Augmentation postérieure mandibulaire / ROG

Georges Khoury et Félix Connolly

Dossier spécial : la mandibule atrophiée

AONews #15 - Décembre 2017


Dr Georges Khoury et Félix Connolly (Paris)

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Augmentation postérieure mandibulaire / ROG AONews #15
Augmentation postérieure mandibulaire -
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Le principe de la régénération osseuse guidée (ROG) est de ménager un espace entre un défaut osseux et les tissus mous afin d’y favoriser un remodelage. Une membrane, résorbable ou non, sert de barrière mécanique et vient stabiliser la greffe ainsi que le caillot sanguin. Les cellules à potentiel ostéogénique peuvent alors coloniser cet espace sans rentrer en compétition avec les cellules épithéliales et conjonctives (principe d’exclusion tissulaire).

 

La technique est bien documentée mais son application dans le cadre d’une augmentation osseuse verticale au niveau de la zone postérieure mandibulaire, est en revanche moins décrite. Cette procédure est définie en détails pour la première fois par Tinti et al. (1998), mais peu d’études avec un niveau de preuves élevé rapportent des résultats sur le long terme de la stabilité osseuse péri-implantaire.

 

Avantages

  • Un seul site opératoire si utilisation d’un substitut osseux donc temps opératoire réduit.
  • Absence de morbidité d’un site secondaire de prélèvement.
  • Pas de limitation en terme de volume greffé si utilisation d’un substitut osseux.
  • Possibilité de pose des implants dans le même temps opératoire si stabilité primaire satisfaisante et réduction du temps de traitement global.

 

Inconvénients

  • Risque d’exposition de la membrane non résorbable associé à une infection qui peut compromettre le succès de la totalité de la greffe réalisée
  • Ré intervention pour déposer la membrane si non résorbable
  • Risque de morbidité du site donneur augmenté si le matériau greffé est de l’os autogène particulé.

 

À partir de données issues de la littérature sur les ROG verticales mandibulaires, nous chercherons à évaluer la stabilité osseuse péri-implantaire dans le temps, en fonction du type de membrane et du matériau greffé utilisés. Nous nous intéresserons également aux taux de succès implantaires et aux taux de complications.

 

Etat de la littérature

 

Taux de complications

 

Une revue systématique de la littérature menée par Rocchietta et al. (2008) fait état d’un taux de complications variant largement de 0 à 45,5% pour les ROG verticales avec une membrane e-PTFE. Les taux de complications rencontrés par Simion et al. (2001), Chiapasco et al. (2004), Merli et al. (2007) et Fontana et al. (2015) sont respectivement 18,4%, 27,3%, 45,5% et 17,2%. La principale complication semble être l’exposition de la membrane pouvant aboutir à la perte de la régénération osseuse. Un des facteurs clés dans la réussite de cette chirurgie est la nécessité d’avoir une fermeture primaire du site greffé sans tension excessive. Fontana et al. (2015) rapportent également des cas d’infections sans que la membrane ne soit exposée.

 

De nombreux auteurs (Urban et al. (2009) (Fontana et al. (2015) constatent que la majorité des complications rencontrées sont survenues au début de la courbe d’apprentissage de cette procédure d’augmentation osseuse exigeante techniquement. Avec une membrane e-PTFE, Urban et al. (2009) trouvent un taux de complications de 2,78% et avec utilisation de membrane d-PTFE, (Urban et al. (2014) ils ne relèvent aucune complication, mais il définit alors cette technique comme rentrant dans sa pratique quotidienne.

 

Notons également que le risque de morbidité augmente lorsqu’un prélèvement osseux autogène est réalisé au ramus ou à la symphyse mentonnière.

