Intérêt des inserts US dans l’assemblage des restaurations adhésives collées

Dossier spécial Les Ultrasons, notre quotidien - Oct 2020

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La préservation tissulaire constitue un des enjeux majeurs de nos traitements en odontologie restauratrice. Ce changement de paradigme a été rendu possible grâce au développement des thérapeutiques adhésives. Ces nouvelles techniques nous permettent, en effet, de s’affranchir des impératifs de rétention mécanique introduits par Black (1).

La dent n’est aujourd’hui plus préparée de manière à assurer la rétention de la restauration mais à l’inverse, la restauration doit s’adapter aux structures dentaires résiduelles. L’objectif est de prolonger la vie de la dent sur l’arcade en pratiquant l’économie tissulaire. L’assemblage de ces restaurations passe alors par l’utilisation d’un système adhésif et d’un moyen d’assemblage (une colle) selon un protocole précis et rigoureux : dans ces conditions les taux de succès de nos restaurations sont élevés. Plusieurs essais cliniques évaluent les performances des couronnes partielles collées à long terme, sur une période de 7 à 10 ans les taux de survie vont de 96 à 100 % (2) (3) (4).

Dans une revue de la littérature, Morimoto et coll. montrent des taux de succès de 91% à 10 ans(5). Dans de nombreuses situations, il est alors possible de préserver la vitalité pulpaire et de s’affranchir de la nécessité d’un ancrage radiculaire. Plusieurs essais cliniques nous montrent que les dents vitales sont plus performantes que les dents dépulpées sur le long terme (6) (5) (7).

Le collage permet de renforcer les structures lésées, conférant à la dent restaurée un comportement biomécanique proche de la dent naturelle. Aujourd’hui plusieurs systèmes adhésifs sont disponibles sur le marché : les colles sans potentiel d’adhésion, les colles avec potentiel d’adhésion et les colles auto-adhésives (8).

La colle utilisée pour l’assemblage des restaurations indirectes doit répondre à un cahier des charges précis :

- elle doit présenter des bonnes propriétés biomécaniques permettant de résister aux forces de mastications ;

- un temps de travail suffisamment long permettant un contrôle de l’insertion de la pièce prothétique et une élimination contrôlée des excès (élément primordiale lors de l’assemblage des restaurations) ;

- des bonnes propriétés optiques afin d’obtenir le meilleur résultat esthétique possible (transition le moins visible entre la dent et la restauration) ;

une viscosité permettant une insertion complète et aisée de la pièce.

Parmi les différentes colles existantes sur le marché, les colles sans potentiel d’adhésion répondent le mieux à l’ensemble de ces critères (9). Ces colles présentent plusieurs modes de prises : photopolymérisable, chémo-polymérisable, dual. Les colles à prise dual sont les plus utilisées pour l’assemblage de ces restaurations en s’assurant d’une prise complète. Elles présentent cependant une instabilité chromatique dans le temps due aux amines tertiaires déclenchant la chémopolylmérisation.

Depuis quelques années, l’utilisation de composites micro hybrides a été proposée pour l’assemblage de ces restaurations en remplacement des colles à prise dual.

L’utilisation du composite de restauration présente plusieurs avantages :

- il s’agit de composites de restaurations, ils sont donc plus chargés que les colles à prise dual, et présentent une meilleure résistance à l’usure (vieillissement du joint) et un retrait de polymérisation plus faible(10) ;

- un temps de travail quasi illimité permettant de s’assurer d’une élimination quasi complète des excès de colles, notamment dans les zones proximales. Cette élimination permet d’éviter les retouches à la fraise au niveau du joint risquant de le léser, mais de réaliser uniquement un polissage sous irrigation couplé à une élimination des derniers excès éventuels à l’aide d’une lame de bistouri ou de strips une fois l’assemblage réalisé ;

- un choix de teinte important permettant de s’adapter à chaque situation clinique (notamment en cas de support dentaire dyschromié) ;

- une tenue du matériau lors du collage qui évite son étalement de manière trop importante et qui facilite l’élimination des excès.

 

Aujourd’hui l’élimination des excès de colles constitue un point crucial lors de l’assemblage des restaurations postérieures indirectes collées. La persistance d’excès de colle, notamment dans les zones proximales sous les points de contact, une fois entièrement polymérisé peut se révéler être délicat et fastidieux à retirer. Les étapes de finitions et de polissage en cas de persistance d’excès peuvent s’avérer être longues.

