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Traitement d'une lésion intra-osseuse combinée au traitement d'une récession parodontale dans une zone esthétique - AOnews #26 - Juin 2019

 

Introduction : intérêts et limites de la chirurgie Mini-invasive

Les lésions intra-osseuses (LIO) sont une des conséquences fréquentes de la maladie parodontale. Elles présentent un risque élevé de progression lorsqu’elles ne sont pas traitées et peuvent aboutir à la perte de la dent (1). Après la thérapeutique étiologique parodontale (séances rapprochées de détartrage et surfaçage radiculaire avec ou sans antibiothérapie (2), réévaluation à 6/8 semaines), la présence de lésions intra-osseuses associée à la persistance de poches parodontales profondes supérieures à 6mm (3) peut nécessiter un traitement chirurgical. Cependant, des récessions parodontales inesthétiques sont souvent combinées aux lésions intra-osseuses et s’aggravent après traitement chirurgical des LIO, selon le tracé du lambeau choisi (4). Récemment, la tendance en médecine consiste à minimiser le traumatisme chirurgical et les suites opératoires. La meilleure connaissance des facteurs de cicatrisation parodontale permet depuis quelques années de présenter des protocoles de chirurgie mini-invasive dans la régénération osseuse parodontale. Le lambeau n’est décollé que d’un côté (vestibulaire ou lingual/palatin) et l’intervention est centrée sur 2 à 3 dents (5). Les papilles sont préservées, ce qui permet de limiter les rétractions gingivales post-opératoires :

  - si largeur de l’espace interdentaire est supérieure ou égale à 2 mm, la papille est préservée dans sa globalité (MPPT : modified papilla preservation technique) (6), l’incision proximale est déportée en palatin/lingual.

  - s’il est inférieur à 2 mm, il est impossible de conserver l’intégralité de la papille. On rentre alors dans la papille pour obtenir la plus grande épaisseur tissulaire possible. C’est la technique du lambeau de préservation papillaire modifié (SPPF : simplified papilla preservation flap) (7).Les bénéfices cliniques obtenus sont stables dans le temps et les résultats esthétiques sont améliorés par rapport à l’abord chirurgical traditionnel, plus traumatisant et plus étendu sur un grand nombre de dents. Cependant, même avec la chirurgie mini-invasive, une étude rétrospective montre que le traitement chirurgical des déhiscences osseuses vestibulaires profondes peut aboutir à des récessions parodontales inesthétiques post-opératoires (8). Une augmentation de la récession est prédictible dès que la perte osseuse verticale est >2mm en vestibulaire et associée à une profondeur de poche proximale de 6mm. Les auteurs recommandent donc d’adjoindre un greffon conjonctif au comblement osseux de la LIO pour limiter la rétraction post-opératoire.

 

Analyse d’article

 

« Effet d’un greffon conjonctif combiné à la « Single Flap Approach» dans la régénération des lésions intra-osseuses »9 Trombelli L, Simonelli A, Minenna L, Rasperini G and Farina R, J Periodontol. 2017, 88:348-56.

 Cet article compare le traitement d’une lésion intra-osseuse par un lambeau unilatéral seul d’étendue limitée (Single Flap Approach (SFA)) (15 patients) ou associé à un greffon conjonctif (15 patients).

 

Description du protocole chirurgical utilisé

Après thérapeutique étiologique, les lésions intra-osseuses qui présentent une profondeur de poche >5mm sont comblées par xénogreffe et Emdogain ®.

Un greffon conjonctif est ajouté pour la moitié des patients traités. Le greffon est 2mm plus large que la LIO. Sa hauteur est de 4 à 5mm et il a une épaisseur de 1mm. Lors des sutures, le greffon est entièrement recouvert par le lambeau ou laissé exposé dans sa partie la plus coronaire.

Dans cet article, Trombelli et al utilisent le protocole de Single Flap Approach. Celui-ci a été défini en 200910. Les incisions intrasulculaires ne sont réalisées qu’en vestibulaire en suivant le rebord gingival marginal de la dent impliquée. Dans la zone interproximale, une incision horizontale est tracée selon le profil de l’os sous-jacent. La papille reste intacte. Plus la distance entre le sommet de la papille et le rebord osseux est importante, plus apicale sera l’incision horizontale. L’intérêt de ce protocole réside dans le décollement unilatéral du lambeau et dans la conservation de l’intégrité de la papille (Fig. 1) (11)

 

Résultats

Les résultats montrent un gain d’attache clinique et une réduction de profondeur de poche dans les deux groupes à 6 mois. Concernant la mesure de la rétraction post-opératoire, le groupe SFA seul montre plus d’1mm d’augmentation de la récession à 6 mois, tandis que le groupe SFA + greffon conjonctif ne montre pas d’augmentation de la récession.  Plus la LIO de départ est profonde (>5mm), plus cette différence entre les deux groupes est importante :

  SFA seul : 1,6 mm de rétraction gingivale vestibulaire à 6 mois

  SFA + greffon conjonctif : 0,3mm de rétraction gingivale vestibulaire à 6 mois.

