La responsabilité du dentiste coach en centre de santé

Loïc Landure

dossier les Experts - AO News #65 Mars Avril 2024

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Introduction

 

Que l’on soit garagiste, enseignant ou chirurgien-dentiste, les jeunes apprentis, élèves ou collaborateurs sont souvent amenés à demander conseil, savoir-faire, coup de main. Ce partage d’expérience acquise est un avantage pour leur pratique. Cela va leur permettre une progression et prise d’assurance plus rapide.

La profession de chirurgien-dentiste, dénommée médecine dentaire, est définie par le législateur, à l’article L.4141-1 du CSP en ces termes : la pratique de l’Art dentaire comporte la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, de la bouche, des dents, des maxillaires et des tissus attenants, suivant les modalités fixées par le code de déontologie de la profession mentionné à l’article L.4127-1.

 

Notion de dentiste coach ou formateur

 

On peut définir le dentiste coach comme un dentiste qui va accompagner le dentiste junior dans son début de pratique.

Les situations cliniques peuvent être très différentes :

  • un praticien en exercice libéral et son collaborateur
  • un enseignant du CHU et ses étudiants, non-diplômés ou parfois déjà diplômés, dans le cadre d’un D.U., par exemple;
  • un praticien salarié expérimenté d’un centre de santé partageant ses acquis avec un praticien nouvellement diplômé.

L’homme jeune marche plus vite que l’ancien. Mais l’ancien connait la route (proverbe africain).

Ici, je vais m’intéresser à ma situation actuelle. En effet, après vingt ans d’exercice libéral, j’ai rejoint il y a deux ans un centre de santé, dans lequel je suis salarié. L’équipe dirigeante m’a missionné pour aider, accompagner les jeunes praticiens, chirurgiens-dentistes, inscrits au conseil de l’Ordre et salariés du groupe. Il m’arrive donc d’aider, montrer un geste lors d’une intervention en intervenant dans la bouche du patient. On peut se poser alors la question : quid de la responsabilité du dentiste coach et du dentiste junior, tous deux salariés d’un centre dentaire ?

 

Évolution de la pratique dentaire

 

Les centres de santé dentaire

 

La majorité de la pratique de chirurgie dentaire en France est libérale. Mais, les centres de santé se développent et permettent à de nombreux jeunes praticiens de débuter leur exercice.

Selon ce rapport, la percée du salariat se poursuit. Sur l’ensemble des chirurgiens-dentistes en exercice, la part des libéraux exclusifs bien que très majoritaire, diminue progressivement de 91 % en 2006, 86 % en 2013 à 79 % en 2021. Cette évolution se fait au profit de l’exercice mixte et de l’exercice salarié notamment en centre de santé. L’exercice hospitalier exclusif reste marginal, moins de 1 %.

 

Cadre juridique et conventionnel des centres dentaires

 

Le code de la Santé Publique

 

La Loi Hôpital Patient Santé Territoire, dite Loi HPST, Loi Bachelot, a été promulguée le 21 juillet 2009. Elle découle de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et peut se résumer en quatre grands titres :

  •  la modernisation des établissements de santé ;
  • l’amélioration de l’accès à des soins de qualité ;
  • la prévention et la santé publique ;
  • l’organisation territoriale du système de santé.

Elle supprime l’agrément de l’autorité administrative, jusqu’ici obligatoire, pour y substituer la présentation par le centre d’un projet de santé et d’un règlement intérieur. Elle simplifie la création et le contrôle des centres de santé, qui peuvent être gérés par des mutuelles, des collectivités locales ou des associations à but non lucratif.

 

Le contrat de soins

 

Lorsqu’un praticien accepte de soigner, prendre en charge son patient, nait alors un contrat, c’est le contrat de soins.

Un peu d’histoire, naissance du contrat de soins :

Jusqu’au XVIIIème siècle, le praticien est assimilé à Dieu. Le patient a la charge de la preuve. La responsabilité médicale n’existe pas.

Au XIXème siècle, la responsabilité devient délictuelle par l’arrêt du 18 juin 1835, l’arrêt Thouret-Noroy (Chambre des Requêtes, 18 juin 1835) qui a rendu applicable aux médecins les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code Civil.

Au XXème siècle, on peut parler de relation paternaliste entre le praticien et son patient.

En 1936 avec L’arrêt Mercier, la responsabilité devient civile et contractuelle. Il s’agit d’un contrat tacite, fondant l’obligation de moyen du médecin et par là même, la notion de consentement et donc d’obligation d’information.