 

Taux de succès

 

De la même façon, les taux de succès rapportés varient de manière importante. Rappelons que la majorité des auteurs utilisent les critères de succès définis par Albrektsson et al. (1986). Dans un essai clinique contrôlé randomisé (Chiapasco et al. (2004) les taux de succès à 1 an pour une implantation simultanée ou différée à la ROG sont respectivement 84,6% et 83,3%. À 3 ans, la différence est plus marquée : 61,5% (simultanée) contre 75% (différée). Au contraire, dans une étude rétrospective (Fontana et al. (2015), les implants insérés au moment de la ROG montrent de meilleurs résultats en termes de taux de succès : 82,5% contre 66,8% pour l’approche en deux temps. La différence n’est cependant pas statistiquement significative. Dans une autre étude rétrospective portant sur 123 implants (Simion et al. (2001), un taux de succès très élevé de 97,5% est rapporté à 5 ans. Sur la base de ces résultats, les auteurs concluent que le taux de succès des implants posés dans de l’os régénéré ou dans de l’os natif semblent similaires. Urban et al. (2009) arrivent aux mêmes conclusions avec un taux de succès de 94,7% à 6 ans mais précisent que d’autres études plus poussées doivent être menées.

 

L’hétérogénéité de ces résultats peut s’expliquer de plusieurs manières : dans certaines études les taux de succès sont rapportés en valeur de pourcentages cumulés ce qui n’est pas le cas dans d’autres ; la difficulté de mener des études avec un nombre important de patients candidats à des augmentations verticales postérieures mandibulaires ; la surface variable des implants pouvant expliquer une perte osseuse péri-implantaire plus ou moins élevée ; les données parfois mélangées entre les ROG au maxillaire ou à la mandibule, en antérieur ou en postérieur.


 

Cas clinique

 

Ce cas clinique décrit une correction osseuse axiale, après dépose d’implants conséquente à une péri-implantite avancée (Fig. 1).

 

Le défaut osseux après cicatrisation des tissus mous (Fig. 2), objective la perte osseuse axiale, visible sur la radio panoramique (Fig. 3). Le lambeau de pleine épaisseur est récliné, et la relaxation tissulaire est obtenue par relaxation du plancher lingual (Fig. 4) et du lambeau vestibulaire (Fig. 5).

 

Les biomatériaux utilisés sont xénogéniques (BioOss®) et allogéniques (BioBank®). Ils sont rendus cohésifs par l’usage de l’exsudat chargé en facteurs de croissance plaquettaires et cellulaires (A et I-PRF) (Fig. 6 et 7).

 

Une vis axiale est disposée (TLB) servant d’espaceur afin de contenir la membrane et l’agrégat est foulé sur la crête (Fig. 8). Une seule vis est nécessaire dans ce cas du fait de la proximité des septas osseux proximaux. Une membrane collagénique (Symbios) recouvre l’ensemble et est stabilisée en vestibulaire par une vis secondaire (Fig. 9).

 

Les plaquettes de PRF sont disposées sur la membrane (Fig. 10) et les sutures passives sont réalisées. (Fig. 11)

 

La radiographie panoramique objective la reconstruction en post opératoire immédiat (Fig. 12).

 

La radiographie à 4 mois, montre la réorganisation osseuse et sa maturation (Fig. 13).

 

La radiographie post implantaire nous est adressée par le praticien référent, et objective la bonne maturation osseuse ainsi que la stabilité axiale obtenue (Fig. 14).

 

Evaluation de la stabilité osseuse péri-implantaire

 

La majorité des études menées sur les augmentations verticales portent sur l’utilisation d’une membrane e-PTFE couplée à de l’os autogène particulé, prélevé principalement au ramus. Il s’agit d’une membrane non résorbable en téflon et renforcée avec une armature en titane. Elle permet ainsi de maintenir l’espace nécessaire à la régénération osseuse mais une deuxième intervention est nécessaire pour la déposer. Elle peut cependant être à l’origine de complication si une exposition survient.

