IDD : InternationalDigital Days

AOnews #37 - oct 2020


En janvier dernier, eurent lieu les premiers International Digital Days, 2 jours de conférences à Paris sur le digital dans la pratique dentaire. Notre chroniqueur était présent le 25 janvier…


Le principe de l’International Digital Days était de regrouper de courtes conférences avec des sujet différent tout en s’articulant autour d’un seul et même fil conducteur : le

 numérique. Ainsi, des conférenciers venus des 4 coins de la planète sont venus présenter leur vision du numérique en application dans leur discipline. David Gerdole a posé la question dès le départ : est-ce que le numérique vaut le coup au vu des investissements ?

Il définit tout d’abord 2 types de dentiste : le « slow » et le « fast ». Le « fast » va faire sa provisoire le jour de la préparation, puis posera sa couronne définitive la semaine suivante après la réalisation par le prothésiste. Mais pourquoi faire vite lorsque l’on peut prendre son temps ? David Gerdole recommande donc 8 semaines de cicatrisation pour la muqueuse avant de réaliser la prothèse définitive (Fig. 1). Le plus compliqué lors de l’empreinte est de capturer le profil d’émergence pour un rendu le plus naturel possible. Ainsi, il peut être possible de matcher les 2 empreintes numérique et traditionnelle pour le meilleur résultat (Fig. 2). Pour aller plus loin, la prise du profil d’émergence des provisoires avec la camera permettrait d’obtenir la plus grande justesse dans la réalisation de la prothèse définitive.

Pour la dentisterie adhésive : il conseille de faire des marges horizontales. La dépose des restaurations ou le curetage de la carie doit se faire avec la digue. Puis la préparation, l’IDS (Immediat dental sealing) et l’empreinte se font sous digue. Le scan doit être double : avec et sans la digue. L’avantage de l’empreinte sous digue est la gestion de la salive et d’un éventuel saignement : absence des facteurs pouvant compromettre l’empreinte (Fig. 3 et 4). Enfin, le seul et unique problème du digital, c’est qu’il faut faire de gros investissements en sachant que dans 5 ans, la machine sera probablement obsolète au vu des nouvelles avancées. David Gerdole a salué l’auditoire en terminant avec son «Take home message » : « Digital doesn’t make you excellent but it is worth it! » (« Le numérique ne vous rendra pas excellent, mais cela vaut clairement le coup ! »)

Werner Schupp est intervenu ensuite pour nous parler d’orthodontie et digital workflow. Il a présenté tout d’abord son « follow up » à suivre. Le diagnostic manuel comme la palpation des ATM doit être systématique pour le praticien. Il doit si possible le coupler avec son analyse du CBCT pour détecter d’éventuels dysfonctionnement. (Fig. 5). En cas de dysfonctionnement, le traitement doit commencer avec des cales d’occlusion pour placer le condyle dans une bonne position et soulager le patient. Ensuite, grâce aux gouttières successives, le praticien déplace les dents et dans un dernier temps, il s’occupera de placer les molaires dans la position de repos du condyle. Il nous a présenté les possibilités de traitement grâce aux gouttières Invisalign® évidemment conçus grâce au numérique. Il précise que même s’il passe moins de temps au fauteuil avec ses patients, il le rattrape devant l’ordinateur à concevoir ses plans de traitement. Il peut ainsi : redresser une molaire, rétrusion molaire sans minivis, créer un surplomb avec les gouttières pour créer la place pour des restaurations en céramique collée etc... (Fig. 6). Pour lui, la meilleure force des aligneurs c’est une force faible ininterrompue.

Laurent Sers a ensuite traité du digital workflow lors des traitements implantaires avec mise en charge immédiate. Pour lui le digital n’est pas là pour « se la jouer », mais il est là pour promouvoir la biologie, l’esthétique et la fonction. Tout d’abord, il permet de planifier la position exacte de l’implant en respectant la prothèse et l’anatomie. Il pose la question : « Comment l’approche digitale permet d’aider la biologie dans la mise en charge immédiate ? » « Par l’optimisation de la réponse biologique tout au long du digital Workflow ». Il a donné ses recommandations pour une chirurgie dans de bonnes conditions :

- étude du CBCT,

- étude de la densité osseuse pour optimiser son protocole de forage,

- réalisation d’un guide chirurgical,

- prendre son temps pendant la chirurgie,

- vérifier la position parfaite du guide et le fixer si besoin avec des vis en cas de bridge complet,

- respecter le protocole de forage,

- la mise en place de l’implant doit être guidée,

- bon système d’indexation,

- irrigation abondante pendant le protocole de forage.

 Il est possible de demander une prothèse avec vis de positionnement pour faire ensuite son adaptation tranquillement sans se poser la question du bon positionnement de la prothèse.

La parole fut ensuite donnée à Sam Omar qui présente une technique digitale pour la réalisation de la PAC : il commence d’abord par faire un CBCT grand angle qui servira de base au traitement. Pourquoi un CBCT grand angle ?

- Base de la planification du traitement avec lequel on va matcher les modèles, photographie et scan facial

- Nécessaire pour la détermination des plans de références

- Nécessaire pour la réaliser de l’analyse céphalométrique

- Nécessaire pour visualiser les condyles pour un articulateur virtuel

Il introduit alors le concept de plan occlusal qui regroupe la courbe de Spee, la courbe de Wilson et la ligne médiane. AvaDent (société américaine) permet la réalisation de prothèses amovibles complètes seulement à partir de données digitales. L’énorme nouveauté de cette technique est l’utilisation des données de l’analyse céphalométrique issu du CBCT grand angle pour la conception de la PAC. En effet, jamais dans l’enseignement initial, l’analyse céphalométrique est entrée en compte pour la conception d’une PAC.

