Boîte noire

Réalisation Yann GOZIAN

Sortie 8 Septembre 2021

Il est bien moins probable d’avoir un accident en avion qu’en voiture. Mais lorsqu’un avion se crashe, il est indispensable de retracer les faits : on recourt donc à la boite noire. Désignation inquiétante et mystérieuse, c’est cette petite chose ténébreuse qui, parmi l’immense équipement de l’avion, rétablit la vérité. Une boite qui à la manière des poupées russes contient en son sein une carte de lecture d’enregistrement des discussions dans le cockpit. Pour la décrypter et décortiquer un à un les sons et paroles, on recourt aux acousticiens spécialistes dans l’analyse des boîtes noires. C’est le cas de Mathieu Vasseur, incarné par Pierre Niney. Il doit alors enquêter sur les causes du crash d’un vol Dubaï - Paris, le but étant de rechercher la vérité et de trouver les responsables afin de rendre justice aux familles des passagers défunts.

Se met en place alors une réelle intrigue.

La réalisation est dans son ensemble très réussie. Il y a néanmoins un peu trop de longueurs la première demi-heure et on souhaiterait rentrer un peu plus tôt dans le vif du sujet ! Le choix des couleurs épouse parfaitement l’esprit du film : des couleurs froides, avec souvent un temps orageux et pluvieux, rarement ensoleillé, venant accentuer l’atmosphère pesante qui règne tout le long.

Deux plans remarquables retiennent mon attention. Le premier met en scène Mathieu qui pour la première fois écoute l’enregistrement de la boite noire. Il prépare méticuleusement son carnet de notes, absolument réactif à ce qu’il entend, véhément. Le second dans un lac, où la caméra bascule dans l’eau et on tombe avec elle.

La musique saccadée aux assonances angoissantes rythme les séquences et accélère notre propre stress. Au-delà de la musique on entend forcément des bruits, des sons dans le cadre de l’analyse de la boite noire. Si je devais donner une seule raison d’aller voir ce film au cinéma c’est bien celle-ci : entendre ces bruits qui résonnent extraordinairement en salle de cinéma. Alors comme Mathieu on écoute, on analyse, on décrypte, on ressent. On est à sa place l’espace de quelques instants. On est dérangés, mais fascinés.

Il y a de nombreux gros plans sur Pierre Niney. Ils mettent en lumière son excellent jeu, traduisant la paranoïa de son personnage. Un regard fuyant les gens en société, un regard vide dans ses moments de doute, un regard plein de fougue dans ses moments de certitude. Il nous propose une très belle performance. Il nous touche davantage par son attitude nerveuse permanente, ressentie par son expression faciale et corporelle, que par de belles répliques. Ces dernières sont simples, avec nécessairement un vocabulaire technique, mais bien écrites.

Lou de Laâge incarne Noémie, la femme de Mathieu au jeu efficace mais peu exceptionnel, aux intonations qui sonnent par moment fausses. Mathieu et Noémie travaillent dans le même domaine. Elle fait partie des comités qui donnent la validation aux avions d’être commercialisés. Nécessairement, relations personnelles et professionnelles ne font pas toujours bon ménage. On est confrontés à de délicates situations auxquelles Mathieu fait face : la vérité absolue, qui n’est peut-être pas atteignable, doit-elle être recherchée au détriment de leur amour et de leur confiance mutuelle ? Arrive un point où l’on s’interroge même sur les réelles motivations de Mathieu. Est-ce vraiment pour rendre justice aux familles alors qu’à leurs contacts il ne semble pas éprouver grande humanité ? Recherche-t-il la vérité ou la volonté obsessionnelle d’avoir raison ? Ses erreurs dans des affaires passées et ses changements de versions sur l’affaire actuelle sèment le doute, le tout saupoudré d’un homme clairement névrosé qui parfois laisse court à son imagination. Comment lui donner crédit ?

Pierre Niney a su rendre l’histoire d’un homme au métier intriguant et peu connu, absolument captivante. Comme dans tous ses films il se veut au plus proche de ses personnages. Il a même dit dans une interview qu’il avait complètement sous-estimée la capacité de ce tournage à l’épuiser nerveusement, comme en témoigne l’intensité de ce film.