Introduction
Dissocier parodonte et dents et /ou implants est impossible. Interdépendants les uns des autres, il est donc évident qu’une action sur l’un des tissus entraine une répercussion sur l’autres. C’est pourquoi depuis le diagnostic jusqu’à la réalisation du plan de traitement et, même pour le suivi et maintenances, il est obligatoire d’informer nos patients des contraintes, conséquences de chaque acte et de l’importance de respecter une chronologie particulière dans le cadre de traitements pluridisciplinaires. Lorsque plusieurs compétences sont indiquées en orthodontie, implantologie, parodontie et prothèses, il est nécessaire parfois de déléguer mais l’essentiel est que chaque praticien impliqué dans le plan de traitement donne les informations utiles et réglementaires au patient. Dans le cas contraire, le préjudice peut entrainer un dommage qui conduirait à une faute devant être réparée.
Comment une maladie parodontale peut entrainer un préjudice dans un traitement d’orthodontie : connaitre les données acquises
Les maladies parodontales provoquent une inflammation des tissus de soutien. Elles touchent 50% au moins de la population adulte (1). Avec l’atteinte parodontale, de nombreuses migrations, égressions et malpositions se créent provoquant souvent une demande de la part du patient afin de les corriger pour des raisons esthétiques et fonctionnelles. Il est donc utile de se poser des questions sur les interrelations entre orthodontie et parodontie et sur les mesures thérapeutiques les plus efficaces à mettre en place pour les patients. Puisque tout traitement orthodontique favorise un changement de l’écologie bactérienne qui peut aggraver l’activité d’une maladie parodontale, il est donc considéré comme un facteur de risque temporaire compte tenu de la complexité à maîtriser les mesures d’hygiène et parce qu’il favorise la croissance de certains pathogènes parodontaux (2).
Le diagnostic clinique et radiographique de ces maladies parodontales est donc nécessaire avant de débuter tout traitement orthodontique sous peine de mettre en place des mouvements dans des tissus fragilisés et d’aggraver la parodontite (Fig. 1). L’orthodontiste doit donc analyser le parodonte cliniquement par un examen clinique, un sondage et radiographiquement grâce à une radiographie panoramique voire un bilan long cône complémentaire (ANAES 2002). Il doit traiter lui-même s’il en a la compétence, cette maladie parodontale ou adresser à un confrère compétent tout patient atteint de parodontite avant de commencer un traitement.
Un parodonte réduit mais stabilisé n’empêche aucunement un traitement d’orthodontie et plusieurs publications ont même mis en évidence un gain osseux notable lors de l’association des 2. Un mouvement orthodontique favorise un processus de remodelage qui engendre une apposition osseuse (3). Cependant, si la dent est amenée à être déplacée en regard de la lésion, la chirurgie de régénération osseuse devra être effectuée avant le déplacement orthodontique. En cas de chirurgie osseuse préalable, certains auteurs proposent une activation orthodontique précoce immédiatement ou dès 15 jours arguant que ces mouvements contrôlés activent la cicatrisation en augmentant le potentiel biologique, mais pour le moment la majorité des études préconisent d’attendre 4 mois (4).
Les mouvements orthodontiques peuvent être initiés à condition d’être lents avec des forces douces, continues et contrôlées et tous les types d’appareillage sont possibles. En cas de récidive pendant le traitement orthodontique, il est nécessaire de désactiver les forces le temps nécessaire à stabiliser de nouveau la maladie parodontale.
Le praticien est responsable du suivi de son traitement. La maintenance parodontale est indispensable. Sa fréquence est adaptée au risque parodontal mais la plupart du temps elle varie entre 3 à 6 mois au maximum. Chaque praticien concerné par le traitement doit réévaluer à chaque séance que les critères de stabilité sont toujours d’actualité. Des radiographies de contrôles sont mises en place conjointement entre l’orthodontiste et le parodontiste lors des séances de maintenance. Un dialogue constant entre les parties, par l’intermédiaire de courriers échangés et archivés, est une sécurité pour s’assurer du bon respect des procédures par le patient et constituera toujours un faisceau de preuves favorable dans le cas où un litige les opposerait au patient.
L’analyse du morphotype parodontal est également un élément essentiel à considérer au cours des thérapeutiques orthodontiques. En effet, il s’agit d’éviter ou de minimiser les risques d’apparition ou d’aggravation d’anomalies parodontales comme une récession parodontale, et ce consécutivement à un déplacement dentaire. Leur prévalence est d’environ 10% après un traitement (5).
