder en mémoire que le beau ne peut être strictement codifié comme le rappelle Hegel car la beauté, comme fruit de l'imagination et des sentiments, ne peut être une science exacte. L’étape fondamentale de l'approche psychologique consistera pour le praticien à discerner la justification de la demande esthétique du patient. Il est important d'évaluer ce que cache cette exigence afin d'écarter tout risque lié à des problèmes d'identité ou des problèmes pathologiques.

 

Il y a 2 types de demandes.

 

- Une demande justifiée : la disgrâce est réelle, le désir d'amélioration est important, le praticien sait qu’il pourra aider son patient et lui apporter une amélioration.

 

- Une demande injustifiée ou pathologique faisant apparaître un malaise intérieur ou psychologique de la part du patient. Lorsqu’on observe une discordance entre la réalité du trouble et la disgrâce, le praticien devra se montrer très prudent car quoi qu'il fasse la nouvelle image de ce patient ne le satisfera pas. Il risque d'être en position d'échec, non pas d’un échec technique ou de mauvaise réalisation, mais d’un échec d’appréciation de l’imaginaire du patient.

Le praticien n’est pas un magicien, il reste le maître d’œuvre, Il doit garder le sens de la limite et parfois l’imposer au patient. Souvent la demande du patient est de réparer une mauvaise image de lui-même et de le rendre aimable aux yeux des autres, par conséquent, une transformation d’ordre esthétique valorisant l’image corporelle s’inscrit dans une quête du regard de l’autre. Les patients souffrent le plus souvent d’un décalage entre leur apparence physique et ce qu’ils aspirent à être au fond d’eux-mêmes, la demande esthétique vise donc à harmoniser l’être et le paraître.

Dans ce combat de l’être et de paraître, les soucis d’apparence l’emportent souvent, parfois même au détriment de la santé. La responsabilité du praticien en est d’autant plus accrue. L’approche psychologique représente alors une étape fondamentale lors de toute réhabilitation esthétique et va souvent définir la réussite et le contentement réciproque à l’issue du traitement.

La responsabilité du praticien est de mener à bien son traitement, il doit répondre à une demande justifiée, détecter et réduire des attentes irrationnelles ou pathologiques plus ou moins réalisables et être capable de refuser d’accéder au désir du patient si ce dernier est en inadéquation avec les recommandations de bonnes pratiques et/ou les possibilités techniques de son cas clinique. Il a une responsabilité de discernement pour établir la justification du traitement.

Sur le plan légal, il est donc important de pouvoir justifier l’indication qui doit améliorer l’esthétique, il est donc indispensable d’être extrêmement vigilant sur le déroulement des étapes et de fixer l’état initial du patient lors de la première consultation par des photos, des radiographies et des moulages représentant les modèles d’étude. L’approche psychologique va aller au-delà des premières consultations, elle doit accompagner chaque étape clinique en instaurant des rapports personnalisés avec le patient pour contribuer à la satisfaction réciproque à l'issue du traitement. Ainsi l’étape du plan de traitement et de l'approche psychologique se révèle capitale. La matérialisation du résultat final doit pouvoir se concrétiser avant toute préparation dentaire mutilante c'est le rôle déterminant du schéma esthétique qui fixera les formes, profils, contours, et limites des restaurations définitives. Le patient est actif et participe au schéma esthétique ce n'est seulement qu’après son consentement éclairé que les étapes définitives pourront être envisagées. Ainsi seront mis en adéquation le sentiment du beau perçu par le praticien beau = naturel, et celui du beau perçu par le patient beau = perfection. De nombreux outils numériques aujourd’hui sont à la disposition du praticien : Digital Smile Design, Easy (Esthétic Analysis by Smile AcademY), Romexis Smile Design (Planmeca), Clincheck pour Invisalign…. Ce sont des outils magnifiques de communication mais la difficulté pour le praticien est de ne pas vendre un rêve à son patient qu’il ne pourra réaliser.

L’étape fondamentale de l'approche psychologique consistera pour le praticien à discerner la justification de la demande esthétique du patient il est important d'évaluer ce que cache cette exigence afin d'écarter tout risque liés à des problèmes d'identité ou des problèmes pathologiques.

 

Responsabilité du devoir d’information

 

Une fois le diagnostic établi, tout traitement dentaire doit faire l'objet d'une information claire, loyale et appropriée auprès du patient afin de lui permettre de consentir aux soins en toute connaissance de cause.

 

Cette information doit porter sur :

  • l’état de sa santé avec un diagnostic ;
  • les investigations et traitements ou actions préventives proposées ;
  • le rapport bénéfices / risques : risques inhérents à la prothèse (inadaptation, esthétique) et risques inhérents aux soins (échec du traitement, endodontie, rhizalyse paresthésie, hémorragie…)
  • Selon l’article R4127-40 du code de déontologie médicale, le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions pratiquées comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit de faire courir au patient un risque injustifié. Il est du devoir du praticien de prévenir son patient des risques prévisibles ou exceptionnels qu’entraînent les soins ;
  • les autres solutions possibles.

