L’hypnose médicale : une constante improvisation organisée

Dossier spécial L'hypnose, un jeu d'enfants

AONews #21 - Octobre 2018


Au détour de deux cas cliniques, nous allons proposer une combinaison de plusieurs stratégies hypnotiques. Tout d’abord pour Valentin, 3 ans, qui n’a jamais pu se faire soigner chez le dentiste pour raisons comportementales, et dont la mère rapportait une peur généralisée (bruit, lumière…) et sourde à tout réconfort. Ensuite, nous parlerons de Lisa, 11 ans, qu’un de nos collègues suivait en cabinet sans problème et qui, un jour, a refusé catégoriquement de se faire soigner, se débattant, pleurant, et ce malgré trois tentatives infructueuses.

 

Cas cliniques et analyse

Valentin, 3 ans

 

Valentin, 3 ans, est venu nous voir en consultation avec sa maman après beaucoup d’essais sans résultat en cabinets de ville, à cause d’un comportement non coopérant majeur (cris, pleurs, agitation…). Il arriva donc la première séance en pleurs déjà dans la salle d’attente, puis dans le couloir, et refusa de monter sur le fauteuil. Rien qu’en l’observant rapidement, nous nous sommes aperçus qu’il présentait des caries précoces de l’enfance. Nous avons essayé d’instaurer un dialogue afin de comprendre cette attitude. La maman était dépassée, n’en pouvait plus, et s’est mise à pleurer tout à coup, pouvant à peine parler ; elle finit par sortir de la salle de soins, attitude que nous avons encouragée (il était difficile pour nous de gérer en même temps un enfant ET un parent qui pleuraient). Ayant la chance d’être plusieurs praticiens pour cette consultation de soins spécifiques, nous avons décidé alors de nous séparer : l’un irait rassurer la mère dehors, tandis que les deux autres s’occuperaient de l’enfant. Du côté de l’enfant, nous nous sommes abaissés pour nous mettre à sa hauteur, et nous lui avons demandé son âge en montrant sur les doigts : Valentin a détourné la tête et a refusé de nous répondre. Puis, une suggestion avec choix illusoire a été utilisée, après lui avoir présenté le fauteuil comme un cheval électronique (nous nous étions renseignés en amont sur les centres d’intérêt de l’enfant, et il adorait le cheval) : « tu montes tout seul ou je t’aide ? » : « tout seul » a-t-il fini par répondre avec des larmes ; mais la communication était établie. Nous avons procédé par une démythification classique, comme décrite dans les chapitres précédents (nous avons compté, montré sur la main…), entrecoupée de pleurs et d’interruptions (détournement de la tête, mains sur la bouche) : nous pouvons dire que cette première séance n’a pas été un succès, malgré toutes les stratégies tentées pour essayer d’établir un lien.

