AONews. Alexandre Deleage, qu’est-ce qui vous a amené à pratiquer la dentisterie vétérinaire ?
Alexandre Deleage. Je suis tout d’abord vétérinaire diplômé de la faculté de médecine de Lyon, et j’ai exercé de 2010 à 2020. D’abord généraliste et rural, j’ai ensuite développé un intérêt pour les animaux de compagnie et la chirurgie des tissus durs…puis la dentisterie, jusqu’à reprendre le cursus dentaire en 2014 à la faculté d’odontologie de Rennes ! Parallèlement à mes études en chirurgie dentaire, j’exerçais mon activité de vétérinaire en la spécialisant progressivement, jusqu’à avoir un exercice exclusif en 2017.
AON. Comment partagez-vous votre temps entre les deux activités ?
A.D. Suite au 1er confinement du COVID-19, j’ai cessé mon exercice vétérinaire, et exerce dorénavant exclusivement en parodontologie, implantologie et chirurgie en Bretagne. Actuellement mon lien avec la profession vétérinaire se fait principalement via les formations que je propose.
AON. Que vous apporte votre expérience de la médecine vétérinaire dans votre pratique quotidienne ?
A.D. C’est la chirurgie vétérinaire qui m’a poussé à faire chirurgien-dentiste et à orienter mon exercice vers la parodontologie et la chirurgie. C’est aussi dans l’optique de faire le lien avec la stomatologie vétérinaire que j’ai suivis les CES de parodontologie et d’odontologie chirurgicale. J’ai également veillé à m’inscrire principalement à des diplômes universitaires ouverts aux deux professions, pour leur vision transversale, comme celui de microchirurgie et celui de tissus calcifiés, implantologie dentaire et chirurgie avancées
AON. Pouvez-vous nous faire le point sur la spécialité en médecine vétérinaire ?
A.D. Effectivement c’est une spécialité, ou plutôt deux spécialités, au sens où l’entend l’Ordre des vétérinaires. Le vétérinaire spécialiste est tout d’abord Docteur en médecine vétérinaire et ensuite diplômé de l’European Veterinary Dental College (EVDC) après 3 ans supplémentaires, en dentisterie générale ou dentisterie des équidés. En France il existe 6 spécialistes dont un en dentisterie équine. Au-delà de la spécialité un certain nombre de vétérinaire ont un exercice exclusif ou orienté en dentisterie. Toutefois la formation universitaire est très défaillante dans le domaine, d’où l’intérêt des formations post universitaires et des sociétés savantes comme l’European Veterinary Dental Society (EVDS) ou le Groupe d’Etude et de Recherche en OdontoStomatologie (GEROS) de l’Association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie (AFVAC) ou l’Association Vétérinaire Equine Française (AVEF). La discipline connait un intérêt croissant.
AON. Quels sont les actes qu’un vétérinaire peut être amené à réaliser ?
A.D. Tout est possible, de l’orthodontie à l’endodontie en passant par la parodontologie et même la prosthodontie voir l’implantologie. Certains cas ont même pu être réalisés avec le système CEREC.
AON. Un certain nombre de nos confrères dentistes envisagent de proposer des soins dentaires à des animaux. Un chirurgien-dentiste pourrait-il exercer son art sur un animal ?
A.D. Légalement, non mais…. légitimement, oui mais… je m’explique. Les soins dentaires concernent en très grandes majorité 3 types d’animaux : les carnivores domestiques (chien, chat), les nouveaux animaux de compagnie (rongeurs et lagomorphes), et les équidés. Je limiterai mon analyse aux seuls carnivores et chevaux.
En résumé seule la dentisterie des équidés est ouverte aux non vétérinaires mais l’exercice reste limité. En revanche, la seule option pour un chirurgien-dentiste d’exercer sur des carnivores est donc le suivre le cursus de médecine vétérinaire.
AON. Quel rôle pourrait alors jouer un chirurgien-dentiste qui porterait un intérêt particulier à la dentisterie vétérinaire ?
A.D. Je pense que le concept ONE HEALTH qui a émergé et c’est renforcé suite aux diverses crises sanitaires récentes, pourrait s’appliquer en stomatologie. Il est selon moi important de renforcer une vision transversale de la médecine en générale et de la dentisterie en particulier. C’est d’ailleurs un des objectifs de l’institut Mont Saint-Michel, en proposant des formations ouvertes à la fois aux chirurgiens-dentistes et aux vétérinaires. Les échanges sont toujours intéressants. Si je prends comme seul exemple, l’implantologie, le chien est le modèle expérimental privilégié depuis 30 ans, et pourtant l’implantologie dentaire chez le chien n’en est qu’à ses balbutiements. Les études précliniques menées sur le chien auraient pourtant pu servir d’étude clinique...
Propos recueillis par André Sebbag