Palais étroits, les choix thérapeutiques



 

Introduction

 

L’endognathie maxillaire génère des troubles de l'occlusion dans le sens vestibulo-lingual au niveau des secteurs latéraux. L’occlusion est inversée. La malocclusion peut être symétrique ou asymétrique, alvéolaire ou basale. L’occlusion inversée latérale est à l’origine d’anomalies cinétiques mandibulaires comme une latérodéviation qui peut ensuite se fixer en latérognathie.

Ces anomalies transversales au maxillaire sont fréquentes (2 à 10% des patients). Elles sont souvent associées à des troubles sagittaux et verticaux.

 

Rappel de croissance maxillaire

 

Dans le sens sagittal, le maxillaire effectue sa croissance primaire sous l’effet de la base du crâne antérieure, de la capsule nasale et des actions musculaires agissant sur le massif facial supérieur. La croissance transversale est essentiellement due à̀ l’activité́ de la suture palatine médiane et à l’activité́ périostée en relation avec les muscles de la face. Au début, la croissance transversale suit l’augmentation transversale de la base du crâne. Le relais est ensuite pris par les facteurs fonctionnels qui deviennent prépondérants. La croissance transversale est sous l’effet de l’expansion des fosses nasales et des sinus. Le flux aérien est une matrice de développement. Interviennent aussi, les pressions linguales et jugales qui s’exercent sur les dents lors de la mastication. Le maxillaire supérieur est un os pyramidal qui entraine une inclinaison vestibulaire des molaires maxillaires et linguale des molaires mandibulaires. Ceci est visualisé par la courbe transversale de Wilson. (Fig. 1) La dynamique mandibulaire s’exerce selon cette courbe.

La suture intermaxillaire est active jusqu’à la fin de la puberté. Un traitement orthopédique permet d’intervenir sur cette suture par des mécaniques d’expansion jusqu’à environ 14 ans chez les filles et 16 ans pour les garçons. Pour Melsen (1) ces âges limites sont augmentés de 2 années. L’action des différents appareils dépend de l’état de la suture et de sa réponse.

 

Chez le jeune enfant, des forces faibles peuvent avoir une action orthopédique. Ainsi, pour De Coster (2), des appareils comme le quad’hélix, le ressort de Coffin ou les plaques palatines à vérin induisent une expansion lente orthopédique en stimulant la suture pendant sa phase juvénile (entre 6 et 10 ans) mais aussi une vestibuloversion des dents d’appui. Lorsque la suture est moins active, les effets dento-alvéolaires augmentent et l’action orthopédique de ces appareils est réduite.

 

Chez l’enfant en denture mixte ou chez l’adolescent, pour activer l’expansion de cette suture, on utilise généralement des forces plus importantes. C’est la disjonction inter-maxillaire. (Le quad’helix chez ces patients garde tout de même ses indications.)

 

Chez l’adulte, lorsque la suture est ossifiée, les risques de lésions des remparts alvéolaires latéraux augmentent en cas d’expansion forcée. En fin de croissance, après synostose de cette suture, la disjonction doit être assistée chirurgicalement.

 

Diagnostic

 

Examen clinique du patient en denture mixte, âgé de 8 à 10 ans 

  •      Forme clinique pure.
  • Le patient peut présenter un déficit de croissance staturale, un thorax insuffisamment développé et une posture voûtée. On décrit classiquement un type adénoïdien, le patient est en classe II.

Examen clinique du visage 

  • Visage étroit
  • Orifices narinaires étroits
  • Inocclusion labiale en cas d’hyperdivergence faciale
  • Rétromandibulie
  • Latéroposition mandibulaire

Examen clinique intra-oral, 3 options 

  • Bout à bout transversal bilatéral en ICM
  • Occlusion inversée bilatérale
  • Occlusion inversée unilatérale

On note dans ces deux derniers cas une anomalie du chemin de fermeture et une latérodéviation mandibulaire.

Anomalie sagittale associées : la classe II squelettique et dentaire. L’insuffisance transversale maxillaire crée des verrous occlusaux qui freinent la croissance mandibulaire sagittale et provoquent l’aggravation de la classe II.

 

Examen radiologique

 

Téléradiographie de profil : le sujet hyperdivergent présente un angle de la base du crâne souvent supérieur à la normale qui est 120°, la mandibule est de ce fait, positionnée plus postérieurement et ceci contribue aussi à créer une rétrognathie mandibulaire en plus de sa croissance sagittale qui est insuffisante. Il faut aussi noter que l’endognathie maxillaire verrouille transversalement la mandibule qui est bloquée postérieurement et limitée dans sa croissance sagittale (Fig. 2).