Dès qu’il pleurait ou hurlait, nous lui répétions en boucle la même phrase (saturation) : nous attendions de retrouver le calme pour qu’il puisse retrouver maman. Nous avons adopté de plus des techniques relationnelles avec une voix posée, la plus basse possible, en accord avec une attitude calme, bienveillante, et en se positionnant en face de lui (Fig. 1). L’environnement autour de lui était aussi en accord avec le reste (calme, pas de bruit). Pendant ses crises, nous lui donnions un rôle : il participait à ce qu’il se passait, puisque c’est lui qui devait nous donner le feu vert dès qu’il était prêt : « dès que tu es calme et que tu es prêt, tu me le dis et on va retrouver maman ». Mais notre attitude restait ferme, nous tenions notre position : « non non, tant que tu continues à pleurer et à te faire tousser, on reste là. Je sais que tu cherches à te faire vomir, mais avec moi ça ne marche pas Valentin. J’attends que tu te calmes, que tu respires bien tranquillement, comme tu as fait tout à l’heure. Je sais que tu peux le faire, tu l’as déjà fait ». Nous avons cherché en outre une communication en lui posant des questions, cherchant à ce qu’il nous réponde : « ça va mieux Valentin ? Ça y est ? Tu es calmé ?». Nous l’avons aidé en lui proposant de se relaxer avec une respiration profonde avec le nez (« tu sais faire, comme tout à l’heure, tu y arrivais très bien… »), précédée d’un verre d’eau. Dès qu’il faisait l’action demandée (respirer, se calmer, boire de l’eau), nous le félicitions (« super Valentin, bravo, c’est très bien »). A contrario, dès qu’il recommençait à pleurer, nous nous empressions d’ajouter, avec une voix décidée et un ton un peu plus élevé : « non non non, tu continues à bien respirer avec ton nez, tout de suite », pour ne pas le laisser repartir dans les pleurs à nouveau. Quant à la mère, elle a pleuré à l’extérieur durant toute la séance. Un praticien l’a accompagnée et est resté avec elle tout au long de la consultation pour lui parler et la rassurer, en lui expliquant ce qu’il se passait, lui montrer les progrès de son enfant. A la fin, elle est rentrée, lorsque Valentin était complètement calmé, selon notre pacte passé avec lui. Toujours respecter ce qu’on l’on a dit à l’enfant est primordial : nous lui avions promis que maman rentrerait dès qu’il se calmait, nous nous y sommes tenus. Mais cela marche aussi dans l’autre sens : nous n’avons pas cédé à ses pleurs et au fait qu’il voulait se faire vomir, et tant qu’il faisait cela, maman ne rentrait pas. Une fois tout le monde calmé, nous avons expliqué à la mère que nous allions tout mettre en œuvre les prochaines fois pour que les nombreux soins se passent bien, dont le MEOPA, en lui expliquant comment cela allait se passer. Puis nous avons reparlé à Valentin avant qu’il ne quitte la salle de soins, en nous mettant à son niveau : « la prochaine fois, je veux que ça se passe comme ça s’est passé aujourd’hui à la fin, très bien. Tu sais faire, tu sais être sage, tu connais tout maintenant. Oui Valentin ? … [oui]. Donc ça se passera très bien si tu nous écoutes et que tu fais tout ce qu’on te dit. Tu sais que je t’explique tout, et surtout que je fais toujours ce que je dis. »

 

Lors de la deuxième séance, l’arrivée dans la salle a été d’une toute autre tonalité : certes, il ne souriait pas et avait le visage un peu fermé, mais il est monté sur le fauteuil sans que nous n’ayons à lui dire quelque chose, et sans pleurer. La maman est restée cette fois-ci avec nous, tout en rappelant le pacte à Valentin (« maman reste si tu es sage et que tu nous écoutes. Si tu n’es pas sage et que tu ne nous écoutes pas, maman sort »). Nous avons rappelé à Valentin ce qu’il nous avait promis la semaine précédente, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, il devait tout faire bien tout de suite, qu’il connaissait tout. Il a répondu par l’affirmative avec la tête : nette amélioration ! Puis, nous lui avons présenté le masque du MEOPA ainsi que le rôle important qu’il allait devoir jouer : « tu vas respirer tranquillement dans le masque, et grâce à toi, le ballon va pouvoir bien gonfler ! C’est un ballon magique qui donne beaucoup de force, tu vas voir… » Nous le lui avons fait manipuler, puis mettre sur le visage ; à ce moment précis, il s’est mis à le repousser violemment : la peur était revenue. Nous avons repris tout de suite avant qu’il ne s’installe dans les pleurs : « on met le masque sur maman Valentin, regarde… Alors maman, comment c’est le masque magique ? ça donne de la force ? ça sent bon ? [Apprentissage par modèle vivant, implication des parents qui rentrent dans le jeu, confirment tous nos dires et en rajoutent même dans notre sens]. Maintenant on essaie sur la main de Valentin, puis sur le front… Tu vois comme c’est facile ? [Attente de sa confirmation] ». Une fois cette péripétie passée, il a accepté complètement le masque, sur le nez et la bouche.

Nous avons alors commencé l’induction : nous avons fait se focaliser Valentin sur le ballon par des suggestions directes, sur les fourmis qu’il pouvait ou non ressentir (suggestion indirecte), le tout accompagné d’un saupoudrage de termes positifs (« c’est très bien Valentin ») et de gestes calmes et rassurants (caresses…). Valentin a fermé les yeux, il a décidé lui-même « d’aller ailleurs ». Nous avons observé notre patient, et nous lui avons proposé une hypnose adaptée (ici, la dissociation) : nous lui avons alors proposé d’aller dans un western avec des chevaux, ce qui deviendrait par la suite son aire de sécurité à laquelle nous nous référerions à chaque soin (Fig. 2). Valentin étant très réceptif, nous l’avons beaucoup sollicité par nos suggestions : « tu vois le cheval comme il est beau ? Il est tout blanc… Ou peut-être avec quelques tâches marron… Regarde comme il est doux… Tu peux le caresser ? … Oui comme ça… Très bien… ». Valentin caressait son cheval avec sa main en l’air, avec des tout petits mouvements, parfois imperceptibles : le processus de dissociation était bien ancré. Notre attitude était calme, sereine, en cohérence avec notre voix et ce que nous voulions induire comme état. Au moment du soin, nous avons associé avec des métaphores ce qu’il pouvait ressentir en rapport avec l’univers dans lequel il était plongé : l’anesthésie de contact était la confiture que Valentin donnait à manger au cheval, l’injection était le cheval qui poussait Valentin quand il voulait un peu plus de place dans son box, le crampon était le licol du cheval, le champ opératoire la couverture de cheval, les vibrations engendrées par les instruments rotatifs étaient le train qui passait à toute allure sur les rails…