A cet effet, le diagnostic d’un biotype fin associé à des mouvements de vestibuloversion ou de rotation conduit souvent à demander une consultation au parodontiste pour évaluer les risques et en informer le patient. Il est même nécessaire parfois de décider d’une chronologie particulière afin qu’une prise en charge parodontale précède tout traitement d’orthodontie (Fig. 2).
Dans le cadre des traitements orthodontiques en fonction de la présence d’autres facteurs de risque comme l’inflammation, le type de mouvement orthodontique, la traction d'un frein, une puissante tonicité musculaire ou certains traumatismes locaux, il est nécessaire de modifier la qualité et la quantité de ce biotype. Il faut toujours évaluer le rapport bénéfice- risque d'un traitement et adapter les thérapeutiques pour que le bénéfice soit toujours supérieur aux risques. Ainsi la modification préalable d’un biotype par une chirurgie muco-gingivale de renforcement et d’épaississement peut être indiquée faute de quoi l’apparition d’une récession sévère secondaire au traitement pourrait être assimilée non pas à un aléa thérapeutique mais surtout à un défaut d’information du patient sur les risques et à une mauvaise appréciation du diagnostic. (Fig. 3)
Comment une maladie parodontale peut favoriser une péri-implantite, quelles obligations dans le traitement pluridisciplinaire.
Puisque 1 patient sur 5 présentera au moins 1 péri-implantite dans les 10 ans après leur mise en place, il est nécessaire de réaliser une prévention efficace. Même si l’étiologie principale est infectieuse, cette maladie reste multifactorielle et il existe des facteurs de risques référencés à prendre en compte. La maladie parodontale en fait partie. 50% de la population mondiale sera atteint de maladie parodontale dont 11% d’une forme sévère (6). La nouvelle classification des parodontites prend en compte la sévérité, l’étendue et la complexité mais aussi le risque de progression et les facteurs de risques regroupés au sein des grades. Ne pas tenir compte de la présence d’une maladie parodontale a fortiori, si elle n’est pas traitée et maintenue, est une faute. La maîtrise de l’écologie bactérienne par l’enseignement du contrôle de plaque, la désorganisation du biofilm par une thérapeutique non chirurgicale adaptée à chaque patiente et parfois même l’éradication de réservoirs bactériens persistants par une approche chirurgicale sont obligatoires.
Comme la plupart des dents perdues le sont pour une cause parodontale, une grande majorité des implants sont mis en place chez des patients au profil prédisposé aux pathologies inflammatoires parodontale et implantaire. Il est scientifiquement admis que le risque de développer une péri-implantite est 6 à 9 fois plus élevés chez les patients avec antécédents de maladie parodontale et 14 fois plus si cette parodontite est d’un grade élevé de progression (7). Il n’est donc pas possible de commencer tout traitement implantaire sans un assainissement préalable éradiquant tout réservoir bactérien parodontal. Une poche parodontale résiduelle supérieure à 5 mm reste un foyer bactérien potentiel à surveiller (8). La fréquence des maintenances parodontales et implantaires est à définir en fonction des risques du patient. Tout patient doit accepter cet assainissement et cette nécessité de suivi régulier. Les études estiment qu’un délai de 3 à 6 mois entre 2 maintenances, en fonction des besoins individuels, permet de prévenir et d’intercepter les complications péri-implantaires (9).
Même en notant le désaccord d’un patient, le praticien n’est pas exempté de responsabilité. Accepter un tel compromis n’est pas conforme aux données acquises de la science et aux règles de l’art. En cas de litige, tout défaut d’information sur les conséquences implantaires et dentaires d’une maladie parodontale non stabilisée est imputable au praticien et constitue une perte de chance dommageable pour le patient. De même la littérature confirme que les résultats à long terme sont directement liés à la compliance du patient en termes d’hygiène quotidienne, de réduction des facteurs de risques tel que le tabac et de sa régularité dans les séances de maintenances (10). Si la parodontite n’est pas stabilisée et la maintenance n’est pas respectée, la prévalence de péri-implantite sera 11 fois plus élevée (11). Le praticien a des devoirs vis-à-vis de son patient mais ce dernier se doit, une fois informé, de respecter les préconisations du professionnel. Il est donc important d’inclure dans le projet du plan de traitement le calendrier du suivi que le patient devra respecter ainsi que les contraintes d’hygiène orale telle que l’utilisation quotidienne de brossettes et/ou les contraintes d’hygiène de vie comme l’arrêt du tabac. Tout manquement du patient doit être noté et conservé dans le dossier médical.
