L'épidémie de gastro-entérite très en avance

Par Pauline Fréour / sante.lefigaro.fr /

La France enregistre une progression de l'épidémie saisonnière de gastro-entérite inhabituelle pour cette époque de l'année. Le constat s'appuie sur les données de l'activité des médecins de SOS Médecins France, traitées par l'Institut de recherche pour la valorisation des données de santé (IRSAN).

 

Avec plus de 225.000 nouveaux malades en métropole entre le vendredi 7 et le jeudi 13 octobre, la fréquence des infections est «anormalement élevée pour cette période de l'année», constate l'Institut. «Nous sommes face à une forme d'épidémie qui arrive avec près de 3 mois d'avance sur la période habituelle, dont le pic se situe généralement en janvier», poursuit l'IRSAN.

 

Selon Sentinelles, autre réseau de surveillance s'appuyant sur l'activité des médecins généralistes et des pédiatres, l'incidence observée la semaine dernière (146 cas pour 100.000 habitants) se situe juste en dessous du seuil épidémique (148 cas pour 100.000 habitants).

 

Toutes les régions sont concernées à des degrés divers. Les plus touchées sont, dans l'ordre, selon l'IRSAN: l'Ile-de-France (451 cas pour 100.000 habitants), le Grand Est (393), Provence-Alpes-Côte d'Azur (362) et Auvergne-Rhône-Alpes (361). En dynamique, c'est dans le Centre-Val-de-Loire et le Grand-Est que la maladie a le plus progressé au cours de cette semaine.

 

Progression des cas de gastro-entérite en France, selon l'IRSAN :

Les couleurs classent les régions selon le nombre de cas pour 100.000 habitants. Les flèches accompagnées d'un chiffre gris, la progression de ce taux entre le 7 et le 13 octobre.

 

Gastro-entérite : les précautions à prendre

 

La gastro-entérite virale est très contagieuse. Elle peut se transmettre directement - de personne à personne - ou indirectement, par l'intermédiaire de l'eau ou d'aliments contaminés. Pour s'en prémunir, les médecins conseillent de se laver les mains régulièrement, notamment en sortant des toilettes, avant et après les repas et, pendant leur préparation, à chaque changement d'aliment. Il faut également éviter de porter à la bouche la cuillère d'un enfant ou de boire dans le verre d'autrui.

 

La gastro-entérite virale se manifeste par des diarrhées, des vomissements, des crampes abdominales et parfois une légère fièvre. La plupart des personnes atteintes se rétablissent en l'espace d'un à trois jours, avec du repos et une alimentation adaptée. Les adultes n'ont pas forcément besoin de consulter s'ils veillent à bien s'hydrater (eau additionnée de sucre et de sel, soupe). En revanche, les bébés et les jeunes enfants, plus sensibles au virus, doivent être présentés à un médecin afin d'éviter tout risque de déshydratation sévère. Les personnes âgées, vulnérables, doivent également faire l'objet d'une attention renforcée.

 

Faut-il former des médecins plus humains ?

Par Jacques Bringer / sante.lefigaro.fr  / 18/10/2016

AVIS D'EXPERT - La médecine doit être spécialisée, innovante et efficace, mais sans perdre sa dimension relationnelle et empathique, plaide le Pr Jacques Bringer (Académie de médecine).

 

Plus que tout, la médecine doit rester humaine, c'est-à-dire garder le souci constant de la personne. Les nouveaux outils biotechnologiques, l'imagerie moderne et interventionnelle, les gestes chirurgicaux moins invasifs, robotisés ou non, l'émergence des biomarqueurs permettent une médecine moins agressive, moins variable et mieux ciblée. La numérisation aide la prise de décision dans les situations complexes et permet de partager facilement l'information entre les professionnels de santé. Outil de vigilance et d'éducation thérapeutique, elle facilite la coordination entre soins de proximité et établissements de recours ainsi que le retour à domicile dans les conditions de sécurité renforcées.