En application de l'article 35 du code de déontologie médicale, le praticien délivrant les informations, doit s'assurer que le patient a compris les explications données. Cette Information doit être comprise et le praticien doit respecter un délai de réflexion de la part de son patient, les soins ne peuvent débuter le jour de la première consultation sauf en cas d’urgence.

La charge de la preuve de l'obligation d'information pèse sur le praticien (arrêt de la Cour de cassation 25 février 97, cour d'appel de Toulouse 18 février 2008 et cours d'appel de Paris 10 octobre 2008)

Pour la jurisprudence, il y a défaut d’information lorsque le praticien qui a rencontré le patient a pratiqué le soin sans l'avoir avisé. Le dommage découlant d'une violation du devoir d'information n'est pas le préjudice corporel lui-même mais la perte de chance d'avoir pu refuser l'intervention.

Ainsi, le défaut d'une seule information utile pourrait constituer pour le praticien un manquement à son obligation d'information.

 

Responsabilité contractuelle

 

Le praticien devra établir un devis écrit, émis en double exemplaire, qui est une obligation légale résultant de l’article L.1111-3 du code de la santé publique qui impose une information du patient sur les frais auxquels il pourrait être exposé à l'occasion de la prise en charge de ces soins.

L’article des 63 22 -30 du C SP stipule qu'entre la remise du devis détaillé de l’intervention daté et signé, un délai de réflexion de 15 jours au minimum doit être respecté et ce, pour que le patient puisse donner son consentement éclairé et éventuellement prendre un deuxième avis. Le patient devra avoir connaissance non seulement des actes proposés mais des actes à prévoir à la suite des traitements (comme une prothèse d’usage à la suite d’une extraction et prothèse temporaire mais également le renouvellement si nécessité d’un renouvellement périodique). Il doit avoir connaissance des autres traitements possibles avec les avantages et inconvénients.

Le praticien est donc responsable de l’information du traitement, de la compréhension de son patient et de son acceptation tant thérapeutique que financière et est soumis à cette obligation contractuelle Le contrat est également bipartite. Le patient s’engage également à respecter les protocoles, à savoir : le respect des rendez-vous, les soins d’hygiène, le respect des médications et ses engagements financiers.

 

Responsabilité de la tenue du dossier médical

 

La loi du 4 mars 2002 a consacré un droit d'accès direct du patient à l'ensemble des informations concernant sa santé, détenues à quelques titres que ce soit par des professionnels ou établissement de santé, dès lors qu'elles sont formalisées ou ont fait l'objet des échanges écrits entre professionnels de santé, à l'exception des informations recueillies auprès de tiers n’entrant pas dans la prise en charge thérapeutique.

Seul l’article L.1111-15 du CSP portant réforme de l’hôpital impose à tous les professionnels de santé de tenir un dossier médical : il s'agit du dossier médical personnel (DMP). Dans le respect des règles déontologiques qui lui sont applicables ainsi que des dispositions des articles L.1111-4 et L.1111-2, et selon les modalités prévues à l'articleL.1111-8, chaque professionnel de santé, exerçant en ville ou en établissement de santé, quel que soit son exercice, reporte dans le dossier médical personnel, à l'occasion de chaque acte ou consultation, les éléments diagnostiques et thérapeutiques nécessaires à la coordination des soins de la personne prise en charge.

La loi du 4 mars 2002 ne crée pas l'obligation de tenir un dossier médical mais vise l'accès direct du patient aux données médicales concernant sa santé dans des conditions qui supposent de facto l'existence d'un dossier médical.

Le code de déontologie des chirurgiens-dentistes n'exige pas la constitution d'un dossier médical mais vise implicitement son existence dans plusieurs articles :

  • l’article R.4127-207 du code de la santé publique prévoit la protection des fiches cliniques ;
  • l’article R.4127-229 du code de la santé publique mentionné l'existence des certificats et des attestations ;
  • l’articleR.4127 du code de la santé publique définit le contenu du dossier médical.

Le code de déontologie des médecins précise qu’indépendamment du dossier du suivi médical prévu par la loi, le médecin doit tenir pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle. Cette fiche est confidentielle et comporte des éléments actualisés nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. L’article L.1111-7 du code de la santé publique (CSP) autorise l’accès direct du patient à son dossier médical.

