Développement de la prothèse implanto-portée unitaire postérieure par CFAO directe : protocole temps par temps et retour d’expérience

Lauréat : Léonard Sebbag

Directeur de thèse :Philippe François

Partenaire du Prix

AO Jacques Breillat

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LEONARD SEBBAG Thèse Breillat 2021 - AO
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Introduction

 

La dentisterie numérique a transformé en profondeur le quotidien du chirurgien-dentiste. La prothèse a été l’une des premières disciplines à évoluer, d’une part avec les premiers scanners intra oraux, qui se substituent aux matériaux conventionnels à empreinte, et d’autre part, avec les premières machines-outils disponibles en cabinet. Ainsi, la possibilité de réaliser des éléments prothétiques directement au cabinet, si possible en un seul et même rendez-vous, suscite un intérêt grandissant des praticiens mais aussi des industriels. Tout cet univers numérique est décrit par le terme de CFAO (Conception et Fabrication Assistée par Ordinateur).

La CFAO bouleverse la prothèse dento-portée, il est donc légitime de se demander dans quelle mesure la prothèse implanto-portée puisse en bénéficier.

C’est pourquoi, nous nous intéresserons à l’apport de la CFAO dans la réalisation et fabrication de couronnes supra-implantaires dans le cas de la compensation d’un édentement unitaire postérieur (prémolaire, molaire). Une étude clinique a été mis en place afin d’arriver à l’élaboration d’un protocole détaillé et reproductible permettant la réalisation de prothèse transvissée direct implant tout numérique au sein du service de médecine bucco-dentaire de l’hôpital Bretonneau.

 

Apports de la CFAO pour la réalisation de prothèse implanto-portée unitaire postérieure

 

Un petit point sur la CFAO s’impose. La CFAO regroupe la CAO (Conception Assistée par Ordinateur) et la FAO (Fabrication Assistée par Ordinateur), il est nécessaire de différencier ces deux concepts. Il existe trois grandes branches dans la CFAO : indirecte, semi-directe, directe.

Fig. 1 Les différentes branches de la CFAO

 

Si l’empreinte est prise de manière conventionnelle et que le laboratoire souhaite utiliser la CFAO pour fabriquer la prothèse, alors le modèle en plâtre sera scanné. C’est la CFAO indirecte. L’empreinte peut être réalisée de manière numérique, alors on sera dans une CFAO semi-directe si la CAO et la FAO sont réalisés au laboratoire de prothèse, ou en CFAO directe si l’ensemble de la prothèse est réalisé au cabinet.

La réalisation d’une prothèse implanto-portée débute par une empreinte. Afin de mieux appréhender l’avantage du numérique, il est utile de rappeler les différentes techniques d’empreintes dites conventionnelles.

  • La technique pick up ciel ouvert repose sur l’utilisation d’un transfert d’empreinte spécifique et d’un porte empreinte ajouré ou fenestré. Ces transferts sont plus longs avec une configuration externe très rétentive. La présence d’un fût interne permet de les transfixer par des vis longues. Le matériau de choix pour cette technique est le polyéther.
  • La technique par ciel fermé consiste à̀ venir repositionner, dans un second temps, le transfert laissé en place lors de l’empreinte. Celui-ci sera d’abord connecté à un analogue avant d’être repositionné. Cette technique est aussi retrouvée sous le nom d’indirecte, twist-lock ou encore pop-up.
  • Enfin la technique snap-on ou clip-in est une variante de la technique repositionnée. Celle-ci consiste en l’utilisation de transferts d’empreintes en téflon ou en plastique. Celui-ci est clipé sur l’implant ou le pilier. Le transfert possède des rétentions mécaniques afin de rester ancré dans le matériau à empreinte.

Selon différentes études, il n’y a pas de différences significatives entre ces trois techniques pour la prise d’empreinte simultanée de 3 implants ou moins. Cependant, à partir de 4 implants, la technique pick up ciel ouverte est celle à privilégier, d’autant plus en cas de divergence.