Ainsi, malgré les limites de l’étude, notamment une absence de résultat au long terme, les auteurs concluent que l’adjonction d’un greffon conjonctif au traitement d’une lésion intra-osseuse permet d’améliorer les résultats en limitant la rétraction gingivale vestibulaire inesthétique post-opératoire et en augmentant l’épaisseur gingivale.

 

Discussion

Un précédent article de Zucchelli et Santoro de 2016 (12) met également en avant le traitement d’une lésion intra-osseuse et d’une récession parodontale de classe IV de Miller (récession parodontale associée à une destruction sévère des septa) par comblement osseux associé à un conjonctif enfoui. Un lambeau tracté coronairement sans incision de décharge est réalisé, la lésion intra-osseuse est comblée et un greffon conjonctif est suturé à la face interne du lambeau.

Cet article rapporte deux cas cliniques. Il est intéressant concernant le développement du protocole chirurgical mais ne présente pas de valeur scientifique en raison de la taille trop réduite de l’échantillon étudié.

On remarque cependant que l’adjonction d’un greffon conjonctif au traitement d’un défaut osseux peut s’utiliser avec différents protocoles chirurgicaux, même s’il ne s’agit pas forcément de chirurgie mini invasive. Dans les classes III et IV de Miller, où le recouvrement radiculaire reste non prédictible, traiter dans le même temps chirurgical le défaut osseux et la récession parodontale en ajoutant un conjonctif à la face interne du lambeau, améliore les résultats en termes de recouvrement obtenu et de stabilité au long terme grâce à l’obtention d’un morphotype parodontal plus épais.

 

Rapport de cas

 

Une patiente âgée de 30 ans, en bonne santé générale,est adressée par son orthodontiste. En effet, elle une résorption pathologique

sur la 12. (Fig. 2). L’anamnèse révèle qu’aucun traitement de parodontie n’a étéentrepris avant le traitement orthodontique. Il est donc immédiatement demandé d’interrompre l’exercice des forces orthodontiques sur ce parodonte inflammatoire et de positionner un arc neutre qui servira de contention lors de la phase chirurgicale. La thérapeutique étiologique est réalisée en 5 séances rapprochées de détartrage/surfaçage radiculaire sur l’ensemble de la cavité buccale à l’aide d’ultra-sons et de curettes de Gracey.

La réévaluation a lieu deux mois plus tard et confirme la présence d’une déhiscence importante au niveau de 12, associée à un morphotype parodontal très fin sur 13. Le cone Beam révèle une destruction osseuse de la quasi totalité de la paroi vestibulaire de 12. (Fig. 2 b,c,d). L’indication d’extraction de la 12 est posée. Il est donc choisi de sectionner la racine de 12 et de traiter le déficit osseux par régénération osseuse guidée (xénogreffe et membrane résorbable) dans le même temps chirurgical. 12 n’ayant aucun contact à l’occlusion, la couronne de 12 est solidarisée à 11 et 13 à l’aide d’une attelle fibrée collée palatine provisoire. Une solution implantaire de remplacement de 12 pourra être envisagée au long terme, au moins 6 mois après la reconstruction osteomuqueuse. En raison de l’ampleur de la destruction présente, tout traitement chirurgical de la déhiscence de 12 peut engendrer une récession parodontale sur 13, qui serait très inesthétique. De plus, la racine de 13 est vestibuloversée et présente déjà une récession parodontale ainsi qu’une perte osseuse proximale. C’est une classe III de Miller et le recouvrement radiculaire complet n’est pas du tout prédictible en raison de l’atteinte des septa.

L’objectif est de traiter la perte osseuse sur 12 et de renforcer le parodonte sur 13 dans le même temps chirurgical.

Le tracé du lambeau s’étend sur 4 dents, de 11 à 14, pour une meilleure laxité et un accès suffisant au défaut osseux. L’épaisseur tissulaire est préservée dans la totalité de l’espace interdentaire (technique Simplified Papilla Preservation Technique SPPT (7)) pour permettre une meilleure vascularisation. La racine de 12 est sectionnée, la lésion est comblée à l’aide d’un biomatériau de type xénogreffe. Le greffon conjonctif est prélevé au palais et positionné sur 12 et 13. Le lambeau est tracté coronairement 2 mm au-delà de la jonction amélo-cémentaire pour recouvrir le greffon dans sa totalité (Fig. 3)

A 3 mois, le résultat montre un recouvrement radiculaire complet au niveau de 13, ce qui est un très bon résultat en raison de la non-prédictibilité de recouvrement des classes III et IV de Miller. Le morphotype parodontal est épaissi et le profil vestibulaire reste convexe malgré l’étendue de la destruction osteomuqueuse pré-opératoire (Fig. 4).