En 1997, l’arrêt Hedreul (Cass., 1ère civ., 25 fév. 1997., n°94-19.685), il incombe au praticien qui doit prouver par tous les moyens que l’information a été transmise avec description des risques : c’est le renversement de la charge de la preuve.

Au XXIe siècle, la relation praticien – patient devient d’égal à égal.

En 2002, la Loi du 4 mars 2002 dite Loi Kouchner réaffirme la responsabilité pour faute et le lien de causalité entre la faute et le préjudice.

  • Elle prévoit une indemnisation de l’aléa thérapeutique. Art L. 1142-4 à 1142-24 du CSP
  • La prescription est de 10 ans à la date de consolidation. Art L. 11142-28 du CSP.
  • Il y a une obligation d’assurance. Art.L. 1142-2 CSP
  • Elle permet au patient d’accéder à son dossier médical. Art L. 1111-7.

En 2010, par l’arrêt du 3 juin 2010 (Cass. 1ère Civ., 3 juin 2010, I, n° 128, pourvoi n° 09-13.591) l’obligation d’information est élargie, par respect de la vie privée et de la dignité humaine, y compris les risques encourus même si l’intervention est vitale.

Et par l’arrêt du 14 Octobre (Cass. 1ère chambre civ., 14 Oct. 2010, Bull. 2010, I, n° 128, pourvoi n° 09-69,195), la responsabilité pour faute prend la suite de l’obligation de moyens. La responsabilité médicale devient une responsabilité légale et n’est plus uniquement contractuelle.

En 2012, dans un rapport d’information du Sénat, les notions de fiabilité, de confort et du caractère esthétique sont légitimement susceptibles d’être attendus.

Deux articles du Code civil donnent la définition juridique du contrat :

- l’article 1101, qui définit le contrat comme une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ;

- l’article 1134 : les conventions légalement formées tiennent lieu de Loi à ceux qui les ont faites.

Ce contrat médical est un contrat civil et non commercial, tacite, à titre personnel, synallagmatique, régi par la liberté contractuelle à titre onéreux ou gratuit.

 

Ce contrat engage deux volontés :

- celle de soigner ou prodiguer des soins non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la Science ;

- celle d’être soigné ou s’engager (si consentement) à recevoir les soins proposés, à exécuter les prescriptions et à les honorer.

Particularité importante à ce contrat de soins, il est d’exécution continue, mais le patient peut mettre un terme à ce contrat à tout moment. L’existence du contrat de soins engage la responsabilité médicale du praticien.

 

La responsabilité

 

La responsabilité peut se définir par son origine latine, du verbe latin respondere, se porter garant, et du substantif sponsio, une promesse solennelle.

À quoi bon promettre quand on n'est pas obligé de tenir ? (Pierre Véron, Les marchands de santé, 1862)

Lors de son exercice, le chirurgien-dentiste peut engager à la fois sa responsabilité pénale, sa responsabilité disciplinaire et enfin sa responsabilité civile, dans cet ordre si on respecte la hiérarchie des normes. La responsabilité civile est divisée en deux branches : contractuelle et délictuelle (et quasi-délictuelle).

Toute infraction entraîne une sanction.

La faute professionnelle est souvent définie comme le manquement à une obligation ou le non-respect des engagements à réaliser certaines choses.

Toute faute en lien direct et certain de causalité avec une complication, quelle que soit sa gravité, engage la responsabilité du praticien. On peut faire remarquer que l’établissement du fait générateur, engageant la responsabilité d’un acteur de santé, requiert beaucoup de précaution tandis que la causalité, quant à elle, est moins certaine que dans d’autres domaines, puisque la santé est le résultat d’un équilibre précaire. Ainsi, la faute médicale n’est pas nécessairement à l’origine du dommage.

 

La responsabilité pénale ou punitive

 

Dans le cadre pénal, par l’article 121-1 du code pénal, nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. En matière de santé, on peut ajouter également que selon l’article 16-3 du code civil, il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale. La responsabilité pénale peut être recherchée contre tout médecin ou professionnel de santé quel que soit son mode d’exercice.

La responsabilité pénale est individuelle. C’est la personne elle-même qui est poursuivie et cette responsabilité n’est pas assurable.

Dans le cas d’un exercice en entreprise, selon l’article 121-2 et l’article 121-3 du code pénal : Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits.

Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

Il peut y avoir une notion d’auteur direct et d’auteur indirect, il s’agit alors du professionnel qui n'a pas causé directement le dommage, mais a créé ou contribué à créer la situation qui a permis sa réalisation.

