La résorption osseuse post extractionnelle

une problématique actuelle

Dossier spécial Voyage en terre méconnue... l'os - AOnews #17 Avril 2018

Julie Marion POLINE

Kent (Grande-Bretagne)

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La résorption osseuse post extractionnelle : une problématique actuelle
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L’os alvéolaire se définit comme la partie du maxillaire et de la mandibule qui forme et supporte les alvéoles dentaires. Le procès alvéolaire se constitue en même temps que le développement et l’éruption dentaire. Il se résorbe graduellement après avulsion. Une bonne gestion des avulsions préimplantaires permet d’assurer et de garantir le résultat fonctionnel et esthétique des traitements implantaires.

 

Les parois alvéolaires sont bordées d’os compact. Les zones inter alvéolaires contiennent l’os spongieux. En 1967 Peitrokovski montre que la crête alvéolaire subit une résorption significative après avulsion. La résorption osseuse qui suit l’avulsion d’une dent ne sera pas complètement compensée par l’activité ostéoblastique et la formation d’un os de remplacement.

 

Alors que l’alvéole se remplie d’os néo formé, il se produit une forte activité ostéoclastique sur les versants externes vestibulaire et lingual de l’alvéole. L’activité ostéoclastique entraine une réduction de la hauteur et de l’épaisseur de la crête beaucoup plus prononcée en vestibulaire qu’en lingual. (Araujo, Lindhe 2005)

 

En 2012, Agarwa et Al. rapportent une perte de 40 % en hauteur et 60 % en largeur de crête les 6 premiers mois post-extractionnels. La résorption osseuse post alvulsionnelle est plus importante en vestibulaire qu’en palatin/lingual.


D’après la méta analyse de Van der Weijden et Al. de 2009, chez l’humain, au cours de la période de cicatrisation post-extractionnelle, la perte clinique en largeur de la crête alvéolaire est supérieure à la perte de hauteur. La perte est mesurée à la fois sur le plan clinique et radiographique. L’os peut remplir l’alvéole sur une hauteur d’environ 2.57mm. La perte de hauteur crestale, basée sur des mesures radiographiques, est d'environ 1,59 mm. En fonction de l'évaluation clinique, nous constatons que la perte osseuse est plus importante sur sur la face linguale (2,03 mm) que sur la face vestibulaire (1,67). La réduction de la largeur des crêtes alvéolaires est de 3,87 mm en moyenne.

 

Une étude menée par Covani, en 2011 portant sur 50 patients et publiée dans Clinical Oral Research montre que le pourcentage de remodelage osseux en vestibulaire a provoqué une résorption :

  • de 19,4 +/- 9,4 % de l’os en mésial de l’alvéole,
  • de 39,1 +/- 10,4 % au milieu de l’alvéole,
  • et 20,3 +/- 10,7% en distal de l’alvéole.

Cette étude confirme que la paroi vestibulaire se résorbe selon un schéma bien spécifique. La résorption du centre de l’alvéole représente le double de la perte osseuse en mésial et distal de l’alvéole.

 

Schropp et Al ont décrit en 2003 une réduction osseuse post extractionnelle atteignant jusqu’à 50% de l’épaisseur de l’os pouvait arriver dans les 12 mois suivants une extraction dentaire (entre 5 et 7 mm). La cicatrisation d’une alvéole dentaire suite à une extraction est caractérisée par des modifications internes qui conduisent à la formation d’os au niveau de l’alvéole et des changements externes comme la perte d’épaisseur et de hauteur d’os alvéolaire.

 

La revue de la littérature de l’équipe de Horowitz de la New York University et publiée en 2012, rapporte que la résorption osseuse est plus importante en largeur de crête qu’en hauteur, les chiffres suivants sont ceux de la revue de littérature de l’équipe de Hammerle et al en 2011, il y a une perte en épaisseur de 3,80 mm et une perte en hauteur de crête de 1,24 mm à 6 mois post-extractionnels sans thérapie de préservation osseuse.

 

Bien qu’elle soit continue durant toute la vie, la perte la plus importante a lieu durant le premier mois post-extractionnel puis au cours des 5 mois suivants. (3 à 5 mm de largeur en moins après 6 mois).