Le mot de la fin par les 2 conférenciers : « Think Digital... Don’t think show off but think biology, esthetics and fonctions »

Puis ce fut au tour de Gary Finelle d’intervenir sur l’optimisation du traitement implantaire par le digital. Il a commencé tout d’abord par rendre hommage à François Duret qui avait présenté à l’ADF en 1983 l’empreinte optique et la CFAO. Faut-il faire du 100% digital ? il vaut mieux choisir les étapes à faire en numérique pour optimiser son traitement. Pour le conférencier, la temporisation immédiate la plus efficace est la 4ème : empreinte digitale et fabrication dans la journée (Fig. 7).

Ainsi, la chirurgie commence à 9h00. Dès 9h45, l’implant est mis en place et il est réalisé l’empreinte optique avec l’adaptateur implantaire correspondant. Le patient revient à 15h et la provisoire est livrée par le prothésiste pour une mise en charge immédiate. L’avantage est la réalisation le jour même d’une couronne transitoire adaptée et en sous occlusion avec un profil d’émergence idéal pour une cicatrisation muqueuse. (Fig. 8).

Après cicatrisation, 3 empreintes numériques sont réalisées :

 - empreinte du provisoire en bouche pour aider le prothésiste à concevoir la prothèse,

 - empreinte du profil d’émergence de la gencive juste après la dépose du provisoire car la gencive s’affaisse très rapidement (moins d’une minute),

- empreinte de la position de l’implant à l’aide du transfert numérique correspondant.

Au final, le digital permet de gagner beaucoup de temps : en effet, la technique traditionnelle en 5 RDV et 3h15 en moyenne passe à 1h55 et 3 RDV grâce au Workflow digital.

Le mot de la fin : alors devons-nous sauter le pas du digital ? Gary Finelle nous répond par un grand oui et un seul mot : la simplification (pour un protocole prédictible et pour mieux préparer ses interventions) !

Michael Scherer nous a ensuite parlé de l’impression 3D. C’est un praticien passionné qui ne possède pas moins de 9 imprimantes au cabinet !

Il existe 3 gammes d’imprimantes 3D : de 2000 à 150 000 $ selon le nombre de modèles à imprimer par semaine. Il conseille pour l’activité dentaire, la technologie d’impression par stéréo-lithographie le milieu de gamme, avec jusqu’à 40 modèles par semaine pour environ 5000 $. Pour l’impression de prothèses, le système fermé est plus efficace mais beaucoup plus cher : le système ouvert n’est-il pas suffisant pour une pratique quotidienne ?

« Si le système est limité ou bridé, adapte-toi pour qu’il fasse ce que tu lui demandes pour toi. »

Enfin, le Digital c’est fun, car on peut même utiliser le CBCT pour imprimer un modèle qui n’a rien à voir avec le monde du dentaire, à l’image de la mascotte de sa ville

(Fig. 9) !!

Irena Sailer, quant à elle, est intervenue sur le principe de couronne monolithique usinée appliquée cette fois ci en antérieur. Le numérique permet d’anticiper le Cut-back pour la stratification de la couronne. Il existe un problème de liaison de la zircone au titane alors peut-on utiliser d’autres matériaux en base ? La zircone casse donc le pilier titane est indispensable avec base zircone. Elle recommande alors pour la liaison pilier -zircone de faire un sablage de la céramique avec alumine 50 microns. Et le système de collage qui obtient les meilleurs résultats de la zircone au titane est le RelyX Ultimate® avec l’adhésif Universal 3M. Au final, cette présentation plutôt axée sur le travail du prothésiste nous permet de comprendre les problématiques que peut rencontrer le prothésiste lors de la réalisation du couronne zircone sur implant.

La présentation suivante fut celle d’Olivier Blume, dont l’activité est uniquement chirurgicale et qui a parlé des greffons obtenus en CAD/CAM en pré-implantaire. Ainsi, grâce à la planification et la simulation faites par le praticien sur le CBCT, une entreprise peut usiner un greffon d’os allogénique qui épousera parfaitement le défaut osseux pour un gain osseux maximal. Les images cliniques et radiographiques montrent le gain horizontal et vertical obtenu (Fig. 10 et 11)

 Les indications de cette technique sont :

 - défauts osseux en zone esthétique maxillaire,

- défauts complexes en zone postérieure maxillaire et mandibulaire,

- échec d’une autre technique d’augmentation osseuse.

Sur 132 implants posés, et 101 greffes, le Dr Blume ne déplore aucune perte sur 6 ans. Maxime Jaisson a terminé en évoquant la dentisterie 4D. Pourquoi 4D ? Parce que le 4 ème D, c’est le temps et cela va permettre de donner au prothésiste l’information sur la fonction grâce à l’articulateur virtuel. La mesure prend environ 15 minutes (Fig. 12). Et à travers un cas, on a pu constater que l’enregistrement de la relation centrée du patient permettait au prothésiste de visualiser directement l’espace prothétique nécessaire pour la réalisation de pièces prothétiques en « no prep » dans le cadre du traitement de l’usure.