Mithridate Davarpanah et son équipe nous ont proposé une journée exceptionnelle à l’hôpital américain ce samedi 6 octobre avec Markus Hürzeler (Munich), Amélie Mainjot, Geoffrey Lecloux et Michael Sadoun (Liège). La matinée était consacré aux chirurgies en directe.
Markus Hürzeler, spécialiste internationalement reconnu de la microchirurgie, a réalisé pour cette première intervention, une chirurgie muco-gingivale de recouvrement de récessions sur une hémi-arcade, de la 11 à la 16. La patiente présentait des récessions multiples entre 3 et 5 mm et par ailleurs un parodonte sain. Apres anesthésie locale, les incisions sont réalisées avec des microlames de bistouri. Le but à ce stade est de disséquer en épaisseur partielle bien au-delà de la ligne muco-gingivale de façon à pouvoir réaliser un repositionnement coronaire du lambeau en préservant l’intégrité des papilles inter proximales selon la technique proposée par Allen en 94. M. Hürzeler procède donc à une incision intra-sulculaire tout le long des collets et sur toute la hauteur de gencive kératinisée, les papilles seront disséquées secondairement avec des microlames encore plus petites et légèrement coudées. Pour décoller le lambeau dans la partie la plus apicale le conférencier utilise alternativement les microlames et des mini-décolleurs qu’il peut couder à la demande. Dans un deuxième temps est réalisé le prélèvement conjonctif au palais. Une incision horizontale de l’incisive à la molaire (sans incision de décharge) permet de disséquer un lambeau en épaisseur partielle le plus fin possible pour récupérer un rectangle assez long de conjonctif débarrassé de tout résidu épithélial ou de tissu graisseux. Le lambeau palatin est suturé à l’aide de « sutures matelassiers » dans la partie apicale du lambeau et en vestibulaire des dents en regard. Le greffon conjonctif sera ainsi glissé de proche en proche et par chaque extrémité sous le lambeau vestibulaire tout en préservant les papilles décollées d’une éventuelle déchirure. Chaque stade de cette intervention est extrêmement délicat mais magnifiquement réalisé par l’opérateur. Préalablement aux sutures M. Hüzeler a pris soin de coller avec du composite les points de contact de toutes les dents en regard du lambeau et à l’aide de points « matelassiers » verticaux et en tournant autour des plots de composite il va ainsi réaliser une traction coronaire du lambeau vestibulaire sous lequel est immobilisé le greffon conjonctif. On a à la fin de cette intervention une parfaite prévisualisation du résultat esthétique. Les suites post-opératoires sont en générales bénignes car l’ensemble des tissus sont suturés de façon à obtenir une cicatrisation par première intention.
Geoffrey Lecloux dans une deuxième intervention a réalisé une pose d’implant semi-flapless sur une prémolaire supérieure. En effet avec une mini-incision arciforme inter proximale, la gencive crestale est repositionnée en vestibulaire. L’implant est inséré à l’aide d’un guide chirurgical élaboré à partir d’une empreinte optique et d’une imprimante 3D. L’implant « tissue-level » peut ainsi recevoir le jour même une dent provisoire ou définitive élaborée également à partir d’une empreinte optique avec un matériau original mis au point à l’université de Liège.
La troisième intervention de la matinée sera d’autant plus spectaculaire qu’elle a été retransmise sur des écrans 3D qui donnent véritablement la sensation d’être au-dessus du patient au bloc opératoire. Markus Hüzeler a réalisé une microchirurgie gingivale sur une incisive centrale implanto-portée présentant une très importante récession. Les incisions vestibulaires sont identiques à celles décrites ci-dessus avec les mêmes instruments de microchirurgie. Par contre dans ce cas clinique les incisions vestibulaires seront prolongées en palatin avec 2 incisions parallèles. L’opérateur va réaliser une dissection en épaisseur partielle palatine de façon à libérer complètement les papilles inter proximales. La partie apicale de ce lambeau palatin sera disséqué en épaisseur totale afin de pouvoir le tracter coronairement. Le prélèvement conjonctif sera identique à l’intervention précédente et tracté sous les papilles en vestibulaire. Les sutures matelassiers permettent également dans ce cas une traction coronaire spectaculaire.
Spécialiste mondialement reconnue de la zircone, Amélie Mainjot a fait le point sur les dernières générations de zircone employées en prothèse dentaire et particulièrement en prothèse implanto-portée. Il n’y a aucun doute pour elle qu’il s’agit aujourd’hui du matériau de référence avec lequel elle travaille quotidiennement. Tous les éléments unitaires sur implant devraient être réalisés sur zircone, à commencer par les piliers implantaires mais avec une base titane.