 

Le mécanisme de la responsabilité pénale

 

Elle suppose que des poursuites soient engagées à l’initiative du Procureur de la République. Celui-ci décide des suites données aux plaintes, dénonciations, ou enquêtes de police. Il peut donc classer sans suite, renvoyer directement l’auteur de l’infraction devant la juridiction de jugement, ou requérir l’ouverture d’une information confiée à un juge d’instruction. Pour qu’il y ait une condamnation, il ne suffit pas qu’il y ait faute. Il faut que cette faute soit en lien de causalité certain avec le dommage.

 

Les infractions

 

Les infractions sont classées suivant leur gravité croissante : en contravention, jugée devant un Tribunal de Police ; en délit, jugé devant un Tribunal Correctionnel, en crime, jugé devant la Cours d’Assise.

On peut citer cinq infractions :

  • Faux certificat (Art 441-8) est celui qui fait état de faits inexacts, dissimile ou certifie faussement l’existence d’une maladie, d’une infirmité ou d’une cause de décès.
  • Violation du secret professionnel (Art 226-13 et 214) : c’est le fondement de la relation médecin-malade. Elle s’applique même après la mort du patient.
  • Non-assistance à personne en péril (Art 223-6) qui dit : quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril, l’assistance que sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
  • Atteinte volontaire à l’intégrité corporelle et à la vie (Art 222 9 à 15) : il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain, qu’en cas de nécessité médicale pour la personne. Sont inclus, les actes sans but thérapeutique comme des recherches biomédicales sur volontaires sains, ou les prélèvements d’organes entre vifs qui font l'objet d'un encadrement juridique spécifique. Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement, sauf lorsque son état rend nécessaire une intervention thérapeutique, à laquelle il ne peut consentir. Néanmoins, le consentement d’une personne sur l'intervention de son corps n’est pas un fait justificatif si celle-ci est illicite.
  • Atteinte involontaire à l’intégrité corporelle et à la vie : le Code Pénal réprime l’homicide et les blessures causées par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité́ ou de prudence, imposé par la Loi et les règlements.

La responsabilité ordinale

 

Tout comme en pénal, le chirurgien-dentiste est responsable de ses actes et ne peut s’en dédouaner. Le chirurgien-dentiste ne peut aliéner son indépendance professionnelle de quelque façon et sous quelque forme que ce soit (Article R4127-209 du code de la santé publique). La responsabilité disciplinaire du praticien est engagée lorsqu’il commet un manquement aux règles déontologiques encadrant sa profession.

Le code de déontologie des chirurgiens-dentistes est détaillé dans une section du code de la santé publique.

 

Mécanisme de la faute ordinale

Depuis la Loi du 4 mars 2002, il y a obligation de tentative de conciliation lorsque la plainte est déposée auprès du conseil départemental de l’Ordre. (Art. L.4123-2 du CSP) Cette responsabilité ordinale est recherchée contre les chirurgiens-dentistes, inscrits au tableau du conseil de l’Ordre, qui auront enfreint les dispositions du Code de déontologie.

Le conseil départemental n’a pas de pouvoir disciplinaire. Les plaintes contre les chirurgiens-dentistes doivent être transmises au conseil régional qui a compétence disciplinaire en première instance. On parle de chambre disciplinaire présidée par un magistrat de l’ordre administratif. Les séances sont publiques et les parties peuvent se faire assister d’un avocat. L’appel d’une décision se fait devant la chambre disciplinaire nationale qui siège auprès du conseil national. Elle est présidée par un conseiller d’Etat. Les décisions de la chambre disciplinaire nationale sont susceptibles de recours en Conseil d’Etat.

 

Les sanctions

 

Les sanctions qui peuvent être prononcées à l’issue de la procédure sont personnelles, même si le professionnel est salarié.

Les peines découlant d’une faute disciplinaire possibles sont les suivantes :

  • l’avertissement,
  • le blâme,
  • l’interdiction temporaire d’exercer avec ou sans sursis,
  • l’interdiction permanente d’exercer,
  • la radiation du tableau de l’Ordre.

Dans le cadre de la responsabilité disciplinaire, chaque praticien sera jugé pour les manquements déontologiques commis.

La victime ne peut en attendre aucune « réparation » à part peut-être, une satisfaction morale.

Cas particulier des chirurgiens-dentistes hospitaliers : ils seront traduits devant la chambre disciplinaire par différentes voies (le Ministre de la Santé, le préfet, le procureur de la République, le directeur de l’ARS et le conseil national ou départemental).

 

La responsabilité civile ou réparatrice

 

Cette notion de responsabilité civile est fixée par les articles 1240 et 1241 du code civil : tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La responsabilité civile a pour fonction de réparer un dommage.