Quand l’enregistrement a lieu par technique conventionnelle, une multitude d’erreurs peut survenir lors :

  • du dosage des matériaux,
  • du (dé)vissage des transferts, de la désinsertion,
  • de la mise en place des analogues,
  • de la coulée du plâtre
  • ou de la mise en place de la fausse gencive,
  • du transport, etc.

L’empreinte optique est donc une véritable révolution pour la phase d’enregistrement. L’empreinte numérique permet une prise d’empreinte plus rapide, plus agréable pour le patient (et le praticien), plus simple, plus économique mais aussi une vérification instantanée de la qualité d’empreinte. Ce système ouvre logiquement la porte à la réalisation de prothèse en un temps.

Fig. 2 Triangulation active versus microscopie confocale parallèle

Il existe plusieurs méthodes de détection optique des volumes : la triangulation active par lumière structurée (Omnicam (Dentsply-Sirona), Medit i700 et i500 (Medit), Planmeca Emerald (Planmeca)...), la microscopie confocale parallèle (Primescan (Dentsply-Sirona), Trios 4 et 3 (3shape)...) et la défocalisation (Lava EOS, 3M Espe)).

Fig. 3 Précision et justesse

Mais qu’en est-il de leur précision ? Par abus de langage on parle de précision, mais en réalité il faudrait parler d’exactitude. En effet, l’exactitude est caractérisée par deux critères majeurs : la précision et la justesse. La précision se définit par la répétabilité d’une mesure issue d’une acquisition alors que la justesse se définit par l’écart entre la moyenne des acquisitions et la valeur de référence. La justesse est le paramètre le plus important car la technologie n’influe peu sur la précision.

Les différents types de substrats jouent un rôle important dans la précision et la justesse de l’empreinte optique. La triangulation active reste plus sensible au changement de substrats. C’est pourquoi, à génération égale, la microscopie confocale parallèle semble être plus fiable que la triangulation active. L’exactitude entre une empreinte optique et conventionnelle est comparable sur des moyennes et petites étendues. Pour les restaurations fixées d’arcade complète, l’approche conventionnelle reste préférable. Enfin, les empreintes optiques ont la capacité de s’améliorer au fil des mises à jour tout en gardant la même caméra, même si rien ne vaut un modèle plus récent car, de manière générale, les nouvelles générations de caméra surpassent largement les anciens modèles.

 

Actuellement, la CFAO directe pour un omnipraticien implique l’utilisation du système fermé Sirona. Voici donc les éléments nécessaires à la prise d’empreinte. Chez Sirona, il existe deux techniques pour la prise d’empreinte numérique sur implant : celle utilisant des Scan Post et celle utilisant des embases titane (TiBase). Toutes deux requièrent l’utilisation de Scan Bodies. Les Scan Bodies sont des petits capuchons en plastique à usage unique. Ils servent à l’indexation de l’empreinte. Ils existent en gris pour la Primescan et l’Omnicam et en blanc pour la Bluecam ainsi qu’en deux tailles (S et L) en fonction de la taille de l’implant. Cependant, il est possible d’utiliser l’un à la place de l’autre sans compromettre la prise d’empreintes. Fig. 4

Le Scan Post est un pilier d’empreinte numérique et sert exclusivement à la prise d’empreinte. Il permet d’enregistrer la position et l’angulation de l’implant par rapport aux autres dents. Le Scan Post est usiné en titane et à chaque implant correspond un Scan Post spécifique. Il est livré avec sa vis et doit être torqué à 15 N.Cm maximum. Celui-ci peut être réutilisé jusqu'à 50 fois et doit être stérilisé entre chaque utilisation. Il présente une orientation afin de positionner précisément le Scan Post par rapport au Scan Body et ce, en position vestibulaire. Fig. 5 / Fig. 6

Fig. 4 Scan Bodies

Fig. 5 Scan Post  

Fig. 6 Positionnement du Scan Body par rapport au Scan Post


C’est actuellement la technique de référence pour indexer la position de l’implant en prothèse implanto-portée au fauteuil. C’est donc la méthode qui sera sélectionnée pour notre protocole clinique.

