Les full mock up dans le traitement de l’usure avancée

Stefen Koubi, Galip Gurel, Richard Massihi, Patrice Margossian, Herve Tassery

Dossier spécial : Dentisterie esthétique au quotidien

AONews #13 - Octobre 2017


Les réhabilitations esthétiques représentent un défi majeur à relever pour tous omnipraticiens que ce soit dans le domaine cosmétique (réhabilitations par facettes) et / ou dans le domaine esthético- fonctionnel (traitement de l’usure par restaurations partielles collées). En effet dans les deux cas le recours à une approche à minima doit être préconisé en raison de ses avantages esthétiques, biologiques et biomécaniques.

Télécharger
Les full mock up dans le traitement de l’usure avancée - AO#13
Les Full mock up S. Koubi AON #13.pdf
Document Adobe Acrobat 942.4 KB

Si ces techniques se démocratisent petit à petit au sein des cabinets dentaires, leur mise en œuvre demeure encore difficile. La construction d’un projet esthétique et fonctionnelle matérialisé par un wax up demeure un challenge de tous les jours et sa bonne intégration en bouche tracera la route vers le succès. L’objectif de cette article est de mettre en lumière le rôle capital de ce projet qu’il soit esthétique et ou fonctionnelle. Une fois celui-ci validé il servira de GPS pour le praticien.

 

Les PREREQUIS : l’analyse esthétique et l’établissement de la nouvelle DVO

 

L’analyse esthétique

 

Les objectifs de la dentisterie esthétique sont de créer des dents aux proportions agréables et un agencement dentaire en harmonie avec la gencive, les lèvres et le visage du patient. Le visage peut s’analyser au travers de lignes de référence horizontales et verticales. La ligne bi-pupillaire représente la ligne de référence horizontale majeure par rapport aux autres lignes horizontales : ophriaques et intercommissurales. Le plan sagittal médian représente quant à lui l’axe de symétrie vertical du visage et forme avec la référence horizontale un T dont le centrage et la perpendicularité favoriseront grandement la perception d’une harmonie faciale. Dans un visage harmonieux le plan incisif est parallèle à la ligne bi-pupillaire et le milieu interincisif est perpendiculaire à cette ligne. L’erreur la plus fréquemment rencontrée en dentisterie esthétique est le non alignement du plan incisif par rapport aux références horizontales et verticales (4). Cela est en partie dû à la difficulté de communiquer au laboratoire les références esthétiques du visage.

 

L’utilisation d’un nouvel instrument, le Ditramax® (1,2) permet d’enregistrer les lignes de référence esthétique de la face et de les transférer directement sur le modèle en plâtre servant à la réalisation des prothèses. Cet outil peut s’utiliser aussi bien durant la phase de diagnostic pour la réalisation d’un projet thérapeutique, que lors de la réalisation de dents provisoires, ou lors de la phase finale de réalisation des prothèses d’usage. Le prothésiste aura ainsi la sensation de travailler devant le patient et pourra ainsi optimiser l’intégration esthétique des prothèses dès la première réalisation. Cette procédure évite de multiplier les essayages cliniques chronophages servant à corriger les formes et les axes des dents prothétiques en céramique.

 

La communication des références esthétiques de la face au laboratoire de prothèse est un élément fondamental qui conditionne la réussite d’un cas esthétique du cas clinique.

 

Il est primordial pour toutes réhabilitations antérieures de passer par une phase de diagnostic qui a pour but de relever les différentes digressions esthétiques du sourire. L’analyse des photographies faciale et buccale lors du sourire et du rire permet d’orienter le traitement, en indiquant par exemple l’éventuel recours aux thérapeutiques associées tel que la chirurgie parodontale ou l’orthodontie.

 

Une fois les préparations réalisées et l’empreinte prise, le Ditramax® permet l’enregistrement et le transfert au laboratoire des plans de références esthétiques.

 

La photographie est une aide importante dans la communication avec le laboratoire. Elle renseigne en effet le céramiste sur la personnalité du patient (âge, sexe, type facial, couleur de peau...). Il est important avant tout envoi au laboratoire de réorienter et recadrer les photos de façon à ce que le plan sagittal médian du visage soit strictement vertical afin de ne pas tromper la perception optique du sourire. Toutefois, même si la photo des restaurations provisoires ou de l’essayage permet de voir l’inclinaison du plan incisif par rapport à la référence horizontale, il est impossible pour le prothésiste de la quantifier et donc de faire les ajustements adéquats.

