Les micro inserts ultrasonores

La microchirurgie endodontique

Dossier spécial Les Ultrasons, notre quotidien - Oct 2020

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La microchirurgie endodontique est une procédure chirurgicale qui consiste à traiter les lésions inflammatoires péri-apicale d’origine endodontique (LIPOE). Cette chirurgie aussi appelée chirurgie apicale ou chirurgie a retro a pour principale indication le traitement de ces LIPOE lorsque celles-ci ne cicatrisent pas après un traitement orthograde, due à un manque de désinfection et/ou à la nature de la lésion ou dans certains cas une thérapeutique initiale du canal lors de minéralisation extrême de la chambre ainsi que du 1/3 coronaire du canal.  Pendant de longue année la chirurgie endodontique était considérée comme une chirurgie de dernier recours. Cette idée était basée sur les expériences passées


avec des instruments chirurgicaux non adaptés, une vision inadéquate, des complications postopératoires fréquentes et des échecs qui ont souvent entrainés l’extraction de la dent. En conséquence cette technique est encore très (trop) peu enseignée lors des études de chirurgie dentaire. A cette époque, faute de mieux, la règle de l’art de cette chirurgie était une mise en forme de l’apex avec une fraise chirurgicale montée sur des contres angles à petite tête, (développé par Tangerud en 1939), et une obturation à l’amalgame.

Cependant les choses ont totalement évolué depuis l’arrivée du microscope opératoire, des micro instruments, des inserts ultrasonores et des nouveau matériaux d’obturation plus étanche et biocompatible. Le développement des nouvelles techniques a permis une meilleure gestion de l’anatomie apicale ainsi une plus grande réussite des traitements. Le début de l’ère de la microchirurgie endodontique ne débute donc qu’au début des années 1990. Aujourd’hui la microchirurgie endodontique peut être véritablement considérée comme un retraitement endodontique par voie rétrograde (le traitement initial rétrograde n’est indiqué que dans certaines indications très limitées) avec un taux de succès de 94%.

 

Comparaison technique traditionnelle vs microchirurgie endodontique

 

La chirurgie endodontique traditionnelle était donc considérée pendant de longues années comme une chirurgie difficile de par la proximité avec des structures anatomiques, présentant des risques de complications (sinus, foramen, vaisseaux sanguin) et avec un taux de succès faible. La balance bénéfice/risque tendait vers le rouge.

Il faut accepter que le succès de ces chirurgies repose sur la désinfection du réseau endodontique ainsi que sur l’étanchéité du système canalaire pour comprendre les nombreux échecs avec la chirurgie traditionnelle. Il semble aujourd’hui évident qu’en l’absence d’aide optique et d’outil adaptés, le praticien ne peut localiser, nettoyer et remplir de manière étanche et prévisible l’ensemble (ou du moins une grande partie) du réseau canalaire

Setzer et al. ont montré un taux de succès de 94% de la microchirurgie moderne contre un taux de succès de 58% avec l’ancienne technique (1).

 

Ces 2 techniques diffèrent sur plusieurs points :

- l’instrumentation nécessaire pour atteindre l’apex: insert/fraise zekrya vs fraise boule,

- l’utilisation des instruments,

- l’angle de biseau,

- préparation radiculaire,

- la direction de préparation,

- le matériau d’obturation

- l’identification possible de micro fractures et de canaux supplémentaire.


Comme résumé ici dans ce tableau, les avantages de la microchirurgie sont :

- une identification plus facile des apex,

- une taille d’ostéotomie réduite,

- des angles de résections plus faibles,

- une meilleure visibilité des isthmes, micro fractures et canaux latéraux.

 

Les indications de la microchirurgie endodontique

Les indications de la microchirurgie endodontique sont :

- lorsque le retraitement par voie orthograde n’est pas réalisable : élément prothétique indémontable (risque de fracture radiculaire, grand bridge...), ou impossibilité d’obtenir la perméabilité apicale (anatomie particulière, bris instrumentaux non gérables par voie orthograde, minéralisation…) ;


- lorsque le retraitement n’est pas souhaitable : absence de guérison avec un traitement initial ou un retraitementorthograde de bonne qualité, défaut d’étanchéité apicale (résorption radiculaire), dépassement important de matériau dans le péri-apex, suspicion de fêlure apicale.

La microchirurgie endodontique, tout comme les traitements orthogrades, vise à obtenir une guérison apicale. Afin d’atteindre cet objectif il est nécessaire d’accéder à la lésion par la réalisation d’un lambeau, de l’éliminer, de préparer le canal par voie rétrograde avant de l’obturer puis de suturer le lambeau.