Fig. 7 TiBase

Il est aussi possible de prendre une empreinte avec le TiBase en extra oral sur un modèle ou en intra oral. Celui-ci est plus court que le Scan Post et servira à la mise en place de la couronne définitive. Bien que nécessitant moins d’accastillage que la technique utilisant un Scan post, l’utilisation du TiBase pour l’empreinte optique est le plus souvent contre indiqué du fait de sa faible hauteur et de sa difficulté à indexer le Scan Body. Cette méthode apparait donc à proscrire hormis cas exceptionnels.

 

A quoi sert donc ce Ti Base ?

Le TiBase (brevetée Dentsply-Sirona) est une embase en titane de grade V permettant la jonction entre l’implant et la couronne. En effet, il est inenvisageable de réaliser directement un pilier en e.max® CAD au vu de ses propriétés mécaniques. Le TiBase présente dans sa partie supérieure un système anti rotationnel qui permet le bon repositionnement de la couronne. Cette couronne sera collée par un matériau d’assemblage. La partie inférieure est variable et s’adapte de manière spécifique à un implant parmi un large choix dans un ensemble de firmes. Ces pièces étant de haute précision, elles permettent une adaptation passive ainsi qu’un haut niveau d’adaptation.

Un inconvénient majeur persiste : il n’existe actuellement qu’une seule hauteur de TiBase chez Sirona.

 

Quels matériaux pour notre couronne ?

De nombreux matériaux sont disponibles sous formes de bloc au cabinet, mais le choix est rapidement plus réduit lorsqu’il s’agit de bloc troué indispensable à la réalisation d’une prothèse implanto-portée « chairside ». Le concept du bloc troué étant un brevet Dentsply-Sirona, seule la chaine de CFAO Dentsply-Sirona est envisageable.

L’IPS e.max® CAD dit “Blue block” (Ivoclar) représente le bloc le plus connu et probablement le plus utilisé. Il appartient à la famille des vitrocéramiques et est renforcé par des cristaux de disilicate de lithium. Ce bloc est conçu pour la CFAO et possède une cristallisation en deux étapes. La valeur minimale recommandée en résistance à la flexion pour une restauration unitaire en céramique type e.max® est de 300 MPa (46). Cependant, cette norme ne prend pas en compte le support que ce soit de la dent ou un TiBase. L’autre paramètre important est la résistance à la propagation de fissure évaluée par la ténacité.

L’e.max® CAD avec ses 360MPa de résistance à la flexion et ses 2 à 2.5 MPam0,5 de ténacité en fait un matériau de choix, mais présente des valeurs légèrement différentes de l’e.max® Press.

En implantologie, les blocs IPS e.max® CAD Abutment Solution existent en deux tailles. Les A14 pour la réalisation de couronnes unitaires implanto-portées de faible volume ou pour la fabrication de piliers prothétiques anatomiques transvissés directement sur implants. Ce faux moignon sera recouvert dans un deuxième temps par une couronne céramique scellée ou transvissée. Ces blocs sont disponibles en moyenne opacité (MO) ou en faible translucidité (LT).

Les A16 pour la réalisation de couronnes transvissées direct implant. Une seule translucidité est disponible (LT) et existe en neuf teintes. En réalité, la plupart des couronnes transvissées direct implant rentrent dans les blocs A14.

Fig. 8  Bloc IPS e.max® CAD Abtument Solution A14 et A16

Que ce soit pour les A14 comme les A16, il existe deux diamètres de puits S & L, selon le diamètre de l’implant. Aussi, il est important de noter que toutes les couronnes transvissées seront usinées avec les blocs de faible translucidité, les blocs de moyenne opacité serviront seulement à la réalisation de pilier implantaire anatomique (ou pilier hybride). Certaines épaisseurs doivent être respectées afin de garantir le soutien du matériau.