 

La restauration prothétique des dents antérieures maxillaires représente, de par leur situation un défi esthétique majeur. Le diagnostic esthétique est basé sur la mise en relation des dents avec la gencive, les lèvres et le visage du patient. Le système Ditramax® permet de projeter aisément la ligne bi pupillaire - axe horizontal de référence esthétique - sur la zone buccale afin de relever les digressions esthétiques majeures et pouvoir proposer un projet thérapeutique visant à retrouver une composition dentaire et gingivale harmonieuse d’apparence naturelle. En plus du diagnostic, la transmission au laboratoire de l’ensemble de ces plans de références représente une réelle avancée technique et permet une réduction importante des erreurs d’agencement des dents.

 

Une projection fiable et reproductible du plan de Camper, de la ligne bi-pupillaire et du plan sagittal médian sur le modèle, au plus près de la zone de travail, facilite grandement le travail du prothésiste et assure ainsi une meilleure prévisibilité du résultat esthétique.

 

Le protocole photographique vient s’ajouter dans l’arsenal des outils de communication avec le laboratoire ; c’est pourquoi certains clichés sont primordiaux tel que :

 

- photos du visage sourire forcé,

- photos de l’étage inférieur sourire forcé face et ¾ profil droit et gauche afin d’analyser la ligne du sourire,

- photos intrabuccale des 10 dents antérieures afin de disposer d’une vision globale.

 

Ces informations collectées, le prothésiste va pouvoir élaborer le wax up dans les meilleures conditions.

 

Fig. 1 : Situation initial du sourire plat du patient en raison d’une usure du bloc incisivo canin maxillaire

Fig. 2 : Vue intrabuccale, noter les bords incisifs anormalement plats

Fig. 3 : Vue occlusale des deux arcades mettant en exergue la présence de lésions érosives au niveau des faces occlusales des prémolaires et molaires avec une importance plus marquée au niveau du maxillaire inférieur

Fig. 4 : Vue des faces palatines des incisives avec une disparition importante de l’émail palatin. L’utilisation fréquente de soda associée à des parafonctions est la cause retenue pour expliquer ce processus

Fig. 5a : Vue intrabuccale de l’arcade maxillaire supérieure. Il est important de transposer sur le modèle en plâtre les références faciales afin d’intégrer le futur design du sourire avec le visage du patient et plus particulièrement avec son sourire

Fig. 5b : A partir de l’analyse du sourire il devient aisé de créer les nouvelles proportions. Ce projet virtuel se fait depuis les photos de sourire du patient (DSD) ou simplement à l’aide de composite pour devenir un projet réel.

 

Pourquoi l’usure est devenue un sujet à la mode?

 

L’usure est devenue d’année en année une des préoccupations majeures récurrentes chez les patients qui craignent la fracture ou même la perte de leurs dents: la diminution du nombre des caries a permis à l’érosion de gagner du terrain. A travers le monde, des centaines de revues, d’articles et de congrès abordent ce sujet qui suscite un véritable engouement parmi les praticiens. Les médias abordent régulièrement le sujet que bon nombre de praticiens semblent méconnaître en proposant souvent des solutions « de façade » qui ne prennent absolument pas en compte les causes profondes du phénomène.

 

Lorsque cette usure s’intensifie de façon anormale, l’esthétique se trouve fortement altérée : perte de fragments des tissus durs de la dent dans le processus initial qui entraîne des modifications morphologiques dentaires, des troubles fonctionnels, des troubles sensoriels -hypersensibilités-, des rétentions alimentaires au niveau des zones cervicales et au niveau interdentaire suite à l’effondrement des crêtes marginales.

 

Tout praticien dento-conscient se doit d’identifier ces altérations structurelles mais surtout leurs étiologies afin de freiner leur développement, d’éviter les récidives et d’améliorer le pronostic des traitements envisagés. Le diagnostic différentiel des différentes altérations des tissus dentaires doit être clairement établi avant d’entreprendre tout traitement de restauration.