 

Grâce aux pratiques ambulatoires, il est possible de concentrer et d'accélérer explorations et soins afin de respecter les aspirations du patient à retrouver au plus vite sa vie personnelle et professionnelle. L'exercice des soins centré sur le patient est ainsi organisé, sécurisé et coordonné entre les nombreux professionnels de santé intervenant auprès de lui. Mais une telle organisation semi-industrielle des soins, faite de standardisation, de biotechnologie de précision, de numérisation et d'accélération du parcours la médecine, n'est-elle pas trop «froide» pour rester humaine?

 

Médecine de la personne

 

La médecine de la personne, plus humble, attentive au profil de chaque patient et de ses aspirations individuelles, doit faire prévaloir l'écoute, l'empathie, la qualité de la présence et de la parole pour éviter les regards, mots et gestes malheureux ou maladroits car inadaptés à la situation.

 

Le médecin «n'ordonne plus», il doit savoir annoncer, expliquer, convaincre, éduquer, afin d'éclairer et d'autonomiser le patient. On ne doit plus «envoyer» un patient à l'hôpital ou vers les soins de proximité: il convient de l'accompagner dans une stratégie coordonnée et personnalisée tenant compte de ses priorités, de ses valeurs, de son profil socio-éducatif, culturel et psychologique.

 

On ne peut plus s'en tenir à des approches spécialisées, cloisonnées, certes efficaces, mais insuffisantes et même potentiellement dangereuses lorsqu'il faut traiter un malade chronique aux pathologies multiples souvent complexes et relevant d'une prise en charge globale, qui demande du temps et n'est donc plus compatible avec une rémunération au seul débit des actes. Ceci est particulièrement évident pour l'exercice de la médecine générale, qui devrait symboliser synthèse et synchronisation.

 

La médecine doit être à la fois spécialisée, innovante, efficace, sans perdre de son humanité. Les moyens biotechnologiques n'éloignent pas en eux-mêmes ; c'est la façon de s'en servir qui éloigne ou qui rapproche. Ainsi, un geste d'imagerie interventionnelle ou de chirurgie robotisée ne dispense pas de la qualité de la présence, du choix des paroles et du doigté de l'annonce et de son accompagnement. C'est pourquoi la formation conjointe des médecins et des professionnels de santé appelés à intervenir en équipe auprès des patients doit assurer au moins autant l'acquisition et l'évaluation des «habiletés» technologiques que les capacités décisionnelles et relationnelles humaines. Finissons-en avec les concours et les sélections fondés sur le seul contrôle des connaissances ; les étudiants en médecine doivent être mis en situation de sensibilisation pour mieux percevoir, mieux comprendre, mieux répondre aux attentes des patients.

 

Ateliers de la bientraitance

 

Entre l'acquisition des connaissances et les stages pratiques de «compagnonnage», l'apprentissage par les outils de mise en situation simulée est indispensable à l'acquisition des gestes et réflexes individuels et collectifs. Les jeux de rôle et les ateliers de la bientraitance doivent se développer dans les facultés pour préparer le futur médecin au colloque humain singulier par l'entraînement à l'écoute et au questionnement éthique.

 

L'examen classant national (ECN) ne doit plus être la seule évaluation et la finalité exclusive au terme des six premières années de formation médicale… Sachant que, tel qu'il est conçu pour classer et répartir les futurs internes sur le territoire national, c'est le seul examen au monde où l'on est reçu avec zéro! En effet, tout étudiant formé dans une université européenne, français ou étranger, parlant ou non notre langue, peut le présenter et contourner ainsi le numerus clausus en accédant sans limitation à l'exercice médical dans notre pays… Il est urgent de redonner toute sa place et la priorité à l'évaluation des compétences cliniques pour valider l'ensemble des aptitudes pratiques, y compris relationnelles, des étudiants en médecine, d'où qu'ils viennent, avant qu'ils n'accèdent aux fonctions de responsabilité d'interne. Il en va du simple respect des patients.