Anatomie des maxillaires

Dossier spécial Voyage en terre méconnue... l'os - AON #17 - Avril 2018

Philippe Blois, Thierry Gorce, Marie-Hélène Laujac

Gevrey Chambertin        Trilport,                Saint Maur des Fossés

Télécharger
Anatomie des maxillaires
art Gorce.pdf
Document Adobe Acrobat 715.6 KB


Rappel embryologique

 

La tête et le cou se forment à partir des arcs branchiaux à la 4ème, 5ème semaine du développement embryonnaire. Les cellules des crêtes neurales migrent en direction ventrale vers les arcs branchiaux et en direction crâniale vers la face.

A la fin de la 4ème semaine, l’ébauche de la face se centre sur le stomodeum, bordé latéralement par le 1er arc branchial.

A la 5ème semaine, on remarque 5 bourrelets mésenchymateux :

  • 2 bourgeons mandibulaires (1er ab) en arrière du stomodeum,
  • 2 bourgeons maxillaires (portion dorsale du 1er ab), latéralement,
  • 1 bourgeon frontal en avant.

Chaque arc branchial dispose de son propre contingent musculaire, nerveux et artériel.

 

Le 1er AB ou arc mandibulaire est constitué de 2 zones :

  • une partie dorsale courte qui formera le maxillaire,
  • une partie ventrale plus importante, le processus mandibulaire ou cartilage de meckel, destiné à disparaître.

 

Le maxillaire se forme par ossification membraneuse. La mandibule se forme aussi par ossification membraneuse mais à partir du mésoblaste entourant le cartilage de meckel, ce qui lui confère une structure osseuse plus dense.

 

LE MAXILLAIRE

 

Le support osseux et son environnement

 

Le maxillaire est l’os le plus volumineux du massif facial. La présence du sinus maxillaire en fait aussi le plus léger.

 

La région prémolo- molaire

Cette région est constituée :

  • en arrière par la tubérosité du maxillaire qui s’articule avec le processus pyramidal de l’os palatin et le processus ptérygoïde du sphénoïde. La tubérosité se trouve au contact de la fosse infra-temporale qui contient notamment le corps adipeux de la joue. La partie postéro inférieure de la tubérosité est une des zones d’insertion des fibres tendineuses des muscles ptérygoïdiens latéral et médial. Le muscle buccinateur et son aponévrose s’insèrent en regard des molaires et constitue l’armature du vestibule ;
  • la face médiale est représentée par le palais dur ;
  • la face inférieure est constituée du processus alvéolaire des molaires et prémolaires ;
  • la limite antérieure est la région de la bosse canine ;
  • la face supérieure est en partie en relation avec le sinus maxillaire.

Le sinus maxillaire occupe une grande partie du volume osseux, il peut présenter une grande variabilité volumétrique d’un sujet à l’autre, en émettant des extensions dans les 3 plans de l’espace. Des cloisons de refends peuvent modifier le relief du plancher sinusien.

Les éléments anatomiques importants sont :

- le foramen grand palatin ; il se situe 2mm en avant de la limite palais dur et palais mou.il livre passage au pédicule vasculo-nerveux homonyme ;

- les foramens palatins accessoires se situent en arrière du foramen grand palatin ;(Fig.1)

- la face postérieure de la tubérosité est en relation dans sa partie haute avec les pédicules alvéolaires postéro-supérieurs (Fig.2). Ils se divisent en 2 contingents. Une branche pénètre la tubérosité pour participer à la vascularisation et l’innervation des dents, des processus alvéolaires et du sinus. Dans le sinus l’artère prend le nom d’artère alvéolo-antrale. La deuxième branche du pédicule alvéolaire postéro-supérieur reste externe et poursuit son trajet en bas et en avant le long de la tubérosité pour se distribuer au vestibule jugal. (Fig.3)

 

Dans cette région postérieure du maxillaire les risques chirurgicaux sont essentiellement vasculaires :

  • il est possible de léser les artères alvéolaires supéro-postérieures, soit lors de l’analgésie tubérositaire haute, en recherchant le contact osseux avec la pointe de l’aiguille, soit en pratiquant une incision de décharge trop haute ;
  • l’artère palatine descendante peut être lésée lors d’un prélèvement épithélio-conjonctif en chirurgie muco-gingivale si celui-ci est trop postérieur ;
  • l’artère alvéolo-antrale chemine sur la face latérale du sinus, elle constitue un risque hémorragique modéré en chirurgie pré-implantaire lors de la réalisation du volet osseux pour les comblements sinusiens (Fig. 4)
  • la fracture de la tubérosité lors de l’avulsion d’une dent de sagesse ankylosée peut provoquer un saignement important qui nécessite la fermeture par points de sutures

Parmi les autres risques chirurgicaux de moindre gravité, il faut citer :

  • la mise en évidence du corps adipeux de la joue lors de l’incision de décharge vestibulaire en ’épaisseur partielle. Il suffit de refouler la masse graisseuse dans le lambeau pour continuer la chirurgie ;
  • la projection de la dent de sagesse maxillaire dans la fosse infra-temporale lors d’une avulsion mal conduite ;
  • la projection d’une racine ou d’un implant dans le sinus.

