La sécurisation canalaire :définition et étapes cliniques

Dossier La Bioteam Lyon fait son numéro !

AO News #52 - Septembre 2022

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Introduction

Le traitement endodontique initial (= pulpectomie) est défini par la HAS comme tel : le traitement endodontique a pour objectif de traiter les maladies de la pulpe et du périapex et ainsi de transformer une dent pathologique en une entité saine, asymptomatique et fonctionnelle sur l’arcade.

Par quels moyens ?

- Divers types d’instruments (fraises et inserts) pour créer un accès direct aux canaux radiculaires : une cavité d’accès

- Limes (manuelles et mécaniques) et irrigants afin de désinfecter les canaux mécaniquement et chimiquement

- Divers matériaux d’obturation canalaire afin de sceller les canaux nettoyés précédemment

Afin d’augmenter le taux de succès d’un traitement endodontique, il faut traiter les canaux dans leur intégralité, c’est-à-dire se rapprocher de l’apex radiculaire (1).

Nous allons détailler quelques étapes cliniques de la préparation canalaire lors d’un traitement endodontique initial.

 

Négociation initiale canalaire

 

Supposons que nous avons réalisé une cavité d’accès idéale (2) : toutes les contraintes coronaires sont levées, à savoir les fameux triangles dentinaires, et tous les canaux sont localisés y compris le MV2. Maintenant, une bonne partie du travail est faite - oui car une bonne cavité d’accès est déterminante pour le reste du traitement – la course continue pour atteindre la ligne d’arrivée : l’apex (Fig. 1).

Nos épées à la main, nous partons négocier les canaux. Pour ce faire, les limes K manuelles de diamètre 08/100e mm ou 10/100e mm sont les plus utilisées. C’est une étape cruciale car une pression trop importante peut engendrer une butée et compliquer la progression dans le canal.

Souvent, nous tentons d’atteindre l’apex immédiatement lors de la négociation initiale. Dans les canaux larges (par exemple, les mono-radiculés maxillaires, canal palatin de molaire maxillaire ou canal distal de molaire mandibulaire) nous arrivons en général à l’apex sans grande difficulté. En revanche, dans les canaux étroits (canaux vestibulaires de molaire maxillaire, canaux mésiaux de molaire mandibulaire, canaux calcifiés), il est difficile d’amener directement les limes de négociations à l’apex sans forcer. Cela peut engendrer soit une fracture de l’instrument soit une perforation radiculaire.

 

Sécurisation canalaire

 

Anecdote

Récemment, j’ai eu l’occasion de visiter un musée de la mine. J’ai remarqué que les mineurs sécurisaient leur chemin par la technique de soutènment au fur et à mesure de leur excavation. Cela leur permettait de garantir leur sécurité et d’aller plus loin dans l’exploitation.

Cette procédure peut tout à fait être reprise en endodontie.

Revenons à notre mouton. Etant des praticiens impliqués, nous souhations réaliser un traitement endodontique jusqu’à l’apex. Sauf que nous rencontrons une difficulté à progresser dans ce canal. Une des raisons principales pour laquelle nous bloquons lors d’un traitement initial est située au niveau coronaire du canal (puisqu’en général le diamètre des foramens apicaux est supérieur à 10/100e mm (3)). La lime manuelle K présentant une conicité de 2%, au fur et à mesure que l’on progresse dans le canal, le diamètre de la lime devient supérieur à celui du canal dans la portion coronaire. Donc ce qui nous empêche d’avancer n’est pas la portion apicale étroite mais bien le tiers coronaire du canal. De plus, un canal est conique dans sa globalité, mais l’augmentation du diamètre ne se fait pas de façon homothétique.

Nous allons appeler « LTi » la longueur du travail à laquelle nous bloquons. Par définition, à la LTi, nous n’avons pas atteint l’apex.

Par conséquent, nous devons sécuriser les passages trouvés lors de la négociation initiale. Cette étape, nommée pré-élargissement, est différente de celle de la mise en forme canalaire à proprement parler. Nous mettons en forme un canal uniquement lorsque nous l’avons sécurisé. Nous tenons à préciser qu’à ce stade l’apex n’est pas encore atteint.