 

A : un phénotype alvéolaire fin, moins de 1mm d’épaisseur du mur vestibulaire révèle une résorption progressive après 8 semaines de cicatrisation

 

B : un phénotype alvéolaire épais, plus de 1mm d’épaisseur du mur vestibulaire révèle une résorption moins marquée après 8 semaines (Chappuis et al, 2013)

 

Différentes techniques de greffes permettent une reconstruction osseuse suffisante pour combler la perte osseuse et envisager une réhabilitation implantaire. Dans les solutions proposées notons, les greffes osseuses autogènes, les greffes osseuses allogènes, les xénogreffes, l’utilisation de matériaux synthétiques, hydroxyapatites denses, régénération tissulaire guidées.

Toloue et Al. ont comparé la mise en place de sulfate de calcium seul par rapport aux allogreffes osseuses, dans des alvéoles de dents extraites de manière atraumatique. Leurs critères d’exclusion étaient : une fracture pan osseux vestibulaire, une fénestration supérieure ou égale à 3mm. Certains chirurgiens réalisaient un lambeau et d’autres non, ce paramètre n’a pas été inclus dans les paramètres de l’étude et cela a pu affecter la cicatrisation.

Les résultats de cette étude montrent que les opérateurs obtiennent préservation de l’épaisseur de crête sans empêcher totalement la résorption. De plus, il y a un plus fort taux de conversion du sulfate de calcium en os (32%) comparé à 17 % pour l’allogreffe. Ce volume osseux est préservé pour seulement trois mois.

 

En 2012 Mealey et Wood et al. comparent 2 types d’allogreffes : déminéralisée ou non déminéralisée. L’étude est faite à la suite d’une avulsion traumatique sans élévation de lambeau ou avec une petite exposition d’environ 2 mm sur la crête alvéolaire (lambeau d’épaisseur partielle). Le matériau a été inséré au niveau (ou légèrement en coronaire) de la crête alvéolaire et recouvert d’une membrane de collagène. Il n’y avait pas de suture des tissus mous par-dessus la membrane. Un CBCT a été réalisé 3 mois après mise en place de la membrane et 6 à 8 semaines après la pose implantaire (avec une élévation de lambeau minime).

Les résultats de cette étude montrent qu’en moyenne il y a une perte osseuse d’environ 1 mm en hauteur et 2 mm en largeur. On obtient les mêmes résultats pour les 2 types de matériaux. Nous obtenons plus d’os pour la version déminéralisée (81 % d’os au total) contre 50 % avec l’allogreffe minéralisée.

 

Selon la revue de Cochrane en 2010, la régénération osseuse est le meilleur moyen de réduire significativement la perte osseuse.

L’étude réalisée par Morjaria et Al conclut que l’utilisation de greffe osseuse associé à la pose d’une membrane limite la perte osseuse. Cependant un matériau non résorbable va limiter la formation osseuse et par conséquent limiter l’ostéointégration future d’un implant.

 

Une résorption trop rapide du matériau entraîne une perte osseuse alvéolaire en hauteur et en épaisseur. Une résorption trop lente va limiter la formation osseuse.

 

L’os alvéolaire représente un élément essentiel dans la réussite d’un traitement implantaire.

 

La résorption osseuse après avulsion est un phénomène naturel et inévitable et s’effectue selon un schéma bien défini. La résorption est plus importante en largeur qu’en hauteur et plus marquée dans le sens vestibulo-lingual que mésio-distal.

 

L’os spongieux se résorbe d’avantage comparé à l’os cortical. Bien que le remodelage osseux soit plus important dans le premier mois suivant une avulsion, la perte osseuse se poursuit tout au long de la vie. Les thérapeutiques de préservation de l’os alvéolaire ainsi que les matériaux de comblement apportent une réponse efficace à la réussite d’un traitement implantaire.

 

Article écrit avec la participation de Caroline Chapuis, Solène Marniquet, Bernard Cannas, Marie-Hélène Laujac et de Mrs Jean-Gabriel Tranie, Lucien Dupagne

 

Bibliographie :

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