 

On distingue donc :

  • la responsabilité contractuelle : elle peut être définie comme celle qui sanctionne le dommage subi lors d’une inexécution, d’une mauvaise exécution ou encore d’une exécution tardive du contrat ;
  • la responsabilité délictuelle (ou extracontractuelle) qui sanctionne quant à elle, les dommages causés à autrui en dehors de tout lien contractuel.

La responsabilité pour faute du professionnel de santé

 

La faute peut intervenir à trois stades : lors du diagnostic, lors du choix du traitement, et lors de sa mise en œuvre.

 

La faute éthique : notion d’humanisme

L’information complète doit être donnée au patient par n’importe quel moyen. L’article L.1111-2 CSP : en cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé et cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. Il s’agit d’un faisceau de preuves (dossier médical, consentement signé, prospectus, supports vidéo par exemple). Ainsi le consentement éclairé du patient sera donné au praticien. On peut remarquer que cette information n’est due qu’au patient et non à son entourage, sauf s’il n’est pas à même de consentir. Il y a une notion de personne capable (1re Civ., 6 décembre 2007, pourvoi n° 06-19.301).

Selon les tribunaux : informer, c’est permettre au patient de donner un consentement éclairé, mais il n’est pas obligatoire de convaincre. Le patient informé peut aussi refuser le traitement. Ce refus circonstancié doit être consigné par écrit. En effet, la preuve du refus serait difficile à apporter sans écrit. En cas de refus, le praticien doit inciter le patient à consulter un deuxième praticien, avant de maintenir son refus.

 

La faute technique

Obligation de moyens : obligation pour le praticien d’apporter toutes ses capacités pour exécuter l’obligation. Cela signifie aussi qu’un patient ne doit pas attendre de son chirurgien-dentiste un résultat déterminé, compte tenu des aléas possibles que comporte un acte médical. La preuve d'une faute est généralement à charge du patient.

 

Obligation de résultats : obligation de parvenir à un résultat donné. En matière médicale, cette obligation ne s’applique que pour certains domaines. En odontologie, elle s’applique aux matériaux de prothèses, à la qualité et à la sécurité du matériel utilisé. Mais elle peut être engagée dès lors que le résultat attendu par le patient n’est pas présent, et c’est à ce dernier qu’il incombe d’en apporter la preuve.

 

La responsabilité sans faute en matière de santé

 

Le régime de la responsabilité pour faute est écarté dans les deux cas prévus par l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, à savoir : la responsabilité du fait des infections nosocomiales et la responsabilité du fait des produits de santé.

La responsabilité sans faute intervient, donc, dans des conditions particulières et la réparation du préjudice est alors bien souvent collective.

 

Le concept d’équipe médicale agissant de façon concomitante

 

Après avoir étudié la responsabilité médicale du chirurgien-dentiste exerçant à titre libéral et seul, on peut maintenant se projeter vers la situation où deux chirurgiens-dentistes interviennent de façon concomitante sur un patient.

Le dentiste junior soigne avec le dentiste coach, accompagnés de leur assistante dentaire. Déjà en 1959, le Professeur René Savatier, qui fut l’un des plus imminents commentateurs de la jurisprudence en matière de responsabilité civile médicale écrivait : nous vivons au temps de l’équipe et de l’équipement.

L’Article R4127-64 du code de la santé publique nous rappelle : lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement d'un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à l'information du malade. Chacun des médecins peut librement refuser de prêter son concours, ou le retirer, à condition de ne pas nuire au malade et d'en avertir ses confrères.

Lorsque le consentement éclairé du patient est obtenu par l’équipe médicale, les bases de responsabilité ont été posées par l'arrêt Welti (Cour de cassation, 1re Civ., 18 octobre 1960, Bull. 1960, I, n° 442) : le chirurgien, investi de la confiance de la personne sur laquelle il va pratiquer une opération, est tenu, en vertu du contrat qui le lie à cette personne, de faire bénéficier celle-ci pour l' ensemble de l'intervention, de soins consciencieux, attentifs et conformes aux données de la science ; il répond dès lors des fautes que peut commettre le médecin auquel il a recours pour l'anesthésie, et qu'il se substitue, en dehors de tout consentement du patient, pour l'accomplissement d'une part inséparable de son obligation.

 

Quid de la responsabilité civile du chirurgien-dentiste coach salarié d’un centre dentaire ?

 

La situation du chirurgien-dentiste exerçant sa profession au sein d’un établissement de soins privé devrait conduire à la mise en jeu de sa responsabilité personnelle dès lors qu’il exerce son art en tout indépendance. (R. 4127-95 du code de la santé publique)

L'arrêt Boksenbaum du 4 juin 1991 (1re Civ., 4 juin 1991, Bull. 1991, I, n° 185, p. 122, pourvoi n° 89-10.446), marque l’effacement du contrat médical individuel devant le contrat de soins établi avec l'établissement.

