Comment bien vieillir sous les yeux de son public, quand on a été une actrice si belle et désirée ?
Entre Jane Fonda, et Simone Signoret, il y a un monde où la génétique, la santé tout autant que la discipline de vie et la chirurgie esthétique, ont un impact déterminant. Si certaines ont décidé de tout faire pour maintenir une image la plus proche de celle de leurs jours de gloire et de beauté, (et je comprends aussi qu’on n’ait pas envie de cheveux gris), certaines se sont laissées aller lourdement au fil du temps, à cause d’un moral en berne ou plus grave suite aux aléas d’une santé chancelante.
Jane Fonda, (l’aviez-vous reconnue en rose aux Emmy awards en 2017 ?) toujours égérie L’Oréal Paris à 81 ans, a une silhouette impeccable, due à sa volonté sûrement à ses années de pratique de la gymnastique intensive (qui a fait sa fortune) et ne cache pas que la chirurgie esthétique lui a fait gagner 10 ans de tournage. Tout en regrettant cet aveu récemment lors de la présentation de son nouveau film « Our souls », elle répond froidement à une journaliste qui évoque la question : une bonne attitude. Une bonne posture. Prendre soin de moi. Bardot a depuis longtemps cessé tout effort, et abdiqué son statut de sex-symbol. Handicapée par des problèmes de hanche, elle se déplace difficilement avec des béquilles. Il faut accepter de vieillir et de mourir, c’est la loi de la nature.
Elle a suivi l’exemple de Greta Garbo et s’est retirée en pleine gloire, tout en continuant à apparaître publiquement pour défendre la cause animale. Faut-il se la jouer Greta Garbo (et disparaître en pleine beauté ? L’actrice s’est retirée de la vie publique à 37 ans, après l’échec d’un film de George Cukor, « La femme aux 2 visages ». Elle voulait qu’on la laisse tranquille, et ne dérogea pas à cette règle jusqu’à sa mort à 84 ans, en 1990, cultivant sa légende, de son vivant, et rarement paparazzée. Splendeur et misère des courtisanes, peut-on s’exclamer pour paraphraser Balzac, en regardant un documentaire consacré à Michèle Mercier, alias La Marquise des Anges. Angélique-Michèle accuse aujourd’hui sévèrement ses 75 ans, attifée dans un ensemble violet et panthère et outrancièrement maquillée. On l’a tant aimée dans ce rôle, qui lui a coûté la suite de sa carrière, apparemment, lui a attiré bien des soupirants milliardaires, autant que de prétendants prédateurs.
Autre option : se Simone Signoretiser et présenter à ses admirateurs les outrages des ans, en semblant les assumer, voire en les revendiquant, et en s’affichant lourdement marquée par le poids des ans, et des douleurs comme Madame Rosa, dans « La vie devant soi ». La grande Simone déclarait lucidement : Si j’avais été plus soigneuse, plus sévère avec moi-même sur le plan de la discipline corporelle, je serais peut-être restée plus longtemps plus jeune d’aspect, mais j’aurais raté des trucs formidables sur le plan professionnel. Je me suis très bien arrangée, très hypocritement, avec tout ça. Madame Montand, qui avait bien compris (sinon admis ?) l’attirance que son homme avait conçue pour Marylin, ou Romy Schneider, était un modèle du genre nature délabrée, dans lequel semblait parfois s’engouffrer l’excellente et plus jeune Josiane Balasko (je m’amende, car je l’apprécie, et que je viens de la revoir plus féminine, blonde. La tendance ne serait pas irréversible, c’est agréable.). Michèle-Angélique disait avoir raté le rôle de « Belle de Jour », car son ami jaloux lui a caché le coup de fil de Bunuel, qui a donc choisi Catherine Deneuve, parfaite en femme du monde prostituée. Elle a plus tard refusé une fortune de joyaux que lui offrait le shah d’Iran, car elle était intègre. C’est respectable, mais quand le sort semble s’acharner, peut-on en reporter la responsabilité éternellement sur les autres ? Des millions des téléspectateurs addicts, des dizaines d’année de rediffusion incessantes et de coffrets vidéo n’ont en plus pas enrichi l’actrice spoliée par un contrat mal négocié. C’est triste. À 72 ans, elle déclare comme le général de Gaulle que la vieillesse est un naufrage ; certes la loterie génétique est injuste dirait mon amie le Pr Catherine B. généticienne.