ça sent bon ? [Apprentissage par modèle vivant, implication des parents qui rentrent dans le jeu, confirment tous nos dires et en rajoutent même dans notre sens]. Maintenant on essaie sur la main de Valentin, puis sur le front… Tu vois comme c’est facile ? [Attente de sa confirmation] ». Une fois cette péripétie passée, il a accepté complètement le masque, sur le nez et la bouche. Le tout saupoudré de termes positifs, de ratification, de renforcement positif (Fig. 3). Tout s’est passé sans encombre : il s’est même endormi à un moment. Nous avons décidé de laisser le masque sur le nez non alimenté en gaz au cas où l’enfant se réveillerait, afin de jouer sur l’effet placebo, ce qui s’est d’ailleurs passé (Fig. 4).

 

Dès le réveil, nous avons repris tout de suite contact avec l’enfant, pour éviter l’effet de surprise et qu’il se mette à paniquer. Etant donné qu’il a commencé à râler un peu, nous avons préféré remettre le masque, et il est aussitôt reparti dans son western. Pour le sortir de son état hypnotique, nous lui avons proposé de dire « au revoir au cheval, de lui faire un bisou », de lui dire « à la prochaine fois », puis de dire « au revoir au ballon », qui lui avait permis « d’aller rencontrer ce beau cheval ». Vous remarquerez le visage apaisé de Valentin à la fin, et le sourire (Fig. 5) !

Les séances suivantes, Valentin viendrait désormais nous voir à chaque fois avec le sourire, et tous les soins se dérouleraient toujours très bien (Fig. 6). Nous avons reçu Valentin durant huit séances. Le MEOPA était retiré de plus en plus tôt : au moment du pansement (troisième séance), puis après la pose du champ opératoire (quatrième séance), puis après l’anesthésie (cinquième séance), pour arriver à la fin à faire complètement sans, avec le masque nasal laissé en placebo ; notez par ailleurs l’attitude de l’enfant qui est complètement détendue (bras qui pend, Fig. 7). Aux séances de contrôle, tout s’est très bien passé, sans masque.


 

Lisa, 11 ans

 

Lisa est une patiente de 11 ans qu’un confrère avait reçue au cabinet trois fois. Il avait réalisé les extractions de trois prémolaires pour raisons orthodontiques ; elle était anxieuse mais coopérante, et pour la dernière séance qui concernait l’extraction de la quatrième prémolaire, Lisa refusa catégoriquement, se débattant, pleurant, et ce malgré trois tentatives du praticien. Il a donc décidé de nous l’adresser afin de jouer sur le changement à la fois d’environnement et de praticien.

A la première séance, elle est allée d’elle-même sur le fauteuil, mais à peine assise dessus, elle ne voulait plus rien entendre et pleurait sans cesse. Elle était accompagnée de sa grand-mère qui se situait face à elle, dans la salle de soin. Deux praticiens ont alors tenté de lui montrer le masque de MEOPA et de le lui poser sur le visage, mais elle est restée sourde à cet essai et a continué de pleurer. La première tentative de MEOPA s’est donc avérée être un échec. Les pleurs ont duré plusieurs minutes, et elle n’arrivait toujours pas à se calmer. Sa grand-mère s’énervait de plus en plus contre sa petite-fille : « mais tu vas arrêter la comédie ! une bonne paire de baffes oui, c’est tout ce qu’elle mérite ! N’hésitez surtout pas ! » dit-elle en s’adressant à nous. Nous lui avons alors demandé de bien vouloir sortir afin de rétablir un climat serein et de rompre le cercle vicieux qui s’installait entre Lisa et elle. Puis, en la redressant et en lui faisant boire de l’eau, nous avons cherché à initier un état de relaxation propice à une induction hypnotique, prolongé par la concentration sur sa respiration en mimant le geste pour l’aider. Nous avons employé des termes positifs tout au long de cette focalisation : « calme, tranquille… », jusqu’à ce que les pleurs cessent complètement : « je veux bien que tu pleures, mais si tu pleures, c’est pour quelque chose Lisa. Est-ce qu’il se passe quelque chose maintenant ? Non ? Alors on arrête de pleurer. Complètement » (saturation jusqu’à ce que le calme soit complètement revenu, ce qui prendrait plusieurs minutes).