Le commettant (c’est-à-dire l’employeur) est responsable du fait des dommages causés par son préposé (salarié) dans les fonctions auxquelles il l’a employé (article 1242 du code civil).

La jurisprudence a longtemps douté de l’application de ce principe pour les professionnels de santé salariés, en raison de l’indépendance dont ils disposent dans l’exercice de leur art. Mais la question est aujourd’hui tranchée par plusieurs arrêts de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 9 novembre 2004 . Dès lors, le médecin salarié d’un établissement de santé privé échappe donc à toute responsabilité civile personnelle pour les dommages causés aux patients dans le cadre de l’exercice de sa mission.

Un abus de mission est retenu très rarement par la jurisprudence. Cela suppose la réunion de trois critères cumulatifs, définis par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mai 1988 :

  • des agissements hors fonction (sur des indices objectifs tels que le temps et le lieu de l’action, les moyens procurés au préposé par ses fonctions, etc.) ;
  • une absence d’autorisation de l’employeur (qui doit être établie par celui-ci) ;
  • un acte commis à des fins étrangères, voire contraires, aux attributions du préposé

A propos de l’indemnisation en responsabilité civile

 

Pour être indemnisable, le dommage doit être certain, avéré et mesurable.

Le droit prévoit ensuite deux formes de réparation au dommage.

  • La réparation en nature. C’est le mode de réparation idéal quand il est possible. C’est de replacer le patient dans la situation exacte avant l’acte dommageable. Mais ce mode de réparation n’est pratiquement jamais retenu en matière de dommages corporels. En effet, il est rarement possible de revenir à l’exact état antérieur.
  • La réparation pécuniaire. Elle prévoit le versement de dommages-intérêts compensatoires à la victime, par le praticien. Le dommage n’est donc pas effacé mais uniquement compensé. La victime peut ensuite utiliser les fonds versés comme elle l’entend. Il s’agit du mode de réparation le plus employé dans le domaine médical. Les fonds versés sont alors supportés par son assurance responsabilité civile professionnelle ; et s’il est salarié, par l’assurance en responsabilité civile professionnelle de son employeur.

En dentaire, l’intervention du fond de garantie des dommages (FAPDS) est rarement sollicité, la somme des réparations du dommage n’excédant pas les 8 millions d’euros.

 

Conclusion

 

Pour rappel, la responsabilité du chirurgien-dentiste peut être engagée sous différents régimes qui sont la responsabilité pénale, ordinale et civile.

Si les responsabilités pénale et ordinale sont individuelles, dans notre situation, la responsabilité civile sera supportée par l’entreprise. Il faut cependant que le coach et le praticien junior soient missionnés par leur contrat de travail qui les lie à leur employeur et qu’ils agissent dans les limites définies dans la rédaction de ce même contrat.

On peut rappeler dans ce contexte que, dans le cadre d’un contrat de travail :

  • l’employeur a des obligations, vis-à-vis de ses salariés, définies par les Articles L4121-1 à L4121-5 du code du travail. Citons l’article L4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs avec une mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ;
  • mais réciproquement les travailleurs ont des obligations définies par l’article L4122-1 du code du travail.

Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.

La mauvaise conscience générale permet à chacun de se gratifier d'une bonne conscience individuelle : ce n'est pas moi qui suis responsable, puisque tout le monde l'est. (Simone Veil, Une Vie)

 

Bibliographie

- D. E. A. M. L. D. Dr Alain BÉRY, Expertise et responsabilité́ médicale, mode d’emploi, Le Fil Dentaire, vol. N°79, pp. 24-27, Janvier 2013.

- RPPS 2013-2021 - Traitement ONDPS. Démographie des chirurgiens-dentistes : état des lieux et perspectives, novembre 2021

- LOI n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires

- Elisabeth Sarfati, La responsabilité partagée entre l’implantologiste et le praticien prothésiste.[Performance]. 2022.

- Code civil, 2022. [En ligne]

- Code pénal, 2022. [En ligne]

- Code de la Santé publique, 2022. [En ligne]

- Arrêt Mercier 1936, En ligne]

- Loi du 4 mars 2002 dite Loi Kouchner, (En ligne)

- B. Cazeau, Rapport d ́information fait au nom de la Mission commune d'information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, 2012.

- Rapport cour de cassation, Le fait générateur de la responsabilité à l'épreuve de la nature de l'activité de santé,2007.