Mais certaines ont su négocier le virage de la maturité, sans se ridiculiser. Quand le style et le make up mémérisent, les conseillères en image sont bienveillantes et salvatrices : Christina Cordula, s’il te plaît, tu pourrais faire des merveilles pour notre inoubliable marquise.
Françoise Fabian, elle, belle grand-mère dans les films des clans de Sophie Marceau, Patrick Bruel entre autres est magnifique et impose une autorité et une séduction incontestables : J’ai une mèche blanche sur ma tête qui est l’histoire de ma vie, et celle-ci ne fut pas exempte de soucis et de douleurs. La mèche signature est esthétique, c’était risqué de la jouer Cruella d’enfer, mais Françoise Fabian a une classe folle, et des rôles encore enviables. Je l’ai revue récemment dans « La bonne année » de Claude Lelouch ; c’est la seule actrice pour laquelle le grand Lino Ventura a accepté de se dévêtir dans un lit (oh la oh la, on ne voit qu’un bras !). Quant à Ronet, dans Raphaël ou le débauché, il faisait avec elle un couple presque aussi glamour qu’elle et Trintignant dans « Ma nuit chez Maud » de Rohmer.
Bernadette Lafont voulait faire une carrière à la Danielle Darrieux, morte elle-même à 100 ans, déclarait son ami Jean Pierre Mocky, un des rares personnalités du cinéma présentes à son enterrement. Lafont avait cartonné dans le rôle de Paulette : une retraitée fauchée habitant dans une cité, retrouve ses moyens et sa joie de vivre en dealant du hashish en barrettes et en gâteaux. Belle performance d’actrice pour une femme aimée depuis sa jeunesse dans la nouvelle vague, et que la vie n’a pas épargnée ; la France qui l’aimait beaucoup, s’était émue du calvaire qu’elle a vécu avec la perte de sa fille Pauline, et la lamentable couverture médiatique qui a accompagné le drame. Avec humour, talent et pudeur, elle a appliqué la règle du métier : show must go on.
Catherine Deneuve est la reine du cinéma français, et a toutes les audaces dans le choix de ses rôles et de sa vie privée (mais connue de tous, assumée, et respectée). Elle vient de fêter ses 73 ans, et ne peut ni ne veut s’en cacher. Elle a joué de toutes les modes, a imposé son style chic et sa blondeur étudiée, et dans un récent film « Elle s’en va », s’est affichée cougar assumée et crédible. La reine Catherine est indétrônable, avec sa voix unique et sa crinière blonde légendaire. Je la préférais avec sa coiffure courte du film Indochine. Elle concède que c’est ennuyeux de vieillir. Interrogée par Psychologies sur sa confrontation avec son image et le vieillissement, elle répond : La décrépitude. D’être décatie, de ne plus avoir la force de faire les choses que j’aime faire, de la manière dont j’ai l’habitude de les faire. Et lorsque l’on évolue dans ce métier, il faut accepter à la fois de vieillir et d’être filmée d’une façon qui soit acceptable pour tout le monde – pour le personnage, pour la réalité du film… et pour moi. Et puis, vieillir, c’est sentir que tout part en creux : les forces s’en vont, l’énergie se perd, les os diminuent, les muscles disparaissent, la peau se sèche. C’est comme une lente flétrissure. Enfin, le plus important, c’est d’avoir sa tête !