 

L’étude rétrospective à 5 ans de Simion et al. (2001) portant sur 123 patients, évalue la perte osseuse au niveau d’implant Branemark à surface usinée posés au moment de la ROG. Les analyses radiographiques montrent une résorption de 1,35mm (caillot sanguin uniquement), 1,71mm (os autogène particulé) et de 1,87 mm (allogreffe) à 5 ans.

 

Chiapasco et al. (2004), dans un essai contrôlé randomisé, comparent la résorption au niveau d’implants Branemark (surface non précisée) posés au moment de la ROG (membrane e-PTFE + os autogène particulé) ou lors d’un deuxième temps à 6 mois si la stabilité primaire n’était pas envisageable. Un an après l’implantation, la différence est statistiquement significative : la perte osseuse moyenne est de 1, 83mm pour les implants posés dans le même temps et de 1,29mm pour l’implantation différée. En revanche à 3 ans, la différence est statistiquement non significative : 2,06mm (pose simultanée) contre 1,69mm (pose différée).

 

Dans une étude rétrospective, Urban et al. (2009) rapportent que le remodelage osseux a lieu principalement la première année suivant la pose des implants (avec pose différée) dans le cadre d’une ROG verticale avec membrane e-PTFE et os autogène particulé. La perte est alors évaluée à 1,01 mm et reste stable à 6 ans. Dans l’étude, la différenciation des sites implantés (maxillaire/mandibule) reste cependant floue et trois types de système implantaire ont été utilisés.

 

Les mesures de résorption osseuse réalisées par Fontana et al. (2015) à 6 mois, 1an, 3 ans et 6 ans sont respectivement 0,30 ; 0,64 ; 1,34 et 0,91mm. Cette dernière mesure ne reflète pas un gain osseux mais une diminution importante du nombre de patients suivis dans cette étude rétrospective. D’autre part, 4 types d’implants ont été utilisés avec 3 types de greffes différentes (autogène, xénogreffe + autogène, allogénique).

 

Ces membranes non résorbables e-PTFE apparaissaient comme le « gold standard » dans le cadre d’augmentation osseuse verticale mandibulaire. Elles sont aujourd’hui très peu commercialisées au profit des membranes non résorbable d-PTFE. Ces dernières présentent un degré de porosité moins important qui permet d’éviter, dans une certaine mesure, des complications en cas d’exposition et leur dépose en est facilitée. Ronda et al. (2014) ne constatent pas de différence clinique et histologique significative à 6 mois entre les tissus régénérés par une membrane e-PTFE ou d-PTFE associée à un mélange 1 :1 autogène – allogénique. De même dans une autre étude histologique portant sur l’association d’une membrane d-PTFE avec une combinaison 1 :1 os autogène – xénogreffe, Urban et al. (2014) montrent que les particules de biomatériaux sont bien connectées à de l’os néoformé ayant des degrés de maturations variables à 8 mois post opératoire. Aucune donnée relative à la résorption osseuse n’est cependant rapportée.

 

Les membranes résorbables (collagéniques ou en polymères synthétiques) ont tendance, par leur manque de rigidité, à s’écraser sur le défaut osseux sous l’effet de tension du lambeau et à réduire ainsi le volume de la régénération osseuse. Néanmoins, dans un essai clinique contrôlé randomisé en double aveugle, Merli et al. (2014) les associent à des plaques d’ostéosynthèses vissées pour les soutenir. Des ROG verticales à la mandibule sont réalisées au moyen de membranes résorbables collagéniques et de membranes non résorbables e-PTFE armée titane, associées à de l’os autogène particulé. Les implants sont posés dans le même temps opératoire. À 6 ans, les pertes osseuses mesurées sont respectivement de 1,33mm et 1mm. Les auteurs concluent qu’il n’existe pas de différence significative entre les deux groupes.

