Restaurations Esthétiques des dents postérieures: Approche Moderne

Adrien Lavenant

Dossier spécial : Dentisterie esthétique au quotidien

AONews #13 - Octobre 2017


 Introduction aux principes de Biomimétisme

 

La Biomimétique implique la reproduction ou la copie d'un modèle ou d'une référence. En ce qui concerne notre discipline la référence indiscutable est la dent naturelle intacte.

 

Solidité et rigidité ne sont pas toujours synonymes de qualité dans la reconstitution des dents, il suffit pour s’en convaincre d’observer le nombre de fêlures et fractures que l’on observe lors de la dépose d’anciens amalgames (Fig. 1,2).

La souplesse est une qualité essentielle qui permet à une structure d'absorber l'énergie d'une force. La dentine est l'élément clé, mais elle a besoin d'être recouvert de sa coquille d'email pour que la dent absorbe l'énergie d'un choc. La dent naturelle est un équilibre entre rigidité, solidité et résilience.


Propriétés mécaniques des dents et des biomatériaux dentaires

 

Caractérisation des propriétés mécaniques

 

Nous allons donc nous intéresser à deux propriétés mécaniques qui correspondent à cette constatation: le module d’élasticité (module d’young en Gpa) et la dureté (en Mpa).

La Société Francophone des Biomatériaux Dentaires est une référence indiscutable qui nous permet d’obtenir les valeurs correspondantes. Il existe des variations selon les études et les auteurs donc le tableau suivant rapporte des valeurs moyennes en ne présentant que les matériaux les plus proches de la dent naturelle sur ces deux critères.

Il est clair que pour des restaurations de délabrement important (type Overlay) la céramique au disilicate de lithium (version pressée) sera le matériau de choix et que dans le cadre de restaurations de faible volume le composite sera un bon compromis.

 

Module d’Elasticité

Dureté

Email

84

340

Dentine

18

60

Composite

12

60

céramique au disilicate de lithium  (préssée)

92

400

 

 Corrélation aux préparations et aux restaurations

 

Essayer de reproduire la nature sans en comprendre le fonctionnement ou sans l’observer est illusoire.

 

Email et Dentine ont une disposition reproductible à l’intérieur de la dent (Fig. 4) qui n’est pas toujours connue des praticiens.

La dentine est concave au niveau de la face occlusale d’une molaire, souvent très saturée (ce qui augmente avec l’âge).

L’email qui recouvre cette dentine sur la face occlusale est en quantité plus importante que sur la périphérie de la dent et il diminue avec l’âge.

 

Les conséquences sont nombreuses et pour tenter de reconstituer une dent lors de la réalisation d’une restauration par résine composite il faut donc respecter ces deux volumes et posséder un système de composite qui se rapproche de ces notions.

Même chose lorsque le recouvrement est nécessaire (Fig. 3 et 4), la reconstitution et la protection de la dentine doit être assuré par le composite qui est le matériau qui correspond le mieux. La préparation de la dent doit être homothétique pour préserver la dentine et permettre de « remplacer » l’email par une pièce prothétique en céramique.

C’est avec ces idées en tête que la Biomimétique prend tout son sens dans notre métier, il faut donc essayer de se rapprocher le plus possible de ces principes pour réussir à copier la dent naturelle intacte.

 

Les restaurations postérieures

 

Nous avons obtenu des informations sur l’email et la dentine qui vont nous guider pour reconstruire la dent délabrée.

Le but n’est pas de discuter de l’indication mais de la méthode de restauration pour pouvoir obtenir un résultat dont l’intégration esthétique et fonctionnel est reproductible.


Cas cliniques d’une restauration en technique directe par résine composite

Cas clinique 1 : la dent cariée

Une jeune patiente (15 ans) se présente au cabinet avec une carie sur la face occlusale de la 26 (Fig.1). On réalise le débridement de la lésion carieuse (Fig. 2) puis le nettoyage de la cavité à l’aide chlorhexidine (agent antibactérien et bactériostatique) (Fig. 3). L’utilisation d’un système adhésif est alors nécessaire et mis en place dans la cavité. Le composite Dentine est appliqué de manière à obtenir un apport concave avec une masse de saturation moyenne (patiente jeune) pour respecter l’anatomie de la dent et créer le mimétisme.