Fig. 9 Les différents blocs troués disponibles

Parmi les autres blocs troués permettant de réaliser des prothèses implanto-portées « chairside » avec le système CEREC, on trouve notamment l’ENAMIC® (Vita), le Telio® CAD (Ivoclar), le CAD-Temp (Vita), le CEREC Zirconia Meso (DentsplySirona) et l’inCoris ZI meso (DentsplySirona).

Le bloc VITA ENAMIC® fait partie de la famille des céramiques infiltrées ou hybrides. Il s’usine plus rapidement que de l’IPS e.max® CAD et ne nécessite pas de cuisson mais un simple polissage mécanique ou par photopolymérisation. Le rendu optique est cependant plus nuancé ce qui limite son rôle à des cas postérieurs. Le Telio® CAD est composé de résine polyméthacrylate réticulée. Il est indiqué pour la fabrication de restaurations provisoires dans le cas de mise en charge immédiate ou pour guider la cicatrisation gingivale. Cette résine composite est très rapide à usiner mais son utilisation reste limitée, de part entre autres son coût, qui est proche d’un bloc de céramique définitive. En Amérique du Nord, une variante existe chez VITA : le CAD-Temp.

Fig. 10 : Synthèse des propriétés mécaniques des différents matériaux

Le bloc CEREC Zirconia meso est composé de céramique à base d'oxyde de zirconium translucide. La principale indication est la réalisation de couronne définitive monobloc collée sur embase titane. Ce matériau peut aussi supporter un cut back de céramique stratifiée par-dessus.

Les PICN (Polymer-infiltrated Ceramic Network), pour leurs plus-faibles valeurs mécaniques, et la zircone, pour sa plus-faible aptitude au collage, ne sont pas complètement recommandés par la littérature internationale. La céramique au disilicate de lithium, collée au TiBase semble être donc la meilleure combinaison possible, tout en étant économiquement comparable aux PICN et avec un cout inférieur aux matériaux zircone. C’est pourquoi, ce sera le matériau de choix de notre protocole.

 

Quel moyen d’assemblage ?

Le matériau recommandé par le fabricant est le Multilink® Hybrid Abutment. Il s’agit d’une colle sans potentiel adhésif autopolymérisable indiquée pour le collage définitif extraoral de piliers hybrides en céramique ou de couronnes monobloc transvissées direct implant. Elle est disponible en deux degrés d’opacité : MO 0 et HO 0 (opacité élevée). La teinte HO, couleur cément, permet d’obtenir le meilleur camouflé de l’aspect grisâtre du TiBase.

Fig. 11 Multilink® Hybrid Abutment High Opacity

Et le décollement dans tout ca ? L’étude de Weyhrauch et coll. (54) a testé 525 couronnes faites de différentes céramiques monolithiques assemblées par plusieurs types de colle sur des embases titanes. Les tests de fatigue se sont soldés par une fracture de la vis ou de l’implant mais sans endommager la prothèse, preuve de la solidité du complexe couronne/TiBase quel que soit le produit de collage utilisé.

 

Étude clinique comparative et protocole temps par temps

 

Critères d’inclusion

Dans le cadre de notre étude comparative, il a été décidé de sélectionner des cas de réhabilitations prothétiques implantaires concernant des restaurations unitaires prémolo-molaires, encastrées ou non. Lors de l’inclusion des patients, la position de l’implant, la hauteur prothétique disponible et l’espace mésio-distal ont été jugés comme compatible avec la réalisation d’une prothèse implanto-portée transvissée par un praticien spécialisé en restauration prothétique supra-implantaire.

Schéma de l’étude clinique

Il a été décidé de réaliser en double les prothèses implanto-portées par un flux de laboratoire conventionnel d’une part et par un flux totalement numérique d’autre part.