 

Une augmentation très nette de la fréquence de ce type de lésions au sein des populations jeunes, l’accentuation du stress et des parafonctions, la surconsommation de sodas, les troubles du comportement alimentaire, l’environnement médiatique constituent autant de facteurs propices à exacerber le phénomène (Lussi et Jaeggi, Quintessence International, 2012 1)

 

L’usure est au carrefour des doléances classiques des patients, qu’elles soient esthétiques, fonctionnelles et biologiques.

 

Le praticien doit relever le challenge, à savoir traiter des patients jeunes et moins jeunes de la manière la plus minimaliste possible afin de ne pas compromettre le devenir de la dent.

 

L’analyse clinique (Fig. 1 à 5b)

 

Dans les cas d’usure doit permettre à l’aide de moyens simples de repositionner les futurs bords libres des 2 incisives centrales par ajout de composites à main levée afin de communiquer au laboratoire le repère le plus précieux pour la construction du nouveau sourire par le biais du wax up. Pour cela une empreinte des nouvelles proportions est réalisée ainsi que son antagoniste. Une fois les bases esthétiques posées il est primordial de créer les conditions fonctionnelles nécessaires aux rallongements du bloc incisivo canin afin d’assurer la pérennité des futurs restaurations.

 

Pour cela le recours à l’augmentation de la DVO est une des options les plus répandues. Afin de quantifier le besoin de l’augmentation on reconstruit avec le même procédé que pour les bords libres, les faces palatines des incisives centrales. Plus l’usure est avancée plus l’apport sera important.

 

On vérifie alors la simultanéité des contacts des deux incisives puis l’espace crée sur les dents adjacentes avec leurs antagonistes pour éviter des reconstructions trop volumineuses toujours déplaisantes pour le patient. Fig. 6

 

Le patient n’est pas manipulé et ferme plusieurs fois de manière à vérifier son bon positionnement. On vérifie alors l’espace crée entre les deux arcades. Celui ci doit correspondre à l épaisseur de la pièce souhaitée Chez la majorité des patients présentant une usure marquée, il est rare de noter une dysharmonie faciale, en raison d’une égression compensatrice des process alvéolaire support des dents usées.

 

L’augmentation de la DVO est presque exclusivement motivée par la biologie. En effet l’espace ainsi crée se substitut à la réduction tissulaire.

 

Le troisième élément indispensable à la communication avec le laboratoire est l’enregistrement des références esthétiques du visage (ligne bipupillaire et axe médian) afin de les retranscrire sur le modèle de travail. Pour cela le DITRAMAX® est utilisé (10,11). Ainsi les possibilités d’erreurs lors de la construction de la nouvelle ligne du sourire sont quasiment nulles. Des retouches importantes en bouche, au stade du mock up sont toujours désagréables pour le praticien et le patient et sont donc réduits à leur plus simple expression grâce à ce type d’enregistrement.

 

Fig. 6 : Séquences cliniques pour l’établissement de la nouvelle DVO à partir de reconstruction en composite à main levée du volume palatin perdu sur les deux incisives centrales

Le full mock up : 3 rôles

 

Validation sur le plan esthétique et fonctionnel par le patient

 

Le nouveau sourire

 

Comme dans la majorité des disciplines médicales, le dentiste va être perçu comme un chirurgien esthétique avec la notion d’obligation de résultat. Le transfert du projet en bouche, va donc permettre au patient de visualiser directement, en situation, l’aspect (forme, volume) des nouvelles dents et d’apprécier les nouveaux rapports avec les tissus environnants (visage, lèvres, langue et joues) pendant la dynamique labiale (repos, sourire, rire, phonation). (3,4)

 

Pour sa réalisation on utilise successivement:

 

- une cire de diagnostic réalisée en fonction de l’enregistrement précédent et en fonction des lignes dessinées sur le modèle (référence horizontale et verticale) qui traduit morphologiquement les objectifs fixés lors de l’analyse esthétique (modification de forme, de position, fermeture de diastèmes...),

 