 

Le composite Email (Fig. 4 et 5) va recouvrir la couche précédente et les différents apports successifs vont être réalisés par modelage au pinceau pour obtenir une anatomie occlusale qui s’intègre parfaitement aux structures résiduelles de la dent. Les sillons ainsi recréés par affrontement des apports de composites vont être maquillés (Fig. 6 et 7) pour améliorer l’intégration de la restauration, et pour permettre de faciliter le contrôle de l’usure du composite en amplifiant l’effet de profondeur.

 

La polymérisation finale est effectuée sous gel de glycérine pour permettre la polymérisation de la dernière couche de composite en anaérobie. Le résultat immédiat après dépose de la digue doit toujours paraitre plus foncé que la dent (qui est déshydratée suite à une séance sous digue!!!). Le réglage de l’occlusion est minime car la restauration a été faite en fonction des structures résiduelles. Le résultat à 15 jours montre cette fois ci une parfaite intégration esthétique de la restauration (Fig. 8). Le résultat toujours excellent à 1 an post-op lors du contrôle de la patiente pendant son traitement orthodontique (Fig. 9).


Cas clinique 2 : anciennes restaurations défaillantes

Une patiente adulte (60 ans) se présente au cabinet avec des restaurations défectueuses sur 26-27 (Fig. 1). Le composite sur la 26 est infiltré et une carie du sillon en distal est présente, l’amalgame de la 27 est également infiltré et une carie du sillon distal est présente. Les deux restaurations sont déposées et les lésions carieuses sont débridées (Fig. 2).

Les colorations liées à l’amalgame sur les 26-27 sont souvent source d’erreurs dans le résultat final de la restauration, mais ce sont des tissus durs qu’il ne faut pas retirer pour préserver au maximum les structures saines de la dent. Il convient donc de les masquer à l’aide d’une masse opaque (Fig. 3). Ensuite seulement le composite dentine (ici une masse très saturée ce qui correspond aux cas de reconstruction chez l’adulte) peut être appliqué de manière à obtenir la concavité recherchée. Puis le composite email est mis en place toujours selon le principe des apports qui vont venir s’affronter pour reconstruire les cuspides et créer les sillons simplement par affrontement (Fig. 4).

Les sillons sont ensuite maquillés (Fig. 5 et 6) pour améliorer l’intégration. Le résultat immédiat semble plus sombre que la dent ce qui est de bon augure à cause de la déshydratation liée à la digue (Fig. 7). L’intégration parfaite (Fig. 8) à 3 mois post-op lors d’un rendez-vous de contrôle de la patiente confirme la qualité et la réussite esthétique et fonctionnelle du traitement.


Cas clinique 3 : d’une restauration en technique indirecte par Vitrocéramique au disilicate de lithium (pressée)

Une patiente adulte (29 ans) se présente au cabinet avec une douleur sur la 25 (Fig. 1). L’examen radiographique (Fig. 2) nous permet de confirmer un manque d’étanchéité sous la résine composite de la 25 lié à une infiltration et une usure précoce des marges de la restauration (Fig.3).

 

Les points d’occlusion sont marqués avant toute chose (Fig. 4) pour servir de guide au choix du type de préparation (recouvrement ou non, limites sous les points de contacts…) (Fig. 5 et 6).

 

Une bande de matrice est positionnée en mésial (Fig. 7 et 8) et va être emportée dans l’empreinte pour que le prothésiste puisse détourer l’empreinte sans risquer de toucher à la limite ou à la dent adjacente. En effet la limite en mésial vient recouvrir la crête marginale mais en préservant le point de contact. Il faut donc utiliser une petite astuce lors de l’installation du champ opératoire: un coin en plastique (Fig. 9) pour pouvoir mettre en place les teflons et le fil nécessaire au retrait des excès de colle lors de l’assemblage de la pièce en céramique (Fig. 10). Le rendu immédiat après dépose de la digue semble un peu plus sombre ce qui est normal vu que le reste de la dent est déshydratée (Fig. 11). Le contrôle à 1 an post-op permet de constater l’excellence du résultat esthétique et fonctionnel (Fig. 12). La radiographie de contrôle après le collage confirme l’intégration parfaite de la restauration (Fig. 13).

Conclusion

 

Les matériaux modernes de restauration des dents vivantes permettent de reproduire les différentes structures qui constituent la dent naturelle intacte, il suffit pour cela d’observer comment est constituée la dent du patient que l’on cherche à restaurer. Cette composition change au cours de la vie du patient et nous oblige à penser différemment nos reconstitutions, qu’elles soient réalisées en technique directe ou indirecte. Avoir des méthodes qui permettent d’essayer de copier la nature c’est ça la Biomimétique !

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