L’insuffisance de hauteur de tissu kératinisé (< 2 mm) est associée à plus d’inflammation, un contrôle de plaque difficile, plus de saignement, des pertes d’attache supérieures et des récessions plus fréquentes (12). Il n’est donc plus possible de mettre en place des implants sans aménager les tissus mous pour obtenir une hauteur et une épaisseur suffisante et maintenir une santé péri-implantaire. En ce qui concerne l’épaisseur de tissu kératinisé autour des implants, l’évidence clinique semble quelque peu encore différente des données de la littérature. Plus la muqueuse est fine et plus le risque de récession est accru. C’est pourquoi le gold standard reste les lambeaux repositionnés avec ajout de tissu conjonctif soit avant, soit pendant la mise en place des implants (13). Intervenir après la mise en place des implants augmente la morbidité et est toujours plus compliqué et moins satisfaisant.
Si l’absence de tissu kératinisé n’est aujourd’hui pas encore admise comme un facteur de risque pour les péri-implantites, il est néanmoins évident qu’elle favorise une inflammation locale largement impliquée dans l’apparition et l’évolution de la pathologie. Il est donc recommandé d’avoir autour des implants un minimum de 2 à 3 mm de tissu kératinisé épais. La gestion des tissus mous est donc une compétence de l’implantologiste. Il parait à ce jour loin des données acquises de la science de ne pas gérer une insuffisance de gencive dans un traitement implantaire.
Traitement prothétique : un parodonte préparé pour limiter les échecs et éviter les conflits
Les rapports étroits entre les limites d’une restauration et les tissus environnants expliquent l’obligation d’aménager le parodonte pour réunir toutes les conditions favorables à la stabilité biologique assurant le résultat esthétique. Les conditions de succès et de longévité sont principalement liées à l’absence d’infection péri-apicale, mais souvent les premières complications observées sur les dents support de prothèse sont d’ordre parodontal. L’apparition d’une inflammation chronique ou d’une récession parodontale, après un traitement restaurateur, compromet la santé parodontale et le résultat esthétique. Il est recommandé d’avoir un tissu gingival et non muqueux pour limiter le risque de récession et d’inflammation. La hauteur nécessaire de tissu gingival est de 5mm (2mm de gencive libre et 3mm de gencive attachée). Dans tous les cas, la hauteur minimale sera de 3mm et reste un prérequis indispensable. Si ce n’est pas le cas, une chirurgie muco-gingivale doit au préalable créer la quantité de tissu kératinisé suffisante. Une gencive épaisse augmente la stabilité à long terme et limite l’inflammation. Un biotype fin doit être modifié avant la prothèse définitive pour assurer un résultat esthétique pérenne, et ce, grâce à la réalisation d’une greffe de conjonctif enfoui associé ou non à un lambeau déplacé.
D’autre part, le respect de l’espace biologique, indispensable au maintien de la santé parodontale, nécessite parfois une intervention chirurgicale d’élongation coronaire ou un lambeau déplacé. Si le chirurgien-dentiste prothésiste n’a pas la compétence de réaliser cette chirurgie, il doit adresser son patient. La coordination est alors essentielle entre la mise en place des prothèses provisoires, la chirurgie, les délais de cicatrisation incompressibles de 8 à 12 semaines avant la réalisation des prothèses définitives. Un dialogue constant est nécessaire. L’exposition d’une limite, d’une racine dyschromique souvent est une doléance majeure entrainant un mécontentement source de conflit. Il faut alors pouvoir mettre en avant que les obligations de moyens intellectuels, de connaissances et techniques ont été respectés (14).
Pourquoi déléguer une partie du plan de traitement ?
La responsabilité est l’obligation de répondre de ses actions et de remplir un devoir voire parfois même de réparer un dommage. Pour cela, il est nécessaire d’avoir acquis des compétences conformes aux données acquises de la science et aux données actuelles. La capacité́ définit les limites de ce que le praticien est autorisé́ à faire par la loi. La compétence signifie que le professionnel de santé s’autorise à faire un diagnostic ou un traitement, en toute bonne conscience de son expérience et de son parcours, de sa formation, de ses connaissances.
