Mastermatch : implantation immédiate versus implantation différée

Nicolas Picard, David Nisand

Responsable scientifique : Jacques Malet (séance du 24 novembre 2021)

Dossier ADF séances choisies AO News #49 - Avril 2022

 


Compte-rendu de Yoram ZAOUCH et Jordan DRAY

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6 Implantation immédiate vs implantation
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La conférence n’a concerné uniquement que le remplacement de dents dans le secteur antérieur.

Lorsqu’une dent est non conservable et que le praticien a choisi d’opter pour une solution implantaire, il existe 3 possibilités :

- implantation immédiate : le jour de l’extraction, on réalise la pose de l’implant ;

- implantation précoce : la pose de l’implant a lieu 6-8 semaines après l’extraction ;

- implantation différée : la pose de l’implant a lieu à 3 à 6 mois post-extractionnelle si une reconstruction osseuse a été réalisée.

 

Les conférenciers se sont intéressés uniquement à l’implantation immédiate et précoce.

En introduction, il est essentiel de rappeler certains concepts biologiques et histologiques de la cicatrisation post-extractionnelle naturelle.

Suite à l’extraction dentaire, on observe des modifications tissulaires inévitables avec un remodelage osseux non maitrisé.

- Schropp et al. (1) réalisent en 2003 des extractions atraumatiques et montrent que les 2/3 du volume osseux sont perdus dans les 3 premiers mois suivant l’extraction.

- En 2005, Araujo et al. (2), expliquent ce phénomène en montrant qu’il y a une différence de résorption entre la corticale vestibulaire et la corticale palatine. La première est composée d’os fibrillaire en majorité où s’insèrent les fibres de Sharpey, et la seconde est composée d’os corticale. C’est l’os fibrillaire (donc la corticale vestibulaire) qui se résorbe le plus rapidement, dès la première semaine pour disparaitre complétement à 3 mois post extraction.

- En 2013, Chappuis et al. (3), ont étudié l’impact du biotype parodontal sur la résorption osseuse et ils concluent que les biotypes fins (< 1mm) présentent une résorption osseuse plus importante comparé aux biotypes épais (> 1mm) (7,5 mm versus 1,1 mm de perte osseuse verticale). Ils vont plus loin en analysant au scanner l’épaisseur des tissus mous avant, et 8 semaines après extraction (avec un intervalle de 2 semaines). Il en résulte qu’il y a un épaississement des tissus mous sur des biotypes fins (de 0,7 à 5,3 mm) et aucune différence sur les biotypes épais.

La question s’est alors posée de savoir si une extraction atraumatique (sans altération de la corticale vestibulaire) permettrait d’éviter toute résorption ?

- Chen et al. (4), en 2017 évaluent chez 34 patients le volume osseux et la position de la crête marginale au moment de l’extraction et 8,5 semaines plus tard. Ils observent que 73,5% des patients présentent un défaut osseux de type déhiscence avec une perte osseuse verticale marquée même si la corticale était initialement intact suite à l’extraction.

La littérature scientifique s’est également intéressée à la nécessité de mettre en place un biomatériau de comblement osseux dans une alvéole post-extractionnelle pour limiter la résorption osseuse.

- En 2015, Araujo et al. (5) concluent que dans tous les cas il y a une perte osseuse vestibulaire mais qu’on perdait moins de volume crestale par rapport à une cicatrisation crestale seule.

Lorsqu’on réalise une implantation immédiate, le risque majeur est l’apparition de récessions implantaire au cours des années. Il est donc nécessaire d’anticiper sur les conséquences de la cicatrisation tissulaire (osseuse et muqueuse), et de les prendre en compte lors de notre choix thérapeutique. La finalité étant de se retrouver dans des conditions optimales pour poser l’implant et obtenir un résultat stable dans le temps.

Ainsi, en 2014, un consensus a permis d’établir des recommandations lors de la réalisation d’extraction / implantation immédiate dans les secteurs esthétiques selon Chen et Buser (6):

- morphotype osseux et gingival épais,

- une corticale vestibulaire intacte,

- pas d’infection,

- positionnement idéal de l’implant (émergence en regard du cingulum),

- mise en esthétique non fonctionnelle, pour stabiliser les tissus mous.

 

Dans les cas où ces critères ne sont pas remplis, il est préférable de différer la pose d’implant. Une implantation précoce pourra être réalisée et il faudra attendre 6 semaines avant de réintervenir sur le site d’extraction.

 

Il y a plusieurs avantages à s’orienter vers une implantation précoce :

- pas de problème infectieux,

- on s’affranchit de la résorption tissulaire,

- on est au pic ostéoblastique très favorable à la régénération osseuse guidée,

- on est en présence d’un défaut à 3 parois.

De plus, certains paramètres sont à respecter que l’on choisisse une implantation immédiate ou précoce : La préservation papillaire, préservation de la corticale vestibulaire intacte et la réalisation d’une prothèse provisoire bien adaptée guidant la cicatrisation des tissus mous.

Le forage implantaire est complexe dans les 2 situations, il est donc recommandé de s’aider de guide chirurgical.

En résumé, les difficultés que l’on peut rencontrer :

 

 

Il faudra prévenir le patient qu’en per-opératoire on peut changer de protocole si on estime que nous ne sommes pas dans les conditions optimales pour poser immédiatement l’implant (prévoir de réaliser une solution provisoire fixe ou amovible). Pour nous aider sur le choix de la technique, les conférenciers ont proposé un arbre décisionnel :

 

Bibliographie :

  1. Schropp L, Wenzel A, Kostopoulos L, Karring T. Bone healing and soft tissue contour changes following single-tooth extraction: a clinical and radiographic 12-month prospective study. Int J Periodontics Restorative Dent. 2003 Aug;23(4):313-23.
  2. Araújo MG, Lindhe J. Dimensional ridge alterations following tooth extraction. An experimental study in the dog. J Clin Periodontol. 2005 Feb;32(2):212-8.
  3. Chappuis V, Engel O, Reyes M, Shahim K, Nolte LP, Buser D. Ridge alterations post-extraction in the esthetic zone: a 3D analysis with CBCT. J Dent Res. 2013 Dec;92(12 Suppl):195S-201S.
  4. Chen ST, Darby I. The relationship between facial bone wall defects and dimensional alterations of the ridge following flapless tooth extraction in the anterior maxilla. Clin Oral Implants Res. 2017 Aug;28(8):931-937.
  5. Araújo MG, da Silva JCC, de Mendonça AF, Lindhe J. Ridge alterations following grafting of fresh extraction sockets in man. A randomized clinical trial. Clin Oral Implants Res. 2015 Apr;26(4):407-412.
  6. Chen ST, Buser D. Esthetic outcomes following immediate and early implant placement in the anterior maxilla--a systematic review. Int J Oral Maxillofac Implants. 2014;29 Suppl:186-215
  7. Buser D, Bornstein MM, Weber HP, Grütter L, Schmid B, Belser UC. Early implant placement with simultaneous guided bone regeneration following single-tooth extraction in the esthetic zone: a cross-sectional, retrospective study in 45 subjects with a 2- to 4-year follow-up. J Periodontol. 2008 Sep;79(9):1773-81.