 

Protocole opératoire

- Préparation et désinfection du site

- Anesthésie loco-régionale : pour l’analgésie et l’hémostase

- Incision et décollement : la configuration apicale guide le choix du lambeau

- Trépanation osseuses : Si la corticale est encore présente

- Élimination de la lésion

- Résection apicale

- Rétropréparation

- Séchage du canal

- Obturation à rétro

- Radiographie de contrôle

- Sutures

- Soins et conseils post-opératoire

 

Apport du microscope opératoire

L’une des plus grandes avancées au sein de la microchirurgie endodontique est l’utilisation de microscope opératoire. Celui-ci permet principalement :

- une meilleure visualisation de l’anatomie canalaire avec la possibilité de diagnostiquer des perforations et fêlures,

- une élimination des lésions plus précise et complète,

- une bonne détermination de la distinction entre la racine et l’os,

- une diminution de la taille de l’ostéotomie,

- une meilleure posture opératoire pour le praticien,

- la possibilité de faire des vidéos et/ou photos pour une meilleure formation des étudiants et une meilleure communication avec les patients et confrères.

 

L’apparition des inserts ultrasonores

La technique traditionnelle de préparation canalaire était réalisée à l’aide de fraise boule monté sur pièce à main à micro-tête. Cependant cette technique posait de nombreux problème aux praticiens (7) :

- un accès limité à l’extrémité de la racine

- un risque de perforation de la paroi linguale/palatine lors de la préparation de la cavité,

- une profondeur de préparation insuffisante pour permettre une bonne obturation de l’extrémité canalaire,

- une absence des préparations des isthmes.

Pour pallier à l’ensemble de ces problèmes rencontrés lors de la chirurgie endodontique, Richman(3) introduit pour la première fois en 1957 l’utilisation des inserts en chirurgie endodontique, en modifiant des inserts pour débridement parodontaux pour les adapter au débridement du canal radiculaire Mais ce n’est que dans les années 90 que Gary Carr développe les premiers inserts à visée endodontique ceux-ci étaient en acier et disponibles en plusieurs tailles et angulations. Malgré les bons résultats obtenus avec ce type d’inserts lisses, de nouveaux inserts à état de surface diamanté ont fait leur apparition sur le marché afin d’améliorer l‘effet de coupe. Ces inserts diamantés sont nettement plus efficaces et nécessitent donc un usage délicat pour éviter une sur préparation ou une fausse route.

 

L’apport des inserts diamantés

La littérature

En 2012 Rodriguez-martos et al. ont cherché à évaluer l’influence de ces nouveaux inserts sur la création de micro fissures dentinaires (). Dans cette étude, les auteurs concluent que les nouveaux inserts diamantés ont un effet de coupe supérieur et engendrent moins de micro fissures dentinaires.

Dans une étude comparative, Ishikawa et coll. mesurent un temps de retro préparation significativement inférieur avec les inserts diamantés (). Afin d’éviter la propagation de micro fissures et pour obtenir un effet de coupe optimal ces inserts diamantés doivent être utilisés avec irrigation en exerçant une force de pression minimale dans l’axe du canal (). Le mode vibratoire ultrasonore doit être constant et non pulsatile comme en chirurgie ().

La plupart des auteurs préconisent de régler le générateur ultrasonore sur une fréquence moyenne (). Ce choix semble offrir un compromis intéressant entre temps de retro préparation et la limitation des micro-fissures dentinaires. Ces fréquences sont reprises par les fabricants et adaptées aux différents tableaux de générateurs ultrasonores.

Les différentes angulations de pointes d’inserts permettent aux praticiens de travailler plus facilement dans l’axe de la racine selon les différents cas (antérieur/postérieur et droite/gauche). Une longueur de retro préparation de 3mm est communément admise dans la littérature afin de ménager un espace de retro obturation nécessaire pour obtenir une herméticité apicale (). Cependant des inserts ultra-fins plus longs, de 6mm et 9mm dont seule la pointe reste diamantée ont été développés par le Dr B. Khayat pour augmenter la longueur de retro préparation lorsque la morphologie de la racine le permet.

Actuellement, la littérature ne permet pas de mettre clairement en évidence l’intérêt de l’augmentation de longueur de retro-préparation (6mm ou 9mm versus 3mm). Même s’il parait biologiquement pragmatique d’essayer d’augmenter la longueur du nettoyage a retro, le critère favorable de cicatrisation reste un espace suffisant et nécessaire pour l’herméticité du matériau d’obturation ().