- une clé en silicone pour transférer le projet, issue du wax up. Il englobe au moins deux dents de chaque côté (non intéressées par le projet), afin de faciliter son repositionnement. Une résine fluide injectable chémopolymérisable « Bis GMA » (Luxatemp Star DMG) possédant des propriétés optiques, suffisamment translucide) sera injectée à l’intérieur de la clé silicone avant son repositionnement en bouche. Une fois la polymérisation de la résine achevée (environ 2 minutes), la clé est retirée. La majorité des excès se concentre au niveau du vestibule muqueux et de la zone palatine. Ils devront être éliminés délicatement afin de ne pas perturber l’apparence des tissus mous et la phonation (soulèvement ou gonflement de la lèvre, modification de certains phonèmes en cas d’excès palatin). À ce stade le patient peut se présenter face à un miroir afin de visualiser le projet esthétique. Cette étape de transfert du projet morphofonctionnel, grâce au « masque », est essentielle et doit aboutir à la validation par le patient et le praticien. Fig. 7

Fig. 7 : Vue du nouveau sourire grâce au projet esthétique réalisé à l’aide d’une résine Bis acryl (Luxatemp Star DMG)

 

La nouvelle occlusion

 

Classiquement on faisait appel à une clé en silicone complète incluant une surface palatine la plus large possible pour la stabilisation. Cependant il n’existe pas de butée d’enfoncement précise lors de l’insertion de la clé en silicone en raison de la totalité des dents concernées par la réhabilitation. Récemment l’apport du digital a simplifié de manière significative cette dernière étape. En effet le wax up est scannée afin de disposer d’une empreinte 3D. Une fois scanné, un logiciel permet d’apposer une couche d’épaisseur calibrée sur le nouveau relief occlusal comme si on positionnait virtuellement une gouttière. Celle-ci est ensuite fabriquée par une imprimante 3D puis rebasée à l’aide d’un silicone light afin d’optimiser la friction et la précision de la gouttière lors de son insertion en bouche. Fig. 8 et 9

Fig. 8 : Afin de disposer d’un transfert fidèle du wax up en bouche, une gouttière fabriquée par imprimante 3D et rebasée avec un silicone light est utilisée

Fig. 9 : Cette précision est particulièrement importante lors de reconstruction des faces occlusales lors de l’augmentation de la DVO

Cette gouttière en résine rigide est alors essayée en bouche puis remplie par une résine bis gma fluide (luxatemp star DMG) afin d’etre placée en bouche. Son insertion est simple, précise. L’occlusion est alors vérifiée afin de valider l’intégration fonctionnelle du mock up. Ce dernier préfigure de manière très précise la nouvelle occlusion dans la nouvelle DVO ainsi que la ligne du sourire (Fig.7) Ainsi le wax up est transféré de manière précise en bouche.

 

Guider les préparations pour facettes occlusales et vestibulaires

 

L’idée directrice est d’utiliser le mock up esthétique et fonctionnelle comme un guide de préparation aussi bien pour les facettes vestibulaires que pour les tables occlusales postérieures. (Fig. 10, 11a et 11b)

 

Fig. 10 : La précision de ces gouttières offre au dentiste une prévisualisation du futur de grande qualité qui aidera grandement les phases d’explications avec le patient.

 

 

Fig. 11a et b : Vue intrabuccale du mock up fonctionnel. L’anatomie palatine perdue est reconstruite dans un premier temps grâce à la résine bis acryl fidèlement (Luxatemp star DMG)

 


 Deux questions majeures se posent alors :

 

- quelle profondeur de préparation pour nos restaurations postérieures ?

 

- quelles formes de préparation ?

 

Dans les réhabilitations de denture usée il est important de souligner le caractère novateur des préparations en raison de leur approche moderne. La reconstruction est souvent additive et l’espace existant entre le volume initial et le volume final est déjà existant.