En pratique libérale, le contenu du dossier médical est déterminé par un arrêté du 5 mars 2004 qui homologue les recommandations émises par l’ANAES en février 2004, sur le dossier patient. On peut également se référer aux recommandations de la HAS sur l'accès aux informations concernant la santé d'une personne publiée en décembre 2005. Par conséquent, le praticien est dans l’obligation de tenir un dossier médical qui permet un suivi cohérent de son patient et grâce aux informations médicales écrites, il pourra assurer une meilleure communication avec des tiers. En en cas de suivi de soins par un tiers ou de litige, le suivi des actes médicaux répertoriés dans le dossier médical du patient est indispensable, et est de la responsabilité du praticien.

 

Responsabilité de la réalisation des actes

 

Les soins doivent être réalisés conformément aux données acquises de la science. Selon l’article R. 41 27 -32 du code de la santé publique : dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement aux patients des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. Article R 41 27- 233 : ce sont des soins dont les données sont connues ayant fait l'objet de publications elles doivent avoir reçu l'assentiment de la partie la plus considérable de la communauté scientifique.

On peut se référer aux recommandations de bonnes pratiques (RBP) de la HAS qui s'inscrivent dans un objectif d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, Le praticien restera toujours responsable du type de reconstitution en fonction de chaque situation clinique.

Dans le respect du serment d’Hippocrate qui réclame de ne pas infliger aux patients une souffrance morale ou physique inutile selon la formule primum non nocere, il faut que le praticien s’inscrive dans une volonté d’économie tissulaire pour réaliser les traitements proposés. Les connaissances et les techniques dont nous disposons en progrès constant, permettent aux praticiens de réaliser des traitements qui peuvent aller même au-delà de l’attente du patient. Il devra donc toujours garder à l’esprit d’éviter le surtraitement avec la nécessité de respecter ce serment. Sa responsabilité est dans les choix de ses plans de traitement, des moyens mis en œuvre et de la réalisation de ses traitements selon les données acquises de la science.

La demande esthétique grandissante a poussé à l'émergence d'un nouveau concept de dentisterie restauratrice moins invasif et plus conservateur. Ce concept peut être mis en pratique aujourd'hui par l'apparition de la dentisterie esthétique adhésive. Le praticien doit tenir compte de gradient de traitement et garder comme objectif principal la préservation des tissus avec un traitement a minima invasif et conservateur. C’est une dentisterie mini invasive et les restaurations sont biomimétiques afin de reproduire les caractéristiques mécaniques et esthétiques des tissus dentaires.

Pour répondre à cette demande esthétique grandissante l'appréciation du fondement réel de celle-ci et la maîtrise raisonnée des matériaux et des techniques avancées en odontologie esthétique sont indispensables. C'est en ce sens que les magistrats ont rappelé récemment que les actes de soins n'étaient soumis qu'à une obligation de moyens, l’acte médical supporte un aléa et l'échec de traitement est toléré si le praticien effectue des soins conformément aux données acquises de la science.

Pour les prothèses, la responsabilité du fabricant -producteur est engagée dès lors que le produit est défectueux et qu'il n'y a aucune faute de la part du praticien.

Mais dans son arrêt du 29 février 2000, la première chambre civile de la Cour de cassation a condamné un chirurgien-dentiste au motif que la prothèse dentaire présentait des défauts et que le praticien est tenu de fournir un appareillage dentaire sans défaut, une telle obligation étant de résultats. La responsabilité du praticien est donc présumée.

Le chirurgien-dentiste est lié aux patients par un contrat de soins et il est le seul à avoir des obligations de résultats envers lui, à l'inverse le prothésiste n'a d'obligation que vis-à-vis du praticien dans le cadre d'un contrat de fourniture. Le patient n'ayant aucun lien contractuel avec le prothésiste, c’est au praticien d'assumer la responsabilité du fournisseur sauf en cas de faute avérée. Dans ce cas le praticien pourra appeler le laboratoire de prothèse dans la cause.

Cette obligation de moyens est applicable aux soins prothétiques ainsi que le rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation du 31 octobre 2012 (cf. Cass ,1ère civ 31 oct. 2012 n°11- 21.633 ; Cass,1èreCIV20 mars 2013 n°12-12300) . L’acte médical thérapeutique supporte l’aléa thérapeutique mais Il y a un risque d’évolution de la jurisprudence avec la fabrication des prothèses par le praticien, par la prévisualisation du traitement avec l’utilisation d’outils informatiques, par le caractère facultatif du traitement.

Le praticien doit se montrer extrêmement vigilant et en aucun cas donner une copie de cette prévisualisation qui pourrait entraîner une obligation de résultat. Aujourd’hui la nouveauté de ces outils informatiques ne permet pas de trouver de jurisprudence sur des litiges traités mais à l’avenir la prudence s’impose.

