Dans le cadre de l’exercice dentaire libéral, il existe un contrat civil entre le praticien et son patient. Chacun a des obligations envers l’autre, comme nous le verrons. Ce contrat est dit synallagmatique. Si l’une des parties n’a pas rempli sa part de contrat, ne serait-ce que partiellement, sa responsabilité peut être engagée.
L’arrêt Mercier du 20 mai 1936 est devenu célèbre : « L’obligation de soins découlant du contrat médical et mise à la charge du médecin est une obligation de moyens ; le médecin ne pouvant s’engager à guérir, il s’engage seulement à donner des soins non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. »
Précisons que le contrat médical est un contrat civil, relevant donc de la compétence des juridictions civiles, qu’il est conclu à titre onéreux puisque le praticien reçoit des honoraires en échanges des actes réalisés et qu’il est tacite puisqu’il n’a pas besoin d’être écrit pour être mis en œuvre.
Sa validité repose sur la nécessité pour le praticien d’être diplômé et pour le patient, de consentir librement et de façon éclairée au traitement proposé.
Le patient a l’obligation de suivre les prescriptions du praticien et de régler les honoraires dus. Le praticien doit délivrer une information claire et objective au patient et devra prouver, en cas de conflit, qu’il a recueilli le consentement du patient. Il s’agit là d’un point essentiel relevant du devoir d’information. La loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner précise que l’information doit porter sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles. Les litiges concernent rarement les risques mineurs que chacun délivre quotidiennement à ses patients. L’information doit être précise sur les risques majeurs, même si leur survenue est rare : hémorragie, paresthésie, paralysie…sans oublier les risques inhérents à l’absence de traitement. Il ne s’agit pas ici d’inquiéter inutilement le patient mais de lui délivrer une information en rapport avec le traitement concerné au travers de laquelle l’expertise professionnelle du praticien sera mise en évidence dans un souci de tranquillisation du patient. Une trace écrite de cette transmission doit être conservée par le praticien et ne pas se limiter au seul devis. En effet, un devis devrait comprendre une somme d’informations telles les dents concernées, les actes prévus, les codifications correspondantes, les matériaux employés et également offrir plusieurs solutions thérapeutiques mais cela ne représente pas l’entière information transmissible et réellement délivrée. D’autres éléments souvent évoqués en expertise judiciaire sont régulièrement manquants et représentent des points de friction récurrents tels les indications concernant la durée du traitement normalement prévisible ou les conditions de gestion d’un échec ou d’une complication au détour du traitement.
Anticiper la contestation d’un patient implique de pouvoir répondre par avance aux possibles récriminations en construisant méthodiquement son dossier patient.
La rédaction d’un consentement éclairé standard, trop souvent limité à la chirurgie implantaire est obligatoire pour pouvoir attester de la transmission de l’information. Chaque patient devrait remettre à son praticien un document signé de sa main et indiquant qu’il a reçu et compris les informations concernant les risques, les complications possibles, la durée normale prévue du traitement et la nécessité de devoir éventuellement faire face à des évènements nouveaux et imprévisibles au départ devant rallonger cette durée, associée à l’obligation de devoir compléter le devis initial par une annexe adaptée à ces nouveaux évènements. Enfin, le patient accepte le règlement des honoraires prévus selon le calendrier des étapes thérapeutiques envisagé avec le praticien et reconnaît qu’un délai de réflexion suffisant a été respecté avant de remettre ce document au praticien.
Lors d’une expertise, le patient reproche régulièrement au praticien qu’on ne lui a rien expliqué, qu’il n’a pas eu le choix du traitement, qu’il ne connaissait pas les risques sinon il n’aurait jamais donné son accord et qu’il ne savait pas que cela lui couterait si cher.
Voilà pourquoi devis et consentement adapté doivent être systématiquement signés par le patient, ce que l’on ne voit pas souvent dans les dossiers. Le praticien ne fait pas signer le patient qu’il connaît de longue date ou parce qu’il n’ose pas, ou de peur que cela soit pris pour une marque de défiance. A tort, car alors le patient se défend d’avoir jamais vu un tel devis !
La psychologie du patient actuel, devenu consommateur de santé a bien changé et le taux de sinistralité a augmenté de plus de 55 % ces 5 dernières années ! Voilà qui fait réfléchir.
La responsabilité d’un praticien sera donc engagée s’il commet une faute ayant un lien direct et certain avec le dommage invoqué par le patient.
La faute peut prendre diverses formes allant de l’imprudence à la simple négligence en passant par le défaut d’information dont nous venons de parler.
L’imprudence fait écho à l’obligation de moyens et aux « soins consciencieux et attentifs ». Si le praticien n’a pas l’obligation de guérir, il doit tout mettre en œuvre pour y arriver.
La négligence peut relever du « Primum non nocere » et répond à l’obligation de prudence et de diligence envers chaque patient. Mieux vaut l’abstention thérapeutique à la mise en œuvre d’un protocole mal indiqué ou mal maîtrisé.
Lors d’une expertise, on constate parfois que le praticien a passé la main et laisse le patient lui dire ce qu’il doit faire. Il n’a plus le contrôle du plan de traitement et va rapidement se retrouver dans une impasse qui le conduit finalement à mettre fin au contrat. Dans une telle occurrence, le patient ne doit jamais se retrouver en situation d’urgence médicale et le praticien doit l’orienter vers un confrère pouvant assurer le suivi des soins.
Il faut également penser au respect absolu du secret médical.
On voit bien que chacun doit faire de son mieux pour gérer au mieux d’éventuelles contestations.
Par quoi commencer ?
D‘abord, rédiger un dossier pour chaque patient. L’expérience montre que certains travaille sans !
Ecouter attentivement les demandes du patient. Laissez-le s’exprimer et n’hésitez pas à répéter ses propos pour obtenir son accord.
Ensuite, établir une note de consultation à chaque fois que le patiente est dans les murs du cabinet, même si cela n’est que pour s’entretenir avec l’assistante sur tel ou tel point qui réclame un éclairage.
Puis, étayer les propositions thérapeutiques par écrit avant de recueillir l’acceptation écrite du patient au traitement choisi. Ne jamais hésiter à orienter le patient vers un autre praticien si l’on sent ses propres capacités insuffisantes ou si les doléances du patient ne paraissent pas en phase avec non compétences.