Puis, dans un second temps, nous avons essayé de comprendre la patiente, et nous lui avons montré que nous étions de son côté, avec elle, pour l’aider. Elle nous a alors dit qu’elle avait peur « de tout ». Nous avons donc ensuite tout fait pour la rejoindre dans son monde, en lui disant que nous comprenions sa peur : « d’accord, j’ai compris, tu as peur. On va revoir les choses une par une. » En utilisant la communication verbale et non verbale (notamment le ton de la voix calme et rassurant, une expression du visage qui cherche à ce que Lisa perçoive : « tu vois, c’est facile »), et la désensibilisation par la démonstration et le toucher de tous les éléments un par un, la confiance a, au fur et à mesure, été retrouvée : « tu as peur de ça ? [Instrument montré]. D’accord. Alors je te remontre [démonstration sur la main, le doigt, la joue]. Est-ce que ça fait encore peur ? ». Si elle nous répondait « oui », nous recommencions de la même manière, jusqu’à ce qu’elle réponde « non » (et que son expression faciale soit cohérente ; tant qu’un instrument n’était pas complètement accepté, tant du point de vue verbal que non verbal, nous réitérions le processus). Nous avons fait la même chose pour chaque instrument que nous allions utiliser, en passant aussi par l’anesthésie, en mettant un coton sur l’aiguille pour pouvoir le faire toucher à Lisa. Ce procédé nous a permis de modifier le contexte et le perceptif d’une situation vécue précédemment comme un traumatisme. Ici, nous avons volontairement choisi d’employer les mêmes mots que l’enfant, « peur », pour lui signifier que nous nous mettions à son niveau et que nous comprenions, pour après lui faire voir que rien ne faisait « peur », justement. Lorsque la réalité du patient est reconnue, il est plus enclin à croire d’autres choses et donc à suivre d’autres suggestions. Ainsi, il est souvent recommandé de ne jamais dire de termes négatifs… Ce contre-exemple prouve que cela dépend vraiment des situations.

 

Lisa, maintenant un peu plus en confiance, a pu accepter le masque, sans contrainte ni peur. Nous avons poursuivi en réalisant une induction : nous l’avons fait se focaliser sur sa respiration, en lui appliquant le masque et en lui demandant de bien vérifier que le ballon gonflait bien. Puis, nous avons proposé des suggestions hypnotiques : Lisa a choisi de fermer les yeux puis de partir à New York, où elle aimerait aller un jour. Nous sommes donc rentrés dans son monde et nous lui avons fait des suggestions directes en lui évoquant par exemple les couleurs des paillettes d’un spectacle musical lors de l’anesthésie (rehaussement de l’imagerie visuelle de détails spécifiques, multisensoriels). Nous avons utilisé aussi le renforcement positif (« c’est super, très bien »). A chaque étape, elle a rigolé, de connivence avec l’humour que nous employions : luxation (nous la faisions danser à New York), extraction (elle faisait un saut spectaculaire…).

 

Elle est sortie une fois de transe spontanément, pour demander à quoi servait la compresse (seule chose que nous n’avions pas montrée au préalable… Et elle avait les yeux fermés… Comme quoi les sensations sont décuplées, et le cerveau en alerte même si nous avions l’impression qu’elle était vraiment en transe). La réponse est venue d’elle-même, de façon logique et spontanée, avec une rapidité déconcertante (car, nous aussi, nous étions dans un état hypnotique, totalement dans l’histoire de notre patiente) : « c’est la serviette qui sert à t’essuyer, car tu danses beaucoup et très bien, donc tu as chaud ; tu te mets souvent de l’eau sur toi pour avoir moins chaud, et ensuite tu t’essuies avec ta serviette… », ce à quoi elle a répondu : « ah bah oui, bien sûr ! ».