 

Discussion

 

Aujourd’hui la société évolue vers un accroissement d’une volonté procédurière, nous pouvons donc assister à une augmentation du nombre de litiges. Le patient insatisfait pourra engager une procédure puisque l’insatisfaction d’un patient peut signifier dans son esprit un manquement du respect du contrat initial avec le praticien. Il faut considérer une différence importante entre la dentisterie esthétique curative qui est tenue à une obligation de moyens et la dentisterie exclusivement esthétique facultative qui est tenue à une obligation de moyens renforcés quasiment de résultat car peut mutiler et par son caractère facultatif, est soumis à une obligation de non dégradation esthétique. Elle doit améliorer l’état initial.

Le risque d’une évolution d’obligation de résultat est très présent, les litiges naissent souvent de l’incompréhension entre le professionnel qui est prestataire de services et le patient qui est consommateur de soins notamment pour tous les soins qui touchent de près ou de loin l'esthétique. Mais aujourd’hui le seul fait que le résultat esthétique des prothèses ne soit pas à la hauteur de l’espérance du patient ne saurait en lui-même suffire à engager le praticien. C’est ce que rappelle un jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 19 octobre 2021. Le praticien ne peut être astreint à une obligation de résultat même s’il s’agit d’interventions non curatives.

En effet les textes et la jurisprudence sont clairs et parfaitement logiques en matière d’actes à visée esthétique, l’obligation du professionnel de santé est une obligation de moyens, comme pour les autres actes médicaux qu’il pratique, puisque :

  • ils sont réalisés sur le corps humain et donc soumis à des réactions imprévisibles ;
  • la médecine n’est pas une science exacte et toujours sujette à aléa thérapeutique ;
  • le "résultat" d’un acte esthétique est obligatoirement apprécié de manière différente, car subjective, selon les personnes. La responsabilité ne peut pas être fondée sur un sentiment.

 

Conclusion

 

Dans une société où l'esthétique est une préoccupation grandissante, les attentes du patient deviennent très exigeantes, parfois les demandes sont extravagantes avec des délais immédiats. Les litiges naissent souvent de l'incompréhension entre le professionnel de santé et le patient qui parfois vient à oublier que son praticien est un soignant et non un magicien.

Plus que jamais dans ces traitements esthétiques, la responsabilité du praticien peut être engagée par un manquement de respect à ses obligations selon les codes de déontologie et de procédure civile. La vigilance est un pré -requis pour ne pas voir sa responsabilité engagée dans un certains nombres de procès. En effet la jurisprudence apprécie l’obligation de moyens de façon plus stricte en matière de soins esthétiques dans la mesure où les prothèses esthétiques visent non pas à rétablir la santé mais à apporter une amélioration et un réconfort esthétique à une situation jugée insupportable par le patient. Il est donc très important que le praticien fixe l’état initial et ne laisse pas en possession du patient une prévisualisation informatique qui ne serait qu’un outil d’étude de traitement et non pas un résultat. C’est pour cela que l’obligation de moyens est dite renforcée.

L’intervention doit rester proportionnée au regard de la disgrâce constatée et le praticien doit veiller à apporter une réelle amélioration esthétique.

Dans la majorité des procès retenant un préjudice esthétique, la responsabilité du praticien est souvent engagée pour faute technique ou manquement au devoir d'information ou les deux. Il existe un ensemble de critères sur lesquels les experts se basent pour réaliser une évaluation objective des préjudices esthétiques lors de litiges. L'indemnisation des patients découle de cette évaluation.

 

Bibliographie

  • Conception et pose d’une prothèse dentaire : une obligation de moyens pour le chirurgien-dentiste, Stéphanie Tamburini, Juriste MACSF
  • Évaluation de la demande esthétique Simon Tirlet Attal, ID31 septembre 2008
  • La dentisterie esthétique : Pourquoi maintenant ? www.lefildentaire.com/articles/clinique/esthetique/la-dentisterieesthetique- pourquoi-maintenant/
  • Tirlet G, Attal JP. Le gradient thérapeutique un concept médical pour les restaurations esthétiques. ID 2009 ; 91 (41/42) : 2561-2568.
  • ASAPSstats.pdf [Internet]. Disponible sur: http://www.surgery.org/sites/default/files/2003stats.pdf
  • Sourire et santé bucco-dentaire Opinion way pour l’ADF – Octobre 2012
  • Le sourire en prothèse ou l’éloge du sourire. Actualités Odonto-Stomatologiques 2008; 242:129-141
  • Les responsabilités du chirurgien-dentiste, Éditeur : les éditions hospitalières
  • Les différents types de responsabilité du chirurgien-dentiste Marion Dejean-Peligry Avocat au Barreau de Montpellier
  • Le questionnaire médical en chirurgie- dentaire : un outil clinique et médico-légal, Beatrice Aknine MACSF