 

Les préparations antérieures

 

Toujours soucieux de réduire l’extension de nos préparations ainsi que le coût biologique (12) différentes techniques ont été proposées. Les préparations pour facettes vestibulaires sont aujourd’hui parfaitement codifiées ; en effet elles font appel à l’utilisation d’un mock up qui sert de guide de préparation. Ainsi la fraise dont le calibrage est connu peut pénétrer à travers le mock up afin de créer l’espace nécessaire pour la future restauration et garantir la réduction tissulaire nécessaire (Fig. 12a) (3, 4, 5, 6, 7,8) Cette technique proposée au début des années 2000 (3,4) a connu un grand succès en raison de sa pédagogie et a ouvert une nouvelle voie dans la démocratisation des facettes en céramique. Dans le cas clinique présent, une variante de cette approche moderne a été utilisée afin d’optimiser la réduction tissulaire au niveau du secteur postérieur. En effet, aujourd’hui les techniques de pénétrations contrôlées à partir d’un mock up sont parfaitement maîtrisées dans le secteur antérieur.

Fig.12a : Préparation à travers le mock up esthétique et fonctionnelle afin de contrôler la calibration des préparations

Fig.12b : Préparation calibrée à travers le mock up

 


Les préparations postérieures

 

Quelle profondeur de pénétration ?

 

Il a été proposé d’utiliser la méthode des préparations à partir du mock up antérieur pour l’adapter aux préparations postérieures ; en effet, une fois le mock up réalisé en bouche, stabilisé puis validé, il semble plus opportun de le maintenir en place au stade des préparations afin de réaliser une réduction homothétique à ce dernier en utilisant une fraise boule de diamètre connu et placée à l’horizontale de manière à bénéficier d’une butée d’enfoncement par l’intermédiaire de son mandrin.

 

Ainsi différentes rainures (au nombre de 3) doivent être réalisées (versant interne de la cuspide vestibulaire, sillon central, versant interne cuspide palatine). Fig. 12b, 13 et 14.

Ainsi le clinicien dispose de l’information la plus précieuse afin d’éviter toute surpréparation.

Lors de la réalisation de ces rainures il est important de ne pas empiéter sur les régions proximales afin d’optimiser les préparations sur le plan biologique et biomécanique. (9, 10, 11,12, 13).

Fig.13 : Vue ¾ du calibrage des préparations à travers le mock up postérieur afin de contrôler l’épaisseur de réduction

Fig.14 : Séquences cliniques des préparations postérieures pour la réalisation des tables occlusales

 

Une fois la question de la profondeur de pénétration réglée la deuxième question est la forme de préparation. Cette dernière demeure beaucoup plus simple dans sa réponse en raison du seul impératif de lecture des limites et de stabilisation de la pièce lors du collage. Si les formes de préparations pour facettes sont codifiées depuis de nombreuses années dans le secteur antérieur, quelques approfondissements doivent être apportés sur les formes de préparations dans la région postérieure lors de la réalisation de facettes occlusales appelées aussi table top.

 

Quelles formes de préparation pour les restaurations postérieures ?

 

Il faut préciser qu’étant donné la faible épaisseur des préparations, celles-ci peuvent être réalisées dans une majorité de cas sans pratiquer d’anesthésie. Les restaurations partielles collées ont vocation à protéger la dent mais aussi à recréer l’anatomie occlusale initiale qui autorisera l’augmentation de la DVO.

 

Pour y parvenir plusieurs options thérapeutiques ont été proposées au cours des années.

 

Initialement, la couronne périphérique fut pendant longtemps la solution de choix pour remplir ce cahier des Charges ; ne répondant plus aux impératifs biologiques modernes cette solution est aujourd’hui rarement retenue.

 

Les overlays en céramique ou en composite de laboratoire ont été proposés ces dernières années et présentaient l’avantage d’une moindre mutilation tissulaire avec des limites périphériques très simples et bien au dessus de la JEC des marges habituelles. Cependant ces derniers présentaient et continuent de présenter un inconvénient majeur, à savoir la destruction des crêtes proximales afin d’assurer l’assise mécanique et de respecter les recommandations des fabricants. Des épaisseurs importantes de réduction de l’ordre de 1 à 1, 5mm étaient requises. Malgré le strict respect de ces dernières il a été observé sur des suivis à moyen et long terme des fractures de cosmétique ou de matériau dans la région proximale (chiping). L’avènement des technologies CAD CAM ou des techniques de céramique pressée a sensiblement modifié ces carences mécaniques en raison d’une plus grande densité du matériau (fraisage à partir d’un bloc de céramique ou de composite) et du recours à un simple maquillage de surface.