Ces deux derniers incidents nécessitent une intervention spécifique après un examen complémentaire de la situation.

 

La région incisivo-canine

La face latérale de la région incisivo-canine est concave et représentée par la fosse canine. Son élément le plus remarquable est le pédicule infra-orbitaire. Elle donne insertion au-dessus du foramen infra-orbitaire au muscle releveur de la lèvre supérieure et de l’aile du nez.

En dessous du foramen se trouve l’insertion du muscle releveur de l’angle oral.

Au niveau des racines des incisives s’insère le muscle abaisseur du septum nasal.

La région palatine antérieure livre passage au pédicule naso-palatin qui émerge au foramen incisif, situé en arrière des incisives centrales. Cette région est encadrée latéralement par le bord antérieur du sinus et médialement par les cavités nasales.

Ces 2 cavités, lorsqu’elles sont très développées réduisent fortement l’épaisseur du volume osseux en regard de la canine (« la poutre canine »).

Les risques anatomiques de la région incisivo-canine sont mineurs :

  • le décollement en chirurgie palatine met systématiquement en évidence le pédicule naso-palatin. Il peut être sectionné sans conséquence pour la chirurgie et pour le patient, son territoire de vascularisation et d’innervation étant limité à la papille rétro-incisive ;
  • le muscle abaisseur du septum nasal est douloureux à l’infiltration lors d’une analgésie para-apicale des incisives, mais son décollement en chirurgie n’est pas source de complications majeures.

 

LA MANDIBULE

 

Croissance

Chez le nouveau-né le processus coronaire existe mais le condyle mandibulaire est bas situé (au niveau du rebord alvéolaire). La croissance se fait dans 3 directions :

  • la branche mandibulaire se déplace vers l'arrière formant la région molaire ;
  • les condyles s'écartent transversalement ;
  • verticalement la croissance se fait au niveau alvéolaire et au niveau de la branche mandibulaire.

Situation-rapports

Cet os est médian, impair et symétrique. C’est le seul os mobile du massif facial.

Il s'articule par son processus condylien avec l'os temporal pour former l'articulation temporo-mandibulaire. Il comprend un corps horizontal et de part et d'autre une branche verticale.

Le corps mandibulaire

 

Le corps mandibulaire, de forme parallélépipèdique, comprend une face externe (ou vestibulaire) avec en son centre l'éminence mentonnière. De chaque côté, le muscle mentonnier s'insère dans une concavité.

 

Dans la région prémolaire, le foramen mentonnier a une influence clinique importante selon sa forme. Un foramen rond signale une boucle antérieure du pédicule alvéolaire inférieure avant son émergence. Lorsque le foramen est ovale il n’existe pas de boucle antérieure du pédicule.

 

Sous le foramen s'insèrent les muscles abaisseurs de la lèvre inférieure et abaisseur de l'angle oral. (Fig. 5)

 

Dans la région molaire s'insère oblique en bas et en avant le muscle buccinateur. A ce niveau, l'artère faciale dans son trajet vers le haut et l'avant n’est séparée du vestibule que par la faible épaisseur du buccinateur, sur lequel elle repose. (Fig. 6)

 

La face interne (ou linguale) du corps présente dans le secteur incisivo-canin sur la ligne médiane les épines mentonnières supérieures et inférieures. Elles donnent respectivement insertion aux muscles génio-glosse et génio-hyoïdien.

 

Elle présente dans le secteur prémolo-molaire l‘insertion du muscle mylo-hyoidien sur une crête oblique orientée en bas et en avant. Au niveau de la 3ème molaire, la face linguale est en relation avec le passage du nerf lingual (Fig. 7)

 

Cette face, en regard des incisives et canines, est perforée de petits foramina recevant les rameaux terminaux de l'artère sub-linguale. (Fig. 8)

 

La morphologie du bord alvéolaire (ou supérieur) évolue toute la vie en relation avec les éruptions dentaires, avulsions et la résorption osseuse post-extractionnelle et physiologique. Le bord basilaire (ou inférieur) large, mousse, donne insertion dans la région parasymphysaire aux ventres antérieurs du muscle digastrique.

 

C’est à l’aplomb de la canine que l’artère submentale, collatérale de l’artère faciale, contourne le bord basilaire. (Fig. 9)


 

La branche et ses processus

La branche est de forme quadrilatère orientée vers l'arrière et le haut. Elle se termine en haut et en avant par le processus coronoïde, en arrière par le processus condylaire.

Elle présente une face latérale divisée en 2 par une crête oblique de haut en bas et d'arrière en avant. A ce niveau s’insère la portion temporale du muscle temporal, puis plus en arrière les différentes couches du masséter.

