Projet esthétique direct en composite ou projet esthétique virtuel

le débat ADF, Jeudi 30 Novembre 2017

Compte-rendu de Thierry ROOS  - AONews #17 Avril 2018


Cette année, Strasbourg était à l’honneur lors du congrès de l’ADF 2017 avec une très belle séance animée par Ali Salehi intitulé « Projet esthétique direct en composite ou projet esthétique virtuel : le débat » où René Serfaty et Olivier Etienne ont développé leur approche respective dans l’élaboration d’un projet esthétique, point de départ pour répondre à la demande de plus en plus croissante des patients en matière d’esthétique dentaire.

La dentisterie esthétique, considérée maintenant comme une discipline à part entière, a connu un développement très important tant sur le plan de son approche, très protocolaire dans la gestion des cas cliniques, que sur le plan des techniques utilisées grâce aux progrès des matériaux à disposition aujourd’hui. Elle a également un volet psychologique important qu’il faut prendre en considération. Ainsi, un travail parfaitement réalisé sur le plan technique mais mal accepté psychologiquement peut aboutir à un échec alors que ce même travail, malgré quelques défaillances techniques, s’il est psychologiquement très bien accepté par le patient, il sera alors considéré comme un franc succès. La psychologie est tellement importante lorsque l’on touche à l’esthétique, qu’elle prime sur la technique. Elle ne doit donc pas être ignorée mais intégrée à la réflexion et l’analyse préalable au traitement.

Comprendre le paramètre psychologique c’est intégré l’idée qu’en matière d’esthétique, nous n’avons pas tous la même conception de ce qui est ou n’est pas beau. En dentisterie, la littérature recèle de nombreuses publications faisant état de déterminants et critères objectifs et rationnels permettant de quantifier mathématiquement ce qu’est un beau sourire. C’est informations sont d’une grande aide pour tenter de se rapprocher le plus possible de ce qu’est un sourire idéal. Mais encore une fois le sourire n’est pas que mathématique et comme tout ce qui touche à l’esthétique, la perception que nous avons du beau n’est pas unique. Nous avons tous un parcours de vie différent qui fait que nous sommes qui nous sommes et que notre perception du beau peut être différente de celle de notre voisin. Ainsi notre personnalité, notre éducation, notre culture, notre niveau social, l’influence des médias et de la mode, sont autant de paramètres qui vont modeler notre vision des choses et par la même occasion notre perception de la beauté en général et d’un beau sourire en particulier. C’est cette idée différente que nous avons tous d’un sourire idéal, selon des critères subjectifs, qui peut vouer un traitement esthétique à l’échec malgré une connaissance et une maitrise parfaite des techniques à mettre en œuvre pour accomplir la réhabilitation.

 

Ainsi, pour bien maitriser cette problématique et mettre toutes les chances de réussite du côté du praticien, une des clés du succès d’un traitement esthétique réside dans l’établissement d’une bonne communication préalable entre le patient, le praticien et le prothésiste. Dès les premières séances cliniques, il est important de savoir identifier les besoins réels du patient et de pouvoir ensuite lui proposer un projet esthétique auquel il pourra prétendre en étant sûr qu’il en a bien compris les tenants et aboutissants.

Fig 1. Situation initiale après ingression des dents antérieures par traitement orthodontique (Fig. 1a).

Réalisation d’un mock-up par application directe de composite en bouche (Fig. 2b).

Fig 2. Situation Finale après réalisation de facettes en céramiques collées. (Labo de l’espérance, Dominique Watzki).

Fig 3. Situation initiale d’un cas d’usure sévère

Fig 4. Virtual Mock Up pour guider le prothésiste dans la réalisation de son wax-up.

Les premières séances cliniques doivent ainsi servir à trouver les réponses à 3 questions majeures :

- Qu’est-ce que le patient attend réellement du dentiste ?

- Comment s’assurer qu’il a bien compris la solution qui est proposée ?

- Comment s’assurer que le prothésiste accomplisse correctement le travail demandé ?

 

Toute la problématique réside donc dans l’idée d’arriver à définir une méthode de communication efficace pour répondre au mieux à ces trois questions ce qui aboutira à un « projet esthétique », préalable indispensable avant de passer à l’aspect technique de la réalisation.

Alors que nous vivons ans une société où les gens ont de moins en moins le temps, où tout doit aller très vite, où l’on ressent encore plus l’idée que « le temps c’est de l’argent », comment arriver à établir cette communication efficace ?

Comme le disait Confucius : « une image vaut mille mots ». Autrement dit, pour qu’une communication soit efficace, elle doit être visuelle. Parvenir à illustrer par des images similaires, ou en montrant concrètement ce qu’on propose de réaliser, c’est garantir une bonne compréhension. Ne pas oublier que tout ce qui est dit avant un traitement est perçu comme de l’information alors que dire la même chose, mot pour mot, après le traitement peut être perçu comme de la justification. Ainsi, l’idéale serait de réussir à montrer le résultat final avant même de commencer à toucher aux dents de manière irréversible, et pour y parvenir nous avons aujourd’hui bon nombre d’outils et de techniques à disposition.

C’est pour répondre à cette problématique que les deux conférenciers ont pris la parole pour présenter deux approches différentes permettant d’arriver à cette fin. Dans le cadre d’un échange entre les deux praticiens tout au long de la séance, R. Serfaty a expliqué l’intérêt de la mise en place directe de composite sur les dents ou encore la réalisation d’un mock-up à partir d’un wax-up fait par le laboratoire de prothèse (Fig. 1 et 2). Il a tenté de démontrer l’intérêt de cette approche directe, expliquant ses procédures cliniques en s’appuyant sur des exemples concrets ayant bénéficiés de cette approche. O. Etienne, lui, a expliqué les apports des outils numériques comme la photographie et la vidéo ainsi que l’utilisation d’un logiciel spécifique d’analyse esthétique apportant au praticien une réflexion clinique, tenant compte des échanges verbaux qu’il a eu avec son patient (Fig. 3 et 4). La communication praticien-patient est grandement facilitée par ce recours à l’outil numérique et à la visualisation concrète du projet. A l’instar de l’architecte présentant ses plans, le praticien met en avant ses réflexions et son ou ses projets avant même de commencer à travailler en bouche. L’intérêt de chaque approche a ainsi été mis en avant avec à chaque fois leur avantages et leurs inconvénients mais surtout leurs limites.

En conclusion de cette séance ce qu’il faut retenir c’est qu’indépendamment de l’approche qui sera choisie dans la réalisation d’un projet esthétique, il y aura toujours un point de convergence qui doit être une systématique incontournable, à savoir, la validation esthétique et fonctionnel du projet dans la bouche du patient.