 

Afin de mieux coller aux réalités biologiques et de respecter encore plus les structures résiduelles il devient possible de réaliser des préparations à minima dont le but est d’obtenir :

 

- une préservation des crêtes proximales quand celles-ci sont présentes (une grande majorité de cas),

- une diminution des épaisseurs de réduction (0,5-0,8mm) en raison d’une moindre sollicitation des restaurations (absence de tension au niveau proximal).

 

En effet de par la persistance de l’architecture proximale, les crêtes continuent de jouer pleinement leur rôle mécanique. Les restaurations ultrafines à distance des crêtes se retrouvent donc à travailler uniquement en compression ce qui est très bien toléré par les deux familles de matériaux (composite ou céramique). (18) (Fig. 15 à 18)

 

Les formes de ces préparations ultraconservatrices peuvent se caractériser de la manière suivante.

 

Délimitation d’un rectangle dans la face occlusale à l’aide d’une fraise boule bague verte (coffret Komet LD0717). Quelques précisions sur la localisation des limites doivent être apportées :

 

- si les cuspides existantes sont intactes, les préparations s’arrêteront à une distance de 1 mm sous les sommets cupidiens palatins et vestibulaires,

 

- si les cuspides sont altérées ou qu’un rallongement des cuspides vestibulaires doit être effectué, les préparations devront impérativement aller jusqu’au sommet cuspidien et la fraise surfera sur l’extrémité des cuspides. Lorsque les cuspides palatines sont aplanies par l’usure, la préparation doit englober toute la cuspide afin que cette dernière soit intégralement reconstruite par le « table top »,

 

- au niveau proximale les limites sont toujours positionnées sur les crêtes proximales existantes afin d’offrir une anatomie proximale idéale.

 

L’utilisation d’une fraise boule bague verte et rouge semble être une solution intéressante pour réaliser un angle net cavosuperficiel de 90° pour la pérennité du joint. Les concepts de préparation type « prepless » doivent être évités en raison de la nature de la ligne de finition entre la surface occlusale de la dent et la restauration. Le biseau ainsi crée n’aurait pas vocation à assurer la résistance mécanique nécessaire face aux impacts et aux charges occlusales (chiping, délitement, coloration). Il est donc impératif de réaliser une trace nette.

 

Réduction et homogénéisation des différentes gorges si elles sont présentes à l’aide d’une fraise à inlay.

 

Inclusion des cuspides palatines lorsqu’elles sont elles-mêmes érodées par l’usure pour amorcer un retour en palatin, et ce toujours dans le but « d’asseoir » la restauration dans un « cadre » stable.

Fig.15 : Préparations à minima réalisées aussi bien dans le secteur antérieur que postérieur en raison de l’aspect additif du projet en bouche. On prépare en fonction du futur et non en fonction du présent

Fig.16 : Même aspect et approche au niveau maxillaire inférieur

Fig.17 : Réduction du volume des restaurations

Fig.18 : Géométrie cavitaire pour la réalisation de « table top » avec ici une préservation des crêtes marginales et des limites à distances des régions de stress

Dans le cas de lésions multiples (palatines et/ou vestibulaires) associées à une usure occlusale, sur les prémolaires et molaires, il faudra réaliser 2 pièces distinctes en prenant soin de laisser une « bande d’émail » entre elles, cette poutre faisant office de « résistance » qui raccorde les 2 crêtes proximales et sert de soutien aussi bien à la restauration occlusale que vestibulaire, permettant ainsi d’assurer la solidité de la dent . Ainsi le praticien se retrouve à recourir à la technique « sandwich » décrite au niveau antérieur (facette palatine et vestibulaire) dans le secteur postérieur. Les prémolaires sont reconstruites par addition d’une facette vestibulaire et d’un inlay occlusal afin de restituer le volume initial de la dent. Le gain biologique est très sensible notamment dans la région proximale et palatine. (19). Lorsque la sévérité des lésions est plus importante on procède à des pièces plus enveloppantes reposant toujours sur l’anatomie proximale existante mais ou la face occlusale et vestibulaire ne font plus qu’une pièce unique au lieu d’un sandwich. (Fig. 14).