Les opérateurs cliniques dans le cadre de l’étude sont des étudiants en diplôme universitaire d’implantologie, donc en cours de spécialisation, et l’auteur de cette thèse, en fin de cursus universitaire. L’évaluation clinique des restaurations est effectuée par des enseignants titulaires de la discipline de réhabilitation orale indépendants de l’étude clinique.

Pour le flux conventionnel, une empreinte en double mélange avec un silicone A light et putty est réalisée en utilisant un porte empreinte ouvert ou fermé. L’antagoniste est pris avec un hydrocolloïde irréversible type alginate, puis coulée immédiatement en plâtre de type III. Le tout est envoyé au laboratoire de prothèse qui travaille avec l’hôpital Bretonneau. Une couronne e.max® transvissée direct implant avec glaçage est demandée en un temps au prothésiste. La prise de teinte (pour cette prothèse réalisée par technique conventionnelle) est réalisée avec un teintier Vitapan 3D Master.

Pour le flux numérique, une empreinte optique est réalisée avec un scanner intra-oral (CEREC Primescan) puis le design est effectué sur un logiciel de conception assistée par ordinateur (CEREC SW 5.1.3). La restauration est alors usinée par un dispositif de fabrication assistée par ordinateur soustractif sous irrigation constante (CEREC MCX). La prise de teinte est réalisée avec un teintier Vita Classical le tout par l’auteur.

 

Évaluation

Afin de pouvoir comparer les différentes couronnes implanto-portées un questionnaire avec six critères a été mis en place. Le critère de jugement principal est le score global : sur 10 pour les implants bone level et sur 8 pour les implants tissue level. Ce score total est donné par les six critères de jugements secondaires ayant chacun leur propre évaluation. Fig. 12

Sur les 9 prothèses implanto-portées, 5 couronnes CFAO ont été posée contre 4 couronnes conventionnelles. Le temps d’empreinte moyen est de 8 minutes par technique CFAO contre 15 minutes par technique conventionnelle. Le temps de réglages est aussi minoré pour les couronnes CFAO : 10 minutes contre 15 minutes en moyenne pour les couronnes externalisées. Enfin, il est important de rappeler que le temps moyen nécessaire à la réalisation de la CFAO est de 75 minutes.

 

Protocole détaillé en temps par temps de la réalisation d’une prothèse implanto-portée unitaire postérieure en IPS e.max® CAD tel qu’elle a été réalisée dans cette étude

En premier lieu, la prise de teinte est réalisée à la lumière du jour en début de séance à l’aide d’un teintier Vita Classical ; la teinte des blocs est référencée par ce même teintier. Une fois cela effectué, il est possible de passer à l’enregistrement des hémi-arcades à l’aide du scanner intra-oral. Avant de procéder à l’enregistrement, le type de restauration est défini sur le logiciel de CFAO (CEREC SW 5.1.3) : il s’agit d’une couronne vissée direct implant. Ensuite le matériau est choisi : IPS e.max® CAD Abutment Meulage. Enfin le TiBase et le Scan Post correspondants à l’implant sont sélectionnés dans la base de données.

Fig. 13

 Fig. 12 : Critères d’évaluation

Fig. 13 : Fenêtre de démarrage


La phase d’enregistrement numérique à l’aide de la caméra (CEREC Primescan, Dentsply-Sirona) a alors lieu en quatre temps. Après dépose de la vis de cicatrisation, une empreinte de l’hémi arcade maxillaire et mandibulaire est prise ainsi qu’une empreinte vestibulaire en position d’OIM.

Fig. 14 Fenêtres d’acquisition

Enfin, le Scan Post et le Scan Body sont mis en place et un second enregistrement a lieu seulement pour permettre l’indexation de l’implant avec les dents adjacentes. Il est utile de rappeler à ce stade que l’indexation du TiBase avec le Scan Body doit être en position vestibulaire. De ces quatre empreintes découle un modèle de travail qui nous amène à la conception.