Michèle Morgan a promené ses beaux yeux bleus, sur le cinéma du haut de ses 90 ans. En miroir avec l’histoire de « La femme aux 2 visages », le film qui scella la carrière de Garbo, c’est sur le tournage du « Miroir à 2 faces », où elle incarnait la femme au physique ingrat de Bourvil, que Morgan tombe amoureuse du dernier homme de sa vie, Gérard Oury, qui jouait le chirurgien esthétique qui la rend belle. Le réalisateur de La grande vadrouille, de La folie des grandeurs, en fit une femme comblée à la beauté inspirante. Regardez-la dans « Le chat et la souris » grande bourgeoise qui va séduire le commissaire Serge Reggiani qui la soupçonne de crime sur son mari. Elle a 55 ans et est magnifique.
J’aime beaucoup Joan Collins, née en 1933, qui fut la terrible et sexy héroïne Alexis de Dynasty : en 1989, elle a 56 ans quand la série américaine s’arrête après 8 ans de succès. Elle a toujours cultivé son personnage, bling, sexy et powerful. Jeune, elle se voit proposer le rôle de Cléopatre que Liz Taylor, sa rivale star hésitait à accepter. Sa réputation va souffrir d’un rôle qu’elle accepte, et qui s’intitule The bitch, surnom qu’elle va garder longtemps. C’est aussi par chance qu’elle obtient le rôle qui va la consacrer, celui d’Alexis, refusé par Sophia Loren et Raquel Welsh. Après des années à cachetonner, la voilà star planétaire dans un rôle taillé pour elle. Les années dernières, elle tournait dans The royals, avec Elisabeth Hurley. Anoblie et titrée Dame Joan Collins, elle y interprète une duchesse britannique. Mariée à 68 ans avec un homme plus jeune de 32 ans, elle se riait de la différence d’âge : C’est si ennuyeux d’en parler ! Lifting, maquillage prononcé et inchangé, son look est le même de loin que celui des années 80. L’illusion est presque complète. Elle reste fidèle à son image.
Mais est-ce rester jeune que de ne pas assumer son âge ? Je suis à l’aise avec le sujet, ayant opté pour un lifting des paupières dont je suis ravie, et prête pour d’autres interventions dès que ça m’apparaîtra nécessaire. Mes cheveux gardent une blondeur Jacques Dessange que j’assume, tout en appréciant la blanditude de la journaliste de mode Sophie Fontanel. Cette beauté pérenne est aussi une revanche pour Joan, sur la généreuse activiste (notamment pour la recherche contre le Sida) et star
Elizabeth Taylor qui avait bien mal vieilli. Sublime dans La chatte sur un toit brûlant avec Paul Newman (torride et malheureux), elle avait osé sa 1re transformation physique en prenant 15 kg et se vieillissant de 20 ans pour jouer dans « Qui a peur de Virginia Wolf » avec Richard Burton (j’adorais ce couple chaud-bouillant qui s’est marié 2 fois). Elle a subi maintes hospitalisations critiques, vécu dessituations dramatiques, mais a survécu et retrouvé sa superbe tant de fois. Lors de la dernière hospitalisation de Liz, morte à 79 ans, nous parlions de l’enfer qu’est la vieillesse raconte Debbie Reynolds qui fut sa rivale (Liz est partie avec son mari Eddy Fisher) avant de devenir sa meilleure amie, elle s’accrochait.
Respect aussi pour Gena Rowlands, Judy Dench, qu’on adore dans James Bond et si séduisante dans Indian palace où elle charme un septuagénaire, formant un couple touchant. Helen Mirren, et Sophia Loren entre autres, plus gâtées par la nature que Claudia Cardinale.
Mesdames les Septua et octogénaires, comme ça ne doit pas être simple de se trouver confrontée chaque jour à des films tournés il y a 30 ou 40 ans, mais c’est un grand bonheur pour nous de les revoir, merci pour votre talent et le plaisir que vous nous avez donné. Je regarde en ce moment en rafale Dynasty, qui a 30 ans, avant d’enchaîner avec The Royals. Récemment, on vient de fêter les 20 ans de Sex and the City, les 4 héroïnes new-yorkaises ont mûri avec nous, et sont superbes. Vous avez encore de beaux jours et de beaux rôles devant vous.
Action : on tourne.