 

Indications de la ROG

 

- Septum existants M D bordants édentement, on ne peut aller au-delà

- Possibilité de poser implants dans le même temps op si stabilité primaire possible

- Absence de site donneur

- Possibilité de gain osseux jusqu’à

 

Contre-indications

 

- Absence de septa osseux

- Os basal très corticalisé car plus lente vascularisation du greffon

- Défauts osseux trop volumineux


Conclusion

 

La régénération osseuse est certainement la technique opératoire la plus en vue du fait de l'absence de gestion osseuse du site de prélèvement ou du site receveur. La stabilité mécanique de la régénération, est un facteur clé, et l'apport des PRF est une avancée majeure dans ce gain de cohésion du biomatériau particulé. Toutefois la multiplicité des protocoles et l'avènement de nouveaux dispositifs 3D permettant la stabilisation, ouvrent des champs de recherche et de prospection qui certainement prendront une place prépondérante dans les publications à venir, avant que les indications ne s'affinent, quant aux différents choix.

Bibliographie :

-Albrektsson T, Zarb G, Worthington P, Eriksson AR. The longterm efficacy of currently used dental implants: A review and proposed criteria of success. Int J Oral Maxillofac Implants 1986;1:11–25.

-Chiapasco M, Romeo E, Casentini P, Rimondini L. Alveolar distraction osteogenesis vs. vertical guided bone regeneration for the correction of vertically deficient edentulous ridges: A 1-3-year prospective study on humans. Clin Oral Implants Res 2004;15:82–95. 


-Fontana F, Grossi GB, Fimanò M, Maiorana C. Osseointegrated implants in vertical ridge augmentation with a nonresorbable membrane: a retrospective study of 75 implants with 1 to 6 years of follow-up. Int J Periodontics Restorative Dent. 2015;35(1):29-39.

-Merli M, Migani M, Esposito M. Vertical ridge augmentation with autogenous bone grafts: Resorbable barriers supported by ostheosynthesis plates versus titanium-reinforced barriers. A preliminary report of a blinded, randomized controlled clinical trial. Int J Oral Maxillofac Implants 2007;22:373–382.

-Merli M, Moscatelli M, Mariotti G, Rotundo R, Bernardelli F, Nieri M. Bone level variation after vertical ridge augmentation: resorbable barriers versus titanium-reinforced barriers. A 6-year double-blind randomized clinical trial. Int J Oral Maxillofac Implants. 2014;29(4):905-13.

-Rocchietta I, Fontana F, Simion M. Clinical outcomes of vertical bone augmentation to enable dental implant placement: A systematic review. J Clin Periodontol 2008;35(suppl 8):203–215.

-Ronda M, Rebaudi A, Torelli L, Stacchi C. Expanded vs. dense polytetrafluoroethylene membranes in vertical ridge augmentation around dental implants: a prospective randomized controlled clinical trial. Clin Oral Implants Res. 2014;25(7):859-66.

-Simion M, Jovanovic SA, Tinti C, Benfenati SP. Long-term evaluation of osseointegrated implants inserted at the time or after vertical ridge augmentation. A retrospective study on 123 implants with 1-5 year follow-up. Clin Oral Implants Res 2001;12:35–45. 


-Tinti C, Parma-Benfenati S. Vertical ridge augmentation: Surgical protocol and retrospective evaluation of 48 consecutively inserted implants. Int J Periodontics Restorative Dent 1998;18:434–443.

-Urban IA, Jovanovic S, Lozada JL. Vertical ridge augmentation using guided bone regeneration (GBR) in three clinical scenarios prior to implant placement: A retrospective study of 35 patients 12 to 72 months after loading. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24:502–510. 


-Urban IA, Lozada JL, Jovanovic SA, Nagursky H, Nagy K. Vertical ridge augmentation with titanium reinforced, dense-PTFE membranes and a combination of particulated autogenous bone and anorganic bovine bone-derived mineral: a prospective case series in 19 patients. Int J Oral Maxillofac Implants. 2014;29(1):185-93.