 

Sur la face médiale se situe le foramen mandibulaire dans lequel pénètre le pédicule alvéolaire inférieur. Celui-ci traverse le corps mandibulaire, oblique en bas, en avant et en dehors jusqu’au foramen mentonnier. Cette face médiale est marquée verticalement par la crête temporale qui donne insertion à la portion orbitaire du muscle temporal.

 

Le muscle ptérygoidien médial s’insère sur la moitié inférieure de cette face. Sur le processus condylaire s'insère le muscle ptérygoïdien latéral. La partie supérieure du processus condylaire participe par le biais d’insertions musculaires et tendineuses à l'articulation temporo-mandibulaire.

 

La morphologie interne

La mandibule est parcourue par le canal mandibulaire et par des canaux accessoires. Le canal mandibulaire s'étend, d’arrière en avant et dedans en dehors, du foramen mandibulaire au foramen mentonnier. Au-delà, il constitue le canal incisif beaucoup plus grêle.

Le pédicule alvéolaire inférieur circule dans un os essentiellement spongieux. La notion de corticale péricanalaire est purement théorique et constitue un artefact de l’imagerie sectionnelle. (Fig. 10) L’étude de carter et keen montre les différents types de trajet et la distribution du pédicule alvéolaire inférieur. (Fig.11).

 

 

 

 

 

Les risques chirurgicaux

 

 Les risques chirurgicaux à la mandibule pour l’essentiel sont vasculaires et nerveux. Ce sont :

  • la lésion du pédicule alvéolaire inférieur dans les chirurgies implantaires et d’avulsions des dents de sagesse. L’imagerie sectionnelle nous renseigne sur le trajet précis du pédicule ;
  • rappelons que selon la morphologie du foramen mentonnier, le trajet nerveux est différent. Quand le foramen est rond il existe une boucle antérieure du pédicule dont il faut tenir compte. A l’inverse quand le foramen est ovale il n’existe pas de boucle antérieure. Il est préférable d’éviter les incisions de décharge verticale à l’aplomb du foramen mentonnier pour éviter la section des filets nerveux du nerf mentonnier ;
  • la position du nerf lingual en regard de la dent de sagesse nécessite une attention particulière ;
  • l’artère faciale peut être lésée lors d’une incision verticale d’épaisseur partielle en regard de la 1ère molaire ;
  • dans la région incisivo-canine l’artère submentale vient au contact du bord basilaire. A ce niveau, l’artère sublinguale est au contact de la corticale linguale. Toute effraction corticale en implantologie, représente un danger vasculaire potentiellement grave. En cas de lésion d’une de ces artères la constitution progressive d’un hématome peut mettre en jeu la vie du patient.

Conclusion

 

La maîtrise de l’anatomie est indispensable pour aborder la pratique de la chirurgie buccale. Les risques anatomiques, s’ils sont connus et bien identifiés, permettent au chirurgien-dentiste de pratiquer des actes chirurgicaux en toute sérénité et sans stress.

Les moyens actuels d’imagerie, tels que le cone-beam, les reconstitutions 3d, sont une aide précieuse à la bonne compréhension des zones à risque, mais ne dispensent pas de la connaissance anatomique.


Bibliographie

- Embryologie humaine, Sadler Tw, Langman J., Trad. Pagès R, Belaïsch G. Ed. Pradel 8e édition, 2006

- Atlas d’anatomie prométhée, Tomes 2 et 3, Schünke M, Schulte E, Schumacher U., Trad. Chevallier Jm, Douard R. Ed. Maloine, 2007

- Anatomie tête et cou en odonto-stomatologie Baker E.W. Trad. Bourjat P. Ed. Médecine Sciences Flammarion, 2012

- Atlas d’anatomie clinique de la face, Radlanski R., Wesker K.H. Trad. Gaudy Jf. Ed. Quintessence International, 2016

- Précis d’anatomie clinique de la tête et du cou, Norton Ns., Trad. Duparc F., Ed. Elsevier Masson, 2009

- Atlas humaine t.1 tête et cou, Rouvière H, Delmas A., Delmas V., Ed. Elsevier Masson, 15e Ed. 2002

- Anatomie orl, Bonfils P, Chevallier Jm. Ed. Médecine sciences flammarion, 1998

- Gestes implantaires, Bravetti P. Ed. Edp sciences, 2012

-Techniques analgésiques cranio-cervico-faciales, Gaudy Jf, Arreto Cd, Donnadieu S., Ed. Elsevier masson, 1990

- Anatomie clinique, Gaudy Jf., Ed. Cdp, 2003

- Atlas d’anatomie implantaire, Gaudy Jf., Ed. Elsevier masson, 2006

- Anatomie clinique et chirurgicale des tissus superficiels de la tête et du cou, Gaudy Jf, Vacher C.,Ed. Elsevier masson, 2010

 

 

Retour à l'accueilRetour aux Articles scientifiques