De même pour les petits bridges de 3-4 éléments mais pas au-delà car il y a encore des risques de fracture pour les longues portées.
Nous avons connu 3 générations de zircone. La première (3-YTZP), très opaque et très résistante mécaniquement (1200 MPa) pour laquelle nous avons eu de nombreuses déconvenues par fêlure et chipping, la seconde (3-YTZP) plus translucide mais sensible à la déformation en milieu salivaire où le risque d’éclat a été réduit, plus indiquée pour les restaurations monolithiques postérieures et la dernière et plus récente (4-YTZP et 5- YTZP), beaucoup plus translucide mais moins résistante (- 700 MPa) et cependant moins fragile au chipping car plus résistante à la déformation par hydratation hydrique, plus adaptée aux restaurations antérieures, facettes comprises.
Ces matériaux exceptionnels sont donc de plus en plus fiables mais il faut adapter les préparations d’armature prothétique car c’est un des facteurs majeurs d’échec. Les armatures ne doivent jamais être trop fines et la céramique doit être largement soutenue dans les embrasures. Dans ces conditions, la pérennité de ces restaurations est exceptionnelle. Une étude longitudinale in vivo et à long terme est en cours depuis 2014, entre les Universités de Liège et de Paris V pour évaluer plusieurs paramètres sur 100 restaurations unitaires sur implants réalisées en zircone de seconde génération (Lava Plus 3 M). Les couronnes sont régulièrement déposées et étudiées au microscope électronique. On s’est déjà aperçu de la très bonne tenue de ces éléments full zircone. On pensait que ces éléments présentaient une surface très abrasive pour les dents naturelles et il n’en est rien. En fait, la zircone n’est pas abrasive. C’est la céramique cuite par-dessus qui pose problème. Par contre, les colorants de surface préservent les ponts de contact. Sur le moyen terme, le vrai problème réside dans la très forte densité du matériau zircone. On a plusieurs fois constaté des fractures dentaires sur les éléments antagonistes aux éléments en zircone et cela pose un problème encore plus grave sur les éléments zircone sur implant du fait de l’absence de desmodonte.
Voilà pourquoi des travaux ont été mené pour essayer de mettre au point un nouveau matériau qui possède les mêmes caractéristiques esthétiques que la zircone mais offre une élasticité plus faible pour épargner les éléments antagonistes. Un nouveau composite a été mis au point. Tous ces matériaux sont maintenant disponibles en lingots pour la CFAO. Il a d’abord été possible de créer des lingots avec un gradient de teinte pour ne plus avoir d’éléments monochromes. Ensuite, l’idée a été de créer des lingots dont la matière présente un gradient de dureté comme les matériaux dentaires, c’est-à-dire plus dur en surface et plus tendre en profondeur. Ainsi a été mis au point au laboratoire de l’Université de Liège un nouveau matériau composite infiltré d’alumine.
Ce matériau est maintenant testé pour des restaurations unitaires sur implant. Le protocole s’appelle T1T, soit One-Tooth One-Time. 9 patients ont été choisis dont des bruxomanes. 10 implants Straumann à surface SLA active de 10 et 12 mm ont été posés en secteur postérieur cicatrisé. Une empreinte a été prise immédiatement après la pose, à l’aide du CEREC Omnicam Impression pour la réalisation prothétique. Le programme Cerec 4 Design a été utilisé sur le matériau Vita ENAMIC Crown MCXL manufacturing. Les implants devaient présenter un blocage osseux à 35 Ncm. La couronne a été posée dans la même séance que celle de la pose de l’implant. Le taux de succès a été évalué, de même que le temps passé et les complications apparues.
A 1 an, 100 % des implants sont présents. Il y a eu 50 % de dévissages dus au fait que le serrage n’était que de 25 Ncm. Il est maintenant passé à 35 Ncm et les dévissages ont cessé. 16 minutes ont été nécessaires pour la pose des implants. 80 minutes ont été nécessaires au laboratoire et 30 minutes pour poser la couronne, soit un total de 2h07 minutes pour l’ensemble du traitement en une seule séance. La satisfaction des patients est de 9 sur 10.
Ce protocole chirurgico-prothétique a été mis en œuvre en direct et avec succès lors de cette journée.
Philippe Rajzbaum, de l’équipe de Mithridate Davarpanah, a présenté des cas cliniques tout au long de la journée pour compléter ce que les chirurgies en directe venaient d’illustrer. Nous en publions un.