Les étapes suivantes consistent à pré-élargir le canal progressivement en passant par des limes manuelles de 15/100e ou des limes de cathéterismes mécaniques dont le diamètre et la conicité varient (instruments en séquence ou intrument unique). Ainsi, nous avons créé une trajectoire qui permet aux limes mécaniques de préparer sans risque de déviation. Lors du pré-élargissement, il faut être vigilant à ne pas dépasser la LTi car nous risquons de créer une butée en travaillant la partie non négociée.

Nous devons renforcer la sécurisation à ce stade de l’intervention : passage d’une lime mécanique de préparation (20/100e ou 25/100e) jusqu’à la LTi. Deux conséquences principales de la multi-sécurisation canalaire (4) :

la partie coronaire du canal est mise en forme en respectant la trajectoire initiale : moins de débris organiques/inorganiques susceptibles d’aller au péri-apex,

les contraintes mécaniques sont levées en amont de la LTi (5) : à la fois en élargissant la partie coronaire et en redressant l’axe du canal.

Dans la majorité des cas, nous pouvons à ce stade atteindre l’apex avec des limes de négociations.

Enfin, il ne reste plus qu’à recommencer les mêmes étapes cliniques ci-dessus afin de finir la mise en forme canalaire dans son intégralité.

 

Conclusion

 

L’évolution rapide en technologie dentaire a permis à de nombreuses entreprises de développer d’innombrables instruments en endodontie. Chacun prétendant avoir une solution miraculeuse face à cette discipline souvent dépréciée par les dentistes. Or, nous savons en tant que clinicien qu’il n’existe aucun produit permettant à lui seul de solutionner nos problèmes.

Ce que nous pouvons valider aujourd’hui, c’est qu’il existe des instruments très performants et que chaque utilisation doit être rationalisée. Nous devons nous assurer d’appliquer le bon protocole à chacun de nos actes médicaux. Un protocole qui ne correspond pas forcémment à celui mis en avant par le fabricant (6).

C’est pour cela que nous avons voulu partager un protocole applicable dans la majorité des cas, quel que soit l’instrument choisi par le praticien. Ces manipulations peuvent être perçues comme chronophages mais il n’en est rien comparé au temps passé dans la gestion d’une butée ou, pire, d’un faux canal.

Bibliographie

1. Ng Y-L, Mann V, Rahbaran S, Lewsey J, Gulabivala K. Outcome of primary root canal treatment: systematic review of the literature - part 1. Effects of study characteristics on probability of success. Int Endod J. déc 2007;40(12):921‑39.

2. James L. Gutmann, Bing Fan. Tooth morphology and pulpal access cavities. In: Cohen’s Pathways of the Pulp. 12e éd. Elsevier; 2020. p. 192‑235.

3. Marroquín BB, El-Sayed MAA, Willershausen-Zönnchen B. Morphology of the Physiological Foramen: I. Maxillary and Mandibular Molars. J Endod. 1 mai 2004;30(5):321‑8.

4. Plotino G, Nagendrababu V, Bukiet F, Grande NM, Veettil SK, De-Deus G, et al. Influence of Negotiation, Glide Path, and Preflaring Procedures on Root Canal Shaping-Terminology, Basic Concepts, and a Systematic Review. J Endod. juin 2020;46(6):707‑29

5. Maniglia-Ferreira C, de Almeida Gomes F, Ximenes T, Neto MAT, Arruda TE, Ribamar GG, et al. Influence of reuse and cervical preflaring on the fracture strength of reciprocating instruments. Eur J Dent. mars 2017;11(1):41‑7

6. Ehrhardt IC, Zuolo ML, Cunha RS, De Martin AS, Kherlakian D, Carvalho MCC de, et al. Assessment of the separation incidence of mtwo files used with preflaring: prospective clinical study. J Endod. août 2012;38(8):1078‑81