L’article 4127-214 du code de déontologie précise ainsi que le chirurgien-dentiste a donc le devoir d’entretenir et de perfectionner ses connaissances notamment en participant à des actions de formation continue et le code de Santé Publique (Art L. 4143-1, loi N°2004-806 du 9 août 2004) stipule que la formation continue est obligatoire pour tout chirurgien -dentiste et a pour finalité le perfectionnement des connaissances et l’amélioration de la qualité des soins. Au-delà de sa formation académique, tout praticien doit prouver qu’il exerce selon les données actuelles et que sa formation le lui permet grâce à des conférences, la lecture de revues scientifiques, la participation à des formations universitaires plutôt que commerciales pour maintenir ses connaissances et les actualiser. (14)
L’article R 4127-32 du code de la santé publique dispose que lorsqu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient les soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu à l’aide de tiers compétent.
L’information sur le diagnostic et les risques inhérents à une maladie parodontale ou ses facteurs de risques relèvent de la compétence de tout chirurgien-dentiste. Cependant, le traitement ne relève pas toujours de sa compétence et peut être alors délégué. L’article R 4127-33 du code civil précise que le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, des concours appropriés. (15)
Il est obligatoire de donner au patient des informations médicales, sur les risques des actes réalisés, le taux de succès estimé, les autres traitements possibles et les possibilités d’échec mais aussi les conditions financières et de prise en charge. Toute personne prend alors avec le professionnel de santé et, compte tenu des informations et des préconisations qui lui ont été fournies, les décisions concernant sa santé.
Un défaut d’information est souvent la raison principale d’une mise en cause de la responsabilité d’un professionnel de santé. Celui-ci peut conduire à une perte de chance qui pourrait entrainer un dommage.
L’analyse du jugement de la cour d’Appel de Grenoble 13 mai 2014 (n° 12/04678), Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grenoble, 13 septembre 2012, (N° 11/02830) est tout à fait l’illustration de cette problématique.
Il ressort du rapport d’expertise que l’ensemble des dents d’une patiente présentait une atteinte parodontale sévère qui devait être prise en charge dès que possible pour retarder au maximum l’élimination des dents atteintes. Dans le jugement de la Cour d’appel il est rappelé qu’en s’abstenant d’alerter la patiente sur la dégradation généralisée de sa dentition, sur l’existence d’une parodontite, sur les mesures préventives à adopter de manière impérative et sur l’évolution de la maladie dont elle était atteinte, le dentiste, échouant à démontrer le respect de l’obligation d’information pesant sur lui, a fait perdre à la patiente, une chance d’adopter une hygiène de vie permettant de retarder la perte de ses dents. Informée, elle aurait pu tenter de remédier à cette habitude et, en tous les cas, adapter une hygiène bucco-dentaire de nature à retarder la perte de ses dents.
Selon l’article L1111-2 du code de la santé publique, toute personne a le droit d’être informée de son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de préventions qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, leurs risques fréquents ou graves normalement prévisibles, les autres solutions possibles et les conséquences prévisibles en cas de refus. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Le non-respect du devoir d’information cause à celui auquel il est dû un préjudice ouvrant droit à réparation.
Avec l’article 1147 du code civil, la perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable ; en l’espèce, la faute du chirurgien-dentiste impliquait nécessairement que le traitement qui, à tort, ne fut pas effectué, aurait pu avoir une influence favorable sur l’évolution de la maladie.
La Cour de cassation rappelle ici que la disparition certaine d’une éventualité favorable constitue une perte de chance réparable (Civ. 1re, 21 nov. 2006). Le caractère incertain du résultat escompté ne constitue donc pas un obstacle à l’indemnisation, laquelle est possible si la chance, suffisamment sérieuse, a été effectivement anéantie par l’événement dommageable. (Civ. 1ere, 22 mars 2012, pourvois n°11-10.935 et 11-11.237)
De plus, tout praticien ne pouvant prendre en charge une patiente, se doit de l’adresser à un autre confrère ; en s’abstenant de le faire, il induit une perte de chance pour cette dernière. Cela crée déjà cependant une responsabilité du confrère qui adresse le patient quant au choix et à la compétence de son correspondant. La responsabilité́ du médecin, ou celle du chirurgien-dentiste, est parfois engagée à propos d’actes qu’il n’a pas accomplis lui-même, lorsqu’il est considéré́ comme le « chef « d’une équipe médicale.
La notion d’équipe et de confiance est donc essentielle et il est judicieux de déléguer à un correspondant de confiance.