Plusieurs méthodes sont décrites pour éliminer les excès de colles lors de l’assemblage de ce type de restaurations (11) :

- ne pas réaliser de photopolymérisation tant que tous les excès de colle ne sont pas retirés. L’utilisation d’une brossette et/ou d’un pinceau est alors possible. Sur une colle à prise photo cela est envisageable mais sur une colle à prise dual le risque que la colle prenne à certains endroits avant l’élimination complète des excès est possible. Avec cette méthode la colle est alors étalée sur une plus grande surface de collage mais en fine épaisseur, un polissage rigoureux par la suite de la surface permet d’éliminer une bonne partie des excès sans risque de léser le joint de colle juste formé ;

- réaliser une photopolymérisation flash, de 2 à 3 secondes, cela permettant de gélifier les excès de colles et de faciliter leur élimination à l’aide d’une sonde. Cette technique permet une élimination plus facile des excès de colle mais présente un inconvénient, la profondeur de la photopolymérisation flash ne peut être contrôlée. Ainsi lorsque l’excès de colle n’est pas suffisant, la photopolymérisation flash va s’effectuer légèrement plus en profondeur au niveau du joint. L’utilisation d’une sonde pour éliminer les excès en regard de cette zone va alors entrainer un déchirement du joint et la formation d’un hiatus pouvant engendrer une usure prématurée du joint de colle.

Avec l’utilisation des composites de restauration, on s’affranchit donc de la nécessité de réaliser une phopolymérisation flash et le temps de travail est quasiment illimité, l’élimination des excès peut se faire de manière quasi complète. Enfin le composite de restauration de par sa consistance, présente une élimination plus simple notamment au niveau des zones proximales.

Cette technique présente néanmoins des désavantages et certains points sont à contrôler avec précision :

- la viscosité initiale du composite ne permet pas son utilisation dans son état initial, son état doit être modifié. Il doit être réchauffé afin d’augmenter sa fluidité et permettre une insertion complète de la pièce. Cela s’effectue à l’aide d’un réchauffeur à composite ;

- malgré l’augmentation de sa viscosité, le risque d’insertion incomplète de la pièce existe, l’utilisation d’un insert ultrasonique spécifique permet par vibration une insertion optimale.

L’assemblage des restaurations indirectes collées à l’aide de composite chauffé nécessite donc l’emploi de matériel spécifique. Dans la suite de l’article, nous allons nous intéresser à ce matériel spécifique et nous présenterons son utilisation au travers de cas cliniques.

L’insert ultrasonore pour l’assemblage des restaurations indirectes collées

Il permet par la vibration d’augmenter la thixotropie du matériau composite.

Permettre une insertion complète de la restauration adhésive collée.

Cet insert s’utilise sur un manche ultrasonore ou pneumatique (Insert PiezoCem de Satelec, Insert SP d’ EMS, Sonic Flex Insert Kavo). L’utilisation s’effectue sans eau à faible puissance. Il est utilisé une fois la pièce positionnée et stabilisée afin d’éviter que cette dernière ne glisse. Il va permettre un enfoncement complet de la pièce et ainsi une adaptation parfaite de la pièce prothétique. Le joint de colle sera alors le plus fin possible. La littérature recommande une épaisseur de 50 à 100 micron afin d’avoir une bonne performance de nos colles composites(12).


 

Le réchauffeur à composite

Il permet de réchauffer le composite de restauration afin de lui donner une consistance suffisante pour permettre son utilisation lors de l’assemblage.

Il peut être utilisé pour des carpules ou des seringues. Les carpules de par leur plus petite taille sont réchauffées plus rapidement. Cependant la quantité de composite disponible est plus faible.

Un certain délai est nécessaire avant que le composite soit suffisamment chaud pour permettre son utilisation.

L’utilisation de cette technique implique donc une prise de la colle uniquement par photopolymérisation. Qu’en est-il de l’épaisseur de la restauration et de son influence sur l’assemblage ?

Plusieurs études concluent que le taux de conversion et la dureté Vickers du composite de collage au-delà de 2mm d’épaisseur de céramique est réduit (13). D’autres nous montrent qu’un composite de restauration photopolymérisable peut être utilisé pour l’assemblage de restaurations épaisses (14). Gregor et coll. montrent une prise de la colle jusqu’à 7,5mm de restauration d’épaisseur après adaptation du temps de photopolymérisation (3 fois 90 secondes) (15).

Les résultats dans la littérature sont donc contradictoires L’épaisseur de la restauration ne semble pas présenter une influence dès lors que cette dernière n’atteint pas une certaine limite et que sa teinte ne soit pas trop opaque (dans les études mentionnées précédemment, les céramiques ou composites avec une opacité d’environ 50 % ont été utilisés) pour empêcher la transmission de la lumière jusqu’à l’interface colle dent (16).

 

Face à cette situation, plusieurs scénarios peuvent être envisagés :

- lorsque l’épaisseur de la restauration est supérieure à 2mm il est possible d’augmenter le temps de photopolymérisation jusqu’à 60 secondes par face en utilisant une lampe à photopolymériser suffisamment puissante (minimum de 800W/cm2) ;

- une autre solution envisageable peut être de compenser l’épaisseur de la restauration en réalisant une hybridation dentinaire associée à une reconstruction au composite. L’objectif est alors d’obtenir une restauration n’ayant pas une épaisseur supérieure à 2mm ;

- l’utilisation de fraises calibrées permettant de contrôler la profondeur de réduction lors des préparations est alors indiquée. Elles permettent à la fois de préserver un maximum de tissu dentaire, tout en respectant les épaisseurs recommandées par le fabricant pour les restaurations. Cela nous permet ainsi de s’assurer d’une prise complète par photopolymérisation de notre colle lors de l’assemblage ;

- lorsque l’épaisseur reste tout de même trop importante, utiliser une colle à prise dual qui nous assurera d’une prise complète de la colle jusqu’à l’interface colle dent nous semble plus adapté.

