Le challenge de l’endodontie minimalement invasive

Guillaume Jouanny

Dossier AEEDC Dubaï 2023 - AO News #57


La dentisterie minimalement invasive est une philosophie de soins qui repose sur la détection et le traitement précoce des pathologies dentaires avant que leurs conséquences soient irréversibles. Le traitement minimalement invasif des atteintes dentaires vise à conserver le maximum de tissu dentaire sain (émail, dentine et pulpe pour la dentisterie restauratrice). En accord avec les données récentes acquises de la science, la dentisterie minimalement invasive consiste à retirer les tissus atteints tout en conservant le maximum de tissus sains pour permettre la réalisation d’une restauration pérenne sur une dent qui conserve la meilleure valeur mécanique résiduelle possible et qui est si possible renforcée par le collage d’éléments prothétiques biomimétiques. En endodontie, l’objectif principal est de retirer des canaux les résidus pulpaires, les microbes, et d’anciens matériaux d’obturation dans le cas de retraitements endodontiques afin de prévenir ou de traiter une éventuelle lésion inflammatoire périapicale d’origine endodontique. Pour atteindre cet objectif, les procédures cliniques entraînent une diminution de la résistance mécanique de la dent réduisant également ainsi le taux de survie de la dent et le maintien de la dent traitée sur l’arcade. L’endodontie minimalement invasive (EMI) est un concept qui tend à limiter la destruction tissulaire et à optimiser la résistance mécanique de la dent. Elle consiste en premier lieu à tenter, lorsque cela est possible, de conserver la pulpe vivante en utilisant des matériaux biocompatibles dans le cas de techniques de conservation de la vitalité pulpaire. Lorsque le traitement endodontique est indiqué, l’EMI consiste à tenter de conserver le maximum de dentine saine dans la partie coronaire, la partie cervicale et la partie radiculaire de la dent traitée. L’endodontiste se retrouve donc face à un challenge. D’une part, il est nécessaire d’éliminer le plus possible les microbes, les résidus pulpaires et les corps étrangers présents dans les canaux, et d’autre part, il doit tenter d’être le plus conservateur possible. Ce challenge est particulièrement prégnant lors de la phase de préparation canalaire.  En effet les techniques de préparation canalaire conventionnelles utilisent des instruments qui sont définis par leur conicité (variable ou constante) et leur diamètre à la pointe. Qu’il s’agisse d’un mouvement réciproque ou d’un mouvement en rotation continue, ces instruments donnent au canal une forme conique standardisée qui est à l’image du dessin du dernier instrument utilisé lors de la préparation canalaire. Nous savons pourtant que les canaux n’ont pas une forme standard. La plupart des canaux ont une section ovale et la forme de cette section varie tout au long de la racine.
Le compromis actuel est donc de préparer des canaux ovales avec des instruments de section dynamique ronde (Fig. 1). Il est convenu d’élargir au niveau apical à un diamètre d’au moins 30/100 pour autoriser une irrigation optimale et de choisir une conicité d’au moins 4 %. On compte sur l’irrigation pour désinfecter chimiquement  toutes les surfaces qui ne sont pas touchées par l’enveloppe de préparation des instruments. Les études montrent que dans le cas de canaux ovales de racines distales de molaires mandibulaires, l’instrumentation rotative conventionnelle ne parvient à rentrer en contact qu’avec 20 à 40 % de la surface radiculaire. Une nouvelle génération d’instrument qui tente d’améliorer la capacité de nettoyage tout en conservant le maximum de dentine saine a vu le jour récemment.
Le XP Shaper (Fig. 2) de la société suisse FKG est un instrument avec un diamètre de pointe de 30/100 et une conicité de 1 %. Cette conicité très réduite lui confère une grande flexibilité (Fig. 3). La particularité de cet instrument réside dans les propriétés de l’alliage qui le compose et dans sa forme atypique. Son alliage en NiTi a subi un traitement thermique et l’instrument se rigidifie aux alentours de 35°C (température intra canalaire) ce qui lui permet de reprendre sa forme initiale. Sa forme torsadée rigide atteinte à 35 degrés lui permet de se contraindre dans les zones étroites du canal et de s’expandre dans les zones plus larges. L’instrument est donc en permanence en train de s’adapter à l’anatomie des canaux qu’il prépare. Des études ont confirmé que cet instrument est capable de nettoyer une plus grande surface canalaire tout en conservant la dentine saine.
Pour les retraitements, cet instrument est d’autant plus intéressant qu’il est capable de retirer plus de matériau d’obturation canalaire tout en évitant de compacter des débris organiques et des résidus des obturations précédentes dans les zones non instrumentées au préalable (Fig. 4).

Cette nouvelle génération d’instruments qui s’adapte à l’anatomie canalaire semble donc être une solution intéressante qui répond au challenge de l’endodontie minimalement invasive.