Les dysfonctions oro-faciales, une langue basse ou une interposition linguale en fonction accentuent l’endoalvéolie et la rétromandibulie.

La téléradiographie de face (analyse frontale de Ricketts) : cette radiographie de face permet le diagnostic différentiel de l’endognathie maxillaire et de l’endoalvéolie qui sont traitées différemment.

- Les points de l’analyse de face (Fig. 3) Vion (3) Ricketts (4):

Sans entrer dans le détail de cette analyse, le rapport maxillo-mandibulaire, la largeur maxillaire, comparée à la largeur mandibulaire aident au diagnostic précis de l’endognathie.

- Les plans de l’analyse (Fig. 4)


 

Etiologie

 

Aspect génétique

 

L'origine ces dysmorphoses est fréquemment congénitale ou génétique dans ce cas, les enfants naissent avec l'anomalie déjà établie. L’anomalie de la base du crâne est un préambule à l’apparition des anomalies sagittales et transversales.

 

Origine fonctionnelle

 

Les anomalies transversales favorisent le développement des malocclusions en perturbant la croissance normale maxillo-mandibulaire ainsi que la forme des arcades dentaires et de la dynamique mandibulaire. La latérodéviation consécutive à une endognathie maxillaire induit des sollicitations asymétriques des ATM induisant une croissance mandibulaire asymétrique, et, dans certains cas, une luxation discale.

 

Analyse des fonctions perturbées

 

- Ventilation : la respiration est buccale, l’enfant ronfle, les végétations adénoÏdes sont hypertrophiques, les amygdales aussi. C’et le syndrome adénoïdien décrit par Gudin (5). L’ablation des végétations et des amygdales est parfois prescrite par le médecin ORL.

Ce patient, la plupart du temps, développe de façon concomitante des anomalies associées comme un déficit de croissance mandibulaire entraînant une rétrognathie mandibulaire perturbant l’équilibre du profil facial. La mandibule est retenue en arrière par un maxillaire trop étroit qui réduit sa croissance sagittale.

 

L’expansion maxillaire contribue à̀ l’amélioration de la ventilation nasale et, par suite, à la réorientation de la croissance mandibulaire dans une direction plus favorable pour la correction des classes II.

  • Latérodéviation mandibulaire : l’endognathie maxillaire développe une anomalie du chemin de fermeture, c’est le syndrome de Cauhépé (8) et Fieux. On note aussi la coexistence systématique du mode de déglutition atypique avec l’interposition latérale de la langue et l'endoalvéolie maxillaire. Cette latérodéviation mandibulaire sans traitement, se fixera en latérognathie.
  • Langue basse, à l’intérieur de l’arcade mandibulaire au lieu d’être à l’intérieur de la voute palatine en position de repos. Cette position linguale entraînera un excès de développement transversal de la mandibule alors que le maxillaire présente une endognathie. Ceci aggrave l’occlusion croisée latérale
  • Déviation de la cloison nasale. Orifices narinaires étroits.
  • Occlusion croisée en ICM peut être uni ou bilatérale.
  • Inocclusion labiale en position de repos, avec version vestibulaire des incisives maxillaires dont la position n’est pas stabilisée par le contact bilabial.
  • Anomalies de phonation, la prononciation est perturbée par une interposition linguale en fonction.
  • - Déglutition : la déglutition est un phénomène complexe car elle met en jeu les muscles faciaux, de la cavité́ buccale, du pharynx, du larynx et de l’œsophage.

La déglutition physiologique mature se fait : lèvres jointes mais non contractées, arcades serrées, molaires en occlusion ; la langue est contenue à l'intérieur des arcades, la pointe de la langue en appui palatin antérieur et sa base au contact du voile

En cas d’endognathie maxillaire, le patient présente une déglutition atypique dite infantile avec interposition linguale inter-arcades pendant la déglutition.