 

Bibliographie :

(1) « Limitations of dental education. By G. V. Black. 1907 », Ill. Dent. J., vol. 55, no 6, p. 508‑511, oct. 1986.

(2) G. V. Arnetzl et G. Arnetzl, « Reliability of nonretentive all-ceramic CAD/CAM overlays », Int. J. Comput. Dent., vol. 15, no 3, p. 185‑197, 2012.

(3) M. M. Belleflamme, S. O. Geerts, M. M. Louwette, C. F. Grenade, A. J. Vanheusden, et A. K. Mainjot, « No post-no core approach to restore severely damaged posterior teeth: An up to 10-year retrospective study of documented endocrown cases », J. Dent., vol. 63, p. 1‑7, août 2017, doi: 10.1016/j.jdent.2017.04.009.

(4) P. C. Guess, C. F. Selz, Y.-N. Steinhart, S. Stampf, et J. R. Strub, « Prospective clinical split-mouth study of pressed and CAD/CAM all-ceramic partial-coverage restorations: 7-year results », Int. J. Prosthodont., vol. 26, no 1, p. 21‑25, févr. 2013, doi: 10.11607/ijp.3043.

(5) S. Morimoto, F. B. W. Rebello de Sampaio, M. M. Braga, N. Sesma, et M. Özcan, « Survival Rate of Resin and Ceramic Inlays, Onlays, and Overlays: A Systematic Review and Meta-analysis », J. Dent. Res., vol. 95, no 9, p. 985‑994, 2016, doi: 10.1177/0022034516652848.

(6) U. S. Beier, I. Kapferer, D. Burtscher, J. M. Giesinger, et H. Dumfahrt, « Clinical performance of all-ceramic inlay and onlay restorations in posterior teeth », Int. J. Prosthodont., vol. 25, no 4, p. 395‑402, août 2012.

(7) J. W. V. van Dijken et L. Hasselrot, « A prospective 15-year evaluation of extensive dentin-enamel-bonded pressed ceramic coverages », Dent. Mater. Off. Publ. Acad. Dent. Mater., vol. 26, no 9, p. 929‑939, sept. 2010, doi : 10.1016/j.dental.2010.05.008.

(8) M. DEGRANGE, L. POURREYRON, « Les systèmes adhésifs amélo dentinaires ». Société Francophone de Biomatériaux Dentaires, 2010-2009.

(9) « Rapport HAS », 2009.

(10) A. Kameyama et al., « Luting of CAD/CAM ceramic inlays : direct composite versus dual-cure luting cement », Biomed. Mater. Eng., vol. 25, no 3, p. 279‑288, 2015, doi : 10.3233/BME-151274.

(11) Olivier Etienne et al, Restaurations esthétiques en céramique collée. 2017.

(12) M. K. Molin, S. L. Karlsson, et M. S. Kristiansen, « Influence of film thickness on joint bend strength of a ceramic/resin composite joint », Dent. Mater. Off. Publ. Acad. Dent. Mater., vol. 12, no 4, p. 245‑249, juill. 1996, doi : 10.1016/s0109-5641(96)80030-3.

(13) H. Jung, K.-H. Friedl, K.-A. Hiller, H. Furch, S. Bernhart, et G. Schmalz, « Polymerization efficiency of different photocuring units through ceramic discs », Oper. Dent., vol. 31, no 1, p. 68‑77, févr. 2006, doi : 10.2341/04-188.

(14) J. Goldberg, J.-F. Güth, et P. Magne, « Accelerated Fatigue Resistance of Thick CAD/CAM Composite Resin Overlays Bonded with Light- and Dual-polymerizing Luting Resins », J. Adhes. Dent., vol. 18, no 4, p. 341‑348, 2016, doi : 10.3290/j.jad.a36515.

(15) L. Gregor, S. Bouillaguet, I. Onisor, S. Ardu, I. Krejci, et G. T. Rocca, « Microhardness of light- and dual-polymerizable luting resins polymerized through 7.5-mm-thick endocrowns », J. Prosthet. Dent., vol. 112, no 4, p. 942‑948, oct. 2014, doi : 10.1016/j.prosdent.2014.02.008.

(16) A. Koch et al., « Influence of ceramic translucency on curing efficacy of different light-curing units », J. Adhes. Dent., vol. 9, no 5, p. 449‑462, oct. 2007.

(17) V. K. Kalavacharla, N. C. Lawson, L. C. Ramp, et J. O. Burgess, « Influence of Etching Protocol and Silane Treatment with a Universal Adhesive on Lithium Disilicate Bond Strength », Oper. Dent., vol. 40, no 4, p. 372‑378, août 2015, doi : 10.2341/14-116-L.

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