Edito AONews # 37 - Oct 2020

Dr Michel SIXOU, Professeur de Santé Publique

La grande confusion

 

Merci à Alpha Omega News de me permettre de réagir sur trois sujets d’actualité dans le cadre de la crise politico-économico-sanitaire.

Le masque a-t-il des vertus magiques ? Nous assistons depuis quelques semaines à un affrontement entre les promasques et les antimasques. Que penser de ces polémiques sans fin sur le sujet ? Prendre une position pro ou anti est en soi une ineptie. Le bénéfice du masque en milieu médical ne peut pas être remis en question en raison des nombreux effets positifs démontrés par l’usage, et plus tard par de nombreuses études. Son usage répond à des règles d’utilisation strictes et contraignantes qui dégradent fortement son efficacité si elles ne sont pas respectées. Mais depuis le mois de mars 2020 est apparue une nouvelle catégorie de masques en tissu dit « grand public ». Aucune étude n’a démontré l’intérêt ou l’efficacité de ce dispositif. Il faut malheureusement constater qu’en l’absence de formation réelle, ils sont utilisés sans respect d’aucunes règles. Aucune recommandation n’est faite vis-à-vis de l’humidité respiratoire ou des conditions de pluie en usage extérieur. Leur stockage au fond d’une poche, d’un sac ou d’un portefeuille en font davantage des vecteurs de propagation que des dispositifs de protection. Nous sommes dans le symbole ou plus inquiétant la pensée magique. Pour nous soignant, un autre débat plus subtil peut nous laisser perplexe : la guerre des normes ! Un masque FFP2 est-il équivalent à NK95 ou à un N95 ? Il s’agit de systèmes de normalisation de pays différents (respectivement Europe, Chine et USA). Ils sont assez proches en apparence avec une filtration de 94 ou 95% et un taux de fuite de 8%. En revanche, leurs résistances à l’inspiration et à l’expiration ne sont pas les mêmes. Donc le confort respiratoire et la fatigue qui en résultent seront différents.

 

Une épidémie de PCR !

Depuis plusieurs semaines, nous voyons augmenter le nombre de cas positif aux tests PCR du Covid-19. Tous les soirs sont égrainés des chiffres inquiétants qui justifient le classement des grandes villes françaises en zone rouge à risque où le virus circule activement. L’évolution de la situation justifie la mise en place de mesures de restriction de la vie sociale de plus en plus importantes. Ce constat doit nous amener à réfléchir sur la validité des tests PCR, leurs forces et faiblesses, leurs indications et contre-indications. En d’autres termes, les tests PCR sont-ils indiqués pour faire de la détection de masse sur des personnes asymptomatiques ? La principale qualité de la technique de PCR est la sensibilité exceptionnelle. Elle est capable de détecter un faible nombre de fragments d’ARN viral vitaux ou non vitaux. Cette caractéristique fait de cette technique une arme redoutable pour confirmer ou aider au diagnostic de patients symptomatiques. Mais dans une population majoritairement asymptomatique, toute trace même dégradée, non infectieuse d’ARN viral présent dans le prélèvement se soldera par un test positif. 6 à 9% des personnes testées sont positives. De façon empirique, 60% des résultats positifs sont considérés comme des faux positifs. Ces personnes ne sont pas transmetteurs du virus et ne présenteront aucun signe de la maladie. Ces tests par PCR ne sont pas adaptés aux dépistages de populations en grande majorité non infectieux vis-à-vis du SARS-CoV-2. L’utilisation de tests immunologiques moins sensible utilisés dans de nombreux pays, serait beaucoup plus adaptée à la situation sanitaire française.

Sommes-nous en épidémie ou en endémie ? La définition d’une épidémie est claire et précise. Elle désigne l’augmentation rapide d’une maladie et donc des malades en un lieu donné à un moment donné. Sommes-nous actuellement en phase épidémique en France comme semblent le crier à l’unisson, tous nos médias et nos responsables politiques ? Pour cela, il faut se reporter aux chiffres de Santé Publique France en considérant non pas les cas positifs (tests PCR positif) mais les malades (hospitalisés et admissions en réanimation). Depuis 3 semaines ces courbes montrent une augmentation des malades. Mais nous sommes éloignés du pic épidémique des mois de mars, avril 2020. Nous sommes actuellement dans une phase endémique. Il est probable que dans quelques semaines nous atteignons le seuil épidémique et que nous basculions véritablement en épidémie sachant que le seuil épidémique est défini par le nombre de malades à l’instant t. La définition de ce seuil reste arbitraire mais les courbes épidémiques prennent une forme caractéristique en cloche. En résumé, nous sommes face à une grande confusion sur les masques, sur les tests et sur le terme d’épidémie …