 

Les déglutitions atypiques :

  • déglutition antérieure stricte : interposition linguale au niveau antérieur, crée une béance mais aussi une endoalvéolie en dièdre (arcades en « v ») ;
  • déglutition latérale (uni ou bilatérale) : interposition linguale latérale entraîne une béance prémolo-molaire, une endoalvéolie et endomaxillie ;
  • déglutition antéro-latérale : l’interposition linguale totale entraîne une endoalvéolie et une endomaxillie.
  • Les mauvaises habitudes par interposition linguale, onychophagie, succion de la langue, des lèvres, succion d’une tétine ou digitale, diurne et/ou nocturne à l’endormissement

Conclusion : le rôle étiopathogénique majeur des dysfonctions dans les insuffisances transversales maxillaires impose leur normalisation précoce.

 

Le traitement de l’enfant

 

Le traitement précoce peut être commencé chez l’enfant en denture mixte mais aussi en denture temporaire (technique de Planas).

Le traitement précoce a un rôle préventif, son objectif est le rétablissement de relations occlusales transversales normales. Il permet d’éliminer les parafonctions et de normaliser l’occlusion et l’environnement squelettique, ceci empêchant l’apparition, l’amplification ou la complication d’une dysmorphose associée. Cette correction transversale précoce aide à la normalisation des fonctions : ventilation, déglutition, phonation, mastication. Elle réoriente la croissance mandibulaire dans une direction plus favorable pour la correction des classes II. Elle libère un espace nécessaire pour la correction de l’encombrement dentaire. L’établissement d’une occlusion équilibrée permet un développement facial harmonieux.

 

Les moyens thérapeutiques

 

Le plus ancien appareil : la plaque palatine à vérin transversal. (Fig. 5)

L’activation du vérin est effectuée une fois par semaine, chaque activation correspond à une expansion de 1/4mm. On peut adjoindre à cette plaque un arc vestibulaire en cas de proalvéolie ou des ressorts de repositionnement des incisives latérales. L’espace gagné dans le sens transversal peut faciliter ces deux actions.

Limites de la plaque palatine : ajustage parfois difficile ; port 24h/24 parfois non suivi ; perte de l’appareil ; gêne en cas de rééducation linguale par le volume de la plaque occupé dans la voûte palatine.

Mode d’action : expansion transversale au niveau des procès alvéolaires mais, peu efficace sur la suture inter-maxillaire, donc action orthopédique limitée.

 

Le Quad’helix, Deniaud (6)

Traitement de l’enfant en denture mixte et de l’adolescent. Description : Appareil fixe soudé ou adapté sur des fourreaux linguaux sur les deux bagues scellées sur les 1ères molaires supérieures. C’est un appareil peu encombrant et très efficace. Il permet aussi le maintien de l’ancrage molaire avec un multibague associé.

 

Voici ses effets :

  • dérotation et contrôle du torque molaire,
  • expansion et reformage de l’arcade,
  • déverrouillage transversal maxillaire,
  • repositionnement et décompensation mandibulaire,
  • optimisation de la ventilation nasale .

Le Quad’Helix aurait une action orthopédique si l’activation est maximale (5mm par côté) afin de minimiser les mouvements alvéolo-dentaires au profit des mouvements orthopédiques, pour dépasser les capacités d'adaptation élastique du parodonte et solliciter l’ouverture de la suture médio-palatine. Le Quad ‘hélix peut être activé antérieurement seulement Il permet dans ce cas de provoquer la dérotation molaire. Quand il est activé antérieurement et postérieurement l’expansion symétrique. Les 4 boucles augmentent la longueur de fil et permettent de réduire le taux charge/flexion pour induire des forces plus légères et un mouvement dentaire progressif. Le diamètre du fil est de .036“. Nous conseillons l’utilisation du Quad’helix qui est totalement fabriqué au laboratoire avec des bagues coulées sur les molaires.

Fig. 6 : Quad’helix, action transversale symétrique ou asymétrique postérieure et aussi au niveau incisivo-canin par l’action des bras latéraux du quad’helix.

 

Le disjoncteur

 

La disjonction intermaxillaire est rapide et produit une ouverture de la suture intermaxillaire. Il permet une distraction inter-maxillaire. Cet appareil prend appui sur 2 bagues chez le patient jeune, et sur 4 bagues lorsque les prémolaires ont fait leur éruption, des barres d'entraînement sont reliées au vérin palatin.

 

Disjonction rapide

 

Disjonction inter-maxillaire chez l’enfant en denture mixte ou chez l’adolescent (âge maximum 14 ans chez la fille et 16 ans chez le garçon, la suture intermaxillaire ne doit pas être synostosée).