 

Pour la sortir de son état hypnotique, nous avons choisi de lui proposer de « revenir à Paris », puis d’ouvrir les yeux, doucement, quand elle le voulait, avant de retirer le masque. Lisa était contente, apaisée. Elle dirait même à sa grand-mère lorsqu’elle l’a retrouvée : « ah, c’était trop bien ! ». Nous aurions évidemment pu faire autrement, peut-être sans MEOPA par exemple. Mais nous avons voulu mettre toutes les chances de notre côté et faciliter la suggestibilité de la patiente avec ce moyen de sédation.

 

Conclusion

 

L’anxiété apparaît lorsque l’on est face à un monde inconnu : la dentisterie pour le patient, l’enfance, l’adolescence et/ou le handicap pour le praticien. Comprendre l’anxiété de son patient vient de son observation assidue et constante ; comprendre sa propre anxiété vient de l’acceptation d’une certaine peur. La compréhension de l’existence de ces deux anxiétés permet d’enclencher son dépassement, qui devient possible par la mise en œuvre d’une multitude de stratégies adaptatives. Ainsi, une résistance inattendue à une technique demande un passage rapide à une autre technique : s’adapter en permanence au cadre du patient est le fil conducteur de la séance de soins. Le choix des techniques repose sur la spontanéité, le bon sens et l’ingéniosité du thérapeute, tout autant que sur les besoins, les préférences et les capacités du patient. De plus, selon le comportement de l’enfant, le praticien s’adapte et peut se donner, en cours de séance, des objectifs intermédiaires. Accepter par exemple de ne réaliser finalement qu’un seul scellement de sillon à la place des quatre prévus n’est pas un échec, tant que l’on obtient un bénéfice pour la séance suivante, tant que la coopération de l’enfant progresse au fur et à mesure. Ce phénomène d’habituation du patient à faire du monde dentaire presque un « quotidien », est la clef de la réussite, et les accompagnants, que ce soit le parent ou autre membre de la famille, l’éducateur ou l’infirmier, ont un grand rôle à jouer, à la maison, au centre éducatif, ou même au cabinet dentaire. Force est d’ailleurs de constater que le comportement d’un enfant revu à plus de trois mois d’intervalle est plus difficile à gérer à nouveau (bien qu’il redevienne coopérant beaucoup plus rapidement que la toute première fois où nous faisions sa connaissance) ; insistons donc sur la régularité des visites de contrôle, expliquons aux accompagnants l’importance des consultations trimestrielles, qui ne sont jamais faites « pour rien ».

 

Un chirurgien-dentiste doit aussi accepter qu’il faille savoir parfois reporter le soin à un autre jour (l’enfant peut être plus fatigué, malade, et il en est de même pour le praticien). Ainsi, plutôt que la séance de soins soit difficile et compliquée pour tous les acteurs présents, au risque de perdre tout le bénéfice accumulé, mieux vaut reconnaitre ses limites ; le service rendu au patient n’en sera que plus grand.

 

Le chirurgien-dentiste doit aussi savoir arrêter lorsque la coopération est impossible ; il existe alors d’autres solutions qui s’offrent à lui : adresser à un confrère (en changeant de lieu et de praticien, un même enfant peut totalement changer de comportement), adresser pour une prise en charge sous Midazolam ou sous anesthésie générale, même si l’indication de cette dernière se doit d’être pondérée vis-à-vis du rapport bénéfique/risque (polycarie versus atteinte carieuse ponctuelle) (Farsi et al. 2009; Ramazani 2016).

 

Ainsi, sans créer une ligne de conduite directrice, ce travail pourrait permettre d'enrichir l'arsenal thérapeutique du chirurgien-dentiste pour la prise en charge du comportement de l’enfant et de l’adolescent, qui reste un problème majeur de nos jours. Il n’y a pas de méthode « miracle », pas de recette magique ; s’adapter en permanence au cadre du patient est le fil conducteur de la séance de soins. Le choix de techniques repose sur l’ingéniosité du thérapeute tout autant que sur les besoins, les préférences et les capacités de l’enfant. Sans anticipation anxieuse, le praticien cherchera ainsi à se rendre libre en ne laissant rien au hasard, aboutissant à une constante improvisation organisée.

 

Références

- Farsi N, Ba'akdah R, Boker A, Almushayt A. 2009. Postoperative complications of pediatric dental general anesthesia procedure provided in jeddah hospitals, saudi arabia. BMC oral health. 9:6.

- Ramazani N. 2016. Different aspects of general anesthesia in pediatric dentistry: A review. Iranian journal of pediatrics. 26(2):e2613.

 

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