Le 28 mars dernier s’est tenu à Paris un Congrès d’Implantologie d’un genre nouveau. En effet, 31 conférenciers, tous ambassadeurs de l’excellence Française en la matière, se sont réunis pour traiter d’un thème de leur choix mais en limitant leurs propos à 10 minutes. Tous ont répondu à l’invitation de Patrick Missika et se sont exprimés devant une salle comble en relevant le défi de ce timing particulièrement exigeant sur le fond mais surtout sur la forme.
Force est de constater que ce fût un succès. Ce modèle de Congrès invite à une concentration permanente car les propos sont concentrés mais sans aucune lassitude puisque l’on change de sujet toutes les 10 minutes. Il faut croire que cela a plu car la salle est restée comble jusqu’au bout de la journée.
Les 31 sujets ont largement balayé le champ de l’implantologie orale tant chirurgicale que prothétique.
Les conférenciers ont été invité à s’exprimer par ordre alphabétique, en commençant donc par Hadi Antoun qui a traité des moyens de reconstruction osseuse en 3D que
constitue l’expansion horizontale et la ROG, de plus en plus indiquée dans ces cas de Fig.ure, avec d’excellents résultats à long terme dans des mains bien entraînées.
Anne Benhamou s’est exprimée avec le même brio sur le challenge que constitue l’incisive maxillaire qui, lorsqu’elle doit être remplacée, doit faire l’objet de toutes nos attentions, quitte à sur corriger le défaut potentiel pour obtenir un résultat esthétique. Comblement du gap alvéolaire et conjonctif enfoui sont incontournables, de même que la réalisation d’une dent provisoire au profil d’émergence affiné.
Marc Bert est revenu sur les fondamentaux de l’occlusion en rappelant qu’il n’y a pas lieu de mettre une couronne sur implant en sous-occlusion.
Jacques Bessade a indiqué les voies à suivre pour limiter la survenue d’une péri-implantite. Affiner le profil médical d’un patient en pensant à le supplémenter en vitamines D tout en veillant aux excès de cholestérol, soigner les profils prothétiques pour faciliter la maintenance, établir un programme de maintenance de 2 contrôles annuels sont les bases d’une pratique sereine.
Franck Bonnet a montré comment la technique de la socket shield, laissant en place la paroi vestibulaire d’une dent à extraire dans le secteur esthétique, permet de garantir le maintien du volume vestibulaire.
Bernard Cannas a passé en revue les évolutions des traitements implantaires depuis les années 80. Une vidéo montrant le célèbre chirurgien Paul Tessier, père de la chirurgie maxillo-faciale, a particulièrement été appréciée.
Frédéric Chiche a présenté le concept de chirurgie globale, dans lequel, tout ou presque est fait en une seule séance Flux numérique et chirurgie guidée apportent sécurité, confort et gain de temps opératoire. Cependant, il ne faut pas oublier que l’expérience du praticien reste le facteur essentiel qui permettra d’optimiser ces progrès techniques.
Guillaume Drouhet a vanté la technique des ostéotomes, chirurgie mini-invasive de reconstruction sous-sinusienne par voie crestale. Isabelle Kleinfinger a développé les techniques de reconstruction gingivale essentielles dans le secteur esthétique.
Patrick Limbour a parlé de l’agénésie des incisives latérales maxillaires et a répondu à la question : à quel âge peut-on poser les implants ? L’étude de la littérature permet de le préciser. Il faut préférer implanter après 20/21 ans soit bien plus tard que ce qui avait été indiqué en 89 à la Conférence de Mayence (15-17 ans). On sait aujourd’hui que la fin de la croissance est différente de la continuité de la croissance, plus lente, imperceptible. Restent à gérer la temporisation, la lassitude des patients et leur disponibilité qui n’est plus la même qu’à 17 ans. Dans tous les cas, attention aux cas de ligne du sourire haute. Anticiper le risque d’infra position par une position plus palatine de l’implant et penser à vraisemblablement remplacer la prothèse à 10/12 ans. (Fig.3, 4, 5)
En ces temps où circulent des informations farfelues sur le risque de toxicité liés à la dégradation du titane, Patrick Exbrayat a rappelé quelques fondamentaux concernant le progrès indiscutable que constitue l’emploi des implants en alliage de Titane par rapport à ceux en titane médicalement pur des débuts de l’ostéointégration. Les éléments d’addition que constituent l’Aluminium et le Vanadium (Ti Al6 V4) ont grandement amélioré les propriétés mécaniques de nos implants. La limite élastique est passée de 330 MPa à 830 MPa, la résistance en fatigue a été multipliée par deux. La biocompatibilité du titane allié est équivalente à celle du titane pur, vis-à-vis des tissus osseux et gingivaux. Il faut rappeler que la couche de passivation composée des 3 oxydes TiO2, Ti2O3 et TiO se reconstitue systématiquement à chaque exposition à l’air, sous forme adhérente et protectrice inaltérable (10 å en 1 mS et 100 å en 1 mn) en jouant le rôle de filtre ionique tout en développant des liaisons intimes avec les ions Ca++ et PO4 - -.