 Les 3 types de « Table top » (Fig. 19)

 

- Table top intra cuspidien

 

- Table top cuspidien

 

- Table top occluso vestibulaires : veneerlay

Fig. 19 : Différentes formes de « table top » en fonction du niveau d’usure.

Fig. 20 : Fabrication des tables top et des facettes palatines à partir de bloc nanocéramique (LAVA Ultimate 3M ESPE) en raison d’un coefficient d’usure voisin de l’émail naturel.

Fig. 21 : Fabrication des facettes vestibulaires à l’aide de bloc de disilicate de lithium (emax CAD LT)

Fig. 22 : Vue du “sandwich” de restauration afin de recréer le volume perdu; la facette palatine est reconstituée à l’aide de nanocéramique (LAVA Ultimate 3M ESPE) et la facette vestibulaire à l’aide de disilicate de lithium. L’ensemble de ces solutions est issu de la technologie CAD CAM.

 

 

Temporisation

 

Que ce soit dans un but cosmétique ou fonctionnel, l’étape de la temporisation doit être simple, rapide pour s’inscrire dans un protocole clinique prévisible et reproductible.

 Le même matériel (clé en silicone et résine bis gma) sera utilisé pour la réalisation des provisoires. Le procédé est identique à celui réalisé lors du projet esthétique, la différence résultant au niveau de la situation dentaire (dent préparée avec de l’adhésif photopolymérisé mais sans mordançage préalable). Ainsi les provisoires ne sont plus retirées après la prise mais finies directement en bouche. Après ajustage des restaurations provisoires et contrôle de leur adaptation occlusofonctionnelle, les impacts statiques en OIM, et les trajets de propulsion et latéralité sont matérialisés en bouche à l’aide d’un papier marqueur sur les provisoires. Le volume disponible peut être alors quantifié à l’aide d’un compas d’épaisseur par lecture directe au niveau des zones d’occlusion.

 

Fabrication des restaurations (14)

 

La technologie CAD CAM et les différents blocs à disposition permettent aujourd’hui de remplir le cahier des charges de nos restaurations. Nous assistons aujourd’hui à une simplification des procédures de laboratoire avec une disparition de la startification et un remplacement par un maquillage de surface sur les restaurations issues des blocs fraisés qui donne d’excellents résultats dans le secteur postérieur, et des résultats prometteurs dans le secteur antérieur. Aussi les restaurations voient leur résistance mécanique renforcée après collage et le risque de chipping sensiblement diminuée. On peut ainsi combiner dans le cas de sandwich la combinaison de bloc nanocéramique (LAVA Ultimate 3M ESPE) dans les régions fonctionnelles pour préserver l’émail antagoniste et des blocs cosmétique en disilicate de lithium (emax CAD ivoclar vivadent) pour optimiser l’intégration esthétique (Fig. 20 à 22).

 

Les restaurations sont essayées dans un premier ; la précision d’adaptation puis l’intégration colorimétrique à l’aide de pâte d’essai (Vitique Veneer DMG, Variolink Veneer Ivoclar Vivadent, Enamel Hri Flow Dentin Mycerium).

 

Les sandwichs (facettes vestibulaires et palatines) sont collés simultanément mais dent par dent. Les « tables top » sont collées également selon le procédé de la digue individuelle. (Fig. 23 à 29)

Fig. 23 : Différence de volume entre la dent restaurée et non restaurée

Fig. 24 : Collage simultané de la facette palatine et vestibulaire

Fig. 25 : Mise en place d’une « table top » à l’aide d’un instrument disposant d’un embout mousse qui évite la fracture de la pièce lors de la pression axiale. (Optra Sculpt ivoclar vivadent)

Fig. 26 : Vue final des restaurations collées; noter l’excellente intégration parodontale. (Céramiste Hilal Kuday ISTANBUL)

Fig. 27 : Vue palatine des facettes en LAVA ultimate (3M). L’anatomie nouvelle permet une intégration fonctionnelle optimale

Fig. 28 : Vue postérieure des « tables top » après collage; notez le mimétisme des blocs en nanocéramique

Fig. 29 : Intégration globale des restaurations dans l’expression dynamique du patient.