On effectue généralement, deux activations par jour. Matin et soir, en 4 jours le gain est de 2mm, en 10 jours : 5mm transversalement.

Fig. 7 Avant disjonction

Fig.8 Après disjonction de 8 mm. On note l’ouverture d’un diastème inter-incisif qui est ensuite fermé orthodontiquement. Cette distraction permet d’ouvrir les espaces pour l’éruption des canines.

 

Disjonction lente en denture mixte

Le sujet est en denture mixte stable, activation lente ; résultat après activation mécanique progressive du vérin, une fois par semaine. Cela apporte un gain de 1 mm par mois.

On peut utiliser un disjoncteur classique ou un disjoncteur monté sur gouttières. Les gouttières permettent la désocclusion et facilitent le passage des 12 et 22 qui étaient en palatoclusion.

 

Disjonction inter-maxillaire chez l’adulte

La disjonction est chirurgicale (Fig 11)

Le disjoncteur est posé par l’orthodontiste et ensuite envoyé au chirurgien maxillo-facial. Ce dernier pratique :

  • une ostéotomie médiane inter-maxillaire (Fig. 12) ;
  • il effectue tous les traits d'une ostéotomie de type Le Fort I, à savoir : parois maxillaires, cloisons inter-sinuso-nasales, jonction septo- et voméro-maxillaire, disjonctions ptérygo-maxillaires. (Fig. 13). A préciser que le maxillaire n’est pas désolidarisé de sa base ;
  • le chirurgien teste en per-opératoire, l’effet de la disjonction en activant le vérin.
  • une semaine plus tard, retour chez l’orthodontiste qui explique au patient comment activer le vérin transversal de ¼ de tour matin et soir pendant 10 jours. Cela fait une expansion au total de 5mm, on peut poursuivre jusqu’à 8mm.
  • un diastème inter-incisif supérieures s’ouvre. (Fig. 14), cela est inesthétique. Si le patient est déjà appareillé en multiattache, l’orthodontiste peut commencer à fermer lentement ce diastème par l’utilisation des chaînettes élastomériques. Avec la fermeture du diastème l’idéalisation de la forme d’arcade est réalisée. Le disjoncteur est maintenu pendant 3 à 4 mois pour consolidation osseuse.

Rééducation des fonctions

 

Cette étape est indispensable en fin de traitement. La langue doit réapprendre à se positionner en fonction du nouvel environnement morphologique qui a été organisé.

Le patient est envoyé chez l’orthophoniste ou le physiothérapeute qui rééduquera toutes les praxies. Cette rééducation conditionne la stabilité du traitement.

 

Conclusion

 

La correction des anomalies transversale bien souvent associées à d’autres anomalies conditionne la réussite d’un traitement et sa stabilité. Bien entendu, en cas de classe II une thérapeutique appropriée doit aussi être mise en place.

Pour les orthodontistes, cette anomalie transversale est la première pathologie à corriger. Un traitement précoce prévient les pathologies squelettiques qui suivent sans traitement.

Ces traitements permettent aussi la normalisation de la forme des arcades dentaires qui retentit sur l’espace disponible, évite ainsi des extractions orthodontiques, sur l’esthétique du sourire, et la stabilité post-thérapeutique de la denture. (J.J. Aknin 9)

 

Bibliographie

1. Melsen b. Palatal growth studied on human autopsy material. A histologic microradiographic study. Am j orthod 1975 jul ; 68, 1 : 42-54.

2 de coster t. L’expansion précoce du maxillaire. Rev orthop dento faciale 1996 ; 30, 4 : 469-75.

3.Vion p. Sens transversal et téléradiographie. Rev orthop dento faciale 1995 ; 29, 2 : 191-229.

4. Ricketts rm. Application de la téléradigraphie de face. Rev orthop dento faciale 1995 ; 29, 2 : 153-72.

5.Gudin: "les déformations et les troubles de croissance maxillaires dans l'insuffisance nasale, le syndrome adénoïdien". Emc stomatol. 22476 c10, p. 1-6, 1971.

6. Deniaud j. Quad hélix : approche fondamentale et orthopédique. Rev orthop dento faciale 1995 ; 29, 2 : 241-9.

7. Boileau mj. Orthodontie de l’enfant et du jeune adulte traitement des dysmorphies et malocclusions

8. Cauhépe j. Étiologie des anomalies dento-maxillaires. Orthod fr 1959 : 221-

9. Aknin jj. : cours école supérieure d’orthodontie

 

 

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