Responsabilités et obligations des praticiens impliqués dans un traitement pluridisciplinaires
Depuis l’arrêt Mercier (1936), il existe une obligation de moyens du praticien et d’informations. Ce dernier doit donner des soins consciencieux et attentifs. Tout doit être mis en œuvre pour aboutir à un plan de traitement qui peut parfois être commun à plusieurs praticiens quand il est utile d’avoir des compétences différentes. En effet, il est nécessaire de connaitre ses limites et donc de savoir parfois déléguer (Art 32 ; R.4127-233 alinéa 1&2 du Code de la Santé Publique).
Lors de traitements pluri disciplinaires la responsabilité est in solidum c’est à dire : On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. (Code Civil., art. 1242).
Pour les traitements pluridisciplinaires, le contrat de soins se fera avec le patient pour chacun des praticiens impliqués par ce plan de traitement pluridisciplinaire puisque la responsabilité du parodontiste, de l’implantologiste, de l’orthodontiste, du dentiste prothésiste sera individuelle (Art 64 ; R4127-64 du code de la Santé Publique).
Ainsi, lorsqu’une équipe pluridisciplinaire se créée, il est nécessaire d’avoir une analyse commune des propositions thérapeutiques et d’évaluer la faisabilité ainsi que les risques et le pronostic. Chaque praticien va constituer un dossier médical et transmettre au patient une information claire, loyale, sincère et appropriée qui sera la synthèse de cette analyse. Si plusieurs praticiens prennent en charge le patient, il faut s’assurer que cette information a été donnée par chacun d’entre eux puisque le consentement est personnalisé et jamais délégué. Le praticien réalisant l’acte, même ponctuel, est tenu au même devoir d’information que le prescripteur. L’arrêt de la Cour de cassation du 3 novembre 2016 (6bis) est venu confirmer la règle selon laquelle la responsabilité́ du médecin ne peut qu’être personnelle et non pas collective.
D’autre part, l’arrêt de la Cour de cassation, chambre civile 1 (Chambre civile 1, 17 janvier 2018 ; 16-27.882) relève 3 points remarquables. Une dentiste a proposé à une patiente de se faire poser un implant par un confrère spécialiste en implantologie. Pour cela, elle a délégué l’extraction de la dent concernée à ce spécialiste et de lui confier l’ensemble des interventions plutôt que de commencer elle-même un processus qu’elle n’allait pas conduire à son terme.
La cour relève que cette décision ne constitue aucune faute de sa part. De plus, la cour estime qu'il sera relevé qu'un praticien faisant appel à un autre praticien exerçant dans une spécialité qui n'est pas la sienne n'a aucune directive à lui donner et ne peut dont être tenu responsable du choix thérapeutique de l’acte spécialisé. Dans cette affaire, le confrère spécialiste en implantologie a délégué à sa consœur le suivi postopératoire ce qui lui a été reproché dans le jugement comme relevant d'un manquement à ses obligations : Un médecin qui prend en charge le traitement d'un patient, ne peut s'exonérer de son obligation de suivi et de sa responsabilité en invoquant la faute d'un autre praticien.
Le praticien qui coordonne doit donc s’assurer que le plan de traitement fait l’objet d’un accord commun écrit et échangé entre les différents praticiens. Chacun se doit cependant d’obtenir le consentement éclairé du patient pour les actes dont il est responsable. L’envoi de comptes-rendus per et post-opératoires au dentiste coordinateur est indiqué et judicieux. Le suivi est une obligation mais un challenge quand il est pluridisciplinaire. Les confrères comme le patient doivent savoir qui est en charge des contrôles cliniques (cicatrisation, occlusion, étanchéité des soins, évolution de la perte d’attache…), radiographiques (intercepter des résorptions (Fig. 4), une évolution de la perte osseuse…) et à quelles fréquences. Chaque nouvel évènement est précisé au reste de l’équipe et la continuité des soins maintenue.
Conclusion
Soigner un patient nécessite de respecter des règles répondant au devoir d’humanisme et en particulier au devoir d’information. Du diagnostic au suivi en passant par le traitement, le praticien doit s’assurer de s’être appuyé sur tous les moyens mis à sa disposition pour remplir sa mission. Parfois, même il doit donc déléguer à un confrère ayant une autre compétence.
Bien que l’implantologie comme la parodontie ne soient pas reconnues comme des spécialités en soi, chacun doit évaluer sa propre compétence et faire appel parfois à un autre confrère plus spécialisé. Un traitement pluridisciplinaire oblige les membres de l’équipe à assumer personnellement leurs obligations mais en plus, à échanger toutes les informations nécessaires à son bon déroulement.
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