Philippe Russe a rappelé les règles de prudence lors de la pose d’implants de petit diamètre, c’est-à-dire entre 2.8 et 3.5 mm. D’une part, il faut privilégier la longueur en utilisant des implants de 13 ou 15 mm, sinon, le risque d’échec augmente. Indiqués strictement pour les latérales maxillaires et les incisives mandibulaires, il faut s’assurer d’un bon ancrage primaire en sur forant en profondeur. Il ne faut pas hésiter à placer un conjonctif de 2 mm d’épaisseur pour masquer la transparence de l’implant. Enfin, il faut penser à augmenter la rétention des piliers de prothèses car leur surface est assez réduite. (Fig. 6)
Philippe Khayat a illustré la technique de l’implantoplastie qui permet de modifier la surface d’un implant atteint d’une péri-implantite en la rendant lisse grâce aux fraises Dexter H 375 et HK 375. Ainsi, sans comblement péri-implantaire, il observe une néo-formation osseuse qui parvient à combler la lésion spontanément.
Georges Khoury a présenté les résultats encourageants d’une étude portant sur la stabilité des reconstructions par ostéotomies segmentaires transversales.
Philippe Leclercq a illustré les techniques de dépose d’implant lié à l’augmentation des échecs et des procédures judiciaires en implantologie, devenues très fréquentes aujourd’hui.
Jérôme Liberman a rappelé les risques liés aux biphosphonates. Jérôme Lipowicz a rappelé les avantages liés à la chirurgie guidée flapless.
Patrice Margossian a illustré clairement l’intérêt du nouveau pilier Anthogyr AxIN permettant de s’affranchir d’un positionnement palatin de l’implant en zone esthétique afin de ménager le plus de place possible pour l’accès à la vis de prothèse. Grâce à cette nouvelle connexion prothétique, il a modifié son axe de forage en prenant pour référence le bord libre des incisives et non plus le cingulum.
Philippe Monsénégo a développé l’intérêt des implants pour stabiliser une prothèse amovible de type stellite. Très souvent indiquée en première intention dans les édentements de grande étendue, le stellite peut être complété par 2 implants et un système de connexion type bouton-pression ou Locator ou encore par couronnes fraisées, ce qui permet d’éviter la présence de crochets dans la zone esthétique, d’améliorer l’équilibre et la biocompatibilité de la prothèse en diminuant les contraintes sur les muqueuses. Le patient peut ensuite envisager sereinement et progressivement la pose d’implants complémentaires pour mettre en place une solution purement fixée.
Patrick Missika a rappelé les avantages biologiques, esthétiques et psychologiques de l’extraction-implantation immédiate. (Fig. 7 à 11)
Philippe Rajzbaum a montré l’intérêt d’un abord pluridisciplinaire dans la gestion des cas complexes.
Et Gérard Scortecci a illustré, après 45 ans de pratique, les défis des traitements à très long terme. (Fig. 12,13).
Corinne Touboul a mis en garde sur l’emploi de la chirurgie guidée. En effet, si elle constitue un progrès indiscutable, elle est très chronophage en amont de la chirurgie. De plus, il faut savoir garder son sens clinique, prendre le temps en cours d’intervention de s’assurer que le guide est valide, et lever un lambeau si cela s’avère nécessaire. En conclusion, la chirurgie guidée n’est certainement pas une technique de débutant.
Patrick Palacci a montré le traitement d’un cas extrême géré de main de Maître, comme il en est capable.
Jean Baptiste Verdino a montré comment il était possible de sauver un grand bridge implanto-porté quand un ou plusieurs implants support sont perdus. Les implants zygomatiques sont un élément de réponse.
Jean Louis Zadikian a montré comment il gérait l’obtention de résultats esthétiques immédiats chez l’édenté complet maxillaire.
Enfin, Michel Metz a montré l’avantage des prothèses maxillaires complètes sur barre d’ancrage implanto portée dans les cas de forte résorption ou de bruxisme, offrant une maintenance réduite et simple et d’excellents résultats à long terme. (Fig. 14, 15)