Remerciements

L’auteur souhaiterait associer le groupe Style italiano dont l’objectif est de développer sans cesse des techniques accessibles, reproductibles et donc réalisables par le plus grand nombre.

 Un remerciement particulier à Hilal Kuday pour son implication et son talent dans la réalisation au laboratoire de ce cas clinique.

 

Conclusion

 

Les facettes en céramique ou plutôt les restaurations adhésives en céramique sont aujourd’hui l’outil moderne de la reconstruction de l’organe dentaire (15) en raison de plusieurs avantages indéniables :

- biologiques (préservation tissulaire maximale)

- biomécaniques (restitution de la biomimétique de la dent originelle),

- esthétique (pouvoir mimétique de la céramique collée).

 

Les facettes qu’elles soient en céramique, en nanocéramique, en composite, à visée cosmétique ou fonctionnelle ne sont que l’expression d’un projet esquissé au départ du traitement dont le rôle est primordial. En effet c’est bien au stade de son élaboration que tout le traitement va se jouer. Une fois celui ci validé esthétiquement et fonctionnellement il sera utilisé précieusement comme un GPS afin d’etre converti en traitement final.


Références bibliographiques

 

 

 

1. P. Margossian G. Laborde S. Koubi, Communication des données esthétiquesfaciales au laboratoire: le systèmeDitramax, RéalClin 2010 .Vol 21, n°3:pp.41-51

 

2. P. Margossian G. Laborde S. Koubi G. Couderc P. Mariani, Use of the Ditramax System to Communicate Aesthetic Specifications to the Laboratory, Eur journal of esth dent Volume 6 • n°2 • Summer 2011

 

3. Gurel G. Predictable, precise, and repeatable tooth preparation for porcelain laminate veneers. PractProcedAesthet Dent. 2003; 15(1): 17-24

 

4. Gurel G. Les facettes en céramiques : de la théorie à la pratique, Quitessence Publishing 2004

 

5. Gurel G, Morimoto S, Calamita MA, Coachman C, Sesma N, Clinical performance of porcelaine laminate veneers; outcomes of the aesthetic pre-evaluative temporary technique (APT), Int J Periodontics Restaurative Dent 2012;32:625-635

 

6. GurelG,Bichacho N, Permanent diagnostic provisional restorations for predictable results when redesigning the smile.
PractProcedAesthet Dent. 2006 Jun;18(5):281-6

 

7. Magne P, Magne M. Use of ad- ditive wax-up and direct intraoral mock-up for enamel preservation with porcelain laminate veneers. Eur J Esthet Dent. 2008 ; 1(1): 10-19.

 

8. MagneP,Belser UC, Novel porcelain laminate preparation approach driven by a diagnostic mock-up. J Esthet Restor Dent. 2004;16(1):7-16

 

9. Koubi S , Gurel G, Margossian P , Massihi R , Tassery H, Nouvelles perspectives dans le traitement de l’usure : les table top, Real Clin 2013 Vol. 24, n°4 : pp. 319-330

 

10. Magne P. ;Belser U. Les restaurationsadhésives en céramiques des dent antérieures. Approche biomimétique, 2003.

 

11. Edelhoff D, Sorensen JA. Tooth structure removal associated with various preparation designs for anterior teeth. J Prost Dent. 2002; 5: 503-509.

 

12. Lasserre.Jf. G. Laborde, S. Koubi, H. Lafargue, G. Couderc, G. Maille, S. Botti, P. Margossian, Restaurations céramiques antérieures (2) : préparations partielles et adhésion

 

Réalités Cliniques 2010. Vol. 21, n°3 : pp. 183-195

 

13. Gresnigt MM, Kalk W, Ozcan M, Clinical longevity of ceramic laminate veneer bonded to teeth with and without existing composite restorations up to months, Clin Oral Investig. 2013 Apr;17(3):823-32

 

14. Koubi S.A, G. Weisrok, G. Couderc, G. Laborde, P. Margossian, H. Tassery, Le collage des céramiques à matrice de verre : quand méthode rime avec reproductibilité, Réalités Cliniques 2010. Vol. 21, n°3 : pp. 41-51

 

15. Belser U. Changement de para- digmes en prothèse conjointe.RéalClin. 2010; 21(2):79 85