 

Les différents systèmes

Il existe aujourd’hui différents systèmes d’inserts.

Sybron Kis Tips qui comprend 6 inserts numérotés de 1D à 6D. L’ensemble de ces inserts présentent des surfaces
travaillantes de 3mm, ce qui les différencie sont les courbures présentes au sein de ces mêmes inserts.


Les inserts 1D et 2D présentent deux courbures dans le même plan mais un diamètre différent, 0,5mm et 0,7mm, ils sont principalement utilisés pour les dents antérieures. A contrario les inserts 3D à 6D présentent des courbures dans des plans différents mais des diamètres identiques de 0,5mm, pour permettre un meilleur accès au niveau des dents postérieures.

Denstply Pro Ultra Surgical : ces inserts présentent de fortes ressemblances avec le kit Sybron Kis Tips. Ce kit est disponible en deux formats : un pour Satelec® et un pour EMS®

Le Sybron BK3 comportant 2 inserts (droit et gauche) qui présentent tous les deux 3 courbures dans 3 plans différents ce qui permet un accès aisé à l’ensemble des secteurs de la bouche. Ils existent en version lisse ou diamantée.

Satelec Endo Success Apical Surgery qui comporte 5 instruments bien distincts. Le AS3D, le AS6D ainsi que le AS9D présentent deux courbures dans le même plan mais des longueurs différentes 3mm, 6mm et 9mm respectivement. Les inserts ASLD et ASRD présentent deux courbures dans deux plans différents pour travailler sur des secteurs différents (respectivement gauche et droit). Ils ont cependant une longueur similaire de 3mm. Ce kit est le seul présent sur le marché à avoir des inserts de longueurs différentes permettant des préparations au-delà de 3mm.

 

Conclusion

En résumé, les avantages apportés par l’utilisation d’insert ultrasonore en chirurgie endodontique sont :

- un champ de vision parfaitement libre pendant la rétro-préparation,

- les vibrations, en comparaison avec la rotation, permettent une liberté de mouvement tout en permettant des préparations plus parallèles et plus centrées au sein du canal,

- un nettoyage parfaitement dans l’axe du canal,

- une sortie de l’irrigant au niveau de l’insert permettant une irrigation intra-canalaire pendant la phase de rétro-préparation,

- un taux de succès plus élevé avec des retro-préparations plus économe en tissu.

 

Bibliographie

1 Setzer FC, Shah SB, Kohli MR, Karabucak B, Kim S. Outcome of endodontic surgery: a meta-analysis of the literature--part 1: Comparison of traditional root-end surgery and endodontic microsurgery. J Endod. nov 2010;36(11):1757-65.

2 Kim S, Kratchman S. Modern endodontic surgery concepts and practice: a review. J Endod. juill 2006;32(7):601-23.

3 M.J. RichmanThe use of ultrasonics in root canal therapy and resection. J Dent Med, 12 (1957), pp. 12-18

4 Rodríguez-Martos R, Torres-Lagares D, Castellanos-Cosano L, Serrera-Figallo M-A, Segura-Egea J-J, Gutierrez-Perez J-L. Evaluation of apical preparations performed with ultrasonic diamond and stainless steel tips at different intensities using a scanning electron microscope in endodontic surgery. Med Oral Patol Oral Cir Bucal. 1 nov 2012;17(6):e988-993.

5 Ishikawa H, Sawada N, Kobayashi C, Suda H. Evaluation of root-end cavity preparation using ultrasonic retrotips. Int Endod J. sept 2003;36(9):586-90.

6 Stropko JJ, Doyon GE, Gutmann JL. Root-end management: resection, cavity preparation, and material placement. Endodontic Topics. 2005; 11 (1): 131–151

7 Del Fabbro M, Tsesis I, Rosano G, Bortolin M, Taschieri S. Scanning electron microscopic analysis of the integrity of the root-end surface after root-end management using a piezoelectric device: a cadaveric study. J Endod. oct 2010;36(10):1693-7.

8 De Bruyne M a. A, De Moor RJG. SEM analysis of the integrity of resected root apices of cadaver and extracted teeth after ultrasonic root-end preparation at different intensities. Int Endod J. mai 2005;38(5):310-9.

9 Kim S, Kratchman S. Modern endodontic surgery concepts and practice: a review. J Endod. juill 2006;32(7):601-23.

10 Barone C, Dao TT, Basrani BB, Wang N, Friedman S. Treatment outcome in endodontics: the Toronto study--phases 3, 4, and 5: apical surgery. J Endod. janv 2010;36(1):28-35.