A 3 ans, le résultat est stable : le recouvrement radiculaire de 13 est complet et le morphotype parodontal épaissi. La patiente a repris un traitement d’orthodontie pour corriger la vestibulo-position de 13. Sur le plan osseux, le volume osseux permet d’envisager la pose d’un implant. (Fig. 5).

 Conclusion

 

Face à une récession parodontale unitaire en présence d’une lésion intra-osseuse isolée, il est recommandé de traiter le problème osseux et le problème muqueux dans le même temps chirurgical.

Le traitement des lésions intra-osseuses sévères dans les zones esthétiques impliquent d’une part l’amélioration des paramètres cliniques et d’autre part, la préservation de l’esthétique sur l’ensemble du secteur. Les rétractions gingivales post-opératoires doivent être évitées.

Les conclusions suivantes ressortent de la littérature :

- privilégier un abord mini-invasif unilatéral et d’étendue limitée quand le nombre de lésions intra-osseuses dans le secteur et l’anatomie du défaut osseux le permettent afin de minimiser le traumatisme chirurgical ;

- le comblement de la lésion intra-osseuse et l’épaississement du morphotype parodontal peuvent être gérés dans le même temps chirurgical ;

- adjoindre un conjonctif enfoui au lambeau permet d’améliorer la stabilité des résultats au long terme et de traiter la récession parodontale associée ;

- d’autres études sont nécessaires pour un recul clinique plus important.

 

Bibliographie :

1) Mombelli A, Almaghlouth A, Cionca N, Cancela J, Courvoisier DS, Giannopoulou C, Microbiologic Response to Periodontal Therapy

and Multivariable Prediction of Clinical Outcome, J Periodontol. 2017 ; 88:1253-62.

2) Pretzl B, Sälzer S, Ehmke B, et al.Administration of systemic antibiotics during non-surgical periodontal therapy-a consensus report, Clin Oral Investig. 2018 Oct [Epub ahead of print]

3) Nibali L, Pometti D, Tu YK, Donos N. Clinical and radiographic outcomes following non-surgical therapy of periodontal infrabony defects: a retrospective study. J Clin Periodontol 2011 ; 38:50-57.

4) Graziani F, Gennai S, Cei S, et al. Clinical performance of access flap surgery in the treatment of the intrabony defect. A systematic review and meta-analysis of randomized clinical trials. J Clin Periodontol 2012 ; 39: 145-56.

5) Trombelli L, Simonelli A, Minenna L, Vecchiatini R, Farina R, Simplified procedures to treat periodontal intraosseous defects in esthetic areas. Periodontology 2000 ; 2018, 77:93-110

6) Cortellini P, Pini Prato G, Tonetti MS. The modified papilla preservation technique. A new surgical approach for interproximal regenerative procedures. J Periodontol 1995;66:261-266.

7) Cortellini P, Pini Prato G, Tonetti MS. The simplified papilla preservation flap. A novel surgical approach for the management of soft tissues in regenerative procedures. Int J Periodontics Restorative Dent 1999;19:589-599.

8) Farina R, Simonelli A, Minenna L, et al. Change in the gingival margin profile after the single flap approach in periodontal intraosseous defects. J Periodontol 2015 ; 86:1038-1046.

9) Trombelli L, Simonelli A, Minenna L, Rasperini G, Farina R. Effect of a Connective Tissue Graft in Combination With a Single Flap Approach in the Regenerative Treatment of Intraosseous Defects. J Periodontol 2017 ; 88 :348-56.

10) Trombelli L, Farina R, Franceschetti G, Calura G. Single-flap approach with buccal access in periodontal reconstructive procedures. J Periodontol 2009 ; 80:353-60.

11) Kruk H, Chevalier G, Cherkaoui S, Bensaïd X, Danan M, Nouvelle stratégie thérapeutique : la chirurgie mini-invasive dans la régénération parodontale, JPIO 2015 ; 35:107-24.

12) Santoro G, Zucchelli G, Gherlone E. Combined Regenerative and Mucogingival Treatment of Deep Intrabony Defects Associated with Buccal Gingival Recession: Two Case Reports. Int J Periodontics Restorative Dent 2016 ; 36 :849-57.

 

 

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