La première étape de la phase de CAO est de venir pointer la tête du Scan Body qui a une forme pyramidale. Cela permet de donner le positionnement précis de l’implant.

Ensuite la ligne de base, qui va créer le futur profil d’émergence de la prothèse, est définie. Pour un implant « tissue level » la ligne de base est définie par l’émergence du col implantaire, alors que pour un implant « bone level » ce sera à l’utilisateur de définir la ligne de base la plus optimale en jouant sur la compression gingivale. L’axe de la prothèse est aussi défini.

Enfin, le logiciel nous propose une modélisation de la couronne. Par différents outils, similaires à ceux utilisés pour le design des prothèses dento-portées, il est possible de régler le positionnement et l’intensité des surfaces de contact occlusaux et proximaux. Après plusieurs cas cliniques réalisés il est conseillé de placer les surfaces de contact dans le « vert » ce qui correspond à 20 à 40 microns d’intensité. La forme générale de la couronne et du profil d’émergence est aussi réglée dans le « vert ». La conception est une étape pouvant être réalisée en moins d’une dizaine de minutes pour un utilisateur initié. Fig. 15

Une fois la conception achevée et le bloc sélectionné, les informations sont transmises à l’usineuse CEREC MX. L’usinage a lieu par soustraction et dure en moyenne une quinzaine de minutes. Fig. 16

Fig. 15 Étapes de conception d’une couronne implanto-portée

Fig. 16 Bloc IPS e.max® CAD avant et après usinage


À la fin de l’usinage, il est nécessaire de venir retirer l’ergo permettant le lien entre la couronne et la base du bloc. Pour cela, une fraise diamantée à grain fin est utilisée. La couronne est ensuite positionnée sur un support réfractaire (IPS e.max® CAD Crystallization Tray, Ivoclar) avec sa tige de cristallisation (IPS e.max® CAD Crystallization Pin XS) au centre du four. La couronne est stabilisée par la pâte de cuisson réfractaire (IPS Object Fix Putty).

 

Il existe deux possibilités de maquillage.

La plus simple consiste en l’utilisation d’une glasure de céramique sous forme de spray (IPS e.max® CAD Crystall./Glaze Spray). L’autre possibilité est de venir maquiller la céramique au pinceau via différents colorants permettant l’accentuation des détails. Il est essentiel de veiller à ne pas appliquer de glasure ni même de maquillant à la future jonction TiBase/Couronne afin de ne pas avoir des problèmes d’ajustage. Aussi, une couche de glasure trop épaisse ou inhomogène entrainera un défaut de teinte de la future couronne.

Une fois cette étape de maquillage terminée, la couronne sur son support est placée dans le four afin de procéder à la cristallisation finale via le programme Cristallisation e.max®. Il faut compter une trentaine de minutes à ce moment car l’utilisation du programme accéléré dit « speed » n’est pas recommandée par le fabricant dans le cadre de la fabrication des prothèses implanto-portées. À la sortie du four et après refroidissement, la couronne sera passée au bac à ultrasons afin de la débarrasser de tout reste de pâte. Fig. 17 

L’assemblage définitif du TiBase avec la couronne se fait par un protocole spécifique et bien détaillé par le fabricant. Le traitement des différentes surfaces permet un collage optimal en une quinzaine de minutes. Fig. 18 

Fig. 17 Couronne usinée et glazée sur son support métallique avant mise au four

Fig. 18 Couronne cristallisée, TiBase et vis de prothèse

avant assemblage


 

Traitement de surface du TiBase Fig. 19

  • Protection de la connectique implantaire avec l’analogue de l’implant 
  • Sablage à 50 microns pendant 10 secondes 
  • Nettoyage au bac à ultrasons
  • Application d’un primer universel contenant du 10-MDP type Monobond-Plus (Ivoclar) pendant 1 minute

Traitement de surface de la céramique e.max® Fig. 20 (L’intégralité de l’interface de collage est concernée)

  • Mordançage à l’acide fluorhydrique à 5 % pendant 20 secondes
  • Rinçage et séchage abondant
  • Application d’un primer universel contenant du silane type Monobond Plus (Ivoclar) pendant 1 minute

Une fois les deux surfaces préparées l’assemblage peut avoir lieu.

 

Protocole d’assemblage in vitro Fig. 21

  • La vis de fixation permet la solidarisation du TiBase avec son analogue implantaire
  • Positionnement d’une Microbrush dans l’orifice du TiBase afin de faciliter ultérieurement l’élimination des excès de colle
  • Application d’une colle chémopolymérisable sans potentiel adhésif type Multilink® Hybrid Abutment (Ivoclar-Vivadent) sur le TiBase 
  • Insertion de la couronne (à travers la Microbrush) dans la bonne indexation avec le TiBase
  • Application d’une pression ferme entre les deux pièces et désinsertion de la Microbrush
  • Une pince est utilisée afin de maintenir la pression durant les 7 minutes nécessaires à la polymérisation
  • Les excédents périphériques sont retirés après quelques minutes
  • Utilisation d’un gel de glycérine afin de prévenir la formation d’une couche inhibée
  • Rinçage du gel de glycérine
  • Polissage minutieux du joint grâce à des polissoirs en caoutchouc à faible vitesse
  • Nettoyage au bac à ultrasons.

Fig. 19 Traitement de surface du TBase

Fig. 20 Traitement de surface de la céramique

 

Fig. 21 Couronnes CFAO assemblées


Après réglages, s’il y en a, et comparaison des deux couronnes (CFAO et conventionelle), la plus efficiente est torquée en fonction des recommandations du fabricant après une radio de contrôle. Le puit est ensuite protégé par du téflon PTFE puis un composite de moyenne-haute viscosité est mis en place afin d’obturer le puit d’émergence occlusale.

Un suivi avec un rappel à 6 mois a été mis en œuvre. L’ensemble des patients a été revu 15 jours après la pose, afin de réaliser d’éventuelles retouches occlusales

Fig. 22 à 25 Comparaison d’une couronne CFAO (gauche) et conventionnelle (droite) en position 16 sur un implant tissue level Straumann®

 

Retour d’expérience

 

A la suite de notre étude clinique ressortent plusieurs enseignements. Sur certains critères, la technique par CFAO est supérieure à la technique conventionnelle.

  • L’adaptation occlusale et proximale par CFAO était meilleure par rapport à la technique conventionnelle, en réduisant de manière significative les étapes d’ajustement au fauteuil tout en évitant un sous contact occlusal ou proximal. La reproductibilité du résultat est simple à mettre en œuvre à partir du moment où les contacts sont réglés au micron près ce qui ne change pas d’une pièce à l’autre. Cela a été possible malgré l’expérience initialement limitée sur la partie implanto-portée du logiciel de conception assistée par ordinateur. La courbe d’apprentissage est donc rapide pour l’utilisateur.
  • Le design des embrasures est plus reproductible par CFAO et permet d’obtenir plus facilement un nettoyage satisfaisant à l’aide de brossettes inter dentaires par exemple.
  • Le confort pour le patient, non évalué dans le cadre de notre étude, est aussi un atout non négligeable en faveur de l’empreinte optique : cette technique est largement préférée par le patient.

 Cependant, sur les autres critères la technique conventionnelle reste supérieure sans pour autant contre indiquer la pose d’éléments CFAO.

  • Le profil d’émergence des PIP réalisées par CFAO est un des critères perfectibles. L’unicité de choix du TiBase pour la restauration ne permet ni de jouer sur la largeur, ni sur la hauteur de l’embase. L’utilisation d’un TiBase unique, générique, fourni par Dentsply-Sirona pour le système CEREC complique donc l’obtention d’un profil d’émergence anatomique et personnalisé, qui plus est, pour les implants tissue level. Cela s’est vérifié dans notre étude clinique où le nombre de PIP posé, sur implant tissue level seulement, est supérieur grâce à la technique conventionnelle. Pour pallier ce problème, certaines firmes implantaires comme Straumann® commencent à proposer différents TiBase (Variobase) compatibles avec notre logiciel de conception et fabrication assistée par ordinateur permettant de jouer sur le profil d’émergence.
  • De façon attendue, l’intégration esthétique des couronnes monolithiques est globalement inférieure à celles réalisées par techniques conventionnelles, tout en restant acceptable dans le secteur postérieur. Un simple maquillage par un utilisateur expérimenté, qui n’a pas été effectué dans cette étude afin de limiter au maximum le temps de fabrication - intérêt majeur de la CFAO directe -, permettrait d’augmenter significativement le résultat esthétique. De même, on peut imaginer l’utilisation de bloc dégradé non encore disponible pour cette technologie.
  • Enfin, le rendu radiographique qui permet de facto de vérifier le bon positionnement de la couronne, nous permet aussi d’apprécier le profil d’émergence qui va dans le sens d’un profil plus anatomique pour les prothèses direct implant faites en laboratoire. Cependant, la qualité du joint de collage, aussi perceptible radiographiquement, est plus homogène dans le cas des restaurations internalisées.

Discussion

 

La question de l’applicabilité de cette chaine CFAO directe est tout à fait légitime.

À la différence des restaurations dento-portées définitives, qui peuvent être réalisées dans certains cas en moins de quinze minutes, il est difficile de réaliser des prothèses direct implant en moins d’une heure car la FAO demande plus d’étapes de laboratoire et donc plus de rigueur. C’est pourquoi, au sein de l’hôpital Bretonneau (ou tout autre service hospitalier), il est largement imaginable d’envisager une prise d’empreinte le matin pour une pose de l’élément prothétique l’après-midi permettant de réduire les délais conséquents avec les laboratoires extérieurs.

L’installation de cette chaine totalement numérique pour un praticien libéral nécessite une réelle organisation afin d’être mise en place. Cette chaine trouve tout son intérêt dans les réalisations dento-portées mais reste plus limitée pour la réalisation des restaurations implanto-portée à cause de son temps de FAO rallongé. De plus, avec le système CEREC, le coût « consommable » est bien supérieur dans la fabrication de prothèses implanto-portées que dans le cas de prothèses dento-portées, limitant donc sa rentabilité. Ainsi, une utilisation ponctuelle, pour rendre service à un patient ou dans les cas les plus favorables peut être envisagée dans les cabinets libéraux.

Enfin, il n’y a donc pas de différence significative qui contre indiquerait l’utilisation de la CFAO directe pour la réalisation de prothèse implanto-portée unitaire postérieure monolithique. La technique par CFAO directe est donc une alternative crédible à la technique conventionnelle pour une réhabilitation prothétique implanto-portée transvissée direct implant unitaire postérieure.

 

Conclusion

 

Tout au long de cette thèse, il a été montré que l’essor de nouvelles technologies tel que l’empreinte optique et l’usinage permettent au chirurgien-dentiste d’accéder à la CFAO directe aussi bien dans le milieu hospitalier que dans un cabinet dentaire équipé de cette technologie. L’application aux couronnes implanto-portées transvissées direct implant est tout à fait envisageable dans le cadre de la réhabilitation d’un édentement unitaire postérieur.

Les résultats obtenus lors de notre étude clinique montrent bien que la réalisation CFAO d’une PIP est comparable à une réalisation conventionnelle. Cependant, le protocole de FAO est assez strict et fastidieux, comparé à celui d’une réalisation dento-portée. C’est pourquoi, seule la présence d’une personne formée, idéalement non-soignante sur site permettrait au patient de repartir avec sa couronne en un seul et même rendez-vous après la prise d’empreinte.

A défaut de CFAO directe, la systématisation des empreintes optiques pour des cas de réhabilitation prothétique implanto-portée transvissée direct implant unitaire